Retour sur les comparutions immédiates suite à la journée de samedi 1er

Mardi 4 décembre. Six personnes sont passées en comparution immédiate après avoir été interpellées samedi en début de soirée. Elles avaient toutes dormi à Seysses la veille, leur garde à vue de 48h étant terminé depuis le lundi soir et ayant toutes été placées en détention sur décision du Juge des Libertés et de la Détention (JLD). Toutes les personnes interpellées ont acceptées la comparution immédiate.

Tou·te·s ou presque sont venu·e·s équipé·e·s de masques pour la bouche et les yeux, de gants et d’autres materiels de protection, ce qui déplait fortément aux magistrats (alors que ce n’est pas interdit). De manière systématique, le fait de se proteger des actions de la police (en venant équipé de masques ou de lunettes ou en relançant une grenade lacrymogène) est considéré comme incriminant et entraîne une condamnation pour « groupement en vue de commettre des violences, destructions ou dégradations ». Pour quiconque a manifesté ces derniers jours, c’est pourtant assez clair que c’est nécessaire. Continuons à venir équipé·e·s pour faire face aux armes de la police.

Lors de la journée, le procureur a parlé à plusieurs reprises du « contexte de guerilla urbaine à Toulouse ». Il a fait référence aux événements survenus le jour même (comme l’incendie au lycée de Blagnac) tout comme ce qui est entrain de se dérouler au même moment à Saint-Cyprien. Il parle d’émeutes et évoque, en quasi-direct, le nombre d’interpellé·e·s. Selon lui, les prévenu·e·s sont en quelque sorte responsables de ce qui se passe trois jours après leurs interpellations.

Des six personnes qui passent en procès, presque tout le monde sera condamné à des interdictions de manifestations à Toulouse pendant trois ans. Il est assez clair que c’est le fait même de descendre dans la rue qui est attaqué.

Première comparution

La première personne à passer (la seule fille de la journée) est accusée de groupement en vue de commettre des violences, destructions ou dégradations. Elle est arrêtée avec une pierre à la main.
La juge est très perturbée par le contenu de son sac (du matériel de protection), elle osera même dire que « Ce n’est pas ce qu’on trouve habituellement dans le sac à main d’une jeune fille ».
Ils ont été jusqu’à perquisitionner son appart, où ils ont trouvé des tracts et affiches prouvant « son adhésion à des mouvements d’extrême-gauche ». Le seul exemple donné est une affiche « Police partout, justice nulle part ». Elle répondra qu’elle a ses idées. La juge bondira sur l’occasion pour demander si sa participation était en lien avec ses idées, elle insistera sur le fait qu’il n’y avit plus de gilets jaunes au moment de son interpellation « seulement des casseurs ».

Le procureur prend la parole. Il a une question à poser. Il se lève [1] et montre une photo d’un tag : « Vole un riche. Brûle un proc. Mange un flic. » Il l’a vu la semaine dernière et est très choqué (il en fait des tonnes). Il demande à la prévenue ce qu’elle en pense. Dans la salle, on peut pas s’empêcher de rire. Elle non plus. Le proc lui demande d’enlever le rictus de ses lèvres et menace de faire évacuer la salle si on continue à se marrer.

Petit tour de sa situaton, elle est étudiante en médecine, la juge lui demandera : « Et vous trouvez le temps d’aller manifester ? »
Elle a un petit casier d’outrage et de dégradations pour lesquels elle a pris des TIG. La juge en deduira qu’elle a un probléme avec la loi et l’autorité.

Le proc va se lancer ensuite dans une grande tirade très désagréable sur la démocratie, et comme quoi ce qu’il se passe en ce moment y est contraire, qu’il y a un contexte de guerilla urbaine à Toulouse et que c’est inadmissible. Il évoque le lycée brûlé le matin même. Puisque elle est boursière (elle touche 150 balles par mois, trop sympa), il dira « Voilà comment elle remercie l’État en semant le trouble avant Noël ! » Il demande 6 mois ferme et une interdiction d’aller en centre-ville. Elle prendra un an de sursis avec interdiction de manif pendant 3 ans.

Seconde comparution

Le second accusé à le même chef d’accusation.

Il est interpellé par la BAC qui l’aurait repéré à plusieurs reprises lors de la journée. Il est lui aussi arrêté avec du matériel de protection, dont un bouclier (en panneau de signalisation). C’est d’ailleurs uniquement ce qu’on lui reproche. Il aurait été vu, plus tôt dans la journée, avec une bière à la main. Les flics disent qu’ils ne l’ont jamais vu jeter quelque chose.

Le proc a une pensée émue pour les policièr·e·s, « en effectifs réduits, qui ne peuvent pas arrêter tout le monde ». Il témoigne de la douleur des policièr·e·s qu’il a vu « en pleurs » et qui sont de permanence depuis trois semaines. On lâcherait presque une larme.

Il demande 6 mois dont 3 avec sursis et, comme il habite en banlieue toulousaine, l’interdiction de venir à Toulouse.
Il prend 4 mois de sursis et 105h de TIG et interdiction de manif à Toulouse pendant 3 ans.

Troisième comparution

La troisième personne à passer l’est toujours pour le même chef d’accusation, avec en plus exercice volontaire de violences sur dépositaires de l’autorité publique et port d’arme blanche (en l’occurrence un bombe lacrimo estampillée Ministère de l’intérieur, dont on nous précisera vite qu’elle a été perdue et pas volée)
Il a été repéré un peu plus tôt par la BAC jetant des cailloux.
Il reconnait les jets de pierre, en précisant que les keufs portent casques et bouclier et ne risquent donc pas grand-chose.
Elle le tacle pour avoir signé le PV avec des croix. La juge prend ça pour un signe de provocation. Elle lui dit qu’il aurait pu se taire en GAV. Il répond qu’il savait pas, qu’on lui a pas dit.
Il fait parti des Éclaireurs de France, ce qui fait dire au proc : « Ça fait huit ans que vous participez au mouvement du scoutisme et vous vous retrouvez à jeter des cailloux ! »
Pour le proc « C’est d’une violence inouie ce qui se passe. On va vers une anarchie prochaine où chacun fait ce qu’il veut quand il veut ». Il resort la photo de son tag.

Le proc demande 10 mois donc 5 avec sursis.
Il prend 4 mois dont 2 avec sursis, sans maintien en détention. Interdiction de manif à Toulouse pendant 3 ans.

Quatrième comparution

Il est accusé de jet de pierre et reconnait sa culpabilité lors de la garde-à-vue et lors du procès.
Le procureur pense cette fois aux touristes qui ne vont plus pouvoir venir à Toulouse.

Il demande 8 mois dont 4 avec sursis et interdiction de venir à Toulouse.
Il prend 4 mois dont 2 avec sursis sans maintien en détention. Interdiction de manif à Toulouse pendant 3 ans.

Cinquième comparution

Violence sans ITT sur personne dépositaire de l’autorité publique parce qu’il relance une grenade lacrymo.
Les caméras de la ville sont utilisées pour incriminer.
Il reconnaît en GAV avoir relancer la lacrymo (mais c’est tout). Il tient la même version en compa.
La juge dit « Vous prenez des risques, une grenade lacrymo ça peut faire mal ».
A ce moment, le proc évoque les 30 mineurs arrêtés lors des deux dernières heures en précisant que les violences de samedi ont fait « des émules sur les mineurs ».

Le procureur demande 10 mois fermes et interdiction du centre-ville pendant un an.
Il prend 4 mois dont 2 avec sursis avec mise à l’épreuve pas de maintien en détention. Obligation de travailler (parce qu’il est sans activité depuis 2 ans d’après le tribunal)

Sixième comparution

Il est accusé de rassemblement en vue de commettre des dégradations et de la destruction de la caméra de la LCL et du distributeur du Crédit Agricole.

Il dit être arrivé à Toulouse vers 18h30 avec l’idée de « bloquer » des banques. Il dit ne pas porter de gilet jaune par choix car il se retrouve pas dans tout ce que disent les gilets jaunes.
Il reconnait en garde à vue avoir tagué des caméras et filé des coups de marteau sur le distributeur de billet (alors qu’il n’y aucune preuve...)
Il dit lors du procès que c’est un acte politique de vouloir casser un distributeur et voulait « apporter sa pierre au mouvement contestataire ». Il dit lors du procès regretter.

Le proc demande 10 mois + interdiction de 2 ans de Toulouse (parce qu’il vient du Gers)
4 mois donc 2 fermes sains maintien en détention, 3 ans interdict de manif à Toulouse.

Notes

[1Comme à chaque fois qu’il parlera. C’est d’ailleurs le seul à le faire.

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  • 6 décembre 2018

    Pour la première (au moins) le parquet à fait appel de la décision.

  • 6 décembre 2018

    Les magistrats du parquet sont aussi appelés magistrature debout, pour cette raison...

    "Les magistrats du siège

    On appelle également cette magistrature l’assise. Ce sont les juges « classiques » qui prononcent le jugement (disent le droit) en appliquant la loi, après avoir entendu les différentes parties au procès. Dans les tribunaux, ils sont assis, c’est la raison pour laquelle on les appelle le siège.

    Les magistrats du parquet

    On l’appelle également la magistrature debout, car ils se tiennent debout, ou encore le ministère public."

    Source : http://pointdroit.com/quelle-est-la-difference-entre-le-siege-et-le-parquet/

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