Expulsions au canal latéral : une stratégie bien rôdée

L’expulsion annoncée ayant fait quelques remous, la mairie semble repousser à septembre son projet de nettoyage du canal latéral. S’il semblerait qu’un peu de répit soit accordé aux occupant.es des lieux, il convient de rester vigilant.es.

Depuis les Ponts jumeaux et sur une longue partie du canal latéral, des personnes vivent depuis des années dans des caravanes, camions ou cabanes qu’elles ont construit elles-mêmes. Certaines y ont trouvé refuge il y a 2 ou 3 ans, d’autres sont installées ici depuis des dizaines d’années. Le 4 juillet, des personnes se présentant comme travaillant pour la mairie sont venues voir plusieurs habitants du canal latéral pour leur dire qu’ils devaient partir à la fin du mois. Pour d’autres, occupant des terrains qui appartiendraient au Stade toulousain, c’est même un « commandement de quitter les lieux sans délai par ordonnance du tribunal » qui leur a été donné.

Jusqu’alors, la mairie avait promis à certains, toujours oralement, d’installer un mur anti-bruit le long de la rocade et de les laisser tranquille jusqu’en 2024. Les habitants ne s’attendaient donc pas à recevoir ces menaces d’expulsion. Des relogements ont été promis à certaines personnes mais pas à toutes, et loin de Toulouse, où les gens ont leur vie. Cette stratégie de menace a poussé plusieurs personnes à partir d’elles-mêmes, pour ne pas avoir à subir une expulsion potentiellement violente. D’autres s’y opposent et ont lancé une pétition

Des voisins et associations tentent d’apporter leur soutien aux habitants. Une réunion a eu lieu lundi 23 juillet pour s’organiser face à cette situation. Entretemps, plusieurs habitations vides ont été détruites. La réunion a rassemblé une douzaine d’habitant.e.s, le DAL, le Cedis, l’Assemblée des sept deniers, les Restos du coeur, des voisin.e.s, un avocat et divers soutiens. Elle a été l’occasion de rassembler les informations, de faire le point sur les différentes situations et d’envisager la suite. On y a appris notamment que la police municipale passe régulièrement pour menacer les personnes qui n’ont pas reçu de « commandement à quitter les lieux ». Diverses idées ont émergé, des habitants ont préparé des banderoles.

Un rendez-vous est donné le lendemain où une personne de la mairie est présente. Elle promet qu’aucune expulsion n’aura lieu avant septembre. Elle veut bien reconsidérer des offres de relogements pour 10 habitant.es, mettre plus de containers ici et maintenir la pression là. Les habitants organisent un nettoyage des lieux et la mairie leur fournit une poubelle. Ces nouvelles promesses apportent un léger répit et détendent un peu la situation.

Pourtant, deux jours plus tard, des prestataires de la mairie ont détruit une partie des cabanes au début du canal et placé de gros blocs de pierre pour éviter les réinstallations. Cela se fait sans prévenir les habitant.e.s bien sûr et à 7h du matin... Vendredi matin, un employé de Toulouse Métropole vient constater la fin de ces travaux. Sur l’autre rive, près du stade, des camions d’une entreprise détruisent et déblayent plusieurs parcelles. Malgré l’affirmation qu’aucun projet d’aménagement n’est en cours sur ces terrains, les habitants ont vu des géomètres faire des relevés jeudi 26 juillet.

Habitation partiellement détruite. Des blocs de pierre sont mis à la place.
Jeudi et vendredi matin, des entreprises sont venues détruire et déblayer. Là le camion qui transportait le tractopelle.
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Blocs de pierre et interdictions de stationner.
Agent de Toulouse Métropole venu constater la fin des opérations (et prenant des photos sur son téléphone)

Afin d’éviter probablement une opposition collective, les autorités s’attaquent individuellement ou par petits groupes aux habitants, proposant des solutions individuelles, donnant des calendrier différents. La réunion qui a rassemblé de nombreuses personnes et la pétition qui a été diffusée sur internet semblent les avoir dérangé. L’UCRM, qui accompagne ces expulsions, se plaint d’être pointée du doigt. On retrouve les pratiques qui ont été mises en oeuvre contre les habitants des campements du Ginestous l’année dernière : menaces orales pour pousser les gens à partir d’eux-mêmes, tentatives d’expulsion dans le silence de l’été quand la solidarité est difficile à organiser...
Tout cela sur fond de propagande de "mise à l’abris", "relogement" et autres bons sentiments visant à occulter la violence de l’expulsion et de la destruction de lieux d’habitation.
Certain.nes habitant.e.s sont content.e.s de trouver un appartement mais d’autres, là depuis plus de 20 ans, n’ont pas du tout envie de partir.

"Pour que chacun, riverain, toulousain, métropolitain, se réapproprie le canal ! "

Page dédiée au Plan Canal sur le site de Toulouse Métropole. « Pour que chacun, riverain, toulousain, métropolitain, se réapproprie le canal ! »

Si une pause est concédée, il semblerait que les velleités de la mairie de rendre cet endroit au tourisme et à la plaisance, restent entières. La stratégie semble être de gérer séparemment les réalités mélangeant pression de la police municipale à cheval (tout un poème) et promesse de solution.
Il est clair pour la bourgeoisie locale que ce canal est un atout majeur pour le département et dans la continuité de l’aménagement touristique du canal du midi, le canal latéral doit lui aussi être aménagé. Pour cela il faut littéralement "faire place nette". Dans la presse ou les documents d’aménagement, la lutte contre la « cabanisation » est une priorité. Pourtant depuis plus de 20 ans cette zone reste un lieu où il est encore possible de s’installer comme on peut tout en restant proche du centre urbain. Ce qui se joue là est l’une des multiples batailles dans l’espace et pour l’espace, dans la guerre que les pouvoirs publics, et les intérêts qu’ils servent, mènent contre les pauvres.

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