Comment les administrations et les syndicats peuvent démobiliser une ville
Toulouse jusque là, a été une des villes où la mobilisation de ces derniers mois était la plus forte. Tous les points que résume Montpellier Poing Info, avaient été mis en place. Persévérance des militantes, blocage, synergie avec le personnel. Faisant face, en plus, à des ennemis locaux, le Président Lacroix et le projet de fusion, qui faisaient parfaitement échos aux enjeux nationaux de la lutte, le mouvement tenait bon.
Mais l’ambiance a beaucoup changé ces dernières semaines. Les forces se sont retirées de façon évidente. Quelles en sont les causes ? A la veille de l’AG post-rentrée, où une “surprise” se prépare, il est important de revenir sur les stratégies adoptées par les chefs syndicaux au sein de l’université et à l’extérieur, pour comprendre qui en bénéficie.
La négociation des examens et le refus de la note améliorable
Après que le ministère ait imposé un administrateur provisoire, on se préparait à une intervention policière immédiate, mais Laganier a choisi le ton opposé. Conciliant, respectueux de la volonté des AG, prêt à dialoguer. C’est dans ce cadre que l’UET a commencé à parlementer au sujet des examens, examens qui, dans toutes les autres facs mobilisées, sont un des principaux points de conflit, avec l’administration. Ce qu’on a observé ici, c’est qu’au lieu de refuser totalement les examens, en poussant jusqu’à la note améliorable, il s’agissait d’apaiser les esprits en négociant leur déroulement. Une solution qui satisfait l’exigence de la normalité recherchée par le gouvernement mais qui ridiculise l’ensemble de la mobilisation. Avec ce retournement de situation, les débloqueu.r.euse ont désormais raison de se marrer. On aurait fait tout ça pour qu’au final les examens soient repoussés à 3 semaines ?
Exemple concret : on a pu entendre en AG le mensonge concernant la possibilité d’une année blanche. Tout ça pour décourager la lutte pour la note améliorable, élément capable de relancer les revendications locales.
Le vote du blocage, du catalyseur au piège
Dans cette atmosphère de pacification progressive, le blocage continu a être voté en large majorité. Cette pratique radicale et qui fait preuve d’unité, se voit méticuleusement vider de sens depuis l’intérieur.
Les chefs syndicaux ont eu le temps d’en changer les mots d’ordre, AG après AG : plutôt que de bloquer contre la loi ORE et son monde, on a commencé à voter le blocage pour que “la volonté étudiante dans l’organisation des examens soit respectée”. Ou encore voter le blocage sans rappeler pourquoi il est mis en place. Au même temps la machine administrative du campus se remet en marche, pour en arriver aux assemblées de departements qui boucleront l’affaire. Un blocage dans un lieu qui ne produit pas directement de valeur, risque vite de devenir symbolique si tout conflit lui est soustrait. Il sera facile de l’attaquer quand le reste aura été défait.
Exemple concret : Laganier a reagi immédiatement à la nouvelle occupation ouverte sur le campus qui se décrivait explicitement pour l’hébergement des sans-papiers : équipe de sécurité, gazeuses et chiens. Les occupations restent tolérées seulement si elle se referment sur elles-mêmes.
Les occupations
Les occupations sont des endroits d’expérimentation d’autres modes d’organisation et de vie mais se nourrissent tout de même de la mobilisation générale. Si les militantes plus engagées oublient la nécessité d’ouvrir leurs rangs et ne recrutent plus, elles/ils seront victime très rapidement de répression. Le piège est similaire à celui du blocage : se satisfaire de ce qui a été obtenu jusque-là et ne pas reconnaître la nouvelle stratégie plus soft et insidieuse qui se met en place.
C’est dans ce cadre que les chefs de l’UET commencent déjà à proposer des déblocages qui garderaient intactes les deux occupations. Des foyers de radicalité de plus en plus isolés et dans l’impossibilité, du coup, de se projeter dans la ville.
Exemple concret : L’abandon des AG de la part des militants a favorisé les processus déjà examinés. Etant donné que la pratique même de la prise de parole devant une foule n’est souvent pas acceptée et que les occupations actuelles étaient déjà acquises.
Des rendez-vous divisés et la bureaucratie de l’action
Pour faire en sorte qu’il n’y ait pas de radicalisation collective et que la lutte ne soit pas relancée dans la très nommée convergence, il faut surtout que les moments conflictuels partagés (par les différents corps en lutte) ne se produisent pas. C’est le boulot de la police et qui se reproduit dans la planification de nos dernières actions. A plusieurs moments l’UET, qui répète désormais ce que l’UNEF fait nationalement, a poussé pour l’ajout d’un autre rendez-vous, avec des horaires, lieux ou date, différentes de celles qui existaient déjà ou qui étaient en cours de préparation. Ce sont bien souvent des rassemblements qui vont nulle part et qui frustrent les gens.
Que la motivation soit celle de légitimer son propre rôle, sa carrière, plutôt qu’une véritable synergie avec la police cela ne change rien au résultat : les éléments conflictuels semblent nous échapper, les ennemis sont toujours plus loin et invisibles.
Exemple concret : le Vendredi 20 avril, un rassemblement est appelé à 18h à la Daurade, en réponse aux deux morts en prison, aux procès déclenchés contre les quartiers etc. Au même moment l’UET a appelé au rassemblement en soutien à Tolbiac à 19h au Capitole. Les deux lieux sont à côté mais il n’y a pas eu de solidarité envers la nasse qui se produit immédiatement à la Daurade. De plus le rassemblement au Capitole est invisible, le mégaphone tourné vers l’intérieur était complètement inaudible par les gens autour. L’ordre explicite est lancé de ne « pas bouger d’ici ».
Voilà donc la réponse à la question que pose France Inter : pourquoi la police n’intervient pas au Mirail ? Parce que grâce au travail conjoint des chefs syndicaux et de l’administration, on est en train de se démobiliser tout seuls.
Un résultat qui peut porter préjudice aux futures mobilisations du Mirail pour des années.
A nous de le défaire.
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