Pour l’auto-organisation et l’autodéfense sanitaire contre le Covid. Vulgarisation – Fabrication de purificateurs d’air – Distributions de masques – Mutualisation de moyens.
Le texte original se trouve ici.
Pour définir l’autodéfense sanitaire de façon synthétique, c’est le fait de considérer la santé comme un bien commun et donc de penser en termes de prévention collective et de soin collectif. Concernant le Covid, cela signifie notamment port du masque FFP2, suivi de la qualité de l’air, vaccination, test, veille scientifique et globalement antivalidisme. Autodéfense sanitaire également parce que la notion d’abandon institutionnel et social est au cœur de pourquoi nous sommes là. « We keep us safe » [1], personne d’autre ne le fera, et c’est pour cela que ne sommes pas dans une approche de convaincre les institutions. Nous n’en attendons rien, et au contraire : nous voulons des camarades vivant·es et en bonne santé pour faire cramer les institutions.
Sommaire
Consensus scientifique [2] sur le Covid
Le Covid est une affection vasculaire généralisée, il peut donc toucher tous les organes, et en particulier plusieurs organes vitaux dont le cœur (1).
Le Covid c’est :
- Plus (+) de 170 000 morts en France, 34 millions de Covid longs en Europe, ou encore 24 millions de Covid longs aux États-Unis. (2, 3, 4)
- Environ 10-15% de chances d’avoir un Covid long à chaque infection, avec un risque qui se cumule donc à chaque infection. Les définitions sont un peu floues et les études donnent des résultats variables, mais de nombreuses personnes concernées par le Covid long ont toujours des symptômes après 1 an, voire 2 ans. Nous avons assez peu de recul mais il y a vraisemblablement des dommages irréversibles, notamment sur l’immunité. (5, 6, 7, 8, 9)
- Augmentation significative (+30%) des arrêts cardiaques chez les 25-44 ans, et risques d’insuffisance cardiaque. (10, 11)
- Augmentation des risques d’AVC. (12)
- Risques de développer une hypertension chronique. (13)
- Risques de fatigue chronique. (14)
- Favorise la possibilité de développer un diabète, en particulier chez les enfants. (15)
- Dommages neurologiques affectant durablement les capacités cognitives. (16 et 17)
- Laisse des séquelles pulmonaires. (18)
- Affaiblit durablement le système immunitaire (chaque infection affaiblit donc davantage le système immunitaire). Le Covid rend donc davantage vulnérable à d’autres infections au Covid, mais aussi à tous les autres virus, et potentiellement à des bactéries et champignons. (19, 20 et 21)
- Lorsqu’une personne a le Covid en étant enceint·e, des chances que la croissance des poumons du fœtus soit ralentie et que le bébé naisse avec des poumons anormalement petits (donc handicap respiratoire). (22)
- Un risque accru de développer des maladies auto-immunes. (23 et 24)
- La création d’un terrain propice au développement de cancers à long terme, le Covid créant des inflammations à répétition. (25)
Autre point fondamental : la vulnérabilité est un spectre. Face au Covid, tout le monde est à risque. Tous les risques cités ci-dessus sont valables pour les personnes en bonne santé. Par ailleurs, chaque infection au Covid rend plus vulnérable aux prochaines infections, etc, que l’on s’en rende compte ou non. Lorsque tout le monde aura eu 12 fois le Covid, tout le monde sera durablement handicapé·e. Mais il ne faut pas oublier que les malades chroniques sont encore plus à risque et sont presque certain·es de décéder ou d’avoir de grosses séquelles.
Autres points importants :
- 50% des contaminations sont vraisemblablement causées par des personnes asymptomatiques, soit parce qu’elles n’ont pas encore de symptômes, soit parce qu’elles n’auront pas de symptômes au cours de leur infection. Il n’est donc pas possible de se baser sur les symptômes pour savoir si une situation est risquée ou non. (26)
- Le principal vecteur de contamination du Covid sont les aérosols (particules microscopiques émises en respirant, qui se propagent comme une fumée de cigarette), ce qui cause de la contamination aérienne longue distance (27, 28, 29). Les aérosols mesurent entre 0.1µm et 0.3µm et sont capturés efficacement par des filtres capturant les PM2.5. (30 et 31)
- Il y a aussi une contamination par gouttelettes (plus gros que les aérosols, elles restent très peu en l’air et tombent vite au sol ; elles ne peuvent pas être inhalées mais peuvent contaminer si elles entrent en contact direct avec certaines muqueuses comme celles des yeux, du nez, ou de la bouche). Ce type de contamination a lieu en face à face, et peut avoir lieu malgré la présence de purificateurs d’air, ou même en extérieur. (30)
- Les masques chirurgicaux protègent des gouttelettes mais pas des aérosols, contrairement au masque FFP2, qui est donc le minimum pour se protéger du Covid. Cela est principalement dû au fait que les masques chirurgicaux ne s’ajustent pas du tout sur le visage, mais aussi au fait que les FFP2 possèdent un champ électrostatique qui permet de retenir davantage de particules. (32, 33, 34, 35 et 36)
- Les aérosols restent dans l’air pendant plusieurs heures après qu’une personne y ait respiré si l’air n’est pas renouvelé. (26)
- Le port unilatéral du masque FFP2 ne garantit pas d’éviter les contaminations, et en particulier dans des espaces fermés où de nombreuses personnes sans masques sont présentes. (32, 37)
- Si porter un masque FFP2 empêche une personne de respirer, alors la personne est probablement particulièrement vulnérable face au Covid, car un FFP2 n’empêche pas de respirer lorsque l’on a des poumons fonctionnels.
- Le gel hydroalcoolique ou la désinfection des surfaces du mobilier n’a aucun impact sur les transmissions aéroportées. (38)
- Le vaccin réduit significativement le risque, mais ne l’annule pas, et n’annule pas la possibilité de transmission. Par ailleurs, tout le monde devrait se faire vacciner et pas seulement les « plus fragiles ». Il convient également de faire des rappels de vaccins régulièrement. (39, 40, 41)
- Le déni ne protège pas du Covid.
- Les principaux outils pour limiter la circulation du virus : les vaccins, le port du masque FFP2 (ou mieux) et l’utilisation de purificateurs d’air.
Vulnérabilité sociale, positionnement militant :
- On ne peut pas prétendre faire de l’antifascisme sans pratiquer l’autodéfense sanitaire. Il s’agit bien de pratiques, et non seulement de postures intellectuelles. Cela implique qu’on ne peut pas prétendre faire de l’antifascisme sans porter un masque FFP2 (ou mieux) au quotidien (exception faite des personnes qui ne peuvent physiquement pas porter de masque). Partout, tout le temps, autant que possible. (Voir par exemple ce texte sur les angles morts de l’antifascisme vis-à-vis de l’autodéfense sanitaire.)
- Le Covid et ses conséquences touchent tout le monde, mais principalement les personnes marginalisées : personnes handicapées, personnes racisées, personnes queer, femmes, … (voir par exemple cette étude concernant les personnes racisées et cette enquête avec des données par genre)
- On observe également une forme d’autodéfense sanitaire communautaire : les personnes les plus touchées sont plus impliquées dans la lutte contre le Covid. Par exemple, aux États-Unis, les personnes racisées portent plus (+) le masque FFP2 que les personnes blanches. (sources ici et là)
- Il est surprenant, au contraire, de voir que des assos comme Act-Up Paris, acteur majeur dans la lutte contre le VIH (pour lequel on peut faire des parallèles avec le Covid), ont décidé d’ignorer le Covid et ses conséquences.
- Le Covid est géré de façon eugéniste. Or, l’eugénisme est un élément essentiel du fascisme. C’est l’idée de la survie des plus forts, mais aussi de l’organisation systémique de la mort des plus marginalisé·es. La gestion eugéniste du Covid s’inscrit dans la montée du fascisme au sens large, et il faut s’organiser en conséquence, se saisir du concept d’autodéfense sanitaire ; s’organiser collectivement pour se protéger. On ne peut pas se permettre que des camarades soient tué·es et handicapé·es massivement par un virus évitable, ni que le virus continue à circuler, et encore moins dans nos espaces de lutte.
- Le Covid a aussi été un vecteur important de fascisation ces dernières années (voir par exemple cet article). Notamment, les mouvements antivax, antimasques et anti-passe sanitaire ont très majoritairement été dans la lignée de la manif pour tous. On observe aussi des liens forts entre des figures de la désinformation sur le Covid comme Louis Fouché et des mouvements suprémacistes blancs. Les discours conspifafs sont également toujours des discours antisémites. Des groupes comme « Destitution » ont surfé sur les critiques contre la gestion autoritaire du Covid pour faire avancer un agenda politique faf. On ne peut pas combattre le fascisme sans combattre le Covid.
- Deux éléments importants pour nuancer ce qui est dit plus haut :
⇨ Ces propos ne sont applicables que pour la France hexagonale, ils ne se transposent pas de la même façon aux Outre-Mer, où tout ça s’inscrit dans un rapport de domination colonial (avec par exemple des scandales comme celui du chlordécone).
⇨ Plus généralement, il est important de reconnaître que les vaccins, comme tout médicament, peuvent avoir des effets secondaires, y compris des effets secondaires graves. Le fait que les institutions de santé rendent impossible le fait d’en parler a alimenté des discours conspifafs. - Il est faux de penser qu’on peut faire « comme avant » le début du Covid. Le Covid est toujours là, il tue et handicape massivement. Faire « comme avant » revient à rester dans le déni, et contribuer à l’isolement et la marginalisation des personnes les plus directement vulnérables au Covid (notamment via l’autoexclusion [3]). Faire « comme avant », c’est aussi rendre plus vulnérable tout le monde, dans un monde qui laisse littéralement mourir les personnes handicapées, lorsqu’il ne les tue pas activement. Sortir du déni est difficile, la pression sociale à ne rien changer est extrêmement forte, mais l’inaction est une complicité passive à l’eugénisme et à la fascisation que cela implique.
Pour finir, et pour replacer l’autodéfense sanitaire dans un contexte antivalidiste plus large, nous citons le début du texte de Cabrioles qui ouvre leur dossier « Validisme », parce que quand bien même la pandémie ne toucherait que les « plus fragiles », ne rien faire contre elle est insupportable :
“Le Covid ce n’est pas grave, ça ne touche que les vieux et les personnes fragiles”.
Combien de fois avons nous entendu cette phrase balancée sur le ton de l’évidence par des ami·es, des camarades avec qui nous avions l’habitude de lutter, ou même de partager nos vies. Pourquoi ne percevaient-iels pas la dimension glaçante de cette sentence de mort qui toujours voulait dire “tu vois, ce n’est rien”.
Que des personnes âgées ou handicapées meurent, ce n’est rien. Pourquoi les personnes de plus de 60 ans auraient-iels le droit de vieillir vivant·es ? Pourquoi les handicapé·es, les sourd·es, les neurodivergent·es auraient-iels le droit à une vie pleine ? Se débarrasser des improductif·ves c’est se soulager d’un fardeau, c’est l’évidence même. Iels n’ont même pas une “vraie vie”. Même lorsque le meurtre d’un·e handicapé·e est caractérisé on trouve toujours de bonnes raisons au meutrier·e. Alors pensez, un meurtre impersonnel, un meurtre social massif tel qu’il a lieu depuis plus de 2 ans à travers le choix collectif de laisser circuler un agent pathogène qui tue et handicape massivement. Dans un texte important d’avril 2020 sur Le triage pendant le coronavirus la militante handie Elena Chamorro notait : « Comme le disait l’activiste Corbett O’Toole dans Crip Camp, la Révolution des éclopés, un documentaire sorti récemment sur Netflix : “Le monde ne veut pas de nous et veut notre mort. Nous vivons avec cette réalité. Cela est toujours vrai” ».
Memo express de protection mutuelle
- Porter un masque FFP2, FFP3, N95 ou KF94 (bien ajusté et sans valve) dans les espaces intérieurs, bondés ou en contact rapproché (règle des 3F : espaces Fermés, Foule, Face à face). Y compris pour les enfants, qu’il faut tout autant protéger que les autres (lire le dossier de Cabrioles sur les enfants face au Covid-19). Si vous êtes immunodéprimé·e sévère, votre médecin (généraliste ou spécialiste) peut vous prescrire des masques FFP2 que vous pourrez retirer en pharmacie, à raison de 10 par semaine.
⇨ Consulter les modèles de masques disponibles en France, aller au point sur le mode de transmission du Covid-19 ou voir la représentation des défenses immunitaires.
- Se faire vacciner : en France, la Direction générale de la Santé, se fondant sur le fait que le Covid-19 « circule activement », a reconduit à l’automne 2023 une campagne de vaccination (PDF de la DGS en septembre 2023). Elle conseille un rappel dès maintenant aux personnes âgées de 80 ans et plus, aux personnes immunodéprimés, aux résident.es des Ehpad et des unités de soins de longue durée, ainsi qu’aux « personnes à très hauts risques de formes graves de la maladie ». Elle précise également, concernant les personnes « non ciblées » par cette campagne vaccinale (donc la population générale), que la Haute autorité de santé ne « recommande plus » leur vaccination, mais que si elles souhaitent néanmoins recevoir une dose, elles pourront « en bénéficier gratuitement ». Dans ce cas, il convient de respecter un délai de 6 mois au moins entre deux vaccins. Cela s’applique « quel que soit l’âge de la personne et le rang de rappel », c’est-à-dire que le nombre de doses antérieures n’entre pas en compte et que les enfants sont également éligibles au rappel ou à une primovaccination dès l’âge de 6 mois. La DGS précise enfin que les vaccins à ARNm bivalents sont à utiliser en priorité.
Ces recommandations interviennent alors qu’on sait que la protection vaccinale baisse assez vite et disparait même quasiment totalement au bout de quelques mois. Alors qu’on sait aussi que toute la population risque de développer une forme grave du Covid ou un Covid long, et que la vaccination protège contre ces risques. Voilà un premier problème. Le second, c’est que ces recommandations sont fondées sur le fait qu’Omicron serait « un variant moins sévère » que les précédents. Ceci est faux : Omicron a une sévérité intrinsèque voisine de celle de la souche originelle de Wuhan. Sa sévérité effective est nettement inférieure en raison de la vaccination et de l’immunité acquise par les infections antérieures. Autrement dit, outre le fait de s’appuyer sur une information erronée, la HAS décide de réduire l’accès aux rappels vaccinaux alors que ceux sont eux qui permettent de limiter les effets des contaminations répétées. Cette décision risque donc de faire exploser les risques encourus par les personnes, fragiles ou non. En une phrase comme en cent : étant donné que nous sommes toutes et tous en contact avec des personnes dites « fragiles » et que la protection vaccinale est toujours préférable à la contamination, les rappels réguliers restent recommandés pour toutes et tous.
⇨ Voir où se faire vacciner ou aller au point sur la protection vaccinale.
- Veiller à la qualité de l’air : favoriser les rencontres en extérieur ; en intérieur, aérer plusieurs fois par heure et/ou filtrer par purificateur d’air.
⇨ Aller au point sur l’aérosolisation et connaître les outils de mesure et de filtration de l’air.
- Se faire tester : en cas de symptômes, si vous avez été en contact non protégé avec une personne contaminée ou pour vous assurer de ne pas contaminer une personne plus à risque que vous, faire un test PCR en laboratoire et agir en fonction du résultat. Les tests antigéniques donnent beaucoup de faux négatifs, seuls les tests PCR sont fiables.
⇨ Savoir quand et comment se tester.
- Respecter les demandes de réduction des risques et agir en conséquence (lire l’article de l’avocate et militante handie Elisa Rojas). Les règles du consentement s’appliquent dans le domaine sanitaire comme ailleurs (voir la vidéo sur le consentement comme une tasse de thé).
⇨ Aller au point sur l’antivalidisme ou aux affiches « Le confort n’est jamais une excuse à l’exclusion », « Comment rendre votre événement accessible à toustes en période épidémique ? » et « Prenons soin de nous ! ».
- Diffuser des informations fiables sur le Covid-19 autour de soi et lutter contre la désinformation (lire le dossier de Cabrioles sur la désinformation d’extrême droite).
⇨ Consulter les analyses de fond et le suivi de l’actualité.
Ces six recommandations constituent une base nécessaire, mais pas suffisante. Le modèle de l’emmental déploie un panel de mesures individuelles et sociales plus complet.
Ressources :
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