Pacification sous état d’urgence aux Izards et ailleurs

De Toulouse à Lille, l’état d’urgence est l’occasion pour les forces répressives d’utiliser gaiement la carte blanche dont ils disposent, bien au-delà de la seule enquête sur les attentats.

Mardi matin, dans le quartier populaire de Moulins, à Lille, deux squats ont été expulsés avec la participation d’équipes du RAID. Cette unité d’élite est prévue pour neutraliser des « individus dangereux ». Ils sont notamment intervenus au Bataclan à Paris ou ce mercredi à Saint-Denis. Mais à Lille, il s’agissait d’accompagner avec leurs fusils d’assaut un huissier venu vider deux squats sur demande des propriétaires.

Quatre jours après les attentats à Paris, même selon les critères de la logique répressive, un tel usage a de quoi surprendre. On s’attendrait plutôt à ce que ces superflics soient sur le qui-vive en permanence, prêts à intervenir dans la minute face à des enragés brandissant des kalachnikovs et ceinturés d’explosifs.

Plus de 400 perquisitions administratives

Il encore un peu tôt pour faire un bilan précis des plus de 400 « perquisitions administratives » permises par l’état d’urgence sans qu’aucune preuve n’ait besoin d’être fournie auprès de la justice. Il semble quand même qu’il s’agit aussi pour les flics de toute la France de pouvoir s’introduire chez les gens qu’ils soupçonnent depuis longtemps de tout et n’importe quoi.

Un article de 20 minutes relaye d’ailleurs cet aveu :

Côté police, Alliance estime que les mesures liées à l’état d’urgence pourraient aussi permettre de « faire avancer » des affaires en cours, bloquées faute de moyens.

A Toulouse et dans le Tarn, une première vague de plusieurs perquisitions et arrestations ont ainsi été menées sous le régime de l’état d’urgence dès dimanche. La préfecture et le parquet n’ont pas caché qu’elles n’avaient pour la plupart aucun lien avec les attentas de Paris ou même le « terrorisme » (il semblerait que, depuis, d’après les médias certaines perquisitions ont été menées sur des cibles plus directement liées à "l’anti-terrorisme").

Voilà en effet ce qu’on peut lire dans la presse qui fait état de ces opérations :

« la nuit de dimanche à lundi, les policiers avaient principalement visé des individus soupçonnés de trafics divers »
La Depeche, 18/11/2015

« Deux perquisitions administratives séparées à Graulhet et à Castres, réalisées par les forces de gendarmerie du Tarn, sur réquisition du préfet.
Selon la préfecture du département, "cette action visait des individus suspects à différents titres (...) et n’avait pas de lien avec l’enquête en cours sur les attentats de Paris du 13 novembre"
. »
France 3 Midi-Pyrénées, 16/11/2015

« Les forces de police ont décidé de ne pas laisser le moindre répit aux individus suspectés d’être impliqués dans des trafics de drogue à Toulouse. »
[...]
« Il semble que, hier comme ce soir, les individus arrêtés ne sont pas forcément liés au radicalisme islamiste. »
[...]
« Bilan de l’opération à la Reynerie dans la nuit de dimanche à lundi - Sur les cinq personnes arrêtées hier, une a été condamnée lundi après-midi à quatre mois de prison avec sursis, pour détention de 100 grammes de cannabis retrouvés au domicile lors de la perquisition.  »
La Depeche, 16/11/2015

La Dépêche du Midi se fait au passage le relais docile de la justification policière en insinuant : « les enquêteurs s’interrogent sur le financement de cette mouvance via l’argent de la drogue ». C’est peut-être le cas, mais ça ressemble plutôt à de l’opportunisme, les flics profitant plus probablement de l’état d’urgence pour mener des perquisitions librement pour des affaires de drogue.

Autre exemple d’insinuation nauséabonde, alors que les perquisitions aux Izards n’ont visiblement pas de lien avec les attentats, France 3 précise : « Un important dispositif de sécurisation a été mis en place dans ce quartier populaire au nord de Toulouse, qui était aussi le quartier d’origine de Mohamed Merah . »

Pacification des quartiers

Ces opérations ont en effet été menées dans les quartiers du Mirail, de la Reynerie, des Izards. Elle rejoignent les opérations de police menées de longue date avec une volonté de « nettoyage de ces quartiers ». Ainsi, depuis plusieurs mois, les voies d’accès aux Izards font l’objet de nombreux contrôles d’identité avec fouilles de véhicules dans une vaste opération anti-drogue.

Le Contrat de ville de Toulouse-Métropole 2015-2020, dans sa version de travail du 12 juin 2015 présentée lors du conseil municipale contient une formulation qui en dit long sur l’état d’esprit des dirigeants sur le quartier des Izards. Il s’agit du deuxième axe stratégique listé :

« Poursuivre les efforts de pacification du quartier, en lien avec la ZSP. »
(Cf. p.388)

PDF - 31.5 Mo
Contrat de ville 2015-2020
P.388 : « Poursuivre les efforts de pacification du quartier, en lien avec la ZSP. »

Pour rappel, les ZSP (Zones de sécurité prioritaire), sont des zones définies par le ministère de l’intérieur depuis 2012, où sont affectés un plus grand nombre de policiers et gendarmes.

Hasard ironique du calendrier, cette semaine, le Tactikollectif, présente aux Izards une exposition/débat intitulée "Egalité Trahie, l’impact des contrôles au faciès". Des contrôles au faciès, des violences policières, ou du racisme d’état en général, il risque d’en être peu question dans les temps qui viennent. Avec le vote probable d’une prolongation de 3 mois de l’état d’urgence, la vigilance est plus que jamais nécessaire.

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