Le ministère palestinien de la santé à Gaza a déclaré que, ce jeudi, à Gaza même, 112 Palestiniens avaient été tués et 760 autres blessés après que les forces israéliennes avaient ouvert le feu sur des gens qui s’étaient rassemblés pour recevoir de l’aide alimentaire.
L’incident – qualifié de « Massacre des sacs de farine » – est l’un des plus meurtriers des quatre mois et demi sanglants qui se sont écoulés à Gaza, au moment où, jeudi, le nombre de morts a franchi le cap des 30 000. Le nombre de victimes depuis le 7 octobre doit en fait être nettement plus élevé, avec les milliers de personnes portées manquantes et restées sous les décombres des immeubles détruits, et toutes les autres qui succombent à la maladie, la famine et la soif.
C’est une famine orchestrée, qui s’empare de Gaza et où l’on voit les gens contraints, pour survivre, de manger des plantes sauvages, de peu de valeur nutritive, ou encore de la nourriture pour animaux.
« Il n’y a que de la souffrance, que de l’horreur », a déclaré mercredi Abubaker Abed, depuis Gaza, en prenant la parole dans l’émission en direct de The Electronic Intifada.
Des centaines de bébés naissent quotidiennement à Gaza et leurs parents ne peuvent trouver ni lait maternisé ni couches pour leurs nouveau-nés, comme l’a expliqué récemment Abed à The Electronic Intifada.
Abed, qui est immunodéprimé, a déclaré qu’il n’avait probablement mangé qu’une seule fois de la viande depuis le 7 octobre et que l’absence d’accès à l’alimentation dont il a besoin lui a valu de tomber malade à plusieurs reprises. L’absence d’eau potable se traduit chez lui par des douleurs stomachales répétitives.
Avec un repas consistant typiquement d’un morceau de pain et d’une tomate, Abed explique qu’il est relativement chanceux. Actuellement, à Gaza, une personne sur quatre « doit affronter des niveaux catastrophiques d’insécurité alimentaire », rapportent les Nations unies.
L’aide n’arrive pas dans le nord de Gaza
La faim est particulièrement aiguë dans la moitié nord de Gaza, qui a été noyée sous les bombes et où des centaines de milliers de Palestiniens sont restés après qu’Israël a ordonné le déplacement forcé des personnes de la région quelques mois plus tôt.
Les Palestiniens du nord de Gaza meurent de faim désormais, du fait qu’Israël empêche l’ONU d’y livrer de l’aide, et ce, depuis plus d’un mois.
Sept enfants sont morts de faim et de déshydratation à l’hôpital Kamal Adwan, dans le nord, a fait savoir le ministère palestinien de la santé à Gaza.
Les essentiels vitaux et l’aide humanitaire sont utilisés comme armes de guerre par la campagne de l’armée israélienne à Gaza, et Israël avait d’ailleurs annoncé le 9 octobre qu’il avait coupé la fourniture de carburant, d’électricité, d’eau et de nourriture au territoire. Seules des quantités très limitées d’aide ont été autorisées à entrer à Gaza depuis lors, en volumes incomparablement moindres que ce qu’il faut pour répondre aux besoins de la population aujourd’hui en majeure partie déplacée.
Fin janvier, la Cour internationale de justice statuait qu’il y avait un risque plausible de génocide à Gaza, se faisant ainsi l’écho des organisations palestiniennes des droits humains et de plusieurs experts indépendants des droits humains de l’ONU. La cour ordonnait à Israël de mettre un terme à tous ses actes génocidaires, y compris en prenant des « mesures immédiates et efficaces pour faciliter la livraison de services élémentaires et d’aide humanitaire nécessaires de toute urgence ».
« Une violation flagrante »
Le massacre de l’aide alimentaire dans la ville de Gaza constitue « une violation flagrante des lois humanitaires internationales et va totalement à l’encontre des mesures provisoires de la Cour internationale de justice »
ordonnant à Israël de mettre un terme à ses actions génocidaires, a déclaré jeudi Petra De Sutter, une vice-Première ministre belge.
L’Euro-Med Human Rights Monitor (Euro-Med, Réseau euro-méditerranéen de contrôle des droits humains), qui a son QG à Genève, a déclaré que jeudi, vers 4 h 30 du matin, des chars israéliens avaient tiré des obus sur « une foule de plusieurs milliers de civils affamés qui attendaient depuis des heures l’arrivée de camions d’aide ».
L’organisation de défense des droits a enregistré des cas précédents au cours desquels des soldats israéliens avaient ouvert le feu et tué des gens qui attendaient de l’aide.
Jeudi, toujours selon Euro-Med, « après l’arrivée des camions d’aide, des civils palestiniens ont été la cible des tirs d’obus et de balles d’Israël ».
« De nombreuses personnes sont tombées des camions alors qu’elles tentaient de prendre un sac de farine », a déclaré l’organisation, « et bien d’autres ont été prises pour cible alors qu’elles portaient un carton de conserves ou un sac de farine afin de nourrir les membres de leurs familles mourant de faim ».
Ismail al-Ghoul, un journaliste d’Al Jazeera, a déclaré qu’après avoir ouvert le feu sur les gens, les chars israéliens avaient écrasé des morts et des blessés et il avait été impossible pour les ambulances d’atteindre les lieux du massacre du fait que les routes étaient « totalement détruites ».
De nombreux blessés ont été amenés à l’hôpital al-Shifa, qui ne fonctionne plus qu’en partie après avoir été pris d’assaut par les forces israéliennes en novembre dernier. Vu la pénurie de personnel médical, les citoyens « ont été contraints de s’occuper des blessés et de tenter d’administrer les premiers soins eux-mêmes », rapporte Euro-Med.
Jadallah al-Shafei, un chef de département à l’hôpital al-Shifa, a déclaré que « la majorité des victimes souffraient de blessures par balles et par éclats d’obus dans la tête et dans les parties supérieures du corps ».
Al-Shafei a ajouté qu’ils « avaient été frappés par des tirs d’artillerie directs, par des missiles de drone et par des tirs à balles ».
Des vidéos de l’incident montrent des personnes qui s’encourent aux premières détonations, alors qu’un char israélien est posté à proximité. Il s’avère qu’une victime au moins a été touchée dans le haut du torse.
« Nos enfants meurent de faim »
Daniel Hagari, le chef des porte-parole de l’armée israélienne, a déclaré lors d’une conférence de presse jeudi soir que les camions faisaient partie d’un convoi d’aide venu d’Égypte et qui avait été contrôlé au passage de Kerem Shalom/Karem Abu Salem, « et qui était ensuite entré à Gaza afin que des contractants privés puissent assurer la distribution de sa cargaison ».
Il a prétendu que les chars étaient présents afin de « garantir la sécurité du corridor humanitaire pour le convoi d’aide » et que les soldats « avaient prudemment tenté, par quelques coups de semonce, de disperser » les gens, qu’il a décrits comme « une foule » qui s’était précipitée sur les camions.
Hagari a tenté de détourner la responsabilité en prétendant que la commandant du char « avait décidé de se retirer afin d’éviter de porter préjudice aux milliers de Gazaouis qui étaient présents » et il a ensuite prétendu qu’aucune frappe de l’armée israélienne « n’avait été dirigée contre le convoi d’aide ».
Il a également affirmé que des opérations d’aide similaires avaient eu lieu au cours des quatre nuits précédentes sans qu’il y ait eu le moindre incident.
Le massacre a été applaudi par le ministre israélien de la sécurité publique, Itamar Ben-Gvir, et célébré sur les canaux populaires de Telegram en langue hébraïque. Une majorité de Juifs israéliens s’opposent au transfert d’aide humanitaire à Gaza.
Dans une déclaration publiée sur son canal Telegram, le Hamas a rejeté les affirmations du porte-parole israélien comme étant des mensonges dénués de fondement et proférés dans l’intention
« de couvrir ce crime haineux et d’échapper à une très large condamnation internationale ».
Ashraf al-Qidra, le porte-parole du ministère palestinien de la santé à Gaza, a accusé Israël d’avoir commis un massacre prémédité.
On ne sait pas clairement qui a envoyé les camions d’aide, et certaines personnes prétendent qu’il s’agissait d’un piège.
Euro-Med a expliqué que les Palestiniens de la zone « avaient reçu ces derniers jours des appels téléphoniques de l’armée israélienne leur ordonnant d’évacuer vers les parties centrale et méridionale de l’enclave afin d’y recevoir de la nourriture et de l’eau et d’éviter ainsi de mourir de faim ».
Yusri al-Ghoul, un romancier palestinien qui a assisté au massacre, a expliqué à Al Jazeera qu’ « aucune institution internationale ou locale n’avait dit qu’elle avait envoyé de l’aide jeudi dans la ville de Gaza ».
Il a ajouté que, chaque jour, des gens se rassemblent dans la zone à proximité des chars israéliens dans l’attente des livraisons d’aide.
« Nous mourons de faim, nous ne trouvons pas de nourriture, même pas pour les animaux, depuis deux mois environ », a déclaré al-Ghoul.
« Nos enfants meurent de faim. »
« Alors que les enfants meurent faute de nourriture, leurs parents se font massacrer en tentant d’aller leur en chercher », a déclaré jeudi Jason Lee, directeur de Save the Children pour la Palestine.
« Nous avons besoin d’un cessez-le-feu immédiatement », a ajouté Lee, se faisant l’écho de l’appel émanant depuis longtemps déjà des acteurs humanitaires opérant à Gaza.
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