Procès des inculpé-es du 8.12 - Semaine 2

Suivi de la deuxième semaine du procès a Paris. Il a lieu du 3 au 27 octobre 2023 pendant 4 semaines du mardi au vendredi.

  • Ajouts des CRs complet du jeudi et vendredi du blog de soutien au 8.12

     

  • Ajouts des CRs du jeudi et du vendredi de Paris-luttes.info

     

  • Ajout du compte rendu du mercredi 11 octobre : Audition de Flo (a propos des explosifs) et de l’expert en explosifs de la DGSI

     

  •  

Cet article relais les comptes rendus du procès publiés sur le blog de soutien aux inculpé-es du 8.12..

Pour en savoir plus sur l’affaire du 8.12.

Lire l’appel a solidarité international.

Vendredi 13 octobre : A propos des armes et des parties d’airsoft

Camille va être interrogée sur la question des explosifs pour clôturer la « thématique ». La plupart des questions portent sur sa relation avec F. et sa complicité supposée. Est aussi abordé son rôle dans la confection de pétards à Parcoul.

Juge : avant toute chose, elle informe que le Tribunal a délibéré sur la demande de la veille (faire une requête à la DGSI pour obtenir les enregistrements vidéo des GAV), elle noie encore une fois le poisson en disant que cette demande sera jointe aux autres demandes « sur le fond » et qu’on en saura pas plus pour l’instant.

« Si ca vous intéresse, W. ce que je dis ? »

L’avocate Alice Becker : « Avez-vous reçu un mail de ma part ? » Le mail a été envoyé tôt dans la matinée et arrive « à l’instant » (13h49) sur la boîte mail de la Présidente. La DGSI l’aurait-elle intercepté ?

CAMILLE est à la barre

La présidente annonce les points sur lesquels elle sera interrogée. Principalement les essais de pétards à Parcoul.

Juge : « On ne vous voit pas apparaître tout de suite mais de manière indirecte dans la procédure préliminaire ».

Quelques conversations brèves qui disent peu de choses, des écoutes téléphoniques, une géolocalisation du téléphone, sa voix apparait dans les sonorisations du camion de Florian.

Une sonorisation lui est lue, dans laquelle on entend un appel entre elle et Florian. Il lui explique quelque chose à propos d’une action « à l’arrache », pas bien organisée, avec des Talkie-Walkie, etc. Il dit qu’il aime les trucs « plus pro ».

– « On vous entend dire « Ouais » à plusieurs reprises », commente la Présidente.

C : F. a un certain goût de la mise en scène. A ce moment-là ce que je sais c’est que l’esprit fanfaronnade, ça ne m’intéresse pas.

J : « Oui, vous ne relancez pas ».

C : « Oui à la fois fanfaronnade et truc inconséquent : ne pas se faire prendre bêtement sur un truc inconséquent ».

J : « Il dit « il aime les trucs bien organisés ». C’est un gars bien organisé F ? »

C : « Je ne sais pas et ça dépend des sujets. Très désordonné ou très organisé selon ses centres d’interêt. Ca ne prédomine pas ».

Autre sonorisation, le soir du vol d’engrais. F. envoie quelques messages audio à C., sans lui donner de détails, mais il la prévient qu’il part en petite « mission » et que si il ne donne pas de nouvelles le lendemain, c’est qu’il est « en prison ».

Juge : « Est-ce que vous étiez au courant du weekend avec S ? »

C : « Non je ne connais pas S »

J : « Paulnay, vous connaissez ? »

C : « Non. »

J : « Vous n’avez pas idée de l’emploi du temps de F ? »

C : « On ne se tient pas au courant de tout ce qu’on fait ».

J : « Est-ce que vous avez le souvenir de cette conversation ? »

C : « En dehors de la procédure, non. »

J : « Et maintenant ? »

C : « Bah je l’ai eu sous les yeux, donc oui, mais je ne suis pas capable d’en dire plus ».

J : « Une conversation classique ? »

C : « Pour recontextualiser, dans nos milieux on parle souvent de « mission », mais ça n’a rien à voir avec quelque chose de grave. Par exemple, dans nos réseaux de squats ou d’associations, il y a des façons de vivre autour de la récup. Ce vocabulaire ne me surprend pas ».

J : « Est-ce qu’il y a une manière de s’organiser ? Pour la récup ? »

C : « Oui, on prend toujours des précautions car on sait que pour de la récup, ou pour un collage d’affiches, on peut finir en GAV. Je n’ai pas pris au sérieux son message, ça m’a pas alarmée plus que ça ».

J : « Vous allez être géolocalisée, votre camion et ligne téléphonique. C’est comme ça qu’on sait que vous descendez en Dordogne. On s’assure de votre présence à Parcoul, on fait des recherches notamment sur vos achats. Vous n’avez pas contesté votre présence ».

C : « Je n’ai jamais contesté ».

J : « Vous préparez ce déplacement avec l’aide de votre père : il vous envoie des justificatifs par sms. Organisation pour permettre de bouger ».

C : « Oui, c’est ça ».

J : « On a la synthèse de cette communication : déplacement professionnel. Ce n’est pas ce que vous faites ? »

C : « Non, mais c’est le début du confinement, il y a des contrôles stricts et je n’ai pas de raison valable donc j’ai demandé ça ».

J : « Vous vous faites flasher en avril et vous donnez l’adresse du moulin ? »

C : « Non pas du tout. J’ai donné mon adresse à Rennes mais c’était la voiture de Will » (carte grise avec adresse du Moulin).

J : « C’était plus sûr d’avoir une attestation, pourquoi pas sur l’application ? »

C : « Je n’utilise pas ce genre d’application sur mon téléphone. C’est une question d’éthique ».

J : « Vous arrivez le 5 avril au soir, repartez début mai, vous y allez en juillet, y retournez fin juillet… Vous êtes retournée ensuite à Parcoul ? »

C : « Oui, une fois dans l’été. Voir une amie Audrey qui vivait à cette coloc. On s’est rencontrées aux vendanges également. Le weekend était pour organiser un séjour vacances avec une association de personnes sans-papiers du Périgord. J’y suis restée 3 jours. W était là. B n’était pas là ».

J : « Vous êtes partie avant Florian, pourquoi ? Vous vous y ennuyiez ?

C : « On en revient toujours à cette histoire de hasard. A la base on devait se voir juste un week-end, puis il y a eu les annonces de confinement donc on a voulu le passer ensemble, c’était plus long que prévu. J’avais pas mes affaires. C’était chouette, mais j’avais pas mes ami.es proches, pas mes activités à Rennes. Financièrement j’étais juste. Je cherchais du boulot. Je suis restée quelques semaines à Parcoul mais j’ai choisi de rentrer chez moi à un moment ».

J : « Quand vous êtes en GAV vous avez répondu mais pas à tout, surtout quant à votre vie privée. On a plus d’informations sur votre parcours, moins sur vos activités. Votre droit au silence est respecté ».

* Interrogatoire sur la connaissance des explosifs*

J : « Avez-vous des connaissances sur la question ? »

C : « Non ».

J : « Attirée ? »

C : « Non ».

J : Des questions plus précises vous sont posées à la 5ème audition : vous choisissez de ne pas vous exprimer. Tentative à la 7ème audition sur les explosifs, vous ne voulez pas répondre. Vous vous êtes exprimée très brièvement sur ça devant le juge d’instruction. Vous évoquez la possibilité d’avoir participé. Vous vous rappelez ? »

C : « Oui, mais je voudrais préciser ou nuancer sur la GAV et la première comparution. Je ne m’étends pas sur les conditions d’arrestation. On refusait de me dire pourquoi j’étais arrêtée. Quand l’OPJ s’apprêtait à le faire, on l’a coupé. Au moment de l’énoncé du chef d’inculpation, et pendant le temps de la procédure, je l’ai contesté. J’ai toujours demandé qu’on m’explique les faits reprochés. C’est pourquoi j’ai refusé de parler. A plusieurs moments j’ai également refusé de répondre à des questions politiques ou sur mon intimité que je trouvais déplacées. Quand on a commencé à parler airsoft, j’ai expliqué, mais je n’étais pas écoutée. A un moment donné c’est une machine à broyer. J’ai arrêté de répondre parce que mes réponses ne changent rien à ce qui est en marche ».

J : « Ça figure pourtant clairement dès la première audition, votre chef d’inculpation ».

C : « Vous pouvez comprendre que cela semble complètement déconnecté de ma vie. Je ne comprenais absolument pas le rapport entre ces mots et ma vie ».

J : Pas de connaissance, d’attrait pour les armes ? »

C : « NON ».

J : « On en vient à cette histoire de bateau. Est-ce lié à votre arrivée ? »

C : Je ne crois pas que cette cérémonie du bateau a eu lieu le soir-même, parce que mon arrivée était tardive. Il y avait un effet d’accueil et de joyeuseté qui prédominait notre arrivée. Telle que je ressens notre arrivée – une visite du lieu, lieu magique, joie des habitant·es de nous faire découvrir la prestance du lieu. L’idée est d’investir ce lieu, le rendre joli, faire un bar, dépoussiérer, etc. C’est dans ce cadre la cérémonie du bateau ».

J : « Vous vous souvenez de comment germe l’idée de nouveaux pétards ? »

C : « C’est l’effet d’émulation, d’enthousiasme du groupe pour améliorer l’idée du bateau ».

J : « Vous avez déclaré en 2020 : « De ces choses là, activités, on a fait de l’airsoft et des expérimentations d’explosif. Ca peut paraitre bizarre mais il y avait un engouement pour le feu et les pétards. Un effet d’émulsion ».

J : « émulation plutôt. Et cette recette, elle ne vient pas de vous ? Est-ce que c’est Florian ?

C : « A peu près clair. Deux substances dont TATP (mais je ne savais pas) et engrais + sucre

2 substances testées : une dont Flo connaissait la recette mais ne la maitrisait pas, et une recette à base de cristaux. On a fait des recherches internet sur place ».

J : « Mais cette histoire de bateau arrive très vite ».

C : « Le bateau est le point de départ festif de nos essais ».

J : « Dans votre souvenir, qui est celui ou celle qui connaissait le plus ? »

C : « Je suis incapable de dire ».

J : « Mais qui en a parlé en premier ? »

C : « C’était une émulation collective, c’est venu spontanément. Il y a eu un engouement pour la fabrication de pétards ».

J : « Essais, expérimentation ratée, puis gros boum, puis ça s’arrête. Pouvez-vous expliquer ? Combien de jours ?

C : « Ca n’a pas duré plus de 2-3 jours. On a fait ça par curiosité. Si ça avait pas marché, on aurait arrêté de toute façon. »

J : « Qui participait ? »

C : « F. Moi. B. W. So. H., présent.es à différents moments, différentes étapes, pas toustes en même temps. Il y avait du temps d’attente, on faisait autre chose pendant ce temps ».

J : « On a compris, tout le monde tatônne, chacun y va de son commentaire… Vous saviez ce que ça allait donner ? »

C : « Ah bah on s’attendait à une explosion de pétard. On ne savait pas ce que ça allait donner chimiquement ».

J : « Vous vous souvenez des étapes ? Dans quelle ambiance ? Conscience de la dangerosité ? »

C : « Le fait que ça prenne feu, c’était pas bien on savait. Le but était de faire une poudre. Il y avait un esprit de confiance, bon enfant. Peut-être une sorte d’inconscience du danger. On aurait pu se faire mal ! On était dans une ambiance guillerette au début, puis après le gros boom on a été surpris.es ».

J : « Qui a transporté l’explosif ? »

C : « On y était tous. C’est sûrement F. qui a pris dans ses mains le produit ».

J : « Les mèches, d’où elles venaient ? »

C : « Je sais pas ».

J : « Pourquoi W. n’est pas venu ? »

C : « Il a prétexté vouloir garder les chiens, j’ai pas cherché à en savoir plus, ça me paraissait logique ».

J : « Qui a allumé le pétard ? »

C : « Je ne me souviens plus ».

J : « Et donc on comprend que ça fait boum, et tout le monde a eu peur ? »

C : « Je pense pas qu’on ai eu peur. Je dirais plutôt, j’ai été surprise, pas fière. Un peu comme une gamine qui a fait un bêtise ».

J : « L’idée de ne pas recommencer, comment c’est venu ? »

C : « Pour moi, c’était une évidence, chacun l’a exprimé plusieurs fois, à différents moments. Tout a été rangé et le reste de matière a été détruite ».

J : « On vous entend, le 11 avril, dire « T’es grave », il y avait une certaine dangerosité dans le comportement de M. D. ?

C : « Non pas du tout, c’était une blague qu’il a dû faire. D’ailleurs, on entend que je suis particulièrement attentive à prendre des précautions : « t’as le temps de t’éloigner », « on commence à s’ennuyer », etc ».

J : « Vous connaissiez le TATP ? Vous n’avez pas fait le lien ? »

C : « J’en avait peut-être déjà entendu parler, je ne sais pas. Je n’ai pas du tout fait le lien ».

JUGES ASSESSEUSES

J2 : « Ça vous a paru simple à fabriquer ? »

C : « Non pas si simple, on a quand même bien galéré ».

J2 : « Cette simplicité ne vous a pas fait peur ? »

C : « Oui, disons qu’après on s’est rendu compte qu’on aurait pu se blesser gravement ».

J2 : « Qu’est-ce que vous en avez tiré, comme expérience ? »

C : « Bah… j’en ai rien tiré ! »

J3 : « Pourquoi ne pas avoir arrêté avant ? Vous dites que vous vous ennuyez à un moment ».

C : « Oui l’ennui est venu à un moment, l’amusement initial est retombé ».

J3 : « Qui avait fait les recherches sur internet ? Chacun avait son accès personnel à internet ? »

C : « Je ne sais pas, je n’y ai pas participé ».

J3 : « C’est F. qui a proposé la recette ? »

C : « Je ne sais pas, l’idée à dû émerger au fil de discussions mais ça ne m’a pas marqué ».

PROCUREUR

Porc : « Bonjour C., M. D. a été sur une zone de guerre, il en parlait souvent ? On peut penser qu’il en a retiré certains troubles, une fragilité ».

C : « Bah oui ça arrivait qu’on en parle. Non je n’ai pas remarqué de troubles quelconques ».

Porc : « N’y a t-il pas une incohérence, une contradiction à faire des activités liées à la guerre, comme l’airsoft et les explosifs ? »

C : « Non, comme il l’a expliqué, ça n’a rien à voir avec la guerre ».

Porc : « Nous savons que vous avez des contacts réguliers mais on n’y a pas accès car vous utilisez Signal, cependant on peut écouter grâce aux sonorisations de son camion des messages audio qu’il vous laisse. On entend par exemple qu’avant sa rencontre avec S. il vous dit « j’ai pas mal de boulot », « je vais bosser », « je suis bien arrivé », vous savez donc ce qu’il fait à ce moment ? Quand il « bosse », de quoi il parle là ? »

C : « Non, je ne connais pas les détails de sa vie, ni où il est ni avec qui. C’est l’inverse que montrent les sonorisations, on voit bien qu’on ne se donne aucun détail de nos vies. Ces accusations remettent en question tout ce que je porte dans ma vie ».

Porc : « Il vous dit pourtant préparer une « petite mission » ça ne vous intéresse pas plus que ça ? »

C : « C’est un mot qu’on utilise tout le temps ».

Porc : « Vous saviez que c’était un vol d’engrais ? Il a volé de l’engrais ? Oui mais l’engrais ? L’engrais vous comprenez ???? ENGRAIS ! (il dit 15 fois le mot en 3 minutes)

C : « Non je ne savais pas du tout, comme je l’ai déjà dit ».

Porc : « En GAV, dès qu’on aborde Parcoul, vous ne répondez-plus, pourquoi ? Vous comprenez, au moment où on vous parle de la confection d’explosifs, vous gardez le silence, c’est étrange… »

C : « C’était au bout de 3 jours, j’étais épuisée. Je pourrais m’étaler sur les menaces d’agression sexuelle et les kilos que j’ai perdus en GAV, mais ça risque de prendre du temps et je ne suis pas sûre que ça vous intéresse, mais allons-y M. le procureur ! »

Porc : « Et la recette d’explosif, elle vient de qui ? »

C : « J’y ai déjà répondu ».

Porc : « Et l’eau oxygénée, pourquoi 3L ? Vous avez dit-être en situation financière compliquée, on a du mal à comprendre cet achat… »

C : « Je n’étais pas en situation financière compliquée mais en effet je commençais à devoir chercher du travail. Et ça ne coûte pas cher du tout, quand je commande, quitte à payer des frais de port, je préfère en prendre un peu plus.

Porc : « Vous avez conscience de la différence entre un pétard et un explosif ? »

C : « Explosif ce n’est pas le terme que j’ai employé ».

Porc : « En interrogatoire vous dites explosifs ».

C : « A force de répéter ce terme j’ai été prise par l’aspect performatif, mais je le réaffirme aujourd’hui nous voulions fabriquer des pétards ».

Porc : « Certes. Et quand F. sort son engrais, vous savez donc qu’il en a !! (il jubile de sa tautologie) Et après le test, il garde tout ? Ca vous fait rien de savoir ça ? »

C : « Non. Ça ne me regarde pas ».

Porc : « Vous dites avoir eu peur après le boum, et finalement ça ne vous inquiète pas qu’il garde tout dans son camion ? L’engrais, les mèches, les produits… »

C : « Je ne pense pas qu’on a eu « peur », mais on était surpris, oui. Mais de quoi j’aurais dû m’inquiéter ? Aucun de nous n’a acquis un quelconque « savoir-faire » après Parcoul. Il n’y avait pas d’envie d’en refaire. J’en ai aucune idée de ce qu’il a dans son camion, je ne le range pas tous les jours si c’est ça que vous imaginez ! »

AVOCATS

Avocate : « Rappelez-vous combien de fois vous voyez F., en tout ? »

C : « 3-4 fois maximum ».

Avocate : « Ah, c’est intéressant parce que le PV de judiciarisation de la DGSI en février 2020 nous parle d’une « relation étroite », c’est donc totalement faux. Et votre date de rencontre aussi est fausse.

Vous échangez principalement par Signal, en témoignent les sonorisations du camion de F. Là encore, rien sur les explosifs, rien sur S., rien sur les armes. Sur quoi échangez-vous principalement ?

C : « Principalement de nos « timming de bougeage », pour se croiser à l’occasion ».

Avocate : « Parcoul c’est un peu un hasard non ? Vous arrivez très tard le 5 avril, vous ne faites pas de courses avant d’y aller ? On voit que ce n’est pas préparé du tout ».

C : « On a dû se motiver trois jours à l’avance en effet ».

Avocate : « Puis vous partez le 7 mai, dès fin avril on le voit par l’interception de vos SMS, vous préparez votre départ ».

C : « Oui ».

Avocate : « L’eau oxygénée que vous avez achetée, une partie a servi à Parcoul (trousse de secours), et l’autre partie était dans votre chambre n’est-ce pas ? »

C : « Oui l’eau oxygénée était sur une étagère dans ma chambre, avec ma boite à couture ».

L’avocate sort les photos de sa perquisition : la chambre est saccagée.

Avocate : « Donc les enquêteurs retournent votre chambre violemment, votre lit est même cassé, pourtant ils ne prennent pas votre eau oxygénée (un précurseurs du TATP), mais repartent avec un poster sur le Rojava ? »

C : « Oui c’est ça… »

Avocate : « On voit que dans les écoutes, personne ne prononce le terme de TATP, vous même vous connaissiez ce terme ? Le Juge d’Instruction semble prétendre que vous feignez ne pas connaitre ».

C : « Non, je l’ai appris dans cette enquête. J’en avais peut-être entendu parler vaguement dans les journaux, mais aucun souvenir ».

Avocate : « Et qu’en pensez-vous maintenant ? »

C : « Bin on aurait pu se blesser salement ».

Avocate : « Quand vous recroisez Florian, vous ne refaites pas d’explosifs ? »

C : « Non pas du tout, quand on se voit, on part en vacances, on randonne, on discute de tout et de rien ».

Avocat : « Quel est le lien que vous entretenez à Parcoul avec le voisinage ? »

C : « Les voisins sont passés plusieurs fois ! Une voisine est arrivée par la rivière une fois, on est allé.es saluer les voisins ».

Avocat : « Donc, les voisins pouvaient passer à tout moment, même quand vous faisiez vos expériences ? En somme, rien de bien clandestin n’est-ce pas ? »

C : « Tout à fait ».

La thématique des explosifs est close, la juge souhaite poursuivre sur les armes et l’airsoft avec C., elle lui laisse le choix de refuser et de passer un autre jour. Elle refuse et c’est W. qui prend la suite au sujet des armes.

WILLIAM à la barre

W. a obtenu son permis de chasse en 2019

Il est en possession d’une carabine 6 coups et d’une carabine 12 mm, armes de catégorie C déclarées auprès de deux préfectures.

En GAV W. s’est exprimé sur ses armes. Sa famille et lui collectionnent les objets militaires, lorsqu’il était jeune il tirait avec son grand-père au fond du jardin.

W. a également fait 6 ans de tir à l’arc, et s’était récemment inscrit à un club de tir, proche de Parcoul, où il se rendait une à deux fois par semaine.

La présidente lui demande si être en possession d’un permis de chasse ne l’a pas amené à chasser et souligne la contradiction avec sa défense de la cause animale, W. répond qu’il n’en a pas eu le temps à cause du confinement, qu’il ne connaissait aucun chasseur dans la région et que pour lui le tir est un hobby. Concernant son engagement pour la cause animale, il n’est plus végétarien aujourd’hui et souhaitait chasser dans un but d’autonomie (notamment, nourrir ses chiens). Sur le fait qu’il soit en possession d’armes « opérationnelles », W. précise que seule l’une des carabines est vraiment létale, les autres n’étant pas assez létales pour la chasse et donc utilisables uniquement pour le tir sportif.

Sur le fait qu’un stand de tir ait été mis en place à Parcoul, W. explique qu’il s’agissait seulement d’un tréteau pour s’appuyer avec une cible posée plus loin. Ses ami.es se sont essayé quelques fois au tir mais toujours en sa présence, pour assurer leur sécurité, et sur des temps courts. F. n’a tiré que 3 ou 4 cartouches.

S’agissant de la pratique de l’airsoft, W. dit ne pas être très intéressé, cela n’a rien à voir avec le tir, certes l’aspect « mise en scène » est amusante, mais pas plus que ça. Il a néanmoins participé à quelques parties à Parcoul sur une journée, les parties ont eu lieu dans la maison.

W souligne que cela n’a absolument rien à voir avec un véritable entraînement militaire : « Mon père m’aurait ri au nez si on lui avait parlé d’entrainement militaire ».

Tout le monde a participé sauf une personne.

L’objectif de ces parties était de s’amuser, de « jouer à la guéguerre », soit en avançant tous ensemble vers un objectif commun, soit en faisant deux équipes qui s’affrontent.

La présidente insiste pour savoir qui a proposé et savoir si c’est F. qui a « pris les choses en main ».

C’est F. qui a proposé la partie d’airsoft, il leur a montré comment s’introduire dans une pièce et la sécuriser, mais en aucun cas il ne leur a transmis un savoir-faire militaire ni tactique, c’était pour s’amuser et passer le temps au bout d’un mois de confinement. Il en a retenu une bonne partie de rigolade.

La juge lui demande s’il était au courant que F. avait d’autres armes à sa disposition, W. lui répond que non.

S’agissant de la volonté de F. de passer le permis de chasse, W. se rappelle en avoir parlé avec lui, pour des questions d’autonomie alimentaire. La juge cherche à savoir si F. a sollicité W. pour qu’il l’aide à obtenir une arme, il répond que non.

Elle lit une sonorisation qui aborde le sujet du permis de chasse de F. et du choix de la meilleure arme « pour tuer des poulets », W. répond que c’est une blague, F. ne restant pas souvent sérieux plus de 5 minutes, mais qu’il s’agit d’acheter de quoi chasser le sanglier et du gros gibier. Elle souligne que dans cette conversation ils paraissent déçus de ne pas avoir les moyens d’acheter une arme adaptée, W. répond « qu’en général, on veut ce qui coûte le plus cher ». F. fait une blague sur la Turquie et dit qu’il va « aller à la source pour s’en procurer une ».

La présidente mentionne un appel téléphonique au sujet du permis de chasse que F. aurait faite précédemment chez l’armurier le 5 juin.

Puis la juge demande à W s’il sait si F. a acquis une arme, W. répond qu’il ne sait pas.

Elle cite une conversation avec B. au sujet de l’achat d’une arme pour F., un fusil à pompe, d’un montant de 300 à 400 euros « à la louche ». Elle s’étonne que F. envisage d’acheter une arme avant d’avoir obtenu son permis de chasse, W. explique que c’est parce qu’il s’agissait d’une très bonne affaire (plusieurs centaines d’euros de réduction). B. aurait acheté l’arme pour F. mais a souhaité la garder car il l’aimait bien et s’y était habitué au stand de tir.

Le juge demande à W. s’il était au courant que L. avait fait des rencontres airsoft et s’il avait connaissance des ateliers avec M. et L. : « Non. »

Devant le JI, W. aurait dit de ses camarades qu’ils étaient des « mauvaises fréquentations », ce à quoi W. répond : « Ce n’est pas lui qui a apporté le bordel dans ma vie, c’est l’enquête de la DGSI qui a foutu le bordel dans ma vie ».

La juge aborde « L. et son petit délire survivaliste » et demande si son souhait était de former de petits groupes survivalistes. Elle cite des morceaux de conversation portant sur l’autonomie, un possible crack boursier, le souhait d’occuper une ferme abandonnée, ce à quoi W. répond que dès qu’ils regardaient les informations, ils voyaient des gens « s’entretuer pour du PQ ».

W. confirme qu’il y avait bien un projet de vivre en autonomie alimentaire et de faire des activités, mais que le reste relève du délire lié au confinement et à ce qui se passait alors dans le monde.

Avec le Covid et le confinement les prix de l’immobilier ont flambé, et il leur était impossible de trouver un terrain ou une bâtisse de l’ordre de ce qu’iels cherchaient.

Juge assesseuse de droite :

JA : « F. parle beaucoup de Rojava. Comment passe-t-on du récit à une mise en situation ? »

W. : « Je ne comprends pas la question ».

La juge cite des déclarations de So. sur le fait « d’apprendre à se déplacer », du fait que F. « était fan de tout ça », « voulait qu’on fasse ses entrainements », « était obnubilé par les armes ».

W. déclare que cela ne reflette pas du tout ce qu’il a vécu et regrette qu’elle ait vu les choses comme ça.

Procureure :

Elle se demande pourquoi faire toutes ces démarches pour obtenir l’autorisation d’une chasse gardée et sous-entend que c’est bizarre.

W. lui rétorque que non, et la remet à sa place en lui expliquant les réalités de la campagne, il ne souhaite pas s’attirer des problèmes en déclarant son terrain « réserve interdite à la chasse » (provoque l’hostilité des chasseurs), il évoque la nécessité de pouvoir chasser les nuisibles sur son terrain, et sa volonté de pouvoir être auto-suffisant en viande.

La proc lui demande quel investissement financier cela représente, autant d’armes !

Il répond que ça ne lui a pas couté très cher, environ 600€, que la plupart de ses fusils ont été donnés ou achetés d’occasion, pas cher du tout. Il se rend à des bourses aux armes et cherche chez les antiquaires.

Elle lui redemande combien de fois par semaine il s’entraîne au tir, même réponse, une à deux fois par semaine.

La proc évoque une conversation entre F., M., et L. au sujet des armes et de la chasse, W. rétorque qu’il n’était pas au courant.

Des soupçons sur la volonté de F. de se procurer une arme alors qu’il serait végétarien : W. estime que si F. cherchait à obtenir une arme sans vouloir chasser, alors il n’aurait pas besoin du permis de chasse,

Il est beaucoup moins coûteux d’aller s’entraîner au stand de tir, c’est donc qu’il s’intéressait à la chasse.

La proc cite alors une sonorisation sur la crainte de la montée du fascisme, W. rétorque que cela n’a aucun rapport, qu’en aucun cas il n’est question de s’armer pour tirer sur des gens.

Elle cite un extrait de conversation entre F. et C. au sujet des parties d’airsoft où F. évoquerait un « partage de connaissances » et ferait le lien avec le Rojava, ce à quoi W. répond qu’il n’y a pas eu de debriefing après les parties d’airsoft et qu’à ses yeux il n’y avait pas de notion de partage d’une expérience particulière.

Au sujet des séances de tir, avec F. ce n’est arrivé qu’une seule fois, parfois W. en faisait tout seul.

La proc cite à nouveau les propos de So. et Ma. sur le fait qu’il s’agissait « d’entraînements paramilitaires », que « tout tournait autour de ça ». Cela semble totalement disproportionné aux yeux de W. qui rappelle que les parties d’airsoft ont eu lieu sur seulement une après-midi.

Elle insiste et se questionne sur le fait que Ma avait deviné que c’était F. qui avait été arrêté le 8 décembre 2020.

Avocate

L’avocate prend la parole et insiste sur le fait que W. est extrêmement attentif aux questions de sécurité s’agissant de la pratique du tir.

A la question de savoir pourquoi il pratique le tir, W. répond que ça le détend, qu’il est dans sa bulle, se concentre et qu’il aime ça. Il pratique le tir au stand de tir avec un gendarme, qui préside l’association. Il pourrait avoir fait des démarches pour avoir accès à des armes de catégorie 2 mais cela ne l’intéresse pas.

Le 12 mai 2020, jour du déconfinement, W, F, et B se rendent au bar, font du lèche-vitrines. Ils font un tour à l’armurerie et B acquiert une carabine à poudre noire de 1820. Sur les sonorisations on entend parler de « gratter le numéro de série avec une pièce », W. rétorque que cela n’a aucun sens, on ne parle pas de fusil, ce n’est même pas son calibre, et en aucun cas on ne peut gratter un numéro de série d’une arme avec une pièce.

Sur la question du survivalisme, le 25 mars est « le début de la fin du monde », l’autonomie revêt un caractère pacifiant. Il est question d’acheter un terrain sur lequel faire un potager, avoir l’accès à l’eau, vivre en collectivité et en autosuffisance. L’avocate souligne le fait que cela n’a aucun rapport avec une AMT.

Sur les déclarations de So., W. répond qu’elle n’aime pas du tout les armes, ni les douilles qu’il lui offre. (il a l’habitude de récupérer des douilles usagées et d’en offrir à tout le monde).

« Si on fait le décompte des activités de gauchistes machiavéliques au long du séjour on compte 3 jours de pétards et 1 jour d’airsoft. » déclare-t-il pour remettre un peu les choses à leur place.

Me Bouillon :

Lors de la GAV, la DGSI a affirmé que l’élément de roquette (tubulaire) servant d’élément de décoration chez vos parents se trouvait chez M. Fraga. Lors de sa perquisition, des armes ont été retrouvées dans le matériel d’airsoft. Vous lui avez-vous prêté ?

On apprend là qu’un élément de lance-roquette de collection a été laissé pendant la perquiz chez ses parents, puis, avant de partir, un gradé de la DGSI a dit : « Prends, ça peut toujours servir », et que des agents de la DGSI ont utilisé cette « saisie » pour prétendre lors d’une GAV que cette arme avait appartenu à F. et qu’il l’avait stockée chez quelqu’un. W. déclarera : « C’est honteux, c’est ce que j’appelle une barbouzerie ».

Me Bonaglia :

Sur la question de posséder un permis de chasse, il est indispensable y compris pour chasser les nuisibles sur son propre terrain.

Me Meyniard :

Elle dit que W. est passé d’un monde urbain au monde rural, et qu’il a découvert le monde de l’élevage.

Elle évoque une autre barbouzerie. W était visé par une enquête du SNEAS : il avait écopé d’une condamnation il y a longtemps pour la défense de la cause animale, le SNEAS trouvait ça étrange qu’il obtienne un permis de chasse et a demandé à ce que ses armes lui soient retirées. La DGSI a alors donné pour instruction de ne pas lui confisquer ses armes. C’est à la fois la preuve qu’il n’était pas considéré comme dangereux par la DGSI, mais aussi que la DGSI avait besoin que des armes soient présentes dans le dossier pour habiller les arrestations prévues plus tard.

Jeudi 12 octobre : Audition des autres inculpé-es sur les explosifs

L’audience aujourd’hui porte sur la questions des « explosifs » (aussi appelés « pétards »).

WILLIAM

La présidente resitue le contexte en précisant que W. est présent à Parcoul, et cite les personnes présentes à ce moment-là, en avril 2020. Rapidement, elle pose une question qui démontre un parti pris, celui de l’instruction : essayer de mettre à jour un lien entre F et les essais d’explosifs : « Est-ce que vous estimez qu’il y a un lien entre l’arrivée de F. et le début des essais, comme vous l’avez dit en garde à vue ? »

W. précise que non, il n’y a pas de lien avec F. mais que c’est plutôt lié à la vidéo du bateau (un petit bateau en bois brûle sur la rivière avec de la musique style symphonie. Des fusées et pétards partent dans les flammes, très drôle et très amateur :), le tout avec des rires, des chiens qui passent et un commentaire de la personne qui filme « c’est naaaaaaaaaze » ). Il ne se rappelait plus l’élément déclencheur du bateau, cela lui est revenu plus tard. C’est le confinement, il n’y a plus de pétards pour finir de couler le bateau de manière plus glorieuse et iels décident de fabriquer elleux-mêmes des pétards.

Il se saisit de la question de la présidente pour répondre sur les conditions de la garde à vue, et la valeur à accorder à ses paroles dans ce cadre. Il explique que les flics lui ont mis une grosse pression, en off, c’est à dire en coupant la vidéo, en lui disant que F. « était en train de faire de la merde » et qu’il fallait balancer un maximum contre lui pour s’en sortir. Ils ont des moyens de pression : W. dit qu’il manque de courage, qu’il veut voir son grand-père agonisant, qu’il veut voir son chien. Il revient sur la plupart de ses déclarations. Notamment à la question « Est-ce que F. est un leader charismatique ? ». A ce moment-là, il se rend compte que la DGSI veut la tête de F.

La juge oriente ensuite sur la préparation : qui apporte le matériel, qui est à l’initiative des recherches de recettes d’explosifs, qui a le savoir-faire, en orientant encore les suspicions vers F. W. rappelle qu’il s’agissait de faire des pétards, de manière ludique, que l’ambiance était bonne, que c’était sans malice, et plutôt dans une idée féstive suite à la vidéo du bateau. La durée approximative des essais a duré 2-3 après-midi. Que tout le monde allait et venait sur ces tentatives, qu’ils tâtonnaient, ne savaient pas faire, qu’ils ont cherché et trouvé sur internet.

La juge lui fait remarquer que ça aurait été préférable de le dire avant, pendant l’instruction. Elle fait une remarque sur le fait qu’elle comprend que les conditions ne sont pas les mêmes pendant l’instruction, et que bon, « Mieux vaut tard que jamais… » sympa !

Le garage sur le terrain contenait des produits, notamment de l’acétone et de l’acide. Pour ce qui est de la recette nitrate sucre, W. en a déjà entendu parler dans le monde paysan, il n’est pas surpris.

Elle cite les auditions et lui demande pourquoi étant le seul intéressé par la pyrotechnie (évocation d’une possible formation qui ne s’est jamais faite), il est aussi le seul à n’avoir pas assisté à l’essai final :

« A la base, on confectionnait des pétards, il y a eu des échecs répétés. Quand ça a réussi j’étais avec les chiens, le gros boom, j’ai cru qu’ils étaient tous morts et ils sont revenus tous choqués, ça m’a surpris, le bruit était intense ». Il explique qu’il commençait à se lasser des essais ratés et étant « mono-maniaque de la sécurité », c’était un peu trop « bidouille » à son goût. Il s’en est désintéressé et a préféré aller s’occuper des chiens à ce moment-là. Si cela avait été une question de danger, il n’aurait jamais laissé ses ami.es prendre le moindre risque et les en aurait dissuadé.es.

« Iels rentrent comme des gamins qui ont fait une bêtise et qui se sont faits peur ».

La présidente l’emmène sur le fait qu’iels n’aient plus discuté du sujet et cherche à savoir s’il y a eu un accord entre elleux pour ne plus en parler. W. explique qu’un accord tacite de passer à autre chose et de ne plus reparler de cet épisode a semblé alors évident à tous.tes.

La juge l’interroge sur les étapes de la recette, W. lui répond que 4 ans plus tard il ne se rappelle plus, ni des circonstances de recherche de la recette, ni des étapes de fabrication. Il se rappelle juste qu’une douille récupérée au stand de tir leur a servi de récipient pour y mettre le résultat final (quantité approximative 2g).

La juge évoque le fait qu’il voulait faire une formation d’artificier mais qu’il avait évoqué avec S.P. des difficultés administratives.

La présidente relit les déclarations de S.P. en GAV sur la question de l’allumage des cristaux dans des douilles et sur le fait d’avoir le temps de s’éloigner, réflexion à laquelle W. participe. Mme P. dit avoir agi par « effet de groupe ».

La présidente demande si tout le monde se sentait obligé de participer aux activités, W répond que pas du tout, ça allait et venait.

La présidente utilise les déclarations de S.P. pour demander si c’était lourd que F parle régulièrement du Rojava et elle oriente ses questions sur le lien entre sa présence sur une zone de guerre et la fabrication d’explosifs.

W. répond qu’il n’y avait aucun rapport entre les deux, et qu’il n’a jamais posé de questions sur l’expérience de F. au Rojava par pudeur.

Sur les propos de H. en GAV, la présidente cite « la cérémonie du bateau » et cherche à savoir pourquoi l’histoire du bateau n’est pas arrivée plus tôt.

Assesseuse 1 :

L’assesseuse cherche à savoir comment étaient fêtés les évènements au cours de ce mois et cherche une raison précise à cet épisode du bateau.

Puis elle lui demande ce qui lui a fait peur, W. répond que c’était des bidouillages à l’arrache avec des recettes que personne ne maîtrisait.

Elle lui demande s’il a cherché à trouver des recettes de pétards auprès d’amis pour son projet professionnel, W. répond que non, pas du tout. Au passage, elle se trompe dans sa question et commence par « Vous aviez un artificier avec vous… » puis elle se reprend et se corrige. Elle mélange tout.

Elle lui demande s’il connaissait le TATP, W. répond qu’il ne connait pas le mot TATP et qu’il ne se souvient plus des mots-clés utilisés lors de la recherche sur internet.

Procureure :

Elle lui rappelle que ce n’était pas sa première garde à vue et qu’il avait été assisté d’un avocat à chaque audition. W répond que ce n’était pas le meilleur.

Elle le décrit comme étant quelqu’un qui paraît très soumis en GAV et cite ses réponses. W répond qu’il était très inquiet pour son chien, que le flic lui en donnait des nouvelles, qu’il était perdu.

La proc cite ses réponses aux auditions devant le JI, à qui W. avait répondu qu’il avait donné noms et adresses et qu’il souhaitait sortir de prison.

Puis elle lui rappelle ses propos sur F. et lui demande qui il est pour lui, « un leader charismatique », s’il a « l’âme d’un leader ». W. répond qu’il s’est déjà exprimé là-dessus, qu’il regrette ses propos qui ont été prononcés parce que c’est ce que le JI avait envie d’entendre et qu’il est aujourd’hui désolé de ce qu’il a dit.

Sur la fabrication d’explosifs, la proc tente de souligner des contradictions entre ses propos en GAV et ses propos actuels sur le caractère festif de ces essais. Elle tente aussi de le piéger sur les propos qu’il aurait tenu sur F. qui aurait été présenté comme le « leader », celui qui donne les instructions. W. rétorque que sur les écoutes on entend clairement que c’est collectif et que tout le monde tâtonne, mais qu’en GAV il cherchait à se dissocier de F. par crainte d’aller en prison.

La proc lui demande d’où venaient les mèches. W. répond que ce sont les siennes, il en avait aussi utilisé pour le bateau.

Elle lui demande alors son degré de connaissance au sujet de l’utilisation d’une spatule en bois pour mélanger des produits chimiques (elle cite une sonorisation), il lui répond que c’était juste de la déduction, de la logique.

La procureur lui ressort encore une fois ses antécédents judiciaires en faisant un parallèle et en mettant en perspective sa déclaration de rester dans la légalité et de ne plus manipuler de produits dangereux. Elle parle d’explosifs, W. lui répond : « J’ai toujours appelé cela des pétards » et lui rappelle, à sa demande, qu’il n’y avait pas d’explosifs lors de sa condamnation en 2010.

Elle le reprend alors « des explosifs, les mots ont un sens ! », elle en profite pour lui demander s’il est conscient que la manipulation d’explosifs en droit commun peut mener à une peine de 10 ans.

L’avocate prend la parole : « W. a toujours utilisé le terme pétards ! ».

Questions de l’avocate (Bonvarlet) :

Elle lui demande si c’est sa première GAV anti-terro et s’il en a été informé dès le début.

– « Oui, avec un fusil d’assaut sur la tempe, c’est la panique à tous les étages, je suis terrorisé ».

W explique que son monde s’écroule.

Puis l’avocate le questionne sur le moment « off » en GAV. W. explique que les caméras sont éteintes, que l’inspecteur lui avait dit que F. était « sur le point de faire de la merde », et que son avocat commis d’office lui conseille de balancer le plus possible car il risque 15 ans de prison.

– « A ce moment-là, on vous ment. Quelle valeur ont des déclarations faites suite à une manipulation ? »

– « Aucune ».

L’avocate revient sur l’épisode du bateau. Elle revient aussi sur les points de vocabulaire entre le terme « pétard » et « explosif ».

Elle lui demande où se passent les essais, lorsqu’ils jouent avec un briquet, et s’ils ont vraiment conscience du danger, W. répond qu’ils ont lieu dans le camion de F. et dans le jardin à proximité, et qu’ils n’ont pas vraiment conscience du danger.

L’avocate rappelle que l’expert prétend qu’il faut une connaissance incroyable pour la fabrication de tels produits, et qu’il y a 4 chances sur 5 de faire brûler le mélange avant l’étape finale. Ce qui est arrivé.

Elle revient sur l’utilisation de la spatule en bois préconisé par W. alors que F. proposait en métal. Cela prouve bien que F. n’est pas spécialiste.

Questions Me Kempf :

– « Définissez l’association de malfaiteurs terroriste »

– « Si peut-être on a l’idée de faire quelque chose on se fait arrêter ».

– « Ca c’est une définition critique. Quelle est la définition juridique ? »

– « Je ne sais pas donner de définition de l’AMT ».

– « C’est important de savoir pourquoi on est arrêté, mais même moi en droit je ne sais pas ce que ça veut dire… »

Puis il lui demande de revenir sur les conditions de son transport à Levallois-Perret.

W. décrit : « de Plestin à Rennes, on m’a mis une camisole et une cagoule sur la tête. En train de Rennes à Paris pareil, camisole et masque de ski opaque, les gens étaient un peu flippés… »

Sur ces conditions de GAV : « Toute petite cellule, hyper glauque, toilettes, caméra, température en dessous de 19°C, pas de lumière du jour, pas d’heure. Les lumières s’éteignent dans le couloir quand il fait nuit. Juste un jus d’orange au petit dej. On m’a donné un avocat commis d’office mais j’étais dans la paranoïa, je ne savais pas si je pouvais lui parler. Le fait d’être en GAV à la DGSI accusé de terrorisme m’a plongé dans un délire psychologique ».

– « Pourquoi avez-vous refusé de signer vos 4 premières dépositions ? »

– « Pas d’explication rationnelle »

– « Pourriez-vous définir ce qu’est une commission rogatoire ? « 

– « Je ne sais pas »

– « Comprenez-vous les faits reprochés ? Vous souvenez-vous de votre réponse ? « 

– « Non »

Kempf cite la réponse : « Je comprends le sens mais pas en quoi ça me concerne ».

Au sujet de la pause technique lors de l’interrogatoire : « La DGSI m’a menti en me disant que F. allait « faire de la merde ». Kempf souligne que cela remet potentiellement en cause la légitimité de l’officier de police.

– « C’est ma parole contre la leur vu que c’était en off »

– « Le policier avait des nouvelles du chien, ce n’est pourtant pas mentionné dans les PV. »

– « Non, c’était dans les couloirs, avant de commencer. »

– « Pas de cigarettes alors que vous en demandiez ? « 

– « Non »

– « Vous êtes dépendant. Comment avez-vous réagi au sevrage ? « 

– « J’étais très stressé »

– « Le policier vous a-t-il tutoyé ? »

– « Tout du long. »

– « Pourtant le code de déontologie l’oblige à vous vouvoyer ».

La présidente intervient :

– « Cela m’interpelle que vous doutiez de l’avocate commise d’office ».

– « J’étais en parano, dans un environnement que je ne connaissais pas, je ne savais pas en qui je pouvais avoir confiance ».

BASTIEN

La juge rapelle que B. a été placé en GAV avec les autres, qu’il a assez rapidement pris le parti de s’exprimer sur un certain nombre de points, mais qu’il y a des moments de silence sous le coup de l’émotion. Elle précise aussi qu’il était sans avocat tout du long de la GAV, et qu’il a beaucoup pleuré.

B. dit qu’il était paniqué, qu’il ne comprenait pas ce qu’il faisait là : « J’ai beaucoup pleuré en GAV. J’ai demandé à voir un médecin pour mon traitement, que je n’aurais jamais au cours de la GAV. »

La juge rappelle que B. s’est expliqué sur les armes en sa possession, les gens qu’il fréquentait et son séjour à Parcoul.

La juge rappelle que B. a passé une longue période dans ce moulin, qu’il s’y installe avec plusieurs personnes. Elle lui demande par rapport à F., il n’était pas prévu dans ce projet, qui l’avait invité ? Il répond que c’est W., de son côté il ne le connaissait pas, il le rencontre à Parcoul pendant le confinement.

La juge lui demande de resituer les essais d’explosifs. Il se rappelle que c’est après le bateau et après l’arrivée de F.et C.

La juge revient sur ses auditions à la DGSI. Il rappelle que beaucoup de réponses ne viennent pas de lui, il est tétanisé. Il rappelle que tout était concentré sur F., on lui parlait uniquement de sa dangerosité. Il est alors téléguidé dans ses réponses par ce que lui disent les OPJ en face de lui. « En off on m’a dit que F. avait été arrêté le doigt sur la gâchette. Je voulais me détacher de lui et sauver ma peau. »

La juge l’interroge sur les feux d’artifice, si ça le passionne. B. lui répond que ce n’est pas sa passion mais qu’il aimait bien les pétards, de manière ludique.

Elle l’interroge alors sur les méthodes utilisées, la recette pour les essais qui concernent la « pâte marron », demande dans quel ordre les choses ont été testées.

B. lui répond qu’il y a eu plusieurs essais, il ne se rappelle plus très bien, c’était il y a 3 ans. Tout le monde était libre, allait et venait, peut-être qu’il y avait aussi en parallèle le séchage pour les cristaux. Pour la recette du détonateur, il y a eu des recherches collectives mais il ne se rappelle pas de plus. « Pour nous, on faisait des pétards, à côté de nos habitations, avec les chiens autour. On avait pas conscience de faire quelque chose de dangereux. » Il rappelle qu’iels cherchaient à s’occuper, à tuer l’ennui, pendant le confinement.

La juge s’interroge sur la provenance des pétards du bateau, B. lui répond que c’était des vieux pétards qui traînaient. Elle insiste alors sur le lien entre le bateau et la fabrication qui a suivi. B. n’a pas de souvenir d’une conversation qui a mené à ça, mais reste persuadé qu’il y a un lien direct. Il rappelle qu’iels ont passés un mois à faire des activités dans tous les sens, iels ont déliré, se sont bien marré.es et ont réparé plein de trucs.

Elle revient ensuite sur ses déclarations en GAV (toujours), au sujet « d’une grosse détonation, j’étais pas bien du tout, j’ai fait semblant d’être content, F. fanfaronnait ». Il répond qu’il a été impressionné par le bruit et l’écho dans la vallée, il pense que tout le monde a en fait donné le change. Il relativise aujourd’hui en disant qu’il n’y avait pas de cratère ni de dégâts à l’endroit de l’explosion. « Sur le chemin du retour on s’est dit que c’était trop dangereux, qu’on referait jamais ça ».

Elle lui demande alors pourquoi personne n’a sonné la tirette d’alarme ? Il lui répond que c’était du jeu et de l’insouciance.

La juge lui parle alors des scellés de son camion et des billes retrouvées. Il explique alors que c’est pour le tir à la poudre noire. Il a le carnet avec la facture et le permis nécessaire. Il ne comprend pas pourquoi cela a été envoyé en expertise explosif et non à l’expert armes. Cela concerne une arme tout à fait légale.

Comme un leitmotiv, la juge revient toujours à ses déclarations en GAV, alors qu’il n’a de cesse de dire de ne pas les prendre en compte. Il redit que toutes les questions portaient sur F. Il a mis beaucoup de temps à remettre en place ses idées, même après la GAV. Quand les questions sont posées de manière très orientée, avec le stress de la GAV, c’est dur d’être cohérent dans ses réponses.

« Je voulais me dissocier de cette personne, c’était un réflexe pour me protéger, de l’autodéfense ».

Assesseuse blonde

Elle lui demande si il est d’accord avec Will sur le fait que la DGSI a chargé F. Bastien acquiesce.

« Je le connais sur seulement un mois passé ensemble. Je l’ai chargé en GAV et je ne pense pas ce que j’ai dit. Par exemple je leur ai dit que je ne lui confierais jamais ma chienne. C’est complètement faux, je lui confierais ma chienne les yeux fermés ».

A « Donc vous le connaissez ? « 

B « En 1 mois je ne pense pas qu’on puisse connaître quelqu’un ».

A « Donc vous avez dit des mensonges à la DGSI ? »

B « J’ai dit ce qu’ils voulaient entendre ».

A « Ce qui était vrai ou non ? « 

B « Je n’en sais rien ».

A « Merci ».

Procureurs

B. refuse de répondre aux questions, il fait une déclaration spontanée à la juge pour l’en avertir.

La proc se lance alors dans une salve de questions sans réponses :

Quelques extraits : « mauvaises personnes », « martyr », « connaissance explosif et sniper », « essai près d’une falaise »…

Le procureur de son côté lui demande :

« Vous vous évertuez à dire que vous vouliez fabriquer un pétard, je viens de faire la recherche sur le net et le résultat c’est de la poudre noire, mèche et rien d’autre. »

B. reste face à la juge, imperturbable.

Avocats

Son avocat lui demande de revenir sur sa GAV avec ses mots :

« Je me suis fait arrêter à 6h du mat, ils m’ont plaqué contre le mur, fusil d’assaut sur la tempe. Je suis resté en caleçon, tout le temps de la perquisition de mon camion, dehors, en décembre. On m’a camisolé, on m’a emmené à l’hopital pour vérifier mon état puis de nouveu camisole et direction la gare. J’étais avec L. Ils nous ont changés de wagon parce que les autres usagers étaient terrifiés.

L. m’a demandé si ça allait, j’ai rien répondu, j’étais tétanisé. On nous a emmené ensuite à Levallois-Perret avec une cagoule sur la tête. J’ai subi la première audition puis on m’a donné mon premier repas dans la nuit (à jeun depuis plus de 24h, sans boire non plus). A la fin de ma 3ème audition, j’ai fait un gros malaise, j’avais des douleurs très intenses dans les bras. Les pompiers interviennent, ils parlent du syndrome de l’accoucheur, on me donne de l’Atarax, c’est un anxiolytique, je suis complètement déboussolé et défoncé. L’audition reprend. Dans la cellule il fait froid, il y a une lumière artificielle constante, on ne sait pas quel jour on est. Je ne me rappelle plus toutes les questions qui me sont posées, c’est très orienté sur les idées politiques. C’est le même OPJ tout au long de mes auditions, il me dit qu’il m’écoute depuis 8 mois, qu’il me connait, il essaye même de reprendre notre humour à Will et moi.

Devant le JI je n’ai pas changé de discours parce que je me sentais bloqué par mes propos tenus devant la DGSI. »

Mercredi 11 octobre : Audition de Flo et de l’expert en explosifs de la DGSI

L’audience commence par l’annonce d’un changement de programme :

– avant de faire intervenir l’expert, la présidente souhaite d’abord entendre tous.tes les inculpés au sujet des explosifs.

– la journée de jeudi sera consacrée aux armes.

– les outils de communication cryptées et « projets »ne seront pas traités avant mardi prochain (17.10).

FLO

La présidente appelle ensuite F. à la barre. Elle commence par lui demander comment il a renoué les liens avec S.

F. explique qu’il avait un peu coupé les ponts avec le milieu squats/collectifs/etc. dont S. faisait partie. Quelqu’un lui a dit que S. souhaitait le revoir pour parler du Rojava, ils se sont donc vu en décembre (2019). Lors de ces retrouvailles ils ont parlé de tout et notamment de faire des essais ensemble. F. assume qu’il avait une recette qu’il n’avait pas encore essayé. Celle-ci ne venait absolument pas du Rojava – comme S. a pu le dire (il avait lui même parler de quiproquo vendredi dernier)- mais d’une vidéo visionné avant son départ avec un ami agriculteur. De la vidéo F. dit avoir retenu les proportions d’ »amonitrate » et « sucre » via une blague servant de moyen mnémotechnique.

« Je n’ai pas la même passion que S., mais j’aime bien les pétards. » D’autant que c’est plutôt banal, dit F., même les agriculteurs utilisent ces produits pour désoucher les arbres.

La présidente demande si il y avait une sorte de répartition entre F. et S. sur qui amenait quoi à ces essais.

F. n’est plus certain de comment ils s’y étaient pris. Il se rappele qu’il avait amené des engrais et S. des spatules.

La juge est curieuse du terrain sur lequel ils ont réalisé ces essais, en terme d’isolement et de sécurité.

F. répond qu’il n’y avait pas de maison à moins de 5 km et que quoi qu’il arrive le bruit ne choquerait personne du fait de la présence régulière de chasseurs. Il rappelle aussi que le weekend passé avec S. n’était pas dédié uniquement aux explosifs. Ils devaient aller à la fromagerie, à la coopérative de vin et passer du bon temps ensemble. Il rapelle qu’il n’avait jamais fait ce genre d’essai auparavant.

De la retranscription des écoutes la juge ressort la phrase « c’était quoi qu’on a fait », prononcée par S. Pour elle cela implique qu’ils auraient déjà fabriqué des explosifs. C’est une erreur de la retranscription de la Dgsi déjà soulignée auparavant (écoute inaudible)

En fait non, S. demandait juste la recette que F. sortait de ses souvenirs de la vidéo. La juge insiste sur le fait qu’il aurait pu avoir déjà fait ou essayer avant. F. dit avoir été tenté de l’essayer auparavant mais qu’il n’avait pas revu son ami agriculteur et qu’il avait attendu de retrouver S.

D’ailleurs, depuis l’interrogatoire de S. à la barre vendredi (6.10) F. sait que ces essais étaient légaux puisque vu le métier de S. il pouvait engager sa responsabilité et ses agréments.

La présidente insiste sur une écoute au sujet d’explosions.

F. répond qu’il a parfois eu besoin de parler de ce qu’il avait vu au Rojava et que cela lui faisait du bien d’en parler avec des ami.es. Il fait le parallèle avec l’airsoft qui peut permettre « d’ancrer quelque chose dans un truc ludique ».

L’interrogatoire continue au sujet des essais avec S. La juge s’interroge sur les difficultés rencontrées.

F. répond que l’aspect de l’engrais ne correspondait pas à ses souvenirs de la vidéo et aux explications de son ami à l’époque. Il insiste aussi sur le fait qu’il y a une part de vantardise dans leurs discussions.

Et la juge d’insister ; « on a vraiment l’impression que vous aviez déjà fait ou vu faire des explosifs ? ». Ce à quoi F. répond qu’il avait simplement vu la vidéo.

La juge poursuit en demandant quelle urgence F. et S. ressentaient pour aller voler de l’engrais à Gamm Vert. Pour F. ce ne sont que des actes de « grands gamins », des « comportements débiles de mecs » se croyants un peu capables de tout. L’engrais utilisé pour les tests ne correspondait pas à celui de la vidéo et ce n’est pas possible d’en acheter en petite quantité (cela se vend à la tonne)

La présidente interroge ensuite F. au sujet des précautions prises autour de ce weekend d’essai, de la façon dont ils en avaient parlé autour d’eux.

Pour F. c’était surtout concernant le vol. En effet il avait envoyé un message à quelqu’un pour dire que si il ne donnait pas de nouvelles le lendemain c’est qu’il y avait un problème.

F. était au courant que S. allait venir en mode « mystère », un peu caché, du fait de la situation avec sa copine.

« Comment s’est déroulé le vol ? »

Pour S. l’alcool est redescendu (conduite) et il s’est dégonflé, F. n’avait pas prévu de faire ça seul.

« Aviez vous des craintes au sujet de la compagne de S.? »

Cela avait traversé l’esprit de F., il ne l’avait pas vu depuis des années.

La présidente enchaine sur une question au sujet de l’aide matérielle que F. sollicitait pour envoyer au Rojava.

F. répond qu’il cherchait du matériel en tout genre, notamment du matériel militaire comme des gilets, des protections, mais pas des armes. Il continue en précisant qu’il n’y avait aucun besoin de fournir des armes aux gentes du Rojava puisqu’elles étaient envoyées par les USA…

La juge questionne F. sur l’intérêt de continuer ces essais infructueux et des retrouvailles avec S. et sa copine quelques mois plus tard en juillet. F. précise qu’ils n’en n’ont pas reparlé car il s’était fait peur entre temps avec l’essai fait à Parcoul.

Sur Parcoul (interrogatoire en deux temps) :

Le séjour s’est fait sur invitation de W.

L’idée était d’améliorer un essai de spectacle proposé par W. pour inaugurer la construction de leur bar au Moulin. C’est un petit bateau qui brûle sur l’eau avec une fusée nautique.

F. dit que c’était juste une proposition, qu’iels n’ont pas fait que ça à Parcoul en un mois.

La vidéo du bateau les a beaucoup amusés mais le résultat était nul, donc iels ont eu l’idée de faire mieux.

Les essais étaient effectués juste par envie de s’amuser, de jouer, tout simplement.

« On cherchait à s’occuper pendant le confinement, tout comme on s’occupait des animaux, on sortait faire des balades.

Les essais de Parcoul m’ont fait peur ».

La question est posée sur des recherches effectuées pour fabriquer un détonateur. F. répond que oui mais qu’il ne se rappelle plus s’il était le seul. Iels étaient plusieurs dans la coloc du Moulin. M. était plutôt à part.

L’interrogatoire se poursuit au sujet de la mise en œuvre.

Un premier essai a été effectué en mélangeant de l’ammonitrate avec du sucre, le mélange s’est enflammé.

Un second essai a été effectué et ressemblait plus à ce qu’on voit sur la vidéo.

Iels recherchent ensuite de quoi faire détoner le mélange, ce qui a mené à des recherches sur internet où une recette a été trouvée, composée d’oxygène, d’acide et d’acétone.

F. décrit ces essais comme des moments de rigolade, et les compare à « une bande de mômes ».

Néanmoins, iels ont fini par réaliser la dangerosité de ce qu’iels étaient en train de faire. Iels étaient dans l’amusement mais aussi inconscients.

La juge insinue que F. donne les instructions et lit une retranscription. F. Lui fait remarquer qu’elle a choisit ce passage mais qu’iels prennent tous l’initiative à tour de rôle. Iels font même un chifoumi

F. se retourne pour regarder W. dans la salle, il est repris par la Présidente.

Il affirme qu’iels ne savaient pas exactement ce qu’iels faisaient, au cours des étapes des cristaux apparaissaient comme dans les recherches qu’iels avaient effectuées. Iels avaient beau savoir que c’était potentiellement dangereux, sur le moment iels n’avaient pas pleinement conscience du degré de dangerosité de ce qu’iels faisaient.

Kempf fait remarquer que dans les nouveaux passages cités ce n’est plus F. qui donne les instructions.

Encore une erreur de retranscription des sonorisations, l’un des protagonistes étant surnommé « Melvil » alors qu’il s’agit tout simplement de « mais Will… »

Au sujet du lieu des essais :

Les essais de détonateurs auraient eu lieu à proximité des camions. L’essai final avec le mélange et détonateur aurait eu lieu près de la forêt.

L’interrogatoire se poursuit au sujet de prétendus « gilets balistiques ». Il n’a jamais été question de gilets balistiques mais de lunettes balistiques, indispensables lors de la pratique de l’airsoft et qui, dans ce cas permettait juste de se protéger les yeux. F. rapelle que dans le rapport du Pnat ces lunettes balistiques, changés en gilets balistiques au cours de la retranscription de la Dgsi sont alors qualifiés de « gilets explosifs » !!

S’agissant des quantités de produit utilisées, cela reste approximatif, mais se compte en grammes et en millilitres.

Puis les questions portent sur la « grosse » explosion, afin de comprendre comment elle a eu lieu. F. explique que c’est lorsque le détonateur a fonctionné avec le mélange d’amonitrate. Tout le monde était présent sauf W. et M.

L’interrogatoire en vient à la fabrication de TATP : F. affirme ne jamais avoir entendu ce terme avant la procédure mais se souvenir uniquement des trois produits utilisés pour la fabrication, qui sont des produits courants que l’on peut trouver dans toutes les maisons.

A aucun moment il n’a parlé de ces essais à S. parce qu’il a eu peur et qu’il ne voulait pas en parler pour son ego. La juge feigne ne pas comprendre et lui fait remarquer qu’il en parle aujourd’hui devant ce tribunal. F. Lui rétorque que les enjeux ne sont pas les mêmes aujourd’hui.

Les personnes présentes étaient à environ 500 mètres de l’explosion, qui les a surprises et leur a fait peur. L’explosion n’a pas fait de dégâts (pas de cratère ni d’arbre abîmé), mais s’est posée la question de ce qui aurait pu arriver s’iels avaient été plus près. Chacun.e est parti.e dans son coin après cet essai. Nous avons décidé que nous n’en parlerions à personne et ne donnerions pas la recette, car cela les rendrait responsable de ce qui pourrait éventuellement se passer.

A la question de savoir pourquoi ne pas s’être débarrassé du matériel par la suite, F. répond qu’il ne souhaitait plus y penser mais qu’il aurait dû le faire.

Questions du procureur :

Le procureur demande s’il s’agissait de transmettre un savoir acquis au Rojava, ce à quoi F. répond qu’il n’a rien appris à ce propos là-bas.

Le proc cherche à savoir combien de temps ont duré les essais et combien il y a eu d’échecs. F. ne peut répondre précisément, car iels ont vraiment tâtonné. Le proc fait remarquer que l’explosion était impressionnante, ce à quoi F répond que c’est surtout le bruit de l’explosion qui l’était.

Le proc cherche à savoir si F a cherché à importer un savoir au sujet d’explosifs à son retour du Rojava. Ce à quoi F répond que non, il ne cherchait absolument pas à partager un savoir militaire mais plutôt son expérience sur un plan politique.

Le proc cherche à comprendre d’où lui vient son expérience, F explique qu’il est simplement bricoleur et a le sens de la logique.

Sur le vol d’engrais, le proc demande si c’est lié au fait de ne pas pouvoir en acheter autrement qu’à la tonne, et pour ne pas être remarqué à acheter du nitrate sans être agriculteur, ce à quoi F répond que non.

Il lui demande combien il en a volé, « un sac à dos ».

Le proc fait remarquer que F utilise un vocabulaire « professionnel » en parlant de « protocole », de surveillance, ce à quoi F répond que c’est pour impressionner.

A la question de savoir pourquoi il avait gardé le matériel, F répond que son camion est sa maison, qu’il y a toutes ses affaires dedans.

Le proc fait remarquer qu’à son arrivée à Parcoul les essais débutent rapidement, ce à quoi F répond qu’il s’est passé une semaine entre son arrivée et les essais et qu’iels ont aussi arrêté très rapidement.

S’agissant de son rôle, le proc désigne F comme étant quelqu’un qui donne des instructions, ce qui contredit ses déclarations affirmant que c’était participatif. Le proc souligne des incohérences avec les déclarations d’autres prévenu.es, F souligne qu’il a donné la recette mais que toustes ont participé.

Sur le fait que l’explosion a surpris et « tétanisé » tout le monde, F reconnaît qu’il a été très surpris et a pensé à ce qui aurait pu arriver si l’explosion avait eue lieu dans un moment incontrôlé.

Le procureur l’amène sur les discussions autour de la « cause », du Kurdistan, et essaie de faire le lien avec les essais d’explosifs. F répond que cela n’a rien à voir. Le proc lit des écoutes, F répond que ce sont là des discussions de gens bourrés, qui « refont le monde » complètement alcoolisés.

Au sujet d’un concert de soutien au Rojava, le proc parle de détournement d’argent pour acheter des armes. F répond que c’était uniquement destiné à acheter du matériel médical et militaire mais certainement pas des armes, puisqu’iels en ont déjà.

Questions Me Bouillon :

Elle rappelle qu’avant Paulnay (rapport de judiciaire action du 7/02/20), aucune écoute ou surveillance n’est en lien avec les explosifs (Krav maga et air soft dans le rapport). Entre avril 2020 et les arrestations, de nombreuses conversations dans le camion sonorisé mais aucune au sujet des explosifs.

L’avocate lui demande de raconter le vol : j’ai enjamber un petit muret, je me suis rendu sous le préau et j’ai rempli l’engrais depuis le big bag vers mon sac à dos.

Elle revient sur le fait d’evoquer l’appel à un avocat. F. Répond que c’est courant dans les milieux militants lors d’une manifestation ou ouverture de squats.

Elle l’interroge ensuite sur le type d’explosif qu’il a pu observer au Rojava. F.explique qu’il n’a jamais vu la fabrication ni la composition de ceux ci mais a Raqqa, pour éviter les mines posées par Daesh certains explosifs étaient utilisés en prévention lors d’avancée tactique. Ils devaient être composés de poudre métallique car après explosion une poudre de métal brillante se répandait partout.

Questions Me Kempf :

Me Kempf demande à F s’il se souvient de la nature des questions qui lui ont été posées en GAV, ce à quoi F répond qu’elles portaient essentiellement sur ses opinions politiques, et qu’il pensait que cela outrepassait les lois de juger les gens sur leurs idées politiques.

Au sujet de l’article de Mediapart, F dit s’être senti désigné et criminalisé. Et surtout il pensait à l’époque que son séjour au Rojava était illégal et n’a appris que plus tard que légalement parlant ça ne l’est pas.

Kempf demande à écouter des extraits audio pour rétablir la réalité de certaines retranscriptions, la juge ne fait aucun effort et se plaint de rien entendre. La Défense lui demande alors comment rétablir la vérité au sujet des erreurs de retranscriptions. Elle demande donc (saoulée) à la Greffière de prendre note de ces modifications.

Est souligné le fait qu’à Paulnay, 554 enregistrements ont été effectués et seulement 29 ont été retranscrits depuis le camion. Au cabanon, 5,23% des enregistrements sont retranscrits, et à Parcoul, seul 1,13 % des enregistrements ont été retranscrits.

Au total, 0,72% des enregistrements ont été retranscrits entre février et décembre 2020.

M. BARROT, EXPERT EN EXPLOSIF

L’audience est suspendue. Elle reprend à 19h44 par l’intervention de l’expert en explosifs qui a réalisé deux expertises dans ce dossier. Il commence par prêter serment, main levé et tout et tout…

L’expert commence par expliquer qu’il a réalisé les expertises à partir des scellés, des perquisitions où il était présent (Toulouse, Paulnay) et des retranscriptions de sonorisations et d’écoutes. Il arrive avec un petit power-point…

On y apprend notamment que le fulminate de mercure est un explosif primaire très sensible. A noter qu’il n’a pas été utilisé lors des essais mais évoqué dans les retranscriptions. Idem pour le nitrate d’amonium/aluminium.

Pour la poudre noire (on connaîtra tous la recette d’ici la fin du procès ^^), il reconnait qu’il y a peu de savoir requis et que l’accès aux produits est assez simple.

Concernant le mélange nitrate d’ammonium fondu & sucre, l’expert estime qu’il faut des compétences et un savoir-faire important, mais peu répandu, pour en fabriquer. En revanche les précurseurs (engrais et sucre) sont simples d’accès. C’est un mélange peu utilisé en France mais plutôt dans la région du Caucase (zone de conflit, on reviendra plus tard la dessus avec les avocats).

L’expert est difficile à suivre, il parle très vite…la juge lui fait remarquer

Au sujet du TATP il estime que le produit est très instable mais qu’il faut très peu de compétences pour en fabriquer et que l’accès aux précurseurs est simple (acétone, eau oxygénée, acide). Il reconnait que les étapes décrites dans les retranscriptions montre que ça tâtonne, réalisé avec difficulté pas à pas.

Globalement il considère que pour le mélange nitrate d’amonium fondu & sucre il faut avoir testé auparavant vu la complexité.

S’en suit un long passage de présentation avec des résultats d’analyse des composants trouvés dans les différents endroits perquisitionnés, dont de l’encens… Puis l’expert projette un grand tableau récapitulant les traces de produits trouvés sur les gazinières, les poêles, les gants, les spatules… Des traces de produits ont été retrouvés sur deux spatules, un plan de travail, la gazinière et des gants, alors que sur une dizaine d’autres objets il n’y a pas de traces.

Vient ensuite un autre montage photo avec des objets pyrotechniques, des inflammateurs, des mèches, des pétard Bison, des fusées de signalisation nautiques… au passage il se permet de commenté « peut être utilisé en manifestation contre les forces de l’ordre.

L’expert note la présence lors des perquis’ d’autres objets pouvant entrer dans la fabrication d’engins explosifs : piles, interrupteur, quincaillerie, fils électriques… cela ressemble plus à une liste de matériaux de bricolages qui trainent chez des personnes bricoleuses.

Enfin il montre à l’écran des factures qui pourraient être liées à une activité d’artificier de divertissement.

Les juges regardent l’écran avec intérêt, les sourcils un peu froncés, en hauchant la tête.

En conclusion : « l’ensemble des éléments qu’on m’a présenté permet d’affirmer que nous sommes en présence de personnes en capacité de fabriquer des engins explosifs, ils ont les connaissances et le matériel ».

Ensuite l’expert fait un pronostic de dégats avec 20kg d’ANFO (explosif à base de nitrate d’amonium et fuel) alors que F. et S. avait 12kg d’amonitrate seul (qui reste un engrais vendu légalement) et 258g d’Anfo (uniquement dans le camion de S.) Sa simulation, conclusion de son rapport, montre les dégâts qu’aurait pu faire une hypothétique explosion Place Vendôme à Paris.

La présentation terminée, la présidente prend la main et démarre avec une question sur le nitrate d’amonium.

L’expert raconte qu’aucun de ses collègues européens n’a jamais vu ce mélange (nitrate sucre).

Le nitrate d’amonium aurait plutôt été utilisé au 20ème siècle dans le monde agricole pour dé-soucher et briser des roches. Ce n’est pas forcément illégal.

Au sujet du TATP il estime que l’appellation est connue de tous, surtout depuis les attentats de 2015 après lesquels les médias parlaient souvent de ce type d’explosifs. Il note, malgré tout, que son regard est peut-être biaisé par sa profession.

La juge demande à l’expert si l’Anfo peut rentrer dans la catégorie de l’artifice de divertissement. Sans surprise, l’expert en explosif du laboratoire central de police répond à la négative et dit que cela relève du domaine civil avec l’obligation d’un certificat de préposé au tir (CPT) (on a appris depuis que la formation dure une semaine sans pré-requis)

La juge se demande si 2-3 jours d’expérimentations suffisent pour savoir fabriquer du TATP. Ce à quoi l’expert répond que oui, contrairement au nitrate d’amonium fondu qui demande plus de connaissances. Pour lui, il y a 3 chances sur 4 de ne pas réussir l’opération, il parle du « magmatage » difficile a obtenir.

« Les recettes de TATP peuvent-elles se trouver sur internet ? »

Expert – « Oui, en accès libre. »

« Et la poudre noire ? C’est assez facile à fabriquer ? »

Expert – « De qualité un peu médiocre, oui. »

Questions du procureur

Les juges laissent la parole à leur cher procureur.

Proc – « Est ce que vous diriez que l’on peut utiliser le TATP dans le monde du divertissement ? »

Expert – « Le TATP ? Non. »

Il dit ça d’une voix rauque avant d’expliquer que le TATP est trop sensible pour cela et peut exploser rien qu’en le laissant au soleil. En revanche il est facile à fabriquer et donc beaucoup utilisé pour les attentats.

Il en profite pour faire une classification (qui nous parait officiel à ce moment là) des différents types d’artifices et explosifs :

1. Les produits de divertissement, poudre noire, perclorate, tout ce qui réagit à la flamme, c’est d’après lui le plus sensible mais aussi le plus accessible, il faut alors avoir le F4 T2 (formation artificier) qui permet d’acheter, mettre en oeuvre, transporter…

2. Les produits militaires : destruction, explosif secondaire, amorçage par détonateur, uniquement dans le domaine militaire

3. Les produits du domaine civil comme l’ANFO, la dynamite, certains explosifs secondaires, il faut alors un certificat de présupposé au tir (CPT) et certaines autorisations. Carrières, stations de ski…

4. La fabrication artisanale, c’est illégal

Le procureur lui demande où placerait il là dedans l’ANSU (nitrate/sucre), il lui répond nul part car officiellement ça n’existe pas (????)

Le procureur insiste en lui demandant si dans le cadre des effets spéciaux, pour les films, on peut se permettre certaines expérimentations. D’après l’expert, sur les films (il précise même très gros budget), tous les produits sont officiels, de fabrication industrielle (LOL !!!)

Proc – « F. parle d’une vidéo, montrée par un agriculteur, vue deux ans auparavant. Est-possible qu’il se rappelle de la recette ? »

Expert – « Quand on fait de la pyrotechnie ou des explosifs, on ne retient que ce qu’on fait. Alors une vidéo vue il y a deux ou trois ans, non non non, je n’y crois pas. »

Il rajoute que si c’est la vidéo qu’il a vu circuler, elle contenait trop peu de détails pour être utiles.

L’expert enchaine en expliquant que la recette « nitrate d’amonium & sucre » est arrivée par le Caucase dans le milieu Djihadiste. « Mes collègues européens et américains n’ont jamais vu ça sur leur territoire ». A la demande du procureur il dit qu’en 20 ans de métier il n’a jamais vu cette recette en France.

Proc – » Quels types de dégats peuvent occasionner 400g d’ANSU+ TATP ? »

En réponse l’expert montre un trou de 20cm de diamètre et ajoute « madame la présidente ne serait plus capable de continuer le procès, le premier range non plus, tandis que le deuxième rang serait protégé par le premier ».

Questions substitut du procureur

Elle commence par rectifier une grosse erreur de l’expertise, qui se base sur le fait que 2kg d’ANFO ont été retrouvé chez S. Elle reconnait qu’il n’y a que 258g et que le reste était du nitrate d’amonium c’est a dire de l’engrais. Depuis 2h l’expert nous parle de 2kg d’ANFO et cette information est erroné. Elle devance donc les avocates…

« Pouvez-vous me donner un exemple de crime de masse perpétré avec de l’ANFO ? »

L’expert répond par de nombreux exemples dont un attentat à Oslo.

Questions des avocat.es

C’est la défense de C. qui commence par une question sur l’urgence du premier rapport. Elle demande si l’expert en avait parlé avec le juge d’instruction à l’époque. L’expert répond que certainement même si il n’en a plus souvenir.

Avocate – « Est-ce fréquent qu’on vous demande de travailler à partir de retranscriptions ? »

Expert – « Non, c’est la première fois. »

L’avocate exprime l’étonnement de la défense concernant le fait que l’expert n’ait eu accès ni à l’entièreté des retranscriptions ni aux sons. Ce à quoi l’expert répond que le magistrat lui transmet les pièces qu’il juge nécessaire. L’avocate poursuit en se disant surprise que certains passages de ces retranscriptions aient été préalablement surlignés en jaune. Elle demande à l’expert si cela aussi est fréquent. « Euuuuh, je ne sais plus », répond l’expert en disant que parfois les documents sont épais et que les passages importants sont pointés du doigt, même si évidemment il faut tout regarder.

L’avocate de W. enchaine – « vous travaillez pour la préfecture de police, pour la cours d’appel de Paris. Je voulais savoir si vous aviez des pratiques paysannes monsieur ? » Elle veut savoir si il a des connaissances au sujet des explosifs utilisés dans le milieu paysan. Ce à quoi il répond en parlant d’explosifs utilisés contre les taupinières, mais il ne veut pas reconnaitre l’utilisation de l’amonitrate + sucre dans le milieu agricole.

Elle lui montre ensuite une douille, utilisée à Parcoul comme contenant pour le TATP et lui demande quelle quantité max peut on mettre dedans ? Il répond environ 2g

Puis elle lui demande le bruit que cela peut faire, il répond « un bruit sec qui va claquer »

C’est l’avocat de B. qui prend la suite. – « Le mélange nitrate d’amonium et sucre, si ce n’est pas bien réalisé ça n’explose pas ? »

Expert – « Si, le melange du sucre et nitrate non fondu explose facilement »

Avocat – « Alors il n’y a pas besoin d’une grande connaissance pour en fabriquer ? » Il veut savoir si « une bande de bras cassés », avec des connaissances approximatives, peuvent obtenir une explosion sans être carré sur chaque étape.

L’expert répond en disant que oui mais que selon lui les connaissances n’étaient pas approximatives.

L’avocat de C. demande ensuite simplement si il est possible d’acheter des précurseurs en magasin de bricolage ou en pharmacie pour passer sous les radars.

Expert – « Oui. »

L’avocat demande si acheter un produit précurseur avec un carte bancaire c’est passer sous les radars.

Expert – « Non… »

Au tour de l’avocate de L. de prendre la parole. Elle interroge l’expert sur les artifices de signalisation qu’il a décrit comme pouvant servir dans le nautisme ou en tant que fumigènes mais aussi comme arme de destination contre les « forces de l’ordre ». Elle se demande pourquoi il a mis l’accent sur cette utilisation particulière. De plus elle aimerait savoir de quand datent les objets trouvés lors des perquisitions.

L’expert répond qu’ils sont périmés, pour certains depuis 1971 et qu’il y a une chance sur deux pour qu’ils fonctionnent pas.

C’est maintenant l’avocate de S. qui prend la parole. Elle commence par pointer du doigt le fait que la diapositive de conclusion de la présentation de l’expert est restée plus d’une heure à l’écran dans la salle d’audience (simulation d’explosion). La demande est faite de remettre la diapo à l’écran. On y voit une estimation, réalisée par l’expert, des dommages potentiels de 20kg d’ANFO.

L’avocate demande si l’estimation est faite sur la base des 258gr d’ANFO retrouvés chez S. et des 12kg d’engrais retrouvés chez F. L’expert répond que oui.

L’avocate insiste et s’étonne qu’on parle d’ANFO alors qu’il n’apparait nul part dans les écoutes. Et surtout comment 12kg+258g peuvent donner 20kg ?

Il explique alors qu’il est parti sur le mélange amonitrate /aluminium qui avait été cité dans une retranscription et qui est un mélange en proportion 50/50.

Mais ce mélange n’a jamais été réalisé ni retrouvé dans les scellés ?

Non

Donc votre simulation mélange des produits trouvés, des mélanges évoqués et des tests d’explosifs réalisés sans aucune proportion réaliste ?

« Si je devais reprendre cela diminuerait cette simulation par 2 ». Il rappelle que pour l’ANFO (qu’il a pourtant décidé de mettre en avant pour cette simulation), les proportions sont de 94% amonitrate 6% fuel

L’avocate de S. demande ensuite si l’expert était au courant des arrestations et que son expertise était attendu dans ce contexte. Il répond juste qu’il avait connaissance d’une urgence et qu’il a participé aux arrestations.

L’avocate poursuit en se demandant pourquoi il y avait une urgence en Novembre alors que les dernières écoutes dataient de Mai. Ce à quoi l’expert répond qu’il ne sait pas.

Au sujet des essais à Paulnay l’avocate note que l’expert a eu accès aux retranscriptions des 14 et 15 Février et demande si on peut en conclure qu’il n’y a pas eu d’explosifs par la suite.

Expert – « Non »

Avocate – « Dans votre conclusion vous dites que F. et S. ont fabriqué du nitrate d’amonium/sucre et du TATP. Aujourd’hui vous feriez la même conclusion ? »

Expert – « Oui. »

Avocate – « Mais ils n’ont pas fabriqué de TATP… »

Expert – « Ah… »

Avocate – « On vous demande d’analyser le bruit des expériences, comment faites vous avec comme base des retranscriptions, sans le son ? »

Expert – « Une fois ou deux le bruit était précisé dans les retranscriptions »

Elle l’interroge alors sur le test à la flamme, qui à été effectué par les démineurs sur l’ANFO présent dans le camion de S. et qui n’a rien donné, il se rattrape en disant que c’est une question de sensibilité.

Avocate – « Vos conclusions (rapport) sont un peu hâtives, il n’y a pas eu de TATP à Paulnay et vous concluez qu’ils ont probablement fait des « pipe bomb » alors qu’ils l’évoquent seulement. Comment faites vous monsieur la différence entre ce qui est fait et ce qui est dit ? »

Elle le cite ensuite, sur le fait que le mélange amonitrate fondu sucre est difficile à réaliser et que 3 fois sur 4 c’est un échec. Elle lui rappelle que à Paulnay, F et S font 4 tentatives et elles echouent toutes. « On peut conclure de leur inexpérience non ? »

L’expert ne veut pas le reconnaitre et dit que cela vient du produit.

L’avocate lui demande pourquoi le taux d’azote a été analysé sur certains scellés seulement. Il répond que les démineurs ont détruits le reste des produits et qu’il n’a pas pu faire l’analyse. C’est uniquement parce qu’il était présent à la perquisition du camion de F que l’amonitrate trouvé a été analysé.

Il reconnait que l’amonitrate est un simple engrais et que tout le monde peut en transporter et en avoir.

Elle l’interroge ensuite sur la classification qu’il a présenté au procureur précédemment (divertissement, militaire, civile, artisanale) et si les mondes peuvent parfois se croiser. Il nous explique alors que c’est pas du tout une classification officiel, c’est lui qui pense comme ça. Pour lui ces différentes branches sont parfaitement distinctes. Pourtant elle lui parle de Ruggieri/Lacroix qui fait du divertissement et fabrique les grenades et autres pour les forces de sécurité.

Elle finit par lui demander pourquoi est il là ? L’expert lui répond que c’est à la demande du PNAT et que c’est la première fois de sa vie qu’il témoigne en correctionnel.

C’est au tour de l’avocat de F. de prendre la parole. Il commence par demander pourquoi les bâtonnets d’encens ont leur place dans le rapport de l’expert. Celui-ci répond qu’ils peuvent servir à l’allumage. L’avocat demande si des traces suspectes on été retrouvées dans les casseroles du camion de F.

« Non », répond l’expert.

Avocat – « A quoi sert une casserole ? »

Expert – « A cuisiner. »

Avocat – « Pourquoi ne pas l’avoir mentionné dans votre rapport ? »

Expert – « Cela ne me semblait pas nécessaire. »

Avocat – « Vous dites que la recette circule dans le conflit Irako-Syrien ? Chez les Kurdes ? »

Expert – « Je suis accrédité secret-défense, je ne peux pas en parler. »

Avocat – « Si vous ne pouvez étayez vos propos et que vous ne pouvez pas en parler ne le mentionnez pas dans votre rapport alors ! »

Les dernières questions tournent autour du choix de la place Vendôme comme simulation. L’avocate de S. est surprise de ce choix et se demande si ce n’est pas parce que le ministère de la Justice est justement place Vendôme. L’expert semble dire que c’est un pur hasard, qu’il a choisi une place emblématique de Paris (LOL).

Il est 23h, l’audience est levée.

Mardi 10 octobre : Question prioritaire de constitutionnalité

La juge a été destinataire d’un mémoire à propos d’une question de constitutionnalité signée de l’ensemble des avocat.es et reçue à 10h48.

Le procureur dénonce une « manoeuvre inélégante » dans le fait de déposer ce mémoire si tardivement.

Me Simon : l’intérêt de l’audience tient à la richesse des débats, et que tout le monde puisse s’exprimer. Mais les deux agents de la DGSI ne sont toujours pas mandatés.

La précédente demande de renvoi a été refusée. La demande de contrainte également.

Aujourd’hui a été déposée la QPC (question prioritaire de constitutionnalité), on est devant un mur, on est sur une question prioritaire de constitutionnalité.

Question purement juridique qui se pose. Ne porte pas sur les faits, ce n’est pas l’objet de la QPC.

Lorsque l’huissier s’est présenté à la DGSI, il s’est vu essuyer un refus, la raison invoquée est l’anonymat des agents. Un procès-verbal de difficulté a été dressé.

La loi sur l’anonymisation date de novembre 2015. Lors de l’examen de cette loi, la question avait été posée par le législateur. Le texte ne prévoit pas la possibilité de faire citer un agent comme témoin.

L’objet de la QPC n’est pas de remettre en cause l’anonymat mais de poser la question de l’équilibre entre la nécessité de l’anonymat et les droits de la défense.

Pouvoir interroger un témoin en audience doit justement pouvoir permettre le contradictoire.

Les différents droits de la défense sont énumérés.

Critères de la QPC : mentionner par écrit le dispositif applicable au litige, pose la question de la constitutionnalité.

Article 706-24 : sur décision, certains agents, par exemple de la DGSI, peuvent anonymement être autorisés à déposer et à rédiger des actes, tout ça sous leur matricule.

C’est le cas aux assises.

Qu’en est-il de la correctionnelle ?

La citation est impossible sous l’état-civil de l’agent, c’est illégal. S’il y a divulgation de son identité, cela constitue une infraction.

Tout le débat porte donc sur les droits de la défense, et cela souligne une incohérence évidente.

Pourquoi pas la même chose en correctionnelle ?

Parce que c’est rare.

Et alors ?

Est donc posée la question de la rupture d’égalité des droits de la défense.

Une QPC récente et importante pour la défense : celle de la GAV.

Procureur :

Il dénonce qu’après « une entrée par la porte, puis par la fenêtre, voici désormais une entrée par la cheminée » pour faire comparaître les agents de la DGSI.

Il souligne la différence entre « droits de la défense » et « faire droit à la défense » (??)

La loi de novembre 2015 a été mise en place après les attentats du 13 juin 2016. Il s’agit d’une réalité du quotidien du fonctionnaire de police (??)

Le ministère public a transmis un/des (?) procès-verbaux de pièces divulguées par les soutiens. Iels ont pris la peine d’anonymiser l’identité des prévenus mais pas celle du juge Herbaut, ce qui pose à nouveau la question de l’anonymat.

Lassé par cette demande, le procureur veut mettre fin à cette question sur la rupture d’égalité entre le PNAT et la défense. Le PNAT n’a pas accès aux identités.

Réponse a déjà été formulée sur le fond au sujet de l’agent en question, affirmer que cela constituerait une atteinte aux droits de la défense est faux.

La demande est rejetée.

L’avocate (Me Simon) dit être chagrinée d’avoir été si peu claire que le procureur réponde totalement à côté.

La question n’est pas de contester l’anonymat, mais de rééquilibrer.

Ce n’est pas parce que cette question est renvoyée que les policiers ne seraient plus protégés.

Me Kempf :

L’inconstitutionnalité nous est apparue et malheureusement cette question n’est pas prise au sérieux. On agite le chiffon rouge, en invoquant les attentats de 2016, mais c’est faux, les policiers étaient déjà protégés avant (dés 2015).

Le rapprochement a été fait entre les attentats de Magnanville et la divulgation/diffusion du nom du juge Herbaut, ce parallèle est inacceptable.

La seule chose pouvant être reprochée à celleux qui ont publié les procès-verbaux relève d’une contravention. Si les PV sont lus en audience, l’infraction n’est plus caractérisée.

Pour QPC : audience en 2019, faits de manifestation, citation d’un flic.

Des situations dans lesquelles on peut faire valoir les droits de la défense sans mise en danger des policiers ou agents.

PNAT : a été capable de donner des infos précises inaccessibles pour la défense -> rupture d’égalité très claire.

« Les policiers n’ont pas souhaité déposer ».

Délibéré : 3h !!

Juge :

Sur la forme la requête est recevable.

Sur le fond : pas de contestation sur le litige

Sur la nouveauté : pas de décision rendue postérieurement

Elle refuse car la demande est dépourvue de caractère sérieux

Elle propose à la défense de faire appel de la décision en même temps que l’appel du délibéré de fin de procès

Puis la défense de S. insiste sur la projection des vidéos promises vendredi en fin d’audience, qui portent sur le travail d’artificier et de technicien SFX de leur client. La juge, énervée d’avoir perdue du temps sur son planning veut absolument voir les vidéos pour choisir les extraits avant de les diffuser au public. Le public est prié de sortir de la salle le temps de sélectionner 5 très courts extraits qui seront diffusés avec un mépris affichée de la part de la présidente.

18h30 Tchao à demain

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