Complément sur l’appel à lutter contre l’A69

L’autoroute Castres-Toulouse n’est pas un scandale, elle est une incarnation de la rationalité du monde capitaliste. Ce texte vient apporter des éléments à propos de l’appel à créer un collectif, lancé le 14 avril .

Depuis près d’un mois le projet d’autoroute Castres-Toulouse ou A69 a franchi une étape cruciale, celle de l’appel d’offre. Le concessionnaire final devrait être choisi d’ici à quelques mois. L’appel à élargir la lutte tombe donc à point nommé. Cependant, quelques points de ce texte méritent un approfondissement pour bien comprendre de quoi il retourne.

Un projet ancien ressorti des cartons ?

A la lecture des dossiers d’études des diverses phases de concertation nous apprenons que ce projet date du 8 mars 1994. Date à la quelle le Ministère de l’Equipement, des Transport et du Tourisme a officiellement décidé de l’amélioration de la RN 126 entre Castres et Toulouse. La lecture du document en question nous apprend qu’il ne s’agit pas d’aménager une autoroute en site propre sur tout le long du tracé. Mais en l’occurence de passer progressivement l’itinéraire en 2x2 voies. Une voie express en somme. La différence est ténue, elle réside dans la vitesse maximale autorisée : 100km/h au lieu des 130. Cela implique une meilleure irrigation du territoire mais surtout la gratuité de l’axe. C’est donc dans ce cadre que deux déviations de villages ont été réalisées au début des années 2000 sur les deniers publics celles de Puylaurens (mise en service en 2008) et de Soual (construite en 2000).
Une première modification en douce du projet a lieu début des années 2000.
La Décision Ministerielle du 8 mars 1994 prévoyait que le tronçon entre Castres et Soual reste un boulevard urbain. Qu’importe ! certains désiraient ardament une 2x2 voies entre la rocade de Castres et la déviation de Soual. Elle a été découpé en deux projets distincts soumis à Enquête Publique dont un a été déclaré d’utilité publique en 2004.
Cet ardent désir de deux fois deux voie, s’est transformé en nécessité vitale d’une autoroute par une mise en concession actée par l’Etat en 2007. Quitte au passage à rendre caduque les avancées obtenues et à bloquer pour 10 ou 20 ans de plus toute avancée sur le dossier. Le contexte à cette époque est celui de la possibilité d’un moratoire sur les autoroutes, c’est chose faite avec la loi dite "Grenelle I". Enfin, un moratoire c’est un bien grand mot puisque l’Etat engage tout de même des études sur ce qu’ils nommeront sobrement la "Liaison Autoroutière Castres Toulouse"pour aboutir à un Débat Public l’inscrivant dans le marbre et ironiquement intitulé "Projet d’accélération de l’aménagement de la RN 126 entre Castres et Toulouse".Comment a t’on pu en arriver là ?

L’Etat juge et partie ?

Pour bien comprendre le rôle de l’Etat en matière routière il faut avoir en tête qu’une autoroute ça coûte un pognon de dingue, en l’occurence près de 500 millions d’euros (juste pour les travaux). Elles sont logiquement soumises à une décision nationale. Il y a nécéssairement une hierarchisation des choix. Cela implique un lobbying intense d’élus locaux en vue d’attirer ce précieux sésame. Dans leur tête il s’agit de garantir la survie de leur territoire par le désenclavement. Derrière ce terme se cache un postulat plus que fallacieux. La fameuse équation autoroute = croissance/développement etrillée une première fois par François Plassard en 1977 avec son ouvrage Autoroute et Développement et une seconde fois avec l’article Les « effets structurants » du transport : mythe politique, mystification scientifique écrit par Jean-Marc Offner en 1993. A travers son rôle de financeur, il est aisé de comprendre que l’état est obligatoirement juge et partie mais surtout que son rôle est à nuancer...
C’est selon cette équation que deux personnalités locales ont pesé de tout leur poids pour que l’autoroute Castres-Toulouse soit prise en considération en plus haut lieu. L’un est Parlementaire et l’autre Industriel.
L’industriel est Pierre Fabre, un des plus gros employeurs du département du Tarn, fierté de la ville de Castres. On dit de lui qu’il se tient à bonne distance de la politique nationale, mais il faut toujours une exception pour confirmer la règle. C’est donc pour sauver sa ville qu’il aurait "arpenté les salons et anti-chambres des ministères" (dixit Pierre-Yves Revol son successeur).
Le Parlementaire est Philippe Folliot dont le blog indique qu’il serait à l’origine d’un amandement portant sur l’introduction d’une exception au moratoire. A la sécurité et la saturation s’ajoute maintenant "l’intérêt local". Ce terme flou est version plus moderne du bon vieux désenclavement.
Rendons hommage à ces hommes, le projet n’a jamais vraiment dormi dans un tiroir, il a été posé sur le sommet de la pile par des lobbyistes archarnés.
L’Etat n’est pas qu’un porte-monnaie se distiguant par des décisions aussi froides qu’arbitraires. Il les justifie aussi et c’est en ces lieux que nous pouvons comprendre toute la puissance du lobby des élus Sud Tarnais.
Alors que la DREAL, un service régionnal de l’Etat, est maitre d’ouvrage et à ce titre commandite les études technique, le Commissariat Général à l’Investissment (CGI) dépendant lui du bureau du Premier Ministre et l’Autorité Environnementale (Ae) du Ministère de l’Environnement rendent des avis. Ces derniers sont assez délicieux à lire, leurs auteurs montrant la faiblesse du projet de leurs confrères, bénéfices sur-estimés ou plus étonnant un projet pas forcément justifié. L’état bipolaire...
Sur l’absence de justification cela n’est pas formulé de cette manière mais largement sous entendu. L’Ae pointe l’absence d’études sur les alternatives et le CGI la faiblesse des trafics même dans les portions les plus fréquentées. En Lozère, l’état abandonne un projet de deux fois deux voie sur l’Axe Lyon Toulouse (autrement plus vital d’un strict point de vue aménagiste, destructeur d’un point de vue environnemental) pour la faiblesse des trafics, mais entre Castres et Toulouse le même ministère juge "exemplaire" le projet. Question chiffres, en Lozère on compte 4000 - 8000 véhicules/jours dans le Tarn c’est plus proche de 6000 - 10000, une autoroute se justifie autour de 25 000. Cherchez l’erreur !
Autre moment illustrant la duplicité de l’Etat, ce sont les grandes commissions chargées de mettre à plat la hierarchisation des projets d’infrastructures de transports. Intéressons nous aux travaux de la Commission Mobilité 21 (2013) et du Conseil d’Orientation des Infrastructure (2018). Les justifications des décisions laissent songeurs :

Mobilité 21 :

La commission a été sensible aux enjeux d’aménagement du territoire qui s’attachent à l’amélioration de la liaison. Sans se prononcer sur les caractéristiques de l’aménagement et les modalités de sa réalisation, après analyse comparative des enjeux nationaux des différents projets, la commission classe le projet dans la catégorie des premières priorités dans le scénario n°2. Dans le cadre du scénario n°1, la commission classe le projet dans les secondes priorités.

Le principe d’amélioration de la RN 126 est validé, pas une concession autoroutiere.

COI :

L’enquête publique préalable à la déclaration d’utilité publique a notamment été menée fin 2016 –début 2017 et a obtenu un avis favorable de la commission d’enquête. Pour autant, de nombreuses personnes ont fait valoir à cette occasion qu’un projet d’aménagement sur place, conduit avec une ambition moins forte, comme l’Autorité environnementale le relevait d’ailleurs dans son avis, aurait pu répondre aux attentes locales avec un effet sans doute plus modeste sur l’environnement. Une partie des membres du Conseil partage cette opinion. Pour autant, le besoin d’aménagement de cet itinéraire ayant été exprimé de très longue date et étant peu contestable et le choix fait d’un aménagement concessif étant par ailleurs largement motivé par la difficulté de l’Etat à financer sur crédits budgétaires, dans des délais raisonnables et compatibles avec les besoins des territoires concernés, les travaux nécessaires, le Conseil considère que l’option autoroutière n’est plus à discuter aujourd’hui et qu’il convient que l’Etat apporte sa contribution à la subvention d’équilibre, contribution évaluée à 115 M€.

Rappelons quand même que ce rapport a enterré l’A45 entre Sainté et Lyon du fait d’une contestation locale... (certes un peu plus puissante, Gérard Collomb étant opposé officieusement au projet)
La duplicité de l’Etat n’est pas celle du juge et partie, elle réside dans le fait de son deux poids deux mesures, largement orienté par le lobbying d’élus locaux. D’un côté il enterre, de l’autre il construit.
Pour ce qui est du rôle des CCI je vous met au défi d’en trouver une opposée à un projet autoroutier, l’exemple de l’autoroute Limoges Poitier est un régal similaire à l’A69.

Un environnement à protéger ?

Dernier point pour être plus précis dans notre argumentaire, la vallée du Girou n’est pas exactement la définition d’un Pays de Cocagne environnemental. C’est une zone de Grandes Cultures qui impliquent des pesticides en quantité non négligeable. Les zones humides ont été détruite par cette agriculture intensive, le Girou n’étant plus qu’une rigole dont le cours a été partiellement retouché et les ripisylves réduites au strict minimum.
Les impacts environnementaux sont plus à chercher du côté de l’aggravation des innondations, de la consommation toujours plus grande de terres agricoles mais aussi de la consommation de combustibles fossiles...

Edgar De Triage

P.-S.

Je suis entrain de travailler à une brochure illustrant la logique sous tendue par cette autoroute.

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