Mineur-es isolé-es étranger-es : en Haute Garonne, le parquet fait tourner la fabrique à sans-papiers à plein régime

Le collectif AutonoMIE s’interroge : jusqu’où ira le parquet de Haute Garonne dans son acharnement contre les mineur-es isolé-es étranger-es (MIE) ? Alors que des inquiétudes se font entendre quant à la montée du Front National et à sa possible victoire dans les urnes, ses idées et ses valeurs sont déjà bien en place au cœur de nos institutions. A Toulouse, les MIE en payent le prix fort.

Lundi 3 avril, au palais de justice de Toulouse, un jeune malien placé en foyer depuis deux ans était jugé en comparution immédiate pour « escroquerie à l’aide sociale à l’enfance en prétendant être mineur isolé alors qu’il serait en réalité majeur ». Convoqué à une audition par la police aux frontières (PAF) suite à sa demande de titre de séjour (déposée pour pouvoir commencer un apprentissage [1]), il a été immédiatement placé en garde à vue et soumis à un relevé d’empreintes ainsi qu’à un test osseux. Il a passé le week end à la maison d’arrêt de Seysses, une prison pour adultes. Son acte de naissance avait pourtant été authentifié et par la PAF et par les autorités maliennes.

« Ils prennent la place de nos mineurs »

Devant un dossier vide, le procureur de la république n’a pas hésité à livrer un plaidoyer politique trahissant les véritables fondements de ces poursuites. S’appuyant sur un article du journal « Le Figaro », il a affirmé que les MIE représentaient un « véritable poids pour la France », que l’escroquerie à l’aide sociale à l’enfance était devenue un « sport national », et, pour finir, que ces jeunes prenaient la place de « nos » mineur-es.

Hélas, ces propos ne constituent en rien un dérapage. Ils font écho aux positions et agissements du parquet que nous observons depuis des mois. Un autre jeune dort actuellement en prison, à Seysses, et des dizaines d’autres sont poursuivis au pénal.

AutonoMIE rappelle que le droit français, conforme en cela à la Convention internationale des droits de l’enfant, ne distingue pas les mineur-es isolé-es étranger-es des mineur-es isolé-es « nationaux ». Tout enfant qui est temporairement ou définitivement privé de son milieu familial a droit à une protection et une aide spéciales de l’Etat [2].

Le parquet ouvre systématiquement une enquête pénale contre les MIE qui réclament à l’Etat la protection qu’il leur doit

Aussi illégale soit-elle, cette distinction est à la base de toute la politique sociale et pénale du département en matière de protection de l’enfance.

Dès leur arrivée à Toulouse, les jeunes sont dirigé-es vers le DDAEOMI (Dispositif Départemental d’Accueil d’Evaluation et d’Orientation des Mineurs Isolés [3]), où des éducateur-ices zélé-es ont pour travail de déclarer majeur-es 80% d’entre eux. Sur la base de rapports où il est écrit des choses comme : « Parle trop bien français », « Reste dans son coin », « Est trop sûr de lui », « Dit vivre dans la brousse », le procureur classe leur demande sans suite.

Tou-tes les mineur-es qui osent contester cette décision en faisant un recours devant la juge des enfants se voient poursuivis pour escroquerie. En d’autres termes, le parquet ouvre systématiquement une enquête pénale contre les MIE qui réclament à l’Etat la protection qu’il leur doit.

Lors de ces enquêtes, le doute ne bénéficie jamais aux MIE, et leurs droits les plus élémentaires sont bafoués au nom d’une gestion raciste des flux migratoires.

Pour les déclarer majeur-es et en faire des sans-papiers comme les autres, le parquet ne recule devant rien :

Le jeune refuse la prise d’empreintes et le test osseux (comme c’est son droit) ? Majeur !

Le jeune transpire lors de son évaluation au DDAEOMIE ? Majeur !

Le jeune a fait authentifier ses papiers par ses autorités consulaires mais la PAF se permet de donner un avis contraire ? Majeur !

Le jeune voit ses papiers se faire authentifier par la PAF ? Majeur ! (« Ce ne sont pas les siens ! »)

Dissuader

En Haute Garonne, le fait pour un-e mineur-e isolé-e étranger-e de revendiquer des droits est devenu, de fait, un délit.

Le but ? Dissuader les jeunes de saisir la juge des enfants, diffuser le message que les MIE ne sont pas les bienvenu-es à Toulouse, laisser un Conseil Départemental condamné 82 fois par le juge des tutelles pour sa prise en charge inhumaine des mineur-es mettre à la rue, les un-es après les autres, des adolescent-es en situation de grande détresse.

Derrière ces trois lettres, MIE, se cachent des ivoiriens, des maliens, des guinéennes, des sénégalais (...) arraché-es à leur pays et parti-es seul-es sur la route de l’exil rejoindre leur « pays colonisateur », vendu dans leurs livres scolaires comme « le pays des droits de l’Homme » [4], dans l’espoir d’un avenir meilleur.

Rien ne saurait justifier l’inhumanité et l’injustice du traitement qui leurs sont fait à leur arrivée en France alors même que les traumatismes qu’ils ont subi les place dans une situation de vulnérabilité accrue.

AutonoMIE dénonce le traitement différencié et discriminatoire dont ils sont victimes et attire l’attention sur les graves violations des droits de l’enfant dont se rend coupable le parquet de la Haute Garonne.

Notes

[1Tout est fait pour que les jeunes migrant-es n’accèdent ni aux études ni à l’apprentissage. Pour plus d’informations, lire l’article du Gisti "Droit à l’apprentissage pour les mineurs étrangers, bonnet d’âne pour le ministre".

[3Qui n’accueille en fait que les étranger-es.

[4Ce sont leurs mots.

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