Cet article relais les comptes rendus du procès publiés sur le blog de soutien aux inculpé-es du 8.12.
Pour en savoir plus sur l’affaire du 8.12.
Lire l’appel a solidarité international.
Sommaire
Vendredi 27 octobre : Dernier jour, dernières plaidoiries et derniers mots des inculpé-es
13h40, reprise de l’audience.
MATEO BONAGLIA (BASTIEN)
Nous avons eu une longue procédure administrative, une longue procédure judiciaire, avec un spectre : la résurgence du terrorisme d’ultra-gauche.
On nous dit : « Si F. n’avait pas été arrêté, peut-être, un jour, il se serait probablement passé un acte potentiel ».
Je ne vais pas défendre F., parce que mes consœurs et confrères le feront très bien, et parce que sinon le parquet nous dira que nous faisons bloc derrière « le camarade F. ».
Tout cette procédure est d’une grande violence pour B.
La peine est infâmante. Infâmante par proximité, par capillarité.
On nous dit : « Voilà des gauchistes incapables de la moindre distance avec la violence politique, qui n’attendent qu’une chose, une personne, pour pouvoir s’y engouffrer ».
C’est violent également car quand mon client conteste les modalités de recueil de ses paroles par la DGSI – cette parole dont on nous dit dès la première année de droit qu’il nous faut nous en méfier – quand on la conteste, alors on nous dit qu’on instrumentalise.
Pourquoi B. est un malfaiteur terroriste ? Parce qu’il aurait dû deviner qu’il y avait un hypothétique passage à l’acte supposé ?
« Non, non, non. », nous dit le PNAT. « C’est avéré. Pas dans les enregistrements. Mais dans les paroles des agents de la DGSI. Et si vous avez un doute, regardez les brochures ! Et puis à peine le confinement levé, il se précipite dans une armurerie pour acheter une arme avec son permis de chasse ! Et puis il y a le « Djihad des classes » ! »
N’en jetez plus, la culpabilité est pleine et avérée !
L’accusation se contente de peu.
C’est exact que l’information judiciaire a montré des comportements « limites ». Et c’est tout à fait exact que les faits sont reconnus.
B. reconnait avoir fait des explosifs. Et il n’a pas attendu la DGSI et le PNAT pour arrêter.
Ce que conteste B., c’est le récit de l’accusation.
Parce que c’est d’une grande malhonnêteté intellectuelle de dire qu’il s’agit d’une instrumentalisation de la défense.
Les actes, sans le récit, ne sont que ce qu’ils sont : un vol, des armes et la fabrication d’explosifs.
On colore les actions par les opinions a posteriori.
« La recherche de la vérité se base sur des preuves » : il est bienheureux que le PNAT le rappelle !
Mais ici, on n’a que des potentialités : il va falloir les démontrer !
B. ne connait pas F. avant le confinement.
Elle est quand même extrêmement contagieuse cette velléité de F. Je m’inquiète pour moi-même, qui vient de passer un mois avec lui, ne vais-je pas me précipiter pour m’en prendre à un représentant des forces de l’ordre en sortant du tribunal ? Rassurez-vous…
L’AMT débouche de l’interprétation magique des faits passibles du tribunal correctionnel.
L’agenda politique permet d’interroger la notion de terrorisme.
La marque d’une démocratie c’est de pointer les biais d’interprétation.
Et ici au aurait un complot judéo-bolcho-gaucho-maçonnique !
On voudrait vous pousser à suivre une fausse lecture faite par l’accusation.
La défense va se concentrer maintenant à pointer les différentes lacunes et les nombreuses interprétations dans le dossier concernant B.
Ce qui relève du lapsus d’abord, et qu’on laissera pour ce qu’il est : le procureur parle de « tourisme » pour dire « terrorisme ».
Ce qui relève de l’erreur de la procédure ensuite, et doit être entendu :
– dans l’exploitation du téléphone de B. : s’agissant de l’application Signal, les techniciens ont trouvé 54 captures d’écran, lesquelles, dans les mains des fonctionnaires de la DGSI, deviennent alors « aucun échange sur Signal ». C’est une carence conséquente, quand on sait que les accusations sont en partie basées sur l’usage de cette application.
– B. n’aurait jamais évoqué sa consommation d’alcool, il aurait fallu attendre une défense collective pour que cela apparaisse, or c’est faux. On en a d’autres mentions dans ce dossier.
Ce qui relève du biais enfin, et qu’il faut entendre comme des préjugés, des contournements, qui nous éloignent de la vérité :
– lors de la perquisition de Cubjac, un fonctionnaire de police trouve un carnet placé dans l’isolation ; tout à son empressement, il note « carnet note manuscrite, mouvance ultra-gauche ». Étonnant de voir que quand un autre fonctionnaire l’exploite, il s’avère que c’est le carnet d’un gendarme !
– l’expert en explosifs nous explique, sur la base d’une mauvaise sonorisation, que ce sont des explosifs très difficiles à faire, qu’il n’a jamais vu ça sur le territoire français, qu’il faut nécessairement avoir des contacts à l’étranger pour y parvenir. Le biais c’est d’apprendre qu’en réalité ça n’est pas compliqué. Et que ça fait boum, même si c’est mal fait ! C’est un biais de l’investigation, il faut l’écarter d’un revers de main. En « source ouverte » – elle est drôle l’utilisation de cette notion, c’est comme si c’était un peu mystérieux, en fait ça veut dire « Google », ou ici « YouTube » – quand vous tapez « ANSU », vous trouvez de nombreuses vidéos décrivant la fabrication de ce mélange, particulièrement dans le milieu agricole.
– Les billes de plomb retrouvées : selon l’expert, ajoutées au mélange, cela serait susceptible de faire des dégâts humains considérables. Sauf que c’est un raccourci malhonnête, parce qu’elles n’ont pas été retrouvées au même endroit. Elles ont été retrouvées à leur place, à côté de l’arme, parfaitement entretenue, pour lesquelles elles sont faites.
– quand on nous dit « le PDF sur l’anarchie a été retrouvé dans un dossier projet », on omet de dire que dans ce dossier il y a aussi de nombreuses photos de famille.
– quand on dit B. savait ce qu’il faisait, qu’il avait une brochure sur la justice antiterroriste, qu’il était préparé à la GAV, c’est fallacieux. N’importe quel trotskiste de première année s’en serait mieux sorti que lui en GAV, il n’a pas gardé le silence, il a refusé de voir le médecin, il a donné ses codes de téléphone et son ADN ! Il a parlé, face aux suggestions des interrogateurs de la DGSI, avec l’idée de s’en sortir le plus vite possible. Il conteste ce qu’il a dit en GAV, et on cite tout le temps les GAV !
– on trouve également un biais idéologique dans ce dossier : dès février 2020, le PNAT est destinataire d’un document de la DGSI « mouvance ultra-gauche radicale » : c’est une compétition de superlatifs.
A écouter le PNAT, la DGSI et Darmanin, la contestation institutionnelle, dans l’arc républicain, ce serait le Parti Socialiste ; la contestation institutionnelle hors de l’arc républicain, ce serait la France Insoumise. Mais là, comme on n’est jamais avare de superlatifs, on parle « d’ultra-gauche radicale’ !
Cette note de la DGSI se poursuit : ces « activistes français ont un « leader », ayant combattu au Rojava auprès des YPG, considéré par la Turquie comme des terroristes ». Se référer aux qualifications utilisées par la Turquie, sérieusement ? Un état oppressif, qui a limogé 4000 juges et magistrats pour contestation, c’est ça l’indicateur fiable de la DGSI pour déterminer ce qui relève du terrorisme sur le territoire français ?
« Iels n’ont aucune cible, mais un passage à l’acte violent, conforme à leurs idées, n’est pas exclu. » : voilà pourquoi il a fallu trois heures au Proc pour essayer de nous en convaincre !
Sans la filiation avec Action Directe, le PNAT est bien en peine pour qualifier la potentialité !
Et ce ne sont que quelques PDF qui viendraient changer les choses ? Ce sont des brochures sur le polyamour et sur le crochetage de serrures ?
Je n’irai pas jusqu’à affirmer que l’accusation est nostalgique des années de plomb, mais le PNAT érige ici la contestation sociale en tant « qu’ennemi intérieur ». Vous allez devoir faire attention. L’ennemi intérieur ici ce serait une cooptation entre des zadistes, des féminisites, des écolos, un ultra-jaune et un combattant du Rojava.
Il faut rappeler que la DGSI et le PNAT sont les courroies de transmission du pouvoir politique.
Ce qui caractérise l’AMT : la DGSI aurait-elle l’exclusivité de la désignation de ce qu’est l’AMT et serait la seule à pouvoir la définir ?
« Il faut en finir avec le fantasme de la persécution » dit le Procureur.
Il s’agit ici de permettre la critique. La justice se doit de contrôler ce qu’est une justice d’exception et policière.
Isabelle Sommier, chercheuse au CNRS – qui n’est pas un haut lieu de l’ultra-gauche ! – exprime les mêmes craintes que nous s’agissant de la criminalisation de la critique des institutions et de l’Etat. Dans un article du 16 décembre 2020, elle appelle à la prudence : « Ce coup de filet arrive à point nommé, en pleine discussion à l’Assemblée nationale autour de la loi « Sécurité globale ». Attention, il faut être très prudent.es lorsqu’on agite cette menace ! ».
Si toute pensée contestataire peut désormais être qualifiée de terroriste, alors mesdames les juges, vous allez crouler sous les dossiers de terrorisme d’ultra-gauche !
On fait de F. une figure quasi christique, il réunirait ses apôtres, pour les armer. Pourtant ici tout est flou.
Les prévenu.es ont plutôt semblé convaincu.es d’un effondrement dans un avenir proche, iels ont perçu la police comme étant une alliée du fascisme, dont au pire il fallait se défendre, et face à laquelle il était nécessaire de s’organiser, par solidarité. Les faits prennent place en pleine crise du Covid. Et c’est cela qui ressort des discussions.
Plus iels sont bourré.es, plus il y a onanisme intellectuel dans leurs discussions, et plus la DGSI a cru à une attaque potentielle.
S’agissant de la seconde discussion, après le départ de Camille, elle a été utilisée à tort et à travers par l’accusation. Son objet n’est pas de trouver des armes, son objet est « comment on s’organise si les fachos arrivent au pouvoir ». Dans n’importe quel bar, aux 4 coins du pays, on peut entendre ce genre de discussion.
La somme de pas grand chose, avec une lecture postérieure de la DGSI, c’est cela qui donne l’AMT.
Moi, la nature terroriste du groupe, je la cherche encore.
Pour B., ce qui lui est reproché n’est pas clair, y compris pour les juges :
– « se former militairement » : où ça ? Sauf peut-être avec les parents de Will ?
– « survivalisme » ? Nous préférons parler de la recherche d’autonomie par l’acquisition d’un terrain.
Ils parlent de réquisition de maisons bourgeoises, ce sont les plus motivés pour acheter ensemble un terrain (B., W. et L.), ils travaillent à un montage financier pour ça, leurs parents en ont témoigné.
On dit : « Il y a contradiction entre défense de la cause animale et permis de chasse » : B. a passé son permis de chasse avant de rencontrer le « dangereux leader » F., il n’a pas d’intérêt pour les armes de catégories B, plutôt pour les armes de catégories C. Il est méticuleux et soigné avec ses armes, il prend la sécurité très au sérieux. Elles sont toutes parfaitement entretenues, et très bien rangées. S’il a toujours été dégoutté par la chasse sportive, il a toujours dit qu’il était en accord avec une chasse éthique, dans le cadre de l’autonomie liée à l’acquisition d’un terrain. Quant à ses entrainements au stand de tir, ils sont légaux !
S’il y a un projet d’atteinte à la sécurité de l’Etat, reposant sur la possession d’une carabine 3 coups et des mousquets, ce n’est vraiment pas gagné !
Sur la question de la volonté de F. de les recruter : c’est une suggestion de l’enquêteur de la DGSI lors de son 5ème interrogatoire. B. va s’y engouffrer, pensant ainsi pouvoir mettre fin à son calvaire.
Et puis, quelle volonté de F. est apparue ?
Dans l’arbitrage que vous devrez faire, choisissez les paroles qu’il a tenues devant vous.
L’airsoft a suffisamment été plaidé ici. C’est dans le cadre d’un moment ludique, il est à peu près clair pour tout le monde que tout cela a tourné à la franche rigolade.
S’agissant des explosifs : il est heureux que ces bras cassés n’aient pas perdu une main !
L’aide apportée à F. pour acquérir une arme ? Cette arme n’a jamais été rétrocédée. Pourquoi, si le but réel était bien de s’armer, cette arme ne lui a-t-elle pas été rendue plus tôt ? Elle a été retrouvée en perquisition chez B.
Quant au cryptage, il ne peut être retenu parce qu’il n’a pas été exploité.
Enfin, il n’y a aucune connaissance d’un éventuel projet de F.
Les déclarations en GAV seraient supérieures à celles tenues devant ce tribunal ? Ne faites pas comme l’accusation qui ne souffre pas la défense, et n’a jamais douté de la DGSI.
Vous ne pouvez pas détourner les yeux des conditions de GAV. Ce ne sont pas des larmes de crocodile ! Elles sont inhérentes au chef d’inculpation terroriste et aux conditions de recueil de la parole.
B. a été adressé à un psychiatre qui a conclu que, indépendamment du contenu même de ces déclarations, si les conditions de la GAV décrites sont exactes, alors il tend à douter sérieusement de la véracité de propos obtenus dans de telles conditions.
La contrôleuse générale des lieux de privation de liberté, Dominique Simonnot, dans un rapport sur les biais des gardes à vue, et plus précisément sur les GAV anti-terroristes, alerte elle aussi sur la possibilité de déclenchement d’un choc traumatique, lié aux conditions de détention : cellules aseptisées et déshumanisantes, seuls interlocuteurs armés, violation de l’intimité lors des douches aux parois vitrées et sous le regard constant d’agents, transport au vu et su de toustes, avec un sac sur la tête.
Vous comprendrez alors les réactions de B. en GAV, et le fait qu’il ait cherché à dire ce qui était attendu par la DGSI.
Vous le relaxerez de l’AMT. Il reconnaît la fabrication d’explosifs, ce fait n’est pas contesté, mais pas en bande organisée. Et je vous demande également de ne pas inscrire l’infraction au volet B2 de son casier judiciaire afin qu’il puisse continuer le tir sportif. Les conditions pour qu’il puisse continuer à posséder une arme sont réunies.
CAMILLE SOULEIL-BALDUCCI (SIMON)
Que retiendrez-vous de ces quatre semaines ? De ces longues réquisitions ?
Où est ce projet ? Où est le passage à l’acte ?
Ils n’étaient « pas à exclure », et néanmoins ils n’étaient pas établis après Paulnay. On n’avait pas besoin d’attendre l’expert ! On le sait depuis avril 2020. On sait qu’il y a des discussions. Tout est déjà retranscrit depuis février 2020.
La DGSI à ce moment-là nous dit : « aucun projet défini ». Et maintenant on nous dit que Paulnay démontre un projet !
Huit mois d’information judiciaire. Qu’en résulte-t-il de plus précis ? Rien !
Force est de constater qu’après les réquisitions, on n’est pas plus avancé.es.
Pour le procureur, le but ici serait « d’importer la guérilla ». F. est porteur d’un projet. Puis on a glissé : il n’y a plus « un projet », mais des projets d’actions violentes ou mortifères. A quel moment dans le dossier on a constaté un passage à l’acte ?
Il faut s’y résoudre, cette procédure n’a débouché sur rien.
Nous ne faisons pas ici le procès de la DGSI.
Ce n’est pas elle qui est sur ce banc, pas elle qui a été humiliée, pas elle qu’on interroge sur ses idées, ses valeurs, ses opinions… Ce n’est pas elle qui a vécu ces trois années terribles, qui a été incarcérée, qui a été isolée, qui a souffert.
Il est vrai que nous nourrissons à l’égard de cette procédure des critiques féroces et sérieuses. Elle méconnait gravement les principes du contradictoire, de l’égalité des armes.
On nous a dit « point Godwin » au sujet de l’article 6 de la CEDH : cela me met en colère ! Ce texte a vocation à asseoir le Droit humain.
Cela montre – hélas ! – qu’il est loin le jour où la défense et l’accusation seront à armes égales.
Cette procédure est à charge, il s’agit d’un procès déloyal dans l’administration de la preuve.
Ce procès ne repose que sur la défiance.
Contre F. d’abord. Comme si le Rojava était transposable ici.
Défiance à l’égard de toustes les autres, lié.es par amitié, par leurs idées de gauche, présentées comme « extrêmes », « ultra »…, qui nourrissent des critiques à l’égard du monde, et tentent d’y répondre par des solutions politiques, dont toute société a besoin pour débattre et grandir.
Défiance à l’égard des juges, à qui il reviendra de statuer. On leur avait réservé les Assises !
Vous serez arbitres, mais on biaise les règles. On vous donne des miettes, un dossier incomplet, pour aller dans le sens de l’enquête. On vous prend par la main, à l’image de cet expert à qui on a souligné des passages à lire. Vous devez sortir de ces lignes toutes tracées par le Ministère public.
La charge la plus importante, ce n’est pas l’ANFO, ce n’est pas le TATP. La charge la plus importante, c’est l’enquête. Elle est l’endroit où se logent les déloyautés : l’infime quantité des retranscriptions, où l’on fait dire aux mots ce qu’ils ne signifient pas, la suppression de la vidéo, les perquisitions…
Selon l’article 706-95-18 de la procédure pénale, il y a une obligation à « transcrire les éléments nécessaires à la manifestation de la vérité », et non uniquement les éléments à charge. Pour S., on a 5% de ce qu’il a dit. 26 conversations retenues sur 600 enregistrées. 50 et quelques sur les 999 enregistrements de la sonorisation du cabanon.
Dans ces sonorisations, il n’y a pas de discussion de plus de trois phrases.
Comment comprendre ce qui s’y dit vraiment quand on nous en donne un part si congrue ? Comment s’en satisfaire ?
Ce procédé, il doit vous interpeller.
Prenons l’affaire de Viry-Chatillon, où les prévenus ont finalement été acquittés. L’ancienne procureure générale de Paris déclarait : « Avoir fait une sélection a été de nature à décrédibiliser l’enquête. La question sera de savoir si les retranscriptions sont à ce point réduites qu’elles en deviennent mensongères ».
Ce qu’on vous transmet ne suffit pas.
La procureure nous a dit : « Pour tout comprendre, il faut prendre le tout » ; nous sommes bien d’accord.
Surtout quand ce « tout » résiderait uniquement dans l’intention.
On nous cite des morceaux, des bribes de conversation, une phrase, pour prouver une conspiration. Une phrase isolée de son contexte ne veut rien dire !
On nous dit : « Ça suffit cette excuse de l’ivresse ». On vient diffuser un morceau de conversation, en prétendant qu’ils n’auraient pas une élocution altérée ? Et le bruit de la bouteille de vin qui fait glouglou en fin de conversation ? On ne diffuse pas le passage ou S. et F. chantent en chœur du Johnny Halliday. Quand deux punks en viennent à chanter Johnny !!!…(RIRES)
Il faut prendre les phrases dans leur contexte.
J’en passe. Vous avez compris.
Vous ne pourrez pas juger sans comprendre leur langage. Parler, ici, c’est un divertissement. On fait tous ça. A quoi passe-t-on notre temps ? A parler ! Le but n’est rien d’autre qu’entretenir la conversation.
Après Jakobson, on peut aller plus loin. Erving Goffman, lorsqu’il étudie les « small talk », qu’est-ce qu’il nous dit ? Accrochez-vous, Jakobson, c’était facile ! Il met en avant que dans l’interaction sociale qu’est le langage, le dévoilement n’est pas forcément authentique, ni même sincère, parce qu’on ne dévoile que ce que l’on croit positif pour l’autre. Le dévoilement est parfois un voilement. Les paroles, les interactions sociales ont tant de sens, tant de sincérités. Évidemment qu’ils ne vont pas parler de pavillons ou de PMA mais, puisqu’ils ne se sont pas vus depuis longtemps, ils vont parler de leur avant : des propos politiques. Ce qu’on peut tirer des paroles et des mots, c’est uniquement des paroles et des mots.
Comment aurait-on traité dans ce tribunal les propos suivants : « C’est un usage bien établi, dès qu’il s’agit de rosser les cognes, tout le monde se réconcilie. En voyant ces braves pandores à deux doigts de succomber, moi j’bichais, car je les adore sous la forme de macchabés ». Ces mots sont ceux de Georges Brassens, grand prix de poésie de l’Académie française.
Arrêtons de nous offusquer pour des mots !
Ce n’est pas notre seule critique s’agissant de cette enquête.
Dans ce dossier, nous faisons face à quelques éléments administratifs à la chronologie mystérieuse.
On découvre le terrain de Paulnay le 10 février 2020. On diligente une enquête fiscale pour vérifier à quel point F. en est propriétaire.
Toutes ces réquisitions sont sous scellés. On n’a rien dans ce dossier ! Il faut faire des demandes d’actes pour obtenir les éléments de la procédure ! On demande.
Ce qui nous gêne dans cette demande, c’est la date de la réponse de l’administration, le 11 février 2020, pour le document imprimé.
On a un PV du 10 février 2020 pour une demande qui est faite le 11 février… Le terrain de Paulnay est sonorisé grâce à cette information, et le PV est antérieur à l’information.
Le 12 février, ils savent déjà ce qu’est ce terrain, ils l’ont repéré.
Et la DGSI nous dit « il nous paraît probable que ce terrain puisse servir aux explosifs et aux entrainements ». Comment fait la DGSI ????
Dans ce dossier, la casquette de la DGSI n’a jamais été ôtée.
La chambre d’instruction nous dit : « Pas de problème, le dossier peut ne pas être lu par nous ou vous. »cad que certaines demandes du dossier n’y figure pas, la DGSI peut contacter des organismes et recevoir des réponses sans que cela apparaisse au dossier.
Comment accepter qu’une partie du dossier nous soit cachée ?
Et sur la vidéo de Paulnay : qui bande les yeux de ce tribunal ?
La séquence vidéo dure du 13 au 17 février 2020. Elle permet de signaler les présences des prévenus. Sauf que son placement sous scellés ne se fait pas. Plus grave, la séquence ne sera placée sous scellés que le 23 novembre 2020, soit quatre jours après qu’ait été lancée l’opération visant à l’interpellation.
Pourquoi le juge Herbaut n’a pas la vidéo dans son dossier ? On ne fait pas de copie. On ne fait pas de transcription. Alors qu’on en a l’obligation ! Et en prime on efface la vidéo…
Il en a fallu de l’énergie du côté de la défense pour obtenir des réponses. On fait des demandes en juin 2022, puis en septembre. De qui se moque-t-on ?
Celui qui a effacé la vidéo, c’est celui-là même qui va répondre au juge d’instruction pour dire ce qui s’est passé : un effacement non intentionnel.
Ce n’est pas satisfaisant ! Ni pour nous, ni pour vous !
Sur l’absence des deux agents de la DGSI à l’audience : ce n’est pas pour rien que nous avons demandé leur présence. Iels sont à l’origine de l’écrasante majorité des PV de l’enquête, et à l’origine de ce PV sur la vidéo de Paulnay. On veut remplir les vides !
– Comment fait-on pour écrire un PV de renseignement avec des renseignements qu’on n’a pas encore demandés ?
– Pourquoi on détruit l’engrais retrouvé chez Simon ? (pas de comparaison possible avec l’engrais de F.)
– Pourquoi dites-vous « pas de projet défini » en avril 2020, pour ensuite prétendre que le projet date de Paulnay ?
– Pourquoi démonte-t-on le dispositif de sonorisation du terrain de Paulnay ? Comment savez-vous qu’ils ne reviendront pas ?
– Pourquoi, alors que les écoutes disent qu’il va y avoir un vol au GammVert, la surveillance du terrain est interrompue ?
Autant de questions sans réponse, dont la liste démontre que leur présence étaient nécessaires à votre juridiction.
Nous sommes dans la déloyauté de l’administration de la preuve.
On détourne, on vicie la preuve. On trie, on coupe, on cache, on supprime.
Vous devrez sanctionner ce procédé.
Voilà notre critique sur ce qu’a été cette procédure.
Beaucoup d’éléments sont interprétés avec mauvaise foi. Vous les écarterez.
Sur l’application Telegram : le 10 décembre 2020, S. donne ses codes pour y accéder. On note : « Etrangement, aucune communication avec les autres n’est constatée. Pour rappel, il est possible de supprimer un appel. »
Ainsi, même quand il n’y a rien, il pourrait tout de même y avoir quelque chose. Comment s’en sort-on ?
Sur les outils et fichiers numériques : j’ai compté 382.641 fichiers, pour ceux qui ont été relevés. Et pourtant on ne trouvera rien ! Rien !
Alors on extrait une photo, qui me fâche beaucoup. Un colis entouré de scotch, contenant des tuyaux métalliques. On dit « précisons que de tels tuyaux sont susceptibles de servir dans la réalisation de bombes tuyaux ». On parle ici d’une étagère en kit !
Les efforts qu’il faut employer pour se défaire de leur manières de présenter les choses !
Le rapport du PNAT (RDTC) pour dire qui sont K. (sa compagne) et S. : K. est présentée comme étant connue pour vol (multi-récidiviste). Non ! En réalité elle en a été victime ! S. va en manif avec un masque à gaz : c’est une preuve qu’il serait un « Black Bloc ». Mais… Oui ça devient difficile de nos jours, les manifs. On en voit moins des poussettes, on y sent le gaz lacrymogène à des kilomètres.
Comment croire que cette enquête sert la manifestation de la vérité ?
On n’a rien. Alors on va aller chercher un projet.
Lors de la 6ème audition de GAV, Simon garde le silence.
On lui dit : « Vous avez pleuré. Pourquoi ? Vous vous inquiétez pour vous ? Vous estimez que votre place est avec nous en GAV ? Vous pleurez ».
"Votre petite amie est elle impliquée dans tout cela ? Quel projet de vie avez vous avec elle ? Comprenez-vous que la situation est très difficile pour elle, actuellement gardée à vue ? Est-ce que cela vous pose problème de faire risquer la prison à votre compagne si vous la dédouanez pas ? Vous pleurez."
(Silence dans la salle, c’est hardcore…)
Il est où le droit au silence ?
On a gardé K. en GAV pour faire craquer S. La GAV c’est pas seulement « inconfortable » ! On essaie d’obtenir des aveux aux forceps.
Nous posons une question : cette procédure déloyale est-elle inévitable ?
Est-ce que cette procédure vous apporte des preuves ?
Les agents de la DGSI auraient pu venir témoigner devant ce tribunal. Nous l’avons demandé.
Aucune condamnation ne peut se fonder sur les accusations d’agents anonymisés. Le procureur nous dit que ce serait « une interprétation personnelle du droit ».
Ce que nous y lisons : les témoignages de la DGSI sont anonymes, on ne peut pas fonder une condamnation uniquement dessus.
Vous seule, Madame la Juge, avez le pouvoir de transformer ces éléments non probants en preuves.
La défense ne peut être garante seule de l’équité de ce procès.
C’est votre responsabilité !
Cette procédure ne repose que sur la base d’éléments qui ne constituent pas des preuves.
Les mathématiques sont formelles :
1 PV anonyme ne vaut rien.
1400 PV anonymes ne valent rien.
Qu’est-ce qu’il reste ?
L’expert en explosifs, M. B., cité par le Ministère public, est finalement le meilleur témoin de la défense.
Il a fallu qu’il nous explique qu’il avait tout mélangé. Quelle est la rigueur scientifique de cette expertise ? Et le fait de prendre pour exemple pour sa simulation la place Vendôme ? Pas la place Beauvau ! La place Vendôme ! Celle de votre ministère, de notre ministère. C’est à vous qu’on veut faire peur !
Cette expertise, vous la dénoncerez.
Vous ne trouverez pas de TATP chez Simon. Vous ne retiendrez pas les pipe-bombs.
Vous ne pourrez pas retenir l’ANFO. Cela réagit négativement à la flamme quand les démineurs s’y intéressent. Le procureur parle d’une poudre, il n’en est rien, ce sont juste des billes d’engrais baignant dans du fuel qui ont été trouvées !
Dans les scellés, il y aurait une recette ? Faux ! Une page wikipédia. Rien qui ne permette sa fabrication.
Qu’est-ce qu’il reste ? Quatre essais manqués, après lesquels on ne persiste pas.
C’est finalement ardu de contredire le vide.
Il n’y a eu qu’une tentative de fabrication d’explosifs.
Pour cette raison vous ne l’inscrirez pas au FIJAIT, et je vous demande également de ne pas inscrire l’infraction au volet B2 de son casier judiciaire.
On nous a dit d’elleux qu’iels ne se remettaient pas en cause ; mais c’est la qualification qui doit être remise en cause.
ALICE BECKER (SIMON)
La référence répétée à Action Directe, qui n’a aucun rapport avec les inculpé.es, est un procédé malhonnête.
Et puis, lorsqu’on fait référence à une affaire plus récente, l’affaire Tarnac, on devrait remarquer que les journalistes sentaient venir le fiasco. Le parquet dénonçait la mansuétude des journalistes.
(elle cite les articles des media actuels sur l’affaire 8.12)
J’ai trouvé choquant que le procureur attaque la défense sur sa stratégie de défense.
S. est décrit comme un « punk à chien » : crête, boisson, musique… C’est assez cocasse qu’un punk rêve d’ascension sociale… chez Disney. Il vivent en couple avec K. depuis 17 ans… Elle revient sur son message dans lequel il dit en avoir « marre des normes », datant du 31 décembre 2019, alors qu’il travaille ce soir-là a Disney (paye ton punk anarchiste).
Le mouvement des Gilets Jaunes, pour n’importe quelle personne concernée, c’était un bol d’air.
S. se fait arrêter en manif lors du mouvement de 2019 contre la réforme des retraites et subit une GAV qui aboutit sur un rappel à la loi à cause de la présence d’un masque à gaz dans son sac.
S. s’intéresse au Rojava, et son pote de longue date F. en revient justement. Ils prévoient de se voir, se voient, puis ils rentrent chacun chez eux.
Le week-end avec son pote : il va faire 2h50 de route et non pas « traverser la France » comme a pu le dire le PNAT. Il va acheter une spatule, et ils vont faire des explosifs (ce n’est un secret pour personne). A partir des enregistrements sonores, on ressent que c’est la première fois qu’ils se retrouvent depuis longtemps. Ils sont ivres, leurs propos doivent être analysés sous ce prisme-là. Ils parlent de la révolution, des valeurs de la République que l’on « conchie ». Je trouve ça surprenant pour une conversation, plutôt modérée à mon goût, qu’on ne puisse pas critiquer la révolution française. (elle énonce les détails de la conversation). Ils parlent des manifs des Gilets Jaunes et S. regrette de ne pas avoir profité des manifs.
La journée du lendemain, lorsqu’ils font des essais, ils blaguent : « tant pis pour la nature… ». Ces propos sont interprétés comme étant de « l’écoterrorisme » !
On se dit qu’il y a quelque chose qui va se passer, ils parlent du vol à GammVert. Alors pourquoi, les flics partent-ils et les enregistrements prennent-ils fin ?
Par la suite a lieu leur départ à la cave de Controis en Sologne pour deux jours avec des ami.es, puis il rentre chez lui.
Week-end conspiratif ? On a parlé des tests, des copines, des frustrations… La tentative de production d’explosifs n’est pas répréhensible.
S. s’inquiète de ne pas avoir l’agrément à temps pour un évènement. Cela tarde, il insiste, il le reçoit finalement. Cet agrément est une vérification de la préfécture en prévention du risque terroriste. Il l’obtient alors qu’il est sous une instruction terroriste. Et puis plus rien ne se passe.
D’autres professionnels l’ont confirmé, le métier d’artificier, y’a pas d’école pour ça, il faut apprendre en faisant des tests.
Lors des perquisitions chez lui, on trouve des inflammateurs, des mèches et des déclencheurs, de la poudre noire. Il n’y a pas de TATP – mais des éléments qui sont utilisés pour sa profession et pour les travaux de la maison.
Il y a bien des armes chez lui : trois carabines, sans munitions, donc cela en fait de simples objets. Elles ont été récupérées bien avant de revoir F.
Elle demande la relaxe.
RAPHAEL KEMPF (FLO)
Sifflement lorsque les procureur·es rentrent pour la reprise de l’audience. La juge, agacée, indique au public qu’elle va faire inscrire cet incident à la note d’audience.
Reprise de l’audience, Kempf se lève pour commencer sa plaidoirie :
K – J’ai noté que vous avez ajouté à la note d’audience les sifflements.
Je me demande une chose. À quoi va-t-elle servir, cette note ?
Qui va pouvoir la lire ? Pas nous, a priori, cela nous a été refusé quand nous avons demandé les comptes-rendus d’audience.
Peut-être sera-t-elle étudiée dans plusieurs années, lorsque des historien·nes se pencheront sur l’histoire de la répression politique en France.
C’est sur la base de ce genre d’archives qu’il est possible de réaliser un film sur le procès Goldman.
La Justice ne vit pas en autarcie. Elle vit avec la société. Si le PNAT provoque un sentiment de défiance, je pense qu’il faut l’entendre. Parce que la confiance ne se décrète pas. Les institutions sont respectables parce qu’elles montrent qu’elles respectent le droit.
Il y a deux jours, madame la procureure, dans la deuxième partie des réquisitions, a annoncé qu’elle allait examiner la situation prévenu.e par prévenu.e. Les temps accordés à chacun.e sont éloquents :
F. : 1 heure et 57 minutes
S. : 4 minutes
W., B. : 3 minutes
C. : 2 minutes
M., L. : 1 minute
Si nos défenses étaient proportionnelles à ces temps, Mme la Présidente, nous en aurions pour très longtemps..
Du procès d’un groupe, et cela a été largement rappellé par mes consoeurs·frères, on est passé au procès d’un homme, F.
On a beaucoup parlé de récit, y compris du côté de la défense.
Un récit, c’est une relation de faits, réels ou imaginaires.
Et en l’espèce, le récit du PNAT comporte une part d’imaginaire : on vous demande d’imaginer ce qui serait arrivé si les prévenu.es n’avaient pas été interpellé.es. Ce qu’on ne voit pas est plus inquiétant que ce que l’on voit.
Ce dossier ne sera pas à traiter en terrorisme.
Il ne s’agit pas d’humilier qui que ce soit. Le jugement est à rendre en Droit, et nous espérons que personne n’aura à faire appel, car le jugement sera juste.
Hier, Me Tort a dit qu’elle avait confiance en vous pour vous confier son client.
Ces mots résonnent en moi. Je me demande, en tant qu’avocat de F., si moi aussi j’ai confiance en vous.
En toute sincérité, non, je n’ai pas confiance.
Il fait une citation de Thierry Lévy :
« L’audience apparaît non pas comme un moment de vérité, mais comme l’adaptation sonore d’un texte déjà écrit ».
J’ai dit au premier jour que ce procès avait mal commencé, et je le redis au dernier jour : ce procès a mal continué.
Je suis obligé de le repréciser, mais dans ce procès, on a porté atteinte à l’article 6 de la CEDH s’agissant des droits de la défense ! Dans ce dossier, on nous a dit « non » à à peu près à tout. Impossible de porter un regard neuf sur le dossier, d’y amener certains de nos éléments.
Moi ce que je sais, c’est qu’à partir du moment où la personne sait qu’elle a été surveillée, il n’y a pas de raisons que les méthodes de surveillance utilisées à son encontre et que les pièces ainsi récupérées restent dans l’ombre.
Au cours de cette audience, s’agissant des GAV, on a entendu toustes les prévenu.es dire qu’elles s’étaient mal passées. Sont-ils tous en train de mentir ? N’y a-t-il pas une part de vérité ? Votre rôle est de l’entendre !
Je vais revenir sur la loi du 9 septembre 1986. Le PNAT en a parlé dans son réquisitoire. C’est elle qui fait passer la GAV antiterroriste à 4 jours au lieu de 2. Pourquoi ? Pourquoi 2 jours de plus ?
Je pense que c’est uniquement pour obtenir des aveux ou des dénonciations. Sinon cela n’aurait aucun sens.
On sait que la privation sensorielle et la privation de liberté n’ont que cet objectif.
D’après les travaux parlementaires qui ont eu lieu lors de la préparation de cette loi, ce qui a motivé l’enregistrement vidéo des GAV atiterroristes, c’est la volonté de protéger les enquêteurs des dénonciations calomnieuses.
Mais c’est exactement pour ces mêmes raisons que nous aussi demandons l’accès à ces vidéos. C’est peut-être pour montrer à la salle qu’iels se trompent, que la DGSI a raison. (ironique)
C’est votre rôle, dans le cadre du délibéré, de savoir si cette affaire est ou non terroriste.
Nous le contestons, bien sûr.
Le ministère public s’offusque lorsqu’un professeur d’Université refuse d’utiliser le terme de « terrorisme », et en fait un argument tendant à dire que tout son témoignage serait à jeter à la poubelle. Mais heureusement que des universitaires dénoncent l’emploi de ce terme ! On ne peut passer à côté de ce fait social et massif de l’emploi à outrance de la qualification de « terrorisme », qui est utilisée pour désigner des ennemis. C’est une notion malléable qui a pour conséquence qu’il n’y a pas de dialogue possible.
Et je constate que cette définition ne fait pas l’unanimité, pour l’ensemble des acteurs de cette procédure.
Dans la 6ème déclaration de F., en avant-dernière page, l’enquêteur lui donne une définition du terrorisme : ce n’est pas la définition donnée par le Code Pénal. C’est donc que le droit n’est pas leur boussole. Ils ont d’autres motivations, des biais. On en a tous des biais, un regard particulier sur le monde, singulier.
En 1986, le député qui a rapporté la loi a déclaré : « Nous nous sommes borné.es à constater le terrorisme, pas à en donner une définition. »
Puis Me Kempf fait une citation de Jean François Ricard, le premier procureur du PNAT, dans laquelle il dit que le PNAT a établi une série de critères permettant de distinguer ce qui relève du terrorisme ou de l’action radicale violente. Cette doctrine n’est pas publique.
Le PNAT nous a donné un indice : il a fait une distinction entre « haute intensité » et « basse intensité » d’action… C’est quoi ça ? De quoi parle-t-on ?
Il n’y a pas cette distinction dans le Code Pénal en terrorisme.
Une dégradation peut y figurer au même niveau qu’un fait de violence sur les personnes.
De la même manière, le reclassement de cette affaire pour être jugée au tribunal correctionnel a été justifié par l’absence de projet d’action imminente. Cette notion d’action imminente n’existe pas non plus en droit !
Le PNAT s’est autonomisé de la loi, pour définir de façon arbitraire ce qui relève du terrorisme ou non.
Mais la qualification de terrorisme viendrait ici du fait de vouloir s’en prendre à des policiers…
Quelle est la jurisprudence quant à ces accusations-là ?
On a évoqué des manifs, avec des situations plus ou moins graves.
Lorsque lors du mouvement des Gilets Jaunes un tractopelle a défoncé la porte du ministère de M. Griveaux, cela a été qualifié en « trouble à l’ordre public », pas en acte de terrorisme.
De même s’agissant de l’incendie d’une caserne de gendarmerie à Grenoble en 2017, qui a été jugé en droit commun.
Tout acte contre les policiers n’est pas qualifié de terrorisme.
Et nous, dans cette affaire, on a juste des bribes de conversations et des interprétations d’intentions, et c’est qualifié comme étant du terrorisme…
La question des engagements des prévenu·es reste centrale dans ce dossier. On nous dit que ce n’est pas le procès d’opinions politiques. Pourtant, de multiples questions sont posées aux prévenu.es en GAV sur leurs idées politiques. Le parquet nous dit : « C’est normal, on doit connaitre leurs idées ». D’accord, donc le fait que la DGSI soit une police politique est reconnue par le parquet, au moins on avance.
Des parallèles ont été faits avec les djihadistes. Il n’y a pas vraiment de liens.
Du côté de la défense, on a un peu du mal à définir ce terme d’ultra-gauche… (on a essayé d’amalgamer des éléments épars ensemble, mais ça n’a rien donné…)
On a donc demandé à Jean-Marc Herbaut de nous dire ce que cela signifiait pour lui.
Et cela a donné une recherche en source ouverte de Enedeka Maska… qui serait la définition de l’ultra-gauche.
On a par la suite eu des éléments un peu plus fournis : ZAD, lutte contre les OGM, revues, maisons d’édition (La Fabrique).
Qu’est ce qu’on doit comprendre de tout ça ? Que maintenant quand on va lire ou écouter certains contenus, cela va radicaliser les gens et leur faire commettre des meurtres ?
F. serait dans un engagement violent. Sinon ce procès n’aurait pas lieu d’être.
Alors, si on reprend ses engagements :
– Sivens. Oui, ça a été difficile là-bas, mais il a dit ne pas y avoir commis de violences. Et je le crois, il n’a pas été poursuivi pour ce fait !
Et une deuxième chose : celleux qui à un moment ont occupé la ZAD de Sivens, iels avaient raison ! Iels avaient raison avant tout le monde, et même en droit !! Et si ça avait été compris plus tôt, Rémi Fraisse ne serait peut-être pas mort !
Imaginons que, comme pour l’isolement de F., on se rende compte a posteriori que cela ne servait à rien ? Et bien ce sera trop tard, le mal aura déjà été fait… (Il refait le même style de phrases concernant les peines requises par le PNAT).
– On sait qu’il était dans la jungle de Calais, qu’il y donnait des cours dans une école.
Et c’est tout à son honneur !
Le défenseur des droits a dénoncé de nombreuses fois les conditions de vie indignes dans la jungle de Calais.
Voilà le parcours militant d’un homme qui se conjugue avec la Justice et le droit.
Sur les objets récupérés chez sa mère (bouclier et Tonfa), nous affirmons que c’est parce qu’il était acteur (jeux de rôle).
De fait, F. n’a jamais été interpellé pour des faits de violence avec ces objets et les Black Blocs ne viennent pas en manifestation avec des boucliers.
Les enquêteurs voient que F. et son ami·e collent une affiche sur un mur, le 6 mars 2020 à Toulouse. On ne sait toujours pas de quelle affiche il s’agit, quel est son contenu. Est-ce qu’elle avait pour but et aurait permis de recruter des gens pour la lutte armée ?… Ou est-ce plutôt le signe d’un engagement militant banal ? On ne le saura pas, la DGSI n’ayant pas pris de photo de cette affiche lors de sa filature.
Est ce que participer à l’ouverture de squats est un engagement violent ou est-ce banal ?
Le récit de la DGSI, relayé par le PNAT, c’est l’idée selon laquelle les volontaire au Rojava viendraient ramener la guérilla en fRance.
Ce que je suis obligé de constater, c’est qu’en suivant cette idée, ils véhiculent un récit qui est fait à ce propos depuis 2016. Et aujourd’hui le seul moyen de véhiculer ou de confirmer cette idée, c’est le PNAT et in fine, c’est vous.
Ils ont tenté un premier canal pour véhiculer cette idée. André Hebert s’est vu confisquer son passeport pour l’empêcher de retourner au Rojava, sous prétexte de vouloir retourner les armes contre l’Etat. Le tribunal administratif a statué et reconnu l’erreur de la DGSI.
Par ailleurs je rappelle ici que, contrairement à ce qu’a dit le PNAT, les YPG, le PKK et le terrorisme sont des choses distinctes qu’il est important de ne pas mettre sur le même plan.
Le deuxième canal utilisé pour véhiculer cette idée a été Médiapart. L’article au sujet des « revenants » du Rojava montre bien qu’il n’y a pas que F. qui est visé, mais que cette idée concerne tout le monde : les « revenants » reviennent en France pour perpétrer des attaques, pour faire du terrorisme.
Et le troisième canal, c’est ce procès.
Une fois qu’on adhère à cette idée, ce récit, est-ce qu’on a des éléments qui permettent de le justifier ?
Non.
Olivier Grojean est venu présenter à cette barre les résultats d’un travail scientifique, d’une étude réalisée qui se base sur plusieurs entretiens.
De quelle manière raisonnent ces combattants ?
« Lucidité », « distance », « critique du romantisme révolutionnaire », « critique de la lutte armée ». Il n’y en a pas un qui souhaite ou qui se soit engagé dans la lutte armée.
Il n’y a pas d’éléments.
André Hébert a répondu ici à vos questions, sur ses opinions : oui il est « anti-capitaliste », c’est son droit, mais non il ne croit pas à la lutte armée.
Ce récit ne tient pas.
Alors pourquoi ce récit ? La DGSI fait quand même un travail sérieux, elle taffe et tout…
Elle est confrontée à du terrorisme djihadiste depuis des années. Ses agents ont donc un schéma de pensée. À force de voir le monde ainsi, ils ont ce biais, ce mode de réflexion et d’interprétation là.
« Returny », c’est une idée qui vient du djihadisme. Et on retrouve ce terme ici, dans le contexte de combattants volontaires du Rojava…
Il cite une déclaration de Flo » j’ai lu, je me suis intéressé à la lutte kurde… »
Et selon le PNAT F. serait parti juste pour apprendre le maniement des armes et se serait fait retourner le cerveau par Öcalan…
Dans le dossier, on a des photos d’un certain nombre de livres présents dans son camion. Mais pourtant la DGSI ne va se focaliser que sur un fichier PDF que F. n’a même pas lu. Par contre, les bouquins, on s’en fout !
Par exemple, s’y trouvait un livre de Serhildan, « Le soulèvement au Kurdistan » (aux éditions Niet si ça intéresse du monde). C’est dommage qu’il n’y ait pas eu de PV d’exploitation de ce livre dans le dossier !
Ce livre était sur la table de chevet de F., et il vient confimer tout ce qu’il a dit à cette barre !
Mais manifestement, l’accusation n’a pas souhaité en faire état.
0,72% des sonorisations constituent se dossier… Ce chiffre n’a pas été contesté, ce qui est intéressant !
C’est donc le rôle de la défense de remplir les 99% manquants.
C’était quoi la bataille de Raqqa en 2017 ? C’était quoi de libérer une ville du joug islamiste ?
Ici F. a été incapable de se livrer, et je peux totalement le comprendre, car dans un lieu pareil, on peut constamment avoir peur de « déraper », et que des personnes puissent se méprendre sur le sens de vos mots. Pour raconter cette expérience, il faut une qualité d’écoute qui n’exsite pas ici. Il n’a pas pu dire comment il a procédé à Raqqa, dans le détail du geste. Je l’ai déjà dit, et ça a fait sourire le PNAT, mais sur place il a combattu au sein de la Coalition internationale, aux côtés de l’armée française !
Quelle crédibilité peut-on accorder aux propos déclarant qu’il veut s’en prendre aux institutions alors qu’il a agit en bonne intelligence avec l’armée française ?
Et le ministère public a déclaré cette Coalition internationale comme étant « informelle », ce qu’elle n’est pas !
Et F. voulait y repartir… C’était pas j’y vais, j’apprends et je reviens pour tout casser ! Voilà l’idée de F. au Rojava.
Ce dossier, cette enquête, donnent une image de ce qu’est « l’impressionnisme judiciaire » : on a des points, et on trace des traits entre chaque, sauf qu’à la fin ça ne ressemble pas à grand chose…
Cette expression a été utilisée par Nicolas Braconnay, l’avocat général durant les plaidoiries du procès des attentats du 13 novembre 2015.
Il cite des extraits d’un article du Monde (Au procès des attentats du 13-Novembre, des plaidoiries contre « l’impressionnisme judiciaire ») : « Il faut refuser les constructions fumeuses », « L’impressionnisme judiciaire n’a rien d’artistique », « C’est un péril pour l’intitution judiciaire elle-même ».
Il parle de l’alcoolisation des personnes écoutées dans la majorité des sonorisations utilisées à charge.
Il rappelle que les prévenu.es sont accusé.es de ne pas avoir évoqué volontairementle terme « TATP », alors qu’iels n’en connaissaient pas le nom. Pour l’ANSU, F. dit ne jamais en avoir fait avant. Le Parquet, lui, affirme qu’il en aurait déjà fait. André Hébert a pourtant bien répété qu’il n’a jamais été question de cela au Rojava.
Pour continuer sur la confection des explosifs, à Parcoul (des tests infructueux) et Paulnay, F. a participé aux essais pour en fabriquer, mais ensuite il décide de ne plus y revenir.
Il est dit par le parquet que soi-disant F. sélectionnerait des personnes qui pourraient le suivre et participer à une révolution armée. Or dans une écoute du 2 avril 2020, avant qu’il aille à Parcoul, il n’y a aucune certitude sur l’endroit où F. va passer le confinement. Il y avait 2 possibilités, et il dit vouloir aller à Parcoul « s’iels (les habitant·es) sont sympas ». Est-ce que je recrute des gens dans le but de mener une lutte armée parce que je les trouvent « sympas » ? (se retournant vers les inculpé-e-s : « Voilà, il vous a trouvées sympas… Et vous êtes là ! »)
Pour moi, il ne les sélectionne pas, parce qu’il est allé chez elleux un peu par hasard.
Sur la confection d’explosifs qui a eu lieu, tout le monde met la main à la pâte. Et moi, ce que je retiens de tout ça, c’est que F. n’a plus du tout envie d’en refaire.
Du côté du ministère public, la seule preuve de sa prétendue volonté d’en refaire, c’est que dans son camion il gardait les éléments pouvant servir d’ingrédients. Moi, je pense que tout cela y a été juste oublié.
Dans le deuxième rapport de l’expert, à la dernière page, le résultat d’analyse de la cuisinière du camion est négatif. Il est dit que potentiellement, si la manipulation date d’il y a plusieurs mois, les traces deviennent moins visibles, voire imperceptibles. F. n’en a donc pas refait depuis plusieurs mois… On va régler la question de la restitution des scellés maintenant, ce sera fait : on voudrait récupérer les poèles, une marmite intégrale et les bâtons d’encens.
Moi ce que je vois, c’est qu’il n’est pas mentionné dans le dossier que F. aurait refait des essais d’explosifs. On vous demande de condamner F. là-dessus alors qu’il n’en a pas refait, et que visiblement il n’en avait pas l’intention.
Dans le réquisitoire, au début le projet serait la « destruction de la civilisation ». Et maintenant, qu’est-ce qu’on a comme éléments pour établir ce fameux objectif ? Un texte en grec pour l’ouverture de squats ? (il fait le lien avec un livre).
Il évoque un manifeste : « Le soleil se lève toujours ». Jusque-là, ce manifeste n’avait pas intéressé et maintenant il devient la colonne vertébrale de ce dossier ! On en apprend l’existence en août 2021, lors d’une exploitation de scellés. Et on nous dit : « Tout est là ! ». Il s’agit d’un fichier sur les plus de 1400 fichiers PDF que contenait ce scellé.
D’ailleurs, on mentionne aussi que s’y trouve un dossier nommé « pour aller plus loin », qui contient un livre sur la révolution au Rojava, un livre de Michel Foucault…
Dans ce dossier on a 2 types de sonorisations :
– certaines où on décrit une action
– des conversations à une certaine heure et dans un certain état, alcoolisé
Ces manifestations d’opinions interviennent dans un cadre privé, intime, et ne sont pas suivies de faits. Le trait qui permet de relier les points ce sont les sonorisations.
Mais moi je me demande : est-ce que c’est légal ou non d’avoir des discussions en privé ? Parce que pour moi, ces propos ne tombent pas sous le coup de la loi.
Ça arrive à chacun dans un cadre privé de tenir des propos virulents.
Quand Nicoals Sarkosy dit à Jacques Chirac au restaurant qu’il souhaiterait pendre De Villepin à un croc de boucher, est-ce que c’est un délit ? Je ne crois pas.
Il ajoute : « Avec mes consoeurs et confrères le soir quand on a bu un coup, est-ce qu’on a pas déjà dit qu’on voulait abolir le PNAT ? ». (rires dans la salle)
Les conversations à propos « des chiens de garde » sont pleines de trous. De très nombreuses mentions sont inaudibles. Kempf s’est « amusé » à remplir ces trous avec d’autres propos pour que la conversation ait un sens. C’est bluffant, cela change complètement le sens donné par la DGSI et le PNAT. Cela vient démontrer à quel point ce dossier ne se base que sur de l’interprétation.
Me Kempf : « Nous allons remplir les trous nous-mêmes ».
Juge : « C’est une proposition ? »
Kempf : « Oui, c’est une proposition ! Je n’ai pas non plus les bons mots à ma disposition !
Ça donne une toute autre teneur à la conversation.
Il n’y a pas de projet. Pas de terrorisme.
Au sujet d’une prétendue volonté de « dissimulation » : il y en a beaucoup dans le dossier. Il montre une photo de F. avec un sac sous le bras. « On dit qu’il « dissimule un sac », au lieu de dire simplement qu’il porte un sac sous son bras.
Il dit que F. a été très affecté par ce procès, et lui aussi.
Il a terminé sa plaidoirie. A côté de la plaque, la présidente demande comment a été effectué le calcul qui a été donné par la défense concernant la proportion des sonorisations qui ont été transmises. Il lui explique qu’il a simplement pris les chiffres et appliqué le produit en croix comme pour toute règle de trois, c’est magique…
COLINE BOUILLON (FLO)
Je préfère vous prévenir que je vais être très longue.
Tout d’abord, sachez que c’est un honneur pour moi de prendre la parole pour défendre F.
Dans un 1ᵉʳ temps : il n’y a jamais d’entrainement militaire par F. Il n’y a rien qui montre que F ait incité les autres inculpé.es à acheter une arme. Quel.les sont celleux qui ont déjà en possession leurs armes avant de le rencontrer ou de le revoir ? Toustes.
L’accusation a construit un récit, et je vais vous le démontrer.
F. n’a jamais fait d’airsoft avant son départ au Rojava, mais il l’a pratiqué après. Donc ce n’est pas lui qui incite, car d’autres en avaient déjà fait avant.
Le PNAT se fonde sur deux parties d’airsoft pour établir qu’il s’agirait d’un entrainement paramilitaire. L’airsoft a été utilisé pour colorer le dossier de l’accusation. Il y a seulement trois parties d’airsoft sur une durée de quatre mois, puis plus rien (huit mois s’écoulent), jusqu’aux arrestations, et on le transforme en « entrainement para-militaire ». Ce dossier me permet de me reconsidérer moi-même, avec mes 4 séances de footing au printemps, en fait je me prépare au Marathon de Paris !
Il suffit d’une seule session d’airsoft à Parcoul-Chenaud, et la DGSI romantise déjà un groupe radical. Pour la DGSI et le PNAT, il est parfaitement crédible de confondre le bruit d’une spatule dans une casserole avec un bruit de tir en rafale. On a voulu vous donner coûte que coûte une version, fantasmée par la DGSI.
Sur le site web des jeux d’airsoft, « Airsoft attitude », on peut trouver une vingtaine de scénarios, tels que « Comment commander un trinôme ? ». On y retrouve les notions de « chef d’équipe », de « débriefing » et de « pédagogie ».
Ensuite, il nous est dit que C. n’a pas apprécié cette partie d’airsoft, je la comprends, ce n’est pas évident lorsqu’on ne connait pas bien. C’est un jeu à la fois ludique et complexe. C’est un jeu de rôle avec une implication intense.
L’association « La passion des ami.es » aurait été utilisée pour cacher des activités ? Il n’y a aucune activité. Parfois, dans la rue, il peut nous arriver de voir une vitrine où le mannequin n’a plus de vêtement. Là, il n’y a même pas de mannequin ! Vous la percevez comme une vitrine vide ? L’association ne fait pas d’évènements, même pas de réunion. Elle n’a servi à rien. Pourquoi autant s’accrocher à cet élément dans ce cas ?
Car pour le PNAT, c’est elle qui fait tenir le scénario dans lequel, F. serait revenu du Rojava pour mener une guérilla terroriste. C’est une honte d’imposer cette image au sujet d’un homme qui a combattu Daesh pendant 10 mois.
Cette association a été créée en 2018. Dans la chronologie c’est un élément utile pour le scénario de la DGSI. On vous explique que cette association cache des choses, on s’y accroche parce que l’accusation ne veut pas perdre la face, elle permet de relier les deux ans entre son retour du Rojava et le début de la procédure.
Serait-il rassurant que F. arrive à mettre de côté ses expériences du Rojava ?
Devons-nous nous étonner que l’airsoft soit utilisé comme une catharsis ? Le ministère de l’intérieur dit qu’il faut mettre en place des suivi psy pour les vétérans.
Un autre vétéran du Rojava a témoigné à la barre, pour nous dire qu’il aurait aimé faire des séances de tir lorsqu’il est revenu en France, mais ce ne fût pas possible car cela lui a été interdit par l’État français. Pour F., c’est un exutoire, il fait continuellement des switchs.
En France, il y a 10 millions d’armes illégales, F. en avait une. Cachée ? Oui, il vivait dans son camion (c’est sa maison), ce qui expose aux insécurités et au vol. Pour le PNAT, tout est bon pour incriminer F. Il ne s’est pas procuré d’armes illégales entre 2018 et 2020, pourquoi ne le fait-il pas s’il a pour but de « renverser la civilisation » ?
Il aurait essayé de se cacher de plus en plus, d’entrer dans la clandestinité, alors qu’il a fait les démarches pour passer son permis chasse ?! Il a passé son permis de chasse parce qu’il a passé du temps avec B. et W. et pas l’inverse ! Il est donc dans une recherche de légalité par rapport à la détention d’armes, il souhaite faire la déclaration en préfecture, etc…
Qu’est-ce qui arrive après qu’il ait « recruté » des personnes ? Une séance de tir ?
Pourquoi B. ne voulait pas lui donner le fusil comme prévu ? W. et B. nous ont dit que B. s’était habitué à cette arme et ne souhaitait plus la donner.
Il n’y a pas eu de phase d’interpellation internationale, alors qu’il est mis en examen pour des faits qu’il aurait pu commettre en Belgique, Croatie, République Tchèque, Grèce… Dans ces différents pays, il s’y rend avec son camion ou en avion, avec des billets achetés avec sa carte bleue, et effectue de nombreux retraits avec sa CB.
Elle raconte comment elle a rencontré F.. Elle n’a jamais pu s’entretenir avec lui en GAV (auditions de l’après-midi uniquement) donc elle l’a découvert d’une part dans la description faite par la DGSI (leader, emprise sur les autres…) et d’autre part à travers les descriptions des autres inculpé.es en GAV (plein d’énergie, bout-en-train, joyeux, guilleret…)
Les conditions d’incarcération et particulièrement en quartier d’isolement sont très dures. Lors de sa première visite à la prison de Bois-d’Arcy, dans le quartier d’isolement, elle a été frappée par les cris permanents des détenus. Des cris qui ne cessent jamais. Elle fait part de sa sidération lorsqu’elle a vu à quoi ressemblait la « promenade », cet espace réduit et grillagé d’où on ne peut voir le ciel. Elle décrit des conditions de vie indignes, sans accès au soin. Tout le monde s’en foutait… sauf les soutiens de F. L’isolement requiert un accès au soin immédiat. Sa santé en a pâti, comme il a pu le décrire dans ses lettres. Elle en lit plusieurs extraits : “je n’arrive pas à matérialiser mes pensées”, “j’ai des pertes de mémoire […] je n’arrive pas à faire certaines connexions dans mon cerveau”. Il n’a vu personne de décembre 2020 à mars 2022. Elle décrit les séquelles qu’elle observe avec le temps, elle ne cache pas comment ça l’a profondément touchée, humainement.
Pour 16 mois de traitement inhumain, reconnu comme illégal, il a reçu une compensation de 3000 euros de la part de l’Etat.
Elle revient sur ce qu’elle nomme la prison « au carré », la prison dans la prison qu’est l’isolement.
Une tribune a été publiée avec de nombreux signataires pour dénoncer ses conditions d’incarcération. Cette période visiblement dérange, car il n’y en a strictement aucune mention dans vos rapports. La dimension humaine de F. n’intéresse pas le procureur, il s’en est même moquée lorsqu’il a affirmé : « ils ont osé parler de « torture blanche ». Au contraire, il cherche constamment à le déshumaniser. Le terme “torture blanche” est utilisé précisément pour décrire des conditions d’isolement inhumaines. Lorsque l’isolement est infligé pendant des longues périodes, cela produit une altération des sens, des décompensations psychologiques, une détérioration grave de la santé de l’individu.e.
La Commission des Droits de l’Homme du Conseil de l’Europe met en garde : l’isolement doit être appliqué « uniquement en dernier recours et pendant de courtes périodes ». Le terme « torture blanche » est également utilisé par Amnesty International.
Au long de ces 16 mois, F. a effectué 75 recours pour tenter de sortir d’isolement avant d’entamer une grève de la faim. Une grève de la faim de 37 jours, lors de laquelle il a failli perdre la vie. Son pronostic vital était engagé. La situation s’est aggravée jusqu’à la menace d’une réanimation, et il a dû être transféré dans un hôpital comprenant un service spécialisé car l’hôpital pénitentiaire de Fresnes n’était plus en mesure de le prendre en charge. Au terme de cette grève de la faim, il a enfin pu être libéré.
Nous contestons l’association de malfaiteurs. Il y a certaines infractions qu’il reconnait, et nous savons qu’il y aura condamnation.
Depuis le début du procès, j’apprécie de le voir en dehors de la prison. Me Bouillon explique alors l’avoir mieux découvert depuis la fin de sa détention. Elle décrit son évolution, son cheminement, humain, militant, elle découvre quelqu’un qui souhaite un monde sans oppressions, sans répression, une personne généreuse, altruiste, loyale, qui mesure la valeur de la vie, investie auprès des autres. Une personne qui tient à ses proches.
Depuis qu’il est sorti de prison, il a renoncé au mode de vie qui était le sien, certes dur par certains aspects car il vivait en camion et pas dans le confort matériel, mais un mode de vie qu’il vivait par conviction, en accord avec ses valeurs et ses principes. Il est très difficile de renoncer à tout cela.
A sa sortie, il a trouvé un travail, et pas n’importe quel travail, un travail qui lui plaît et fait sens pour lui ; il s’est occupé de sa santé. Et ce, malgré les nombreux contrôles et contraintes qui rythment son temps, sans répit.
Tout cela mérite d’être salué, et pas seulement par la défense.
Le magistrat instructeur a remarqué son respect de l’ARSE et son implication pour se “ré-insérer”. Il en a résulté qu’il a estimé qu’il n’était pas nécessaire qu’il retourne en prison, il lui a même fait retirer son bracelet électronique il y a un an.
A écouter le PNAT, F. n’a jamais pris conscience de la dangerosité de ce qu’il faisait. Ce n’est pas vrai et il en a témoigné à de multiples reprises. Le traumatisme que porte aujourd’hui F. lui vient de son temps passé à l’isolement, et non du Rojava.
Lorsque le PNAT, dit : “On ne prend pas en compte le mode de vie des un.es et des autres”, de qui se moque-t-on ? Le PNAT n’a aucunement considéré la grève de la faim (sauf pour dire que c’était bien là la preuve qu’il était « jusqu’au-boutiste » donc dangereux), les risques et la souffrance qu’elle a engendrés.
Le parquet vous a requis une peine qui n’est pas aménageable. On le sait bien en droit, qu’en matière de terrorisme la peine n’est pas aménageable. C’est une peine d’exécution. Est-ce une peine à la juste valeur des faits ?! Sans aucun rapport avec l’orientation politique « d’ultra-gauche » ?! J’ai failli en tomber de ma chaise ! On lui requiert une peine plus élevée que pour les Barjols (groupe d’extrême-droite jugé pour AMT et soupçonnés d’avoir fomenté des attentats contre Macron, des élu.es, des migrant et, des mosquées) ! Nous n’avons pas besoin de peine pour l’exemple.
Nous vous demandons une peine mixte (sans retour en prison) qui exclurait tout suivi socio-judiciaire et pas d’inscription au FIJAIT.
Procureur : A la demande de la juge nous répondons quant au fichier de son casier judiciaire : il n’y aura pas d’exclusion du B2.
DECLARATION INCULPE.ES
Nous ferons un résumé ici des déclarations des inculpé.es. Iels peuvent prendre la parole en dernier. Il y a des applaudissements après chaque déclaration et la Présidente essaye à chaque fois de faire taire la salle en la grondant.
B. nous parle de sa vie actuelle, de sa reconstruction après le traumatisme de la GAV et de la procédure.
W. rappelle l’impact que les 4 mois de détention ont eu sur lui, qu’il n’a pas pu communiquer avec ses meilleurs amis pendant plusieurs années. Il demande à ce qu’on le laisse tranquille et finit en rappelant que personne dans cette salle n’est un-e terroriste.
F. s’excuse pour son comportement auprès des femmes présentes à Parcoul : C., S., M. et H. et a hâte de rentrer chez lui pour se reconstruire.
L. regrette ne pas avoir pu offrir le fond de sa pensée, auprès des potes aussi, n’aurait jamais imaginé que quelque chose comme cette affaire entre un jour dans sa vie et finit sur sa conviction que nous sommes toutes et tous complémentaires, qu’il est évident que l’on peut fonctionner ensemble.
C. : Ces 3 dernières années ont été les plus dures de sa vie, beaucoup d’inquiétude face aux caricatures portées dans ce dossier et ses répercussions. Elle rappelle qu’elle n’a jamais été une terroriste, mais qu’elle est fière des luttes politiques qu’elle porte et des idées qu’elle défend. « Je sais qui je suis et je partirai de ce tribunal avec ça. »
S. rappelle qu’il a fait 11 mois de détention, 3 ans d’instruction pour une accusation portant sur 3h de tentatives ratées d’explosifs : « Ma passion débordante a débordée « . Et que, si l’accusation terroriste est maintenue, il devra pointer tous les 3 mois, pendant 10 ou 20 ans et si une nouvelle loi d’exception passe, ce sera toute sa vie, « coupable devant l’éternel ». Il ajoute qu’il n’a jamais eu besoin de quelconque injonction pour travailler et que le Fijait nuirait à son projet professionnel, notamment pour les déplacements.
M. commence par » 2 ans, 324 jours et 15h depuis que l’on s’est fait arrêté… on est tou-tes fatigué-es ». Il préfère ne pas faire perdre plus de temps et conclura par une phrase des Béru : » L’AVENIR C’EST PAS LA VIOLENCE, C’EST LA SOLIDARITÉ ! »
Verdict du délibéré le 22 décembre à 10 heures
Jeudi 26 octobre : Plaidoiries des avocat-es pour 4 des inculpé-es
LOUISE TORT (LOIC)
Tout d’abord, je veux vous dire : Pardon, pardon, pardon. Si j’ai parfois mal parlé, si mon langage a été approximatif, si j’ai été agressive, excessive, pardon.
Le tribunal a pu me voir avec une mine défaite. Je suis venue avec mon sac à dos, fourré de mon vécu, 45 ans de vie, 20 ans de barreau, de ce que j’ai appris dans les tribunaux.
L. est arrivé les yeux tout ronds, il disait « je suis perdu ». Je l’ai connu comme un garçon qui pense à l’autre, un garçon qui n’est jamais en retard, qui n’aime pas le bras de fer, qui aime l’autre.
Je connais la 16ème chambre, je connais les dossiers terroristes, celui ci ne ressemble à aucun autre, le déséquilibre est si grand, les audiences sont lourdes.
Du dérogatoire du dérogatoire, de l’exceptionnel à l’exceptionnel. Les accusations qui pèsent sur lui sont trop lourdes. Mon désespoir a pris beaucoup de place, comme le sien.
La première semaine je ne pouvais pas m’asseoir. La deuxième semaine je ne pouvais pas respirer. La troisième semaine j’ai été touchée par un problème personnel, mon sac à dos était trop lourd. Je ne voulais plus venir. Mon lapin est au chevet de la mort mais j’ai tenu parce que j’ai confiance dans mon vétérinaire. J’ai confiance parce que je n’ai que ça.
Moi j’ai confiance en vous, même si ma défense a pu être excessive, emportée, j’ai confiance. Je me suis emportée quand leur amitié a été attaquée. Mais je sais que vous la reconnaissez, cette valeur de l’amitié.
Même si je m’exprime mal, même si je suis venue avec mon sac à dos, je sais que vous saurez trouver la vérité qui est qu’il n’y a pas d’association de malfaiteurs terroriste.
Je me suis emportée face à cette espèce de tautologie consistant à dire que puisque la DGSI dit quelque chose, il n’y a aucune raison de remettre en question ses paroles. Tautologie aussi du fait qu’on ne puisse pas avoir les témoins demandés. Il aurait été nécessaire d’entendre ces témoins pour éclaircir tout ça. Il serait intéressant de savoir ce que pensent ces agents. La parole du PNAT ne suffit pas. Ils disent « la DGSI est une autorité indépendante ! Pas du tout liée à l’exécutif ! ».
Ils nous disent qu’ils sont débordés de travail. Le PNAT c’est Superman le jour, Batman la nuit !
Leur chronologie d’hier (réquisitions de la proc), je n’ai pas tout compris : « on a supposé des choses » (F.+S.), on a vu que c’était pire (à Parcoul s’agissant de la fabrication d’explosifs), on s’est empressés de ne rien faire ».
A ce moment-là c’est une période particulière, 2019-2020 : la sortie d’une année de Gilets Jaunes. Vous croyez que « Personne ne parle comme ça de la police » ?! Même dans les 10 000 fiché.es de Darmanin, dont les 3000 fiché S de l’ultra-gauche, ils ne sont pas tous fichés ceux qui disent des choses sur la police. George Floyd, Adama Traoré, la loi sécurité globale. Il y en a des slogans, ça manifeste de partout. Alors il semblerait qu’il s’agissait de criminaliser ces mouvements. Le contexte social de l’époque est une réalité dans ce dossier.
On prend du rien, on ajoute du rien, et puis on va les secouer. Pas de démonstration, pas de preuves, pas de volonté violente. c’est une inversion de charge de la preuve. Les arguments sont faiblards voir déloyaux. L’enquête et l’accusation partent d’un prisme.
Les termes que vous avez utilisés sur L. à-propos de son CJ sont : « élogieux ». On a beaucoup parlé de sa GAV. Si le droit de garder le silence devient un élément criminalisant, c’est de l’hypocrisie. Tordre la vérité en faisant de la manipulation, en termes de manifestation de la vérité, c’est obtenir des dénonciations en cassant le bras de quelqu’un… Moi, je ne garantis pas que j’aurais eu ce courage.
Comme il n’y a pas de projet, on est obligé d’aller plus encore dans ce qu’on sait des personnes. Ce qu’on sait c’est que sa mère est engagée pour s’occuper des autres. C’est un garçon qui a vécu beaucoup de souffrance, qui a engendré en lui de la peur. Il s’est confronté à autant de solitude que celle qu’il avait dans sa tête. Néanmoins on ne trouve aucune trace d’acte violent dans sa vie.
En 2017 c’est un tournant, et il change, il devient celui qu’il est aujourd’hui. Pour être plus en contact avec lui-même, il s’engage dans la PNL. Il cherche de vrai ami.e.s L. a tendance à être grognon. Mais je le vois avec les autres, il investit les relations.
On a ensuite eu un espèce de glissement, du syllogisme : « Vous étiez à Sivens, il y avait des violents à Sivens, donc vous êtes un violent ». Enfin on ne le dit pas, mais on le dit quand même.
Le survivalisme, le terreau des terro ?
3 écoutes entre le 15 et le 20 mars, alors là les gens sont frais, confiants, vont bien, il y a eu des analyses du capitalisme avec une amie.
Le dernier élément : « Ils ont une défense collective, donc c’est la preuve qu’ils sont ensemble ». Alors il faudrait qu’on s’arrange pour être en désaccord pour faire plaisir au parquet ?
Il se trouve qu’on voit les choses de la même manière. Pour faire plaisir au parquet, la défense ne devrait servir à rien. Evidemment qu’il y a des points où iels sont d’accords ! Ils ne vont quand même pas faire exprès de se tirer dans les pattes ! L’absurdité est la même pour toustes.
En ce qui concerne l’association « La passion des ami.es », l’airsoft fait partie des activités possibles de cette association. Là-dessus on est d’accord. Puis il est déclaré que c’est une association d’airsoft. On a interrogé une personne, l’ex-compagne de L., qui arrive avec un bébé de 1 mois, sans avocat. A la première question elle répond : « Ça fait longtemps que j’ai quitté cette association », sans qu’on lui pose de question sur cette association. Encore une fois on assiste à la démonstration du « off ». Puis elle dit que l’airsoft était une « activité parmi d’autres ». On n’a pas pris en compte ce que cette témoin a dit.
En février 2020, c’est la seule fois qu’il a joué à l’airsoft. Le lien de causalité me semble douteux.
On ne peut pas dire « Quand il n’y a pas, il y a peut-être, parce qu’il y a mystère ». Non, quand il n’y a rien il n’y a rien. Le temps passe, depuis le début de la surveillance, il ne se passe rien.
Il ne veut pas qu’on regarde son téléphone, quoi d’étonnant avec ces manières de faire. Il y a des extraits de discussions qui seraient supposées être une réunion d’organisation. Il y a des mots en commun entre des gens qui font et des gens qui ne font rien. Il n’y a pas de preuves matérielles, Il n’y a rien.
Les 1500€ je les prends, mais je ne prends rien de plus, je demande la relaxe. L’inscription au FIJAIT, pourquoi ? Les rapports de CJ sont élogieux ! Il a été surveillé pendant des années. Cette qualification est infâmante. Tout ça pour un principe de précaution ? S’agissant de son téléphone, il n’a pas donné ses codes, c’est un délit, mais le reste je veux le récupérer. Tout à été exploité. Il y a un disque dur, rendez-le.
LUCIE SIMON et CAMILLE VANNIER (MANU) :
Quel étrange procès ! M. Darmanin qui déclare avoir « déjoué un attentat contre les forces de l’ordre”. Quel est le projet ? Vous n’avez rien découvert. D’ailleurs, au cours de cette audience, on a passé moins d’une demi-journée sur ce supposé projet.
Je demande la relaxe car il n’y a aucun projet.
Ils ont fait des comparaisons avec Daesh, qui ont terrorisé la France. Le groupe existe, et prône des valeurs communes.
A la question de l’existence d’une organisation terroriste, il n’y a rien de ce genre. Il ne s’agit que de pratiquer la terreur et l’intimidation.
Le parquet a fait une comparaison avec l’organisation la nouvelle OAS : des revendications, des cibles claires, une organisation hiérarchisée. Ici, rien de tout ça, on a une organisation basée sur des critères totalement subjectifs.
On cherche à caractériser « l’association de malfaiteurs en vue de commettre un acte terroriste ».
Vous avez dans ce dossier un énorme problème juridique que vous ne pourrez pas contourner : il n’y a pas de groupe, pas de nom de groupe. Le nom qui va être donné par les enquêteurs est « le dossier des punks à chiens » et vu que c’est l’ultra-gauche on n’a pas besoin de hiérarchie. Mais il faut quand même des éléments pour faire groupe. Donc il n’y a aucune AMT ici.
Pour démontrer d’une certaine filiation idéologique, le parquet est revenu sur l’histoire de l’ultra-gauche. On n’est plus dans les années 70 ! Il y a un caractère distendu (de cette analyse). Étant donné qu’il n’y a rien de récent, le parquet va chercher des éléments plus récents : le « Manifeste de la conspiration des cellules de feu ».
Il n’y a eu aucun mort en relation à ce manifeste, aucune filiation, aucune revendication d’actions violentes.
La seule chose qu’on a c’est que F. a rejoint les YPG, qui est factuellement un groupe anti-terroriste. Ils se sont battus contre Daesh et AVEC la coalition internationale. Personne n’est en lien avec des terroristes dans ce dossier.
Le parquet a tenté hier de faire un lien direct avec le PKK et son appartenance aux groupes terroristes d’après la Turquie.
M. voulait aller au Rojava
Quatre éléments sont repris dans le rapport d’instruction.
L’association d’airsoft, dans le but d’entrainement militaire, aucun lien entre M. et cette association.
F. dispose d’un terrain, également pour soi-disant s’entraîner. M. n’y a jamais mis les pieds. Il n’y a d’ailleurs jamais eu d’airsoft là-bas.
M. est représenté comme quelqu’un qui va rejoindre une révolution lorsqu’il part en Colombie. Ce n’est pas du tout le cas, il part en voyage.
Les armes. Il n’en a pas. Tout ces éléments sont faux.
La DGSI, qui l’écoute, tire la conclusion qu’un passage à l’acte violent n’est pas à exclure. Est-ce qu’on en est au même point aujourd’hui ? Lorsqu’ils se font arrêter, il y a un enlisement de l’enquête. On peut se demander en quoi est-ce une question d’urgence ? Il n’y avait pas d’éléments nouveaux depuis longtemps. Aurait-elle supporté plus d’inaction ?
M., vous l’avez vu, il prend des notes tout le temps. On l’appelle l’écrivain. S’agissant des notes parlant de la réunion internationale, il liste une série de thèmes qui s’enchaînent, néanmoins c’est réunion à laquelle il ne ‘est jamais rendu.
Sur la thématique des avocats : il ne connaissait aucun avocat et n’a pas de connaissances préalable des processus de droit.
Le projet de départ au Rojava c’est important pour lui, ça lui tient à cœur. Cette idée donne une double dimensions à l’airsoft, comme étant un loisir / jeu mais également utilisé dans une perspective de départ, pour se familiariser avec ce que ça fait.
Sur la temporalité : il n’a fait que 2 parties d’airsoft. Peut-on considérer ça comme un vrai entraînement militaire ? Une vrai préparation à la guérilla ?
C’est parce qu’on n’a pas assez d’éléments qu’on va chercher la brochure sur « la création d’une milice », qu’on se base sur des vieux documents de Sivens, qui circulaient déjà en 2014. Ce document qui pose question, il ne l’a jamais lu. Et cela devient la feuille de route, le dictionnaire au travers lequel on lit leur réalité. Dans le document on parle de guerre. Cela ne caractérise pas un acte ou un fait.
On a 5 bouts de conversations, il est 20h, ils ont déjà beaucoup bu. Dans ces conversations, le mot « chien de garde » semble inquiéter énormément. Ce terme peut dénoncer la complaisance des médias ou autre chose, on ne saura jamais. Est-ce pour autant du terrorisme intellectuel ? Les mots et la critique doivent avoir leur place ! On peut l’assumer, ce sont des mots, ils sont critiques. Il est important de pouvoir critiquer.
Ils disent vouloir “Attendre que la société soit prête”. Est-ce que c’est ça un projet terroriste ? Attendre que la société soit prête ?
L’amalgame est fait entre l’affaire Tarnac et l’affaire du 8 décembre, l’accusation la présente comme le match retour de Tarnac. Les inculpé.e.s auraient les mêmes motivations que celleux de Tarnac : “la lutte armé n’est qu’un passage à une autre société”. Au tribunal, on conclut sur l’affaire Tarnac que « il ne faut surtout pas confondre la violence politique et la violence terroriste”.
Il n’y a pas de lien, pas de préparation, pas de projet.
Ils ont peut-être certaines idées révolutionnaires, mais clairement pas de projet révolutionnaire. La procureure daffirme que « M. est une personne violente, c’est évident, il n’y a pas besoin de le démontrer ». D’où ?
Oui on a retrouvé un patch « black bloc » avec des coeurs, un photo-montage avec M. sur la plage en train de lancer un bâton à ses chiens qui devient une bouteille enflammée. Si chaque personne qui tague des ACAB dans les toilettes d’un bar sont prêtes à commettre des attentats terroristes, le parquet anti-terroriste à de beaux jours devant lui.
En l’absence de projet, on lui reproche la clandestinité. Dans son téléphone se trouvaient des photos de sa compagne, de ses voyages, etc., il n’avait rien à cacher. Le fait d’utiliser Signal ? Oui, comme des millions de gens.
Il n’a pas donné ses clés de chiffrement car il a la volonté de protéger sa vie privé. Quand on ne sait pas on s’imagine… Mais ici, dans ce tribunal, on doit juger sur des faits et des preuves.
Est-ce qu’on a la connaissance d’un projet terroriste ? Non, aucun projet du tout. S’il n’y a pas d’éléments matériels, il n’y a pas d’éléments intentionnels non plus.
Le Fijait, c’est un fichage pour 20 ans et il aurait l’obligation pendant 10 ans de déclarer tous ses déplacements, ses changements d’adresses, d’aller pointer tous les 3 mois. Nous demandons qu’il ne soit pas fiché au Fijait, vis-à-vis de son style de vie.
CHLOE CHALLOT (CAMILLE)
Au moment des éléments constitutifs, le ministère Public a dit qu’il fallait dissiper le fantasme qui disait que C. était réduite à être la compagne de F , ce qui laisse à penser que ce serait acquis au débat.
C’est facile de dire que ce ne serait qu’un fantasme, qui vienne de la défense. Je n’oublierai pas que c’est de cette façon qu’elle est présentée dans le réquisitoire. » C., compagne de F », ce n’est pas une hallucination, c’est ce qui est écrit dans le rapport judiciaire. On les interroge sur leur souhait de mariage.
On dit de C. qu’elle n’aurait pas toute sa lucidité de penser. Elle est appréhendée sous le prisme d’un aveuglement amoureux. Et on la dit déterminée par la passion plutôt que par la raison.
L’historienne F. Brugeon dit que sans cesse on présente les femmes comme étant déterminées par les émotions plutôt que par la raison.
Dans l’ORTC, on retrouve tout le champ lexical de l’hystérie et on mentionne qu’« elle vole au secours de son ami, » alors qu’elle ne fait que dire ce qu’elle pense.
Le procureur dit que C. serait d’une loyauté sans pareil, que ses paroles et ses pensées seraient en lien avec celles de F. On lui nie toute indépendance. Cet argument vous permet de vous dispenser de l’examen d’intention violente. Il y a ici un syllogisme implicite : elle lui est fidèle donc elle est forcément en lien avec les intentions de F.
Recourir à la loyauté sentimentale, c’est le dernier argument qu’on a quand les arguments matériels ne résistent pas à l’épreuve de la réalité . Cela rend « inaudible ce qu’elle porte ». Elle a essayé de dépasser son statut de compagne. Elle a amené un combat sur la sémantique en parlant de la performativité du langage : « leader », « entrainement »…
Elle a cherché à amener de la complexité et revendique son droit à la nuance personnelle, elle a cherché à déconstruire des projections et des étiquettes qui ont été calquées sur les gens.
1% des écoutes sont retranscrites et versées au dossier : c’est cela qui constitue le dossier.
« C. est l’informaticienne ». Cela a été démenti. Chacun joue son prétendu rôle, il y a l’artificier, le lieutenant, et l’informaticienne, et puis on constate qu’elle a moult brochures et livres. Oui, elle ne s’est pas laissée faire, elle reprend le magistrat instructeur.
D’informaticienne, elle devient celle dotée d’un certain bagage intellectuel et idéologique.
Elle s’autorise des réflexions, notamment au niveau du comportement de la Justice par son courrier refusant les expertises. Elle ne se laisse pas faire et essaie de reprendre prise. Quand elle devient l’intellectuelle, elle glisse vers cette femme qui remet tout en cause.
Se questionner est différent de remettre en cause.
C’est certain qu’elle fait tout pour ne pas subir cette procédure. Ça pourrait être intéressant, mais c’est un peu trop grave, car vous venez de la condamner à 3 ans, c’est très significatif, je n’ai pas envie qu’on se cache derrière le sursis probatoire, non justifié, associé à ces 3 ans.
L’ORTC reprend sa « virulence » quant aux institutions et le fait qu’elle puisse contester le fonctionnement de la justice. On évoque son positionnement et sa façon d’exercer ses droits. Cela participe de la démonstration d’infraction. Une position qui vient caractériser une infraction antérieure.
Les arguments sont limites faiblards.
J’insiste sur la nécessité de caractériser la participation de chacun.e.s des prévenu.e.s dans l’AMT. Il faut une volonté identifiée pour chacun. Le but de cette alliance doit être connue. C’est la distinction entre un élément moral et un mobile. Ce sont les éléments matériels qui comptent. Il faut une volonté personnelle de s’inscrire dans une entreprise terroriste pour qualifier une AMT. Ce n’est pas une idée qui doit le justifier. Il faut dire si les actes commis le sont dans un but terroriste.
Ici il n’y a qu’un élément matériel : la participation à la confection d’explosifs. Le seul comportement délictuel qui peut lui être reproché. Elle n’est pas en mesure de rapporter toutes les étapes de la fabrication. Son intérêt n’est pas porté vers ce genre de choses et se tourne plutôt vers les sciences humaines.
Il n’y a jamais eu de sa part de volonté de dissimulation.
On vient soupçonner qu’iels cachent leurs connaissances du mot TATP, alors que dans les écoutes le mot n’est jamais prononcé. Elle ne cache pas sa participation, elle dit elle-même qu’elle a acheté de l’eau oxygénée. On déclare qu’elle l’a acheté avec sa carte bleue. Mais aucune trace d’investigation. Cela devient un achat de produit précurseur et on vient après coup en faire un élément déterminant.
Tous décrivent le moment de la confection d’explosifs de la même manière, parce que c’est la vérité. Iels tâtonnent et se demandent comment absorber de l’humidité (ce qu’iels font à l’aide de papier-toilette, comme des amateurs).
C’est 15275SI qui est l’auteur des PV retranscrits entre le 12 et le 15 février 2020, qui sont par la suite envoyés au PNAT le 17 février 2020. L’ouverture de l’enquête a lieu le 20 février. Le ministère public dit que ce serait la charge de travail des enquêteurs qui a fait que les arrestations ne sont pas faites immédiatement. Si on entend des gens fabriquer des explosifs et qu’on ne les arrête pas immédiatement, c’est peut-être parce qu’iels ne sont pas dangereux ? Pourquoi ne pas les arrêter alors qu’ils sont tous ensemble à Parcoul ? Pourquoi on ordonne un rapport d’expertise en même temps qu’on décide du jour des arrestations ?
Après ce moment, elle ne reverra que F. et W.
L’expert est mandaté le 19 novembre 2020, le jour où la décision de les arrêter est prise. « Faites rapidement cette expertise, on doit les avoir dans les prochains jours » déclare le PNAT.
On vous l’a dit : c’est rare les sonorisations, mais il n’a que les retranscriptions. C’est la première fois qu’il travaille ainsi.
Oui, C. participe à la confection d’explosifs, mais cela est insuffisant, il faut un projet. Seul, un comportement ne suffit pas, il doit s’inscrire dans un but, un projet. Pas de projet, pas de terreur.
Fin août 2020 on retrouve deux manifestations d’humeur de C. Elle n’a pas pu déposer son chèque auprès de sa banque. Elle dit qu’elle a envie de « brûler les banques ». Puis elle pète un câble avec les restrictions sanitaires. Elle dit un peu n’importe quoi, qu’elle pourrait péter des drones, qu’elle pourrait caillasser des flics, elle pourrait….
Selon un sondage IFOP de 2023, 32% des français ont un sentiment d’hostilité envers la police. Et si elle faisait partie des 32 % ? On a le droit d’avoir une vision critique, des lectures politiques, engagées, et même subversives.
On l’a interrogée ici : « Mme B., est ce que vous cautionnez la violence ? »
Elle l’a dit dès la GAV, elle ne cautionne pas le fait de s’en prendre à des policiers. Elle a même le droit à des lectures subversives si ça lui fait plaisir, cela ne constitue pas des faits matériels, qui eux-mêmes doivent être caractérisés par l’adhésion à une idéologie.
Il ne suffit pas de commettre un acte violent au nom de ses idées pour verser dans le terrorisme.
Vous ne pouvez pas la réduire à un extrait de la liste de ses brochures. Elle a le droit à des lectures subversives si elle en a envie. Lecture ne vaut pas adhésion.
La « Conspiration des cellules de feu » est un pdf présent dans les scellés numériques de ses co-prévenu.es. Dans ses PDF à elle il y a une lettre écrite par des membres d’AD. Les disques durs résonnent entre eux. Les pdf des uns et des autres résonnent entre eux (elle se fout de la gueule du PNAT qui disait la veille qu’i y avait résonance entre tous les fichiers retrouvés sur les ordi des uns et des autres) ;
Après un mois, lorsqu’elle déménage dans le Limousin, elle fait modifier son contrôle judiciaire, le 25 juillet 2022. Une note est écrite en août, dans laquelle est mentionné le fait qu’elle habite dans la même rue que Julien Coupat.
Ce n’est pas le fort de la DGSI, la nuance politique et elle déplore le manque de subtilité dans l’analyse des courants politiques. Je ne peux donc qu’espérer qu’elle suive le même sort que Julien Coupat.
Les mots justes qui s’imposent pour elle : la Relaxe !
GUILLAUME ARNAUD (CAMILLE)
Je ne vais que marteler, répéter, car le matériel brut est terriblement pauvre et est vérolé.
On parle de secret, de chuchotements. ( il parle en s’éloignant pour démonter le fait que dans les écoutes, on parle de chuchotement quand il s’agit simplement qu’on s’éloigne du micro) ;
On dit à C. : « Votre vie est tournée vers un projet fantomatique ponctué d’évènements violents ».
Je me suis plongé dans « Comment créer une unité milicienne » chapitre 3. Il s’agit d’atteindre une forme physique. Cela doit se faire en deux étapes : le renforcement physique, en deux semaines, puis une lente amélioration. A Parcoul-Chenaud, iels ont eu un mois. Je ne comprends pas pourquoi ils ne respectent pas ce qui est écrit. Si vous êtes pris par des préceptes, essayez au moins de respecter la 6ème page !!
C. a une ambition, elle veut rendre visible les luttes, comme dans le collectif Justice et Vérité pour Babacar Gueye, mort de cinq balles de la BAC ou Angelo Garrand, mort sous les balles du GIGN. Elle se demande comment on en arrive à mourir dans ces conditions. Elle questionne la légitime défense et l’usage d’armes létales par les forces de l’ordre. Ces drames ont donné lieu à des marches blanches.
Mardi 10 octobre 2023 : un rapport a été approuvé en commission par 44 voix. L’Assemblée nationale se dit inquiète de l’action des forces de l’ordre en manifestation, elle dit qu’il faut pouvoir compter les blessé.es, les recenser.
Puis Me Arnaud cite Didier Fassin qui a une critique très dure de la police, aussi dure que « celle-ci » peut le faire.
C. vient critiquer le confort bourgeois, ce n’est pas le plus agréable à entendre pour vous – ni pour moi.
Au sujet des institutions. Elle en respecte les contours puisqu’elle accompagne des personnes en procédure, alors qu’on l’accuse d’être « plus encline à remettre en cause la procédure que son propre comportement » selon le procureur.
Les éléments matériels ? On parle d’une « multiplication d’entraînements paramilitaires ». Néanmoins aucune référence à des entrainements antérieurs ne se trouve dans les sonorisations.
Elle serait une spécialiste de l’art du camouflage ? Des retranscriptions ne seraient pas retransmises pour « protéger son intimité » ? Il parle ici de blague.
Maitre Arnaud tient à noter qu’on a spécifié pour C. qu’elle n’avait pas d’enfant alors qu’on ne l’a même pas dit pour S. alors que pour lui il s’agit d’un projet de vie. Sans doute, dit-il, que cela tient-il à sa capacité à enfanter.
Au sujet de Parcoul-Chenaud : « le lieu de l’entente ». On compte 21 jours entre les essais de fabrication d’explosifs et la partie d’airsoft. S’iels étaient réellement tendus par des intentions de recrutement, ils en parleraient, mais rien, aucune conversation n’est versée au dossier.
Le 05 avril 2020 à 21h46, F. cherche le chemin pour venir à Parcoul. Le 11 avril 2020 : c’est la retranscription suivante. Entre les deux ? Iels n’en parleraient pas.
Un autre point sur Parcoul-Chenaud, C. aurait participé à une discussion où il s’agirait de s’en prendre à la police. Elle affirme que « non, elle n’en n’a pas été témoin », les autres prévenu.es ont aussi précisé qu’elle n’était pas présente, mais le parquet remet cela en doute.
Puis il est question de questionnements sur ville/campagne, autarcie/automomie, c’est une discussion récurrente.
Discussion à Bollène où F. dit qu’il veut cramer toutes les voitures de police. Il faut prendre en compte le côté irréalisable des énoncés. Le commissariat est en face de l’Intermarché qui est équipé de 17 caméras. Il est dit qu’elle aurait rencontré S., non, elle ne l’a pas rencontré.
Au sujet de la conversation « debrief » après la partie d’Airsoft : Elle a une connaissance assez fine de ce qu’on pourrait appeler le Retex. (Retour d’Expérience) Elle vient questionner comment on vit ensemble et pas comment on se tue les uns les autres, elle se questionne sur les rapports d’oppression, les places de chacun.e dans les groupes (W. et B. prennent beaucoup de place dans le groupe, notamment niveau sonore.. ).
Starhawk : activiste éco-fémininiste qui décrit les places, les rôles et comportements des groupes. Maitre Arnaud déclare qu’elle lui a fait lire Starhawk.
C’est ça qui l’a intéressé chez C., c’était son champ de réflexion. A Parcoul, elle est attentive à chacun pour pour que tout le monde se sente bien. « Les mecs virils ca n’arrive pas à se déplacer tout seul » et c’est ce qui l’interessait, les déplacer.
Elle ne lâche rien ! On lui reproche d’avoir gardé le silence. Cela ne devrait pas être sujet à débat : c’est le droit au silence. Sa première demande d’accès au dossier a été refusée ! Tout le monde n’avait pas encore été arrété et auditionné, il était entendable de ne pas faire appel.
Deuxième demande d’accès au dossier : encore refusée ! Elle fait alors appel et obtiendra le droit d’accès par la Cour d’Appel.
Lors de ses premiers interrogatoire, il y a une construction dans les auditions avec des trous dans la raquette. A ce procès, dans le chapitre sur les armes, on la questionne sur l’airsoft. Elle dit qu’elle ne comprend pas le rapport. Il y a donc bien une construction en GAV.
Fijait : c’est incroyable que ce soit demandé. Pas de manigance ni de déformation de la réalité de la part de la défense. Pas d’écran de fumée.
Il faut garder la juste mesure dans ce dossier : je demande donc qu’il n’y ait pas d’inscription au FIJAIT.
Parcoul-Chenaud : c’est aussi là qu’a eu lieu la formation à Tails . Elle va être claire en interrogatoire, elle veut être maître de son ordi, de sa propre vie.
La brochure qu’elle a, qui fait référence à Action Directe : il y a des adresses mail de personnes qui l’ont diffusée. C’est écrit « Contribution » et c’est traduit « manifeste » par le PNAT.
Ça n’a aucun sens.
La brochure « Brule ton école », ce sont des contes satiriques. Il y a notamment l’histoire des sciences, c’est une contribution critique. « Cette violence révolutionnaire, on la retrouve dans le dossier » dira le PNAT. Une fois qu’on passe le prisme du passage à l’acte, c’est tout flou, on fait avec ce qu’on a.
A été mentionné un groupe Signal, « Trêve de fête » sur lequel plusieurs prévenu.es sont.
En GAV, elle donne son ADN , alors qu’elle ne voulait pas. Mais elle dit : « Je ne veux pas donner toute mon intimité, jusqu’au bout des orteils » Donc à un moment STOP. Elle n’a rien à cacher, mais à un moment elle dit stop après avoir donné son ADN.
Il évoque encore une brochure, de Zehra Degan : elle a été placée en détention en Turquie, puis relaxée.Elle a été inculpée pour « propagande terroriste » à cause de la diffusion d’une photo d’une femme kurde en prison. Elle ira jusqu’à la CEDH, la Cour reconnait les torts de l’état turc, qui est obligé de l’indemniser.
« Ce n’est pas très grave tout ça » et on rappelle que « lire ce n’est pas adhérer ».
Il demande à pouvoir récupérer le téléphone de sa mère, son dernier ordinateur, les clés USB.
La grand-mère de C. a envoyé un article du Canard enchainé : « La rébellion, c’est ne jamais être d’accord avec le monde tel qu’il est ».
Conseil donné aux gens ici :« Ne soyez jamais d’accord avec le monde tel qu’il est ! »
EMILIE BONVARLET (WILLIAM)
D89012 : 1er interrogatoire « Je ne voulais pas qu’on fasse un raccourci entre mon engagement pour les animaux et mes entrainements au stand de tir, qui sont des choses totalement différentes. »
Ce fut un coup de massue de voir qu’il a été décrit comme dangereux . Dur de voir qu’il est impossible de s’en défendre. La procédure ne présente aucune forme de partialité. La Défense a t elle une office auprès du parquet ? Et vous mesdames les juges, avez vous encore une office auprès du parquet ?
Ce qu’on veut, c’est qu’on soit dans l’état de sidération dans lequel était le prévenu le 08 décembre 2020.
Vous avez plus de 2 ans de surveillance administrative, 11 mois d’enquête, 2 ans d’instruction.
25000 sonorisations, des centaines de milliers d’appels. Et là, aucun élément matériel. Vous avez seulement une infraction pénale.
Gloubi-boulga du PNAT : La fabrication d’explosifs est reconnue. L’anarchisme est fantasmé par le PNAT. Le PNAT et la DGSI s’auto-alimentent. On oublie les personnes, leurs vécus, leurs débats. « Les conditions d’émergence par capillarité » : on oublie les personnes, les nuances. Peu importe l’alcoolisation, l’humour, le conditionnel. Peu importe, puisque la DGSI est convaincue . Tout est affirmation, réduction : Iels sont anarchistes, donc dangereux.ses, donc ayant pour objectif de tuer des policiers.
Le PNAT dit que les projets sont invariables : il s’agit d’attaquer des policiers. Le PNAT dit que si le rapport est un renseignement anonyme ou une plainte, dans ces cas on peut contester, s’en défendre. Là, non, c’est la valeur de la parole du commissaire.
On a voulu interroger les policiers. Je n’ai pas compris que le PNAT défende que leur enquête soit sans faille, je n’ai pas compris qu’ils ne les fassent pas venir. Ca n’a pas été possible, car ce n’a pas été souhaité. Nous avions besoin de leur poser des questions. Ils ne veulent rien remettre en cause. L’objectivité est par conséquent illusoire.
– La notion de danger est elle présente ?
– Les lapsus (glissement sémantique de « lunettes balistiques » à « gilet balistique » puis à « à gilet explosif »)
La défense souhaitait les interroger sur leur choix de sélection des écoutes, choix faits par elleux seuls.
A l’issue de cette enquête, vous n’avez ni cible, ni moyens, ni projet d’ailleurs. Vous n’avez que des mots.
Revenons sur des paroles.
Nous devons y revenir car on ne peut que reconnaître la violence de ces interpellations à 6h du matin pendant le confinement : cagoule, train, regards des passants, 4ème sous-sol du PNAT…
Lors du 1er interrogatoire : on constate qu’une pause technique n’est pas référencée.
Or il existe une jurisprudence ayant censuré un interrogatoire se déroulant en cellule, en pointant le fait que c’est une procédure déloyale.
Avait-il déjà évoqué le fait qu’on lui ait dit que F. voulait tuer des policiers ou des militaires avant que la question ne lui soit posée ? Or à ce sujet on lui pose une question fermée, il ne faut donc pas qu’on ne s’étonne qu’il reprenne les termes de la question.
La DGSI informe W. que F. était sur le point de commettre un crime extrêmement grave. Dans ce contexte, que vaut une réponse ? Est-ce normal pour des enquêteurs de prêcher le faux pour obtenir des paroles ?
Rien n’est gravé dans le marbre en droit pénal. Même des aveux peuvent être rétractés.
Même avec ces déclarations W. résiste. « Je ne peux pas dire si c’était une opinion ou un projet ». Intellectuellement, il résiste à l’idée qui lui a été mise dans la tête.
Il a fait une déclaration dès qu’il en a eu l’occasion, pour resituer ces paroles dans leur contexte : « Il s’agit d’une beuverie où chacun en rajoutait ».
On sent qu’on est dans un abandon du droit pénal où la question de l’intentionnalité est centrale. Il y a un point important en droit : la présomption d’innocence. Une AMT ne justifie pas l’inverse.
Au sujet de cette discussion, iels sont cohérents et disent que C. n’était pas présente.
Dans cette discussion, il y avait un désaccord, une opposition. Camille aurait été débriefée… puisqu’ils avaient l’habitude de le faire pour un peu tout Or C. et F. n’y ont jamais fait référence ensuite.
C. a fait référence à une discussion entre F., W. et B., qu’elle a entendue, et dans laquelle ils parlaient de leurs projets de vie, de la question de l’autonomie à la campagne, de l’autarcie (B. et W.) ou de la lutte contre une extrême-droite qui s’arme et se renforce. « Tu combats ou pas ? » « Où vas-tu trouver une arme ? »
Le PNAT a entretenu une confusion volontaire entre ces 2 conversations. Avec des si, on ne fait pas de l’intentionnalité.
Vous les avez vu à cette audience, ils ne sont pas capable de se tenir alors qu’ils encourent 10 ans. Tout est prétexte à une mise à distance. Iels font de l’humour, tout le temps.
W. aime ce qui fait boum. Il explose des objets en terre cuite. Il a toujours dit qu’il voulait faire des pétards.
S’agissant de l’airsoft : iels étaient intenables ! C’était du théâtre. Tout le monde l’a dit, tous les témoins, toustes les personnes présentes.
L’unique argument du PNAT pour contrer cette idée que c’était une ambiance de colo est le fait qu’une témoin a déclaré qu’elle avait pensé à F. quand elle a vu les arrestations à la TV. (Florian D. ex volontaire au Rojava, le raccourci est pas si difficile à faire ).
Le fichier AAA qui contenait les fichiers pdf n’a pas été exploité comme il faudrait. Le PNAT n’est pas revenu sur l’argument de la défense qui est que dans l’exploitation du fichier, il n’avait pas été vérifié la dernière ouverture du fichier. Le dossier contenant ce fichier est daté de Sivens.
Au sujet du survivalisme : quel.le parisien.ne n’a pas eu cette discussion avec un ami en 2020 ? : « Viens, on trouve un bout de terrain, on met des poules et on se casse de cette ville ! »
Quel rapport avec une AMT terroriste ?
L’action qu’il a effectuée pour la cause antispéciste ? Il avait 20 ans ! C’était il y a plus de dix ans, les faits remontent à 2010, ont été jugés en 2016 et lui ont valu 4 années en contrôle judiciaire, qu’il a respecté.
« Une action qui met en danger la vie d’autrui ». C’est la nuit, il n’y a personne. Il met le feu à un camion. Le seul qu’il a mis en danger, c’est lui-même.
Il s’est mis à la chasse, il a obtenu le permis en 2019. Il a un rapport sensible aux animaux, il ne se cache pas derrière les emballages plastiques. Il n’a pas le droit d’évoluer ?
En stand de tir, il cherche une occasion de concentration, comme avec le tir à l’arc. On n’est pas face à une personne qui va se défouler avec une Kalachnikov !
On lui reproche d’accumuler des armes. Il en possède cinq, dont une qu’il revend.
Au sujet de la communication du 20 août 2020 : la colocation à Parcoul est terminée. Il souhaite vendre ses armes. Une seule est reprise dans le dépôt-vente. Les autres ne sont pas achetées assez cher, donc il les garde. La communication est enregistrée. C’est fou de dire qu’il était dans une logique d’accumulation !
Oui il aime le tir et il en parle, il a avoué qu’il a donné envie à d’autres de le pratiquer.
Entre pratiquer au stand de tir et passer le permis de chasse, le plus simple c’est le stand de tir. Pour le permis de chasse, il faut se signaler à la préfecture, c’est de l’administratif. Mais l’intérêt du permis de chasse, c’est de chasser. On lui reproche de ne pas avoir chassé ? Il s’entraine au tir pour ne pas blesser un animal, mais réussir à le tuer directement.
Sur la formation d’artificier : il ne l’a pas faite car il ne voulait pas être simplement aide-artificier, ce qu’il aurait été à cause de ses antécédents judiciaires. Donc il ne voulait pas « juste des compétences en explosifs ». Il voulait une réelle formation professionnelle pour pouvoir travailler dans ce domaine.
Je ne suis pas d’accord avec l’accusation : on est face à des potes qui se bourrent la gueule et qui refont le monde. Donc je vous demande de ne pas retenir la qualification d’AMT.
SERVANE MEYNIARD (WILLIAM)
Pas de « A », pas de « M », pas de « T » (pour « association de malfaiteurs terroriste »).
Mais pas de « O » non plus, ni de « B » (pour « bande organisée »)
La jurisprudence est plus ferme pour définir ce qu’est la bande organisée. Il est nécessaire qu’il y ait « prémiditation et organisation structurée entre ses membres ».
Le bateau qui brûle avec la petite fusée qui fait « pfuiiiit ! » est à l’image de ce dossier. Il est fait référence à de multiples reprises dans les écoutes de ce bâteau et d’un futur bateau !
Il n’y a pas de préméditation !
Le PNAT dit que F. vient avec tout le matériel, ce qui n’est pas exact, ni avec toute la recette. L’eau oxygénée vient après, les mèches aussi. Pour la recette, ils font des recherches.
Lapsus du PNAT : le proc a utilisé le terme « tourisme » pour « terrorisme ». Oui ce sont bien des touristes des explosifs !
Ce qui les rassemble, c’est le Covid.
Ils tâtonnent, étudient de manière empirique. Ca veut dire qu’ils essayent et que ça ne fonctionne pas. L’expert se moque d’eux. Il dit qu’iels sont incompétent.es. Le PNAT dit qu’iels étaient conscient.es des risques encourus s’agissant de ces explosifs. Iels fabriquent des explosifs dans un camion qui est le lieu de vie de F., avec les chiens qui sont très proches.
Iels allument leurs briquets dans le camion. Iels passent leur temps à rire, à chantonner. Iels proposent même de mettre une allumette dessus. « Ya pas de raison que ça marche ». « Si on se protégeait avec ton ordinateur ? ».
Aucune trace de trou dans le sol n’a été constatée selon les dires des personnes présentes (la DGSI n’a d’ailleurs pas contesté). La seule fois où iels ont conscience d’un danger, c’est après le « Boum ». D’ailleurs, après iels arrêtent leurs essais.
L’agent 1527 est absent à ce procès. La retranscription des sonorisations a été effectuée deux fois pour la même journée, il a retranscrit le 11.04 en date du 12 et du 14.04 (le lundi de Pâques, rien). Et après on nous dit que les agents sont débordés…
Le 14 avril 2020, l’agent pose le mot TATP lui-même, puis fait remonter l’information au parquet le 16 avril.
On ne demande à l’expert que le 19 novembre 2020. Entre ces essais et l’interpellation, il y a 241 jours. Cela prouve bien qu’iels n’étaient pas dangereux.ses, sinon on serait venu les arrêter plus tôt.
S’agissant des armes : le SNEAS avait entamé une démarche pour empêcher W. de les conserver. La DGSI leur a répondu de ne surtout pas lui retirer ses armes. Donc où est la dangerosité ? C’est bien là la preuve que même la DGSI pense qu’il n’est pas dangereux.
L’année 2011-2012, W. commence son Master, il se rend en ZAD par la suite. Il n’abandonne pas ses convictions. Il évolue. Il apprend d’autres manières de faire. Il n’est pas comme l’ORTC l’a déclaré « en totale contradiction avec son passé d’antispéciste ». Il lui est impossible de trahir ses convictions profondes.
Le permis de chasse lui permet de déclarer son terrain en chasse gardée. Sa mère le déclarera : « Il y a un certain respect entre les chasseurs à ce niveau là ».
Sa passion pour le tir, la façon dont il en parle, dans la prolongation du tir à l’arc, pour se concentrer, calmement. Il en parle à plein de personnes, « qui ne remarquent rien de déviant ».
Il en a une pratique régulière et sérieuse. Il s’est rendu 20 fois au stand de tir. Concernant la collection d’armes, c’est une tradition familiale.
La peine requise comporte un sursis probatoire, comprenant une obligation de soin et de travail. Pourquoi ? Ce n’est pas justifié . « Ce sont des gauchistes, il faut bien les éduquer ».
L’interdiction de port d’arme n’a aucun lien avec l’infraction concernant les explosifs donc je demande de ne pas inscrire sa condamnation au B2 pour qu’il puisse continuer la pratique de son sport. Il ne faut pas que sa passion pour le tir sportif ne soit mise à mal.
Me Meyniard demande également la restitution de tous les scellés.
Mercredi 25 octobre : Réquisitoire des procureures
Début d’audience à 14h50, la salle est pleine, de nombreux.ses journalistes et étudiant·es sont venues pour cette journée qui sera la plus éloignée de la réalité.
Juge : En attente que tout le monde puisse rentrer, pour ne pas déranger la prise de parole du Proc.
Elle fait une remarque sur les réactions de la salle : « On ouvre ses oreilles, pas sa bouche » (je suis de retour en CE2…).
LE PROCUREUR – Benjamin C.
Le Porc a préparé son grand oral, son récit bien ficelé posé sur un pupitre qu’il lit debout, jouissant de son auditoire.
Il débute son réquisitoire par une citation de la « Conspiration des cellules de feu » (ça ne le lâchera plus cette référence, il est légèrement obsessionnel, le proc…), un collectif grec auquel aucun des inculpé·e n’a jamais fait référence. Cette citation vise selon lui à inciter les militants internationalistes à la guérilla armée.
Il fait l’histoire de ce texte. Publication d’origine en 2011 en Grèce, traduction en France en 2017. Cite le texte introductif des traducteurs : « Nous ne voulons pas révolutionner mais détruire ».
En 2017 F. est toujours au Rojava. Il passera par la Grèce à 3 reprises : à son retour, avec M., et en novembre 2020.
On a retrouvé ce document dans ses affaires (il ne précise pas qu’il s’agit d’un disque dur qui contenait des milliers de brochures). Cette présence n’est pas anodine. F. dit que son leitmotiv c’est lutter contre Daesh, le confédéralisme, mais dans touts les documents retrouvés, dans les écoutes, il n’est pas fait mention de Daesh. En revanche, il y a « La conspiration des cellules de feu » et la brochure sur « monter une milice » chez M. et W. : c’est la feuille de route de F., c’est ça qui donne sens à toutes ses actions.
Il ne s’agit pas d’une procédure sur une organisation, mais sur un homme mu par des idées révolutionnaires. Son objectif : former et armer des militant·es pour s’en prendre aux forces de l’ordre.
Quand un djihadiste possède un texte de propagande islamiste, cela donne son champ d’action. Quand un militant corse a des explosifs et un texte du FLNC, cela donne son champ d’action. Donc F. possède ce document, donc il s’inscrit dans ce champ-là.
Le proc parle de l’énergie que F. a mis à recruter et à former, de son charisme, de son obsession combattante au Rojava, de son hyper-activisme. Tout ceci lié aux documents, cela donne une conspiration hautement dangereuse (il ne se base sur rien du dossier). Ce n’est pas un récit construit par la DGSI et porté par un parquet complaisant. Au contraire, de nombreux·ses magistrat·es, toustes à leur niveau, confirment la procédure et les charges retenues.
Là où il y a une volonté, il y a un chemin… ici, c’est une autoroute !
La défense voudrait mettre la DGSI et le parquet au pilori. Ce mythe d’une kabbale de l’État contre des militants d’ultra-gauche s’accorde mal avec l’indépendance du parquet. Les réquisitions s’appuient sur le dossier. S’il y a un récit il est du côté de la défense. Il a fallu accorder 7 prévenu.es avec des dires différents. Avec un mot d’ordre : « Il faut sauver le soldat F. » Avec pour stratégie du côté de la défense : « Si vous disculpez le leader, vous vous disculpez avec lui ».
Il revient sur la chronologie des « faits » en abondant d’interprétations et relie les éléments entre-eux là où il n’y a pas de liens. Le 7 février 2020 : le rapport de judiciarisation de la DGSI serait totalement confirmé. Puis du 11 au 13 février : F. + L. + M. font une partie d’Airsoft près de Toulouse. Du 14 au 17 février : F. + S. se retrouvent à Paulnay, volent de l’engrais et tentent de fabriquer de l’explosif (rappelons que c’est raté et qu’en réalité les essais se font le 15 au matin et durent 2h, pas plus). Du 17 mars au 11 mai intervient le confinement. Du 5 avril au 17 mai : retrouvailles F. + C. chez W + B (Parcoul, askip le camp d’entrainement). Le 20 avril est ouverte l’information judiciaire (ce n’est plus le PNAT qui conduit les investigations mais un juge d’instruction (Jean-Marc HERBAUT). Puis du 25 au 27 mai : F. + M. + L. font une soirée près d’un lac avec d’autres gens en camion, (c’est la fameuse « réunion conspirative »). Pendant l’été, F. revoit S. une fois. Entre le 4 et 17 août, F voyage en Belgique, en République Tchèque, pour « rencontrer des camarades ». Le 30 octobre : nouveau confinement. Le 18 novembre, F. est en Grèce. Le 4 décembre : une expertise sur les explosifs est rendue en urgence. Le 8 décembre 2020 : interpellation de 9 personnes puis le 11 décembre : inculpation de 7 personnes pour AMT.
Le travail de la DGSI aurait été rendu difficile par :
– l’extrême prudence dans les moyens de communication utilisés par les prévenu.es (faux)
– la mobilité géographique des mis·es en cause (pas vrai pour tous·tes)
– leur vie dans des lieux collectifs (pas vrai pour tous·tes)
– 2 périodes de confinement, ce qui ne facilitait pas le travail des keufs pour être discrets (faux)
Il y a eu 10 mois d’investigations, 2 ans d’instruction, et des éléments à charge ont été retenus, provenant de sonorisations, interrogatoires, photos, filatures…
Le moment de l’interpellation est un moment où F. va possiblement vendre son camion. C’est une période de confinement, donc ce n’est pas facile pour les keufs, qui sont en attente du retour d’expertise s’agissant des explosifs.
Le proc souhaite « tordre le cou » à un raccourci : pourquoi n’ont ils pas été interpellé.es à Paulnay ou Parcoul ? Les enquêteurs devaient tenir compte de leur éparpillement sur le territoire et étaient astreints à une très grosse charge de travail de retranscription (ben quand on voit ce qu’ils en ont fait, c’était bien la peine…..). Le travail des enquêteurs est remarquable, mais le dossier prend une autre envergure suite au rapport de l’expert en explosifs qui viendrait attester que ce groupe était très dangereux. (encore faux : les arrestations sont décidées le 19 novembre et l’expertise demandée le 24 novembre).
Le proc dénonce beaucoup de fantasmes contre la DGSI. Le positionnement de la défense serait : il y a une défaillance institutionnelle. C’est injuste ! L’action des services de renseignement est encadrée, depuis 2015, avec comme champ d’action : la sécurité nationale, le terrorisme, et les rassemblements qui pourraient nuire à la sécurité publique (en gros, les manifs, quoi…). Le travail de renseignement n’est pas une science exacte. Il y a des échecs, mais d’incontestables réussites : des interpellations, des attentats évités. Il revient sur leur bravoure dans la lutte contre le terrorisme. Quand la DGSI en 2020 interpelle un groupe d’ultra-droite, avec les mêmes méthodes, tout le monde se félicite. Quand la DGSI déjoue un attentat avant les élections, tout le monde se félicite. On se scandalise ici par les mêmes méthodes utilisées ? Pourquoi ? Parce que la lutte au Rojava exonère ? « On a vu des membres de l’OAS être d’anciens résistants ». (nan, mais franchement ????) Dans ce dossier, le renseignement vient seulement infirmer ou confirmer des interrogations.
Parmi les personnes écouté·es, un se détache particulièrement : F.
Le proc énumère ce qu’on lui reproche :
– il revient du Rojava
– il gère une association qui est une coquille vide
– plusieurs personnes de son entourage sont « entrainées » : C. + M. + L. + W. et B. (on parle d’une partie d’airsoft où tout le monde se marre hein…)
Le renseignement a corroboré toutes les suspicions :
– sur l’identité du suspect : F. est bien le leader charismatique, et il met en application ses connaissances acquises au Rojava, dont il tire une gloire et une légitimité pour mener ses projets.
– sur l’activité du groupe : il forme aux moyens de communication sécurisés et anonymes (faux), aux entrainements tactiques (faux), et stimule à la recherche et manipulation d’armes (faux).
– les actes isolés se sont en réalité répétés ! (euh, non plus)
– l’existence d’une « association- écran » qui masque leurs réelles intentions, montée avec des « prête-noms ».
Ce que vont révéler les écoutes : la fabrication d’explosifs (oui) avec gros niveau de détermination et de savoir-faire (faux).
Ce que les écoutes n’ont pas établi : l’objet du voyage de M. en Colombie, l’attentat contre le consulat de Turquie à Nantes (mais on en reparle quand même, il s’agissait de tags…).
Le proc nous fait ensuite une petite définition de ce qu’est « l’ultra gauche », la notion centrale.
Il s’agit d’une mouvance, située dans une idéologie radicale, ayant pour principe le refus des règles institutionnelles, assumant le recours à la violence, et étant composée d’individus partisans de l’action violente. C’est une terminologie assumée.
Il calque les nouvelles théorisations de la « radicalisation » effectuées ces dernières années post-attentats. Par essence une entreprise terroriste repose sur une base idéologique. La question des opinions des prévenu·es est donc centrale. Ce n’est pas le procès d’une conviction, mais celui d’un cheminement vers un engagement violent. C’est la même chose que lorsqu’on juge l’ETA, des djihadistes ou l’ultra-droite. Les prévenu·es ont été légitimement questionné·es sur leurs opinions.
L’ultra-gauche est « multiple et protéiforme », en revanche ses cibles sont immuables : les représentants des institutions ou du capitalisme. L’ultra-gauche fait usage de multiples modes d’action. le terrorisme y est extrêmement marginal.
Elle revêt de multiples modes d’expression : occupations illégales de lieux, ZAD. Beaucoup y sont allé·es, s’y sont connu.es et y ont lié de solides amitiés. Par ailleurs iels disent avoir participé sur place uniquement à des actions pacifiques, mais justifient les brochures questionnantes en disant que se sont des docs qui circulent là-bas. Mais aussi les black blocs et leur ultraviolence : des éléments dans ce dossier laissent transparaitre leur participation aux black blocs (vêtements trouvés chez F., sonorisation du camion). Tout ça n’est pas du terrorisme, pour autant ce sont des marqueurs idéologiques.
Un élément symbolique important : le Rojava, qui constitue une nouvelle source d’inspiration pour l’ultra-gauche. F. a séjourné 10 mois là-bas ; M. voulait y aller. Quant aux autres : iels possèdent des livres sur le sujet (pas tous). Le séjour au Rojava n’est pas l’objet de la poursuite. Mais cette expérience hors-normes doit être évoquée car elle influe sur le comportement et les projets.
F. se présente comme « vétéran », il se présente lui-même comme ça. (faux) Il est obnubilé par ça.
La question que se pose le parquet : quelle est sa motivation pour y aller ? Si c’est pour combattre avec les kurdes, ok. Si c’est pour se former à la guérilla, aux armes et ensuite transmettre son savoir-faire : alors cela concerne le PNAT. Il rappelle qu’il ne faut pas oublier que si héroïques que soient les YPG contre Daesh, le PKK n’en reste pas moins une organisation terroriste. Cet engagement au Rojava doit-il absoudre tout le reste ?
De plus, son engagement contre Daesh ne transparait pas dans ce dossier, il ne ressort pas des écoutes. F ne dit rien de l’état islamique. La seule référence faite à Daesh par F. c’est son admiration pour leur capacité à faire des explosifs (mais quel fumier !!!!). Le Rojava est au cœur des discussions, jamais Daesh (alors qu’il en a parlé les larmes aux yeux dès le début du procès).
On a plus à faire à quelqu’un qui raconte ses « coups de feu » de ses combats contre Daesh.
De plus, là-bas, il a lutté en dehors de tout cadre institutionnel. Quand des militaires rentrent de terrain de guerre, ils sont suivis. Là rien. Son retour n’est pas sans traumatisme, et il reste sans suivi : cela le rend dangereux. Il n’est jamais question dans les écoutes du danger que représente Daesh en France, ici le combat c’est contre les forces de l’ordre. En se focalisant sur la transmission plutôt que sur l’engagement politique, on voit bien qu’il est extrémiste, radicalisé et violent.
Le proc nous fait un petit laïus sur l’indépendance du parquet, comme quoi ce ne sont pas les « déclarations d’un ministre, fût-il de l’Intérieur » qui viendraient changer ça.
Il veut tordre le cou à un autre élément (il tord beaucoup de cous…). La DGSI serait désœuvrée et il y aurait une volonté de terroriser l’ultra-gauche mais c’est faux selon lui, puisqu’il n’y a aucune autre accusation pour terrorisme hormis celle-ci.
Depuis sa création, le PNAT se porte trop bien. Il fait le récit des actions brillantes du PNAT, il cite même les OPEX au Mali et au Niger… Il a oublié qu’on s’est fait dégager de là-bas ? Il a oublié que 10 ans de Barkane n’auront absolument jamais empêché le terrorisme de se développer ? Manifestement il ne maîtrise pas ce sujet… Il parle du PKK (évidemment, il pouvait pas laisser passer l’occas’ !), des Corses, et de l’ultra-droite (ça lui importe, au proc, qu’on le croit sur le fait qu’ils s’occupent activement de l’ultra-droite !).
Sur la persécution de l’ultra-gauche : il nous dit que le coeur du boulot c’est le djihadisme, et que l’ultra-droite est la 2ème menace : 15% des affaires. Cette affaire est la seule affaire concernant l’ultra-gauche.
A sujet de la persécution présumée de F. suite à son retour du Rojava, le proc rappelle que 30 à 40 personnes sont revenues du Rojava, et que lui seul a été inquiété. Il n’y a pas de persécution. Il y a un vétéran armé, déterminé à mener des actions violentes sur le territoire et à former 6 compagnons d’armes.
On va avoir droit à la longue « histoire » du terrorisme d’ultra-gauche… Il va passer une heure à reprendre les PV de la DGSI (dispos sur soutien812.net) pour faire du révisionnisme historique total.
Il commence par « sans remonter jusqu’à la 3eme République », mais bon, rappelle la mort de Sadi Carnot… (ça va être long !) et les anarchistes qui ont posé quelques bombes au 19e siècle (aucun mot sur les horreurs coloniales massives de la France à cette époque par contre…).
Saut dans le temps : « On a tous à l’esprit les Années de Plomb en Italie », les Brigades Rouges, 48 morts, dont la mort d’Aldo Moro (là aussi on saura rien de plus du contexte fasciste, des bombes posées par les services secrets italiens, etc.). La RAF en Allemagne, la Belgique, la Grèce, puis il énumère les groupes en France : le GARI, les Brigades Internationales, NAPAP et bien sûr Action Directe (ah ! il va dire souvent Action Directe, ça le gargarise Action Directe… Il est complètement obsédé par ça ! On aura le droit à neufs mentions).
Le cas d’Action Directe est intéressant en droit : la loi antiterroriste de 1986 instaure une Cour d’assises spéciale, avec des magistrats à la place du jury populaire, suite à un procès lié à Action Directe pendant lequel le prévenu s’était adressé directement aux juré·es pour les mettre en garde contre une justice partisane et classiste. Il faut sortir d’une forme de romantisme révolutionnaire à l’égard du terrorisme.
Il dit : « Il n’est pas question d’amalgamer Action Directe et les prévenu·es » (mais il ne va faire que ça !).
Mais quand même, resituer l’action criminelle d’Action Directe est pertinente ici : le terrorisme d’ultra-gauche, en dépit d’une certaine mansuétude, a tué, terrorisé, dans les rues de Paris. Nous rencontrons Action Directe dans le dossier ici : il évoque la fameuse brochure de C. : une contribution (qu’il nomme manifeste) de deux ex-membres de AD pour la journée internationale en solidarité avec les prisonniers politiques, qui légitimerait la violence politique. S. et L. semblent manifester un intérêt pour AD. (n’imp !)
Il reprend son « histoire du terrorisme d’ultra-gauche » : il parle d’un renouveau dans les années 2000, surtout en Grèce, notamment avec la « Conspiration des cellules de feu ». Ceci n’est pas tout à fait étranger à ce qui se passe en France : des institutions françaises auraient été victimes des « cellules de feu » : il cite pêle-mêle une agence AFP à Athènes, un colis piégé destiné à Sarko, l’ambassade de France, un texte de revendication faisant référence à Rémi Fraisse, un colis piégé en mars 2017 au siège du FMI à Paris.
Il redit que cet exposé (qui dure depuis une heure sans parler du dossier !!!) ne nous éloigne pas des faits : le terrorisme d’ultra-gauche existe, il s’inspire notamment du texte grec, les cibles sont les institutions ou le capitalisme, le mode opératoire : les armes et les explosifs. Et voilà : le dossier ! (il est content le proc…)
Les faits qui sont reprochés aux 7 inculpé.es : sous l’influence de l’ultra-gauche, sous l’influence de F. : iels franchissent la ligne rouge de la radicalisation, après les frustrations de la ZAD de Sivens et des Gilets Jaunes. Nous ne le masquons pas ici : ce dossier est celui de F. qui place tout ça au dessus de tout. Un homme charismatique et des camarades agrégé.es.
La défense dit « un groupe fictif », mais iels ont une défense commune !
Dans ce dossier, F. est le dénominateur commun : 3 personnes ont dit des choses incriminantes sur F. (fameuses GAV à la DGSI). Les avocates s’affichent comme appartenant à un même collectif : cela interroge. D’autant qu’immédiatement, toustes reviennent sur leurs propos tenus en GAV. (faux) Iels ont choisi une défense commune, quitte à créer la confusion.
Les inculpé·es et leurs soutiens reprennent à leur compte le concept d’invisibilité, utilisent les mêmes éléments de langage, avec la création de blogs, de sites internet, montés de toute pièce pour les propager. Iels ont même une page Wikipédia !
Le procureur dénonce un traitement médiatique très complaisant : il trouve que les médias font preuve d’une certaine mansuétude, due à un processus d’identification des journalistes, qui partagent les mêmes idées (alors, là, on rit !!!) et ferment les yeux sur leurs agissements.
Iels se permettent tout ! : une lettre des familles et proches adressée publiquement au juge Herbaut, publient des PV dans les blogs de soutien, les arrestations deviennent des « enlèvements », les GAV deviennent « séquestration », et la détention de la « torture blanche ».(réaction de la salle)
Le procureur y voit en filigrane une stratégie d’intimidation de la part de la défense. Un climat de tension a été créé autour du procès, ce que les réactions de la salle ne démentent pas. La défense a demandé d’exclure des pièces, mais inversement, sans « contradictoire », a produit des pièces au dernier moment, non sourcées (il parle de la vidéo du bateau). On dénonce l’enquête comme atteinte à la vie privée. On invalide un expert. On invoque une interprétation personnelle du droit lors de la QPC.
A cela s’ajoutent des propos à l’emporte-pièce, une alcoolisation massive, une amnésie collective.
Il faut sauver le camarade F., quitte à être incohérent avec soi-même ! Il y a un retournement du procès des 7 prévenu.es, qui en font le procès de la DGSI. On justifie les éléments les plus graves du dossier par leur appartenance à un milieu, tout en dénonçant un procès politique.
L’audience a pu donner l’impression d’une cour de récréation. C’est regrettable, cela méritait mieux. Les avocats demandent à leurs clients : avez-vous compris l’AMT ? Ce qui démontre qu’iels n’ont pas fait leur travail correctement.
C’est quoi l’infraction AMT ?
– groupement formé ou entente établie (pas besoin que ce soit un groupe déterminé, structuré)
– caractérisation par un ou plusieurs faits matériel : leurs agissements
– préparation d’actes prévus (assassinat, meurtre, …)
– volonté de troubler gravement l’ordre public : F qui veut importer la guérilla en France !
Une accusation d’AMT ne nécessite pas de démonstration précise, seule la connaissance de la finalité suffit. Il n’est pas nécessaire de prouver l’adhésion idéologique.
Il va citer l’affaire Mohamed Merah, et de son ami d’enfance qui n’adhérait pas du tout a une idéologie violente mais a été reconnu coupable car « il ne pouvait pas ignorer les intentions de… F » (il fait un lapsus et confond F. avec Merah…) Il dit que cet ami a été condamné non parce qu’il avait été démontré son adhésion au djihadisme mais du fait du son niveau de connaissance des projets terroristes de Merah (les avocates de M. démontreront que c’est faux le lendemain..).
Il va se servir de cet exemple pour démontrer que les copaines sont au courant des « projets » de F. Il cIte une écoute de S., le fait que B. possède une brochure « Analyse d’une instruction antiterroriste » : pour lui la démonstration est faite qu’ils savent qu’il y a une ligne rouge qui a été franchie.
A Tarnac, il s’agissait d’individus qui avaient interrompu un train. C’était une action de « basse intensité » (vocabulaire militaire hérité des théories de la DGR), ce qui explique que le caractère terroriste n’ait pas été retenu. Dans l’affaire qui nous occupe ici, les moyens mis en oeuvre, les armes et les explosifs, en font un risque d’attaque de haute intensité. La personnalité de F. = haute intensité.
Le proc dénonce un rapport au terrorisme différent des deux côtés de la barre :
Le fait que F. fasse l’apologie du PKK, que Me Kempf dise « militants kurdes », oublie des condamnations ; quand Olivier Grosjean (spécialiste du Rojava à la Sorbonne) exprime à la barre avoir « exclut le terme « terrorisme » de son vocabulaire » : iel ne partagent clairement pas les mêmes repères entre les prévenu·es et la cour.
Le fait qu’il n’y ait aucune preuve qu’il s’agisse d’une organisation ? Ce n’est pas nécessaire pour la qualification terroriste. Le fait que plusieurs prévenu.es ne se connaissent pas entre eux ? Ce n’est pas nécessaire pour la qualification terroriste. Ce n’est pas un groupe structuré : c’est F. qui agrège ; il est un leader qui fédère de manière étanche plusieurs personnes.
On observe 3 dynamiques :
– duo : F. + S.
– trio : F ; + L. + M.
– groupe
Des méthodes identiques :
– la confection d’explosifs
– le chiffrement (Signal quoi)
– l’apprentissage de tactiques de guérilla (une partie d’airsoft)
Le proc trouve curieuse la similitude des faits reprochés alors que toustes ne se connaissent pas. Le dénominateur commun : c’est F. ! A l’exception de S., iels ne seraient pas là s’ils n’avaient pas croisé F. (??? il vient de nous révéler que S. était déjà surveillé par la DGSI lui aussi ???) Il ne s’agit pas d’absoudre les autres, mais de noter deux niveaux de responsabilité.
Le procureur dénonce la tentative de morceler les accusations constitutives de la qualification terroriste. Il affirme que la défense n’a fait que ça tout au long du procès : dissocier les éléments factuels du dossier. Il n’est pas question d’arrêter des individu·es sur des actes isolés. Mais tous ensemble C’est constitutif de l’AMT.
Un certains nombre d’éléments AMT sont présents dans le dossier :
– le vol d’engrais
– la possession d’armes de catégorie B et C
– la fabrication explosifs
– le chiffrement
Il est facile de vouloir dissocier chacun de ces éléments pour faire croire à leur banalité, mais il faut regarder la cohérence et la répétition.
F. dispense des formations Tails et Tor, il dispense des entrainements paramilitaires.. Quand on examine le déroulement des actions, les notes opérationnelles, les débriefings : on comprend parfaitement les objectifs de tout cela.
Lorsqu’on regarde la nature de certains documents :
– manifestes idéologiques
– mémento sur la création d’une milice armée
– vademecum au sujet d’action violente
– déclarations des prévenu·es en adéquation (faux !)
Tous ces documents sont l’inspiration, la philosophie du groupe. L’horizontalité par exemple : tout le monde participe parce que tout le monde peut se joindre à la guérilla urbaine.
(Le proc se perd dans la lecture quasi totale de la brochure « Conspiration des Cellules de Feu », il saoûle tout le monde… ça fait plusieurs minutes qu’il ne parle plus à personne : les juges ne l’écoutent plus.)
Bref, on transpose tout ça, on transpose encore un peu, et au milieu on met F.
Il nous refait le coup de Mao ! F. est lecteur des brochures, et il met en pratique le manifeste parce qu’il aurait dit, complètement torché dans une discussion sur l’hypothèse d’un chaos fasciste : « il faut prendre les armes là où elles sont ! ».
Il revient sur le document avec l’alphabet grec comme guide d’action violente. Manifestes et écrits se recoupent et donnent « résonance » au dossier.
Il donne l’exemple du « Tekmil » : c’est bien une pratique de réunion de combattants, donc F. + M. + L. étaient en préparation d’une action violente. (Tekmil = debriefing et autocritique kurde à visée révolutionnaire qui se pratique dans toute la société, rien d’exclusivement militaire).
Il y a la volonté d’armer, d’entrainer et d’équiper chez F. Sa priorité c’est la cause, au détriment de son « couple ». Le proc cite toujours la même écoute, comme d’hab, il dit « fusil à pompe » : whoooooooooo
Il revient sur sa thèse : armer, éduquer, former, qu’il lie à une obsession, l’obsession policière. Il cite des GAV et des écoutes. Il souligne l’emploi de la terminologie de « l’ennemi ». Et il cite même de la zik : « Djihad de classe » (du rappeur Enedeka Maska).
Il reparle du courrier d’Action Directe, possédé par C., qui « résonne » avec les Cellules de feu :
– résister, se révolter contre les violences d’Etat
– attaquer les keufs
– violences révolutionnaires contemporaines
– violence armée indispensable
– référence à la RAF parfaitement assumée
– aucune autocritique
Ces quelques lignes « reprennent » la pensée de F. (alors là, c’est une belle fourberie de langage !!)
Le programme énoncé ici par AD se retrouve dans le dossier.
Les 6 autres prévenu.es formé.es par F. ne sont pas choisi.es au hasard : iels ont une totale confiance, qui ne se dément même pas aujourd’hui. Cette entente autour de F. peut donc être assurément qualifiée de terroriste.
PAUSE
La juge nous explique que visiblement on confond suspension et pause goûter (c’est un keuf qui est allé le dire à la maitresse…).
LA PROCUREURE – Déborah C.
Elle souhaite faire un examen prévenu·e par prévenu·e. Après plusieurs semaines d’audience où on nous a expliqué que c’était un montage de la DGSI, un assemblage artificiel, il lui paraît important de rétablir avec rigueur les charges contre chacun·e.
Devant vous, nous avons une addition d’éléments matériels probants, face à un récit de la défense.
F. est celui sans qui les autres ne seraient pas là aujourd’hui. Ses agissements sont au coeur de la procédure. Il agrège diverses compétences, et fait preuve de continuité et de cohérence dans ses actions. Il l’a lui-même dit : « la cause passe avant tout ».
D’avril 2017 à janvier 2018, il se trouve au Rojava : c’est ce qu’il relate aux co-prévenu.es. Selon lui, ses motivations sont la révolution, la cause. Il y a intégré les YPG, est devenu chef d’unité de combat (wtf !) : il manie des armes et des explosifs.
Janvier 2018 : F. possède une aura incontestable auprès des autres. Il fait une évocation crue et militaire de son engagement. Tout passe après la cause. Son engagement est mortifère.
Avril 2018 : c’est la création d’une asso avec L. Elle constitue une vitrine légale pour des entrainements, et fait écho à la brochure « milice ». Association qui est une coquille vide, une simple démarche administrative alors qu’elle n’a pas d’activités officielles. On peine à imaginer L. à l’origine de cette asso (contrairement à ce qu’il a dit à la barre). F. serait présent à la création (on lui a déjà dit que non !! que 1+1+1+1 ça fait pas 3 !!). Donc moins de 3 mois après son retour du Rojava : il était déjà dans la dynamique de transmettre.
Fin 2018 – début 2019 : il pratique des entrainements via l’airsoft dans les Pyrénées (juste une fois en réalité, le 12 février).
De juin à septembre 2019 : il voyage vers la Grèce avec M. pour un départ au Rojava.
En février 2020 : ouverture de la procédure et pratique de l’airsoft (une fois). Le 11-12 février : reprise de contact après longtemps avec L. (faux ils s’étaient revus avant) et M., la proc cite encore une fois les GAV dont on a parlé 1000 fois ! En gros : airsoft = F. = entrainement paramilitaire. Elle cite le malaise autour de l’airsoft en GAV, elle cite les notes de M. et son usage de pseudos qu’elle trouve surprenant dans l’intimité. Elle dit que L. a peur en GAV sur l’airsoft.
Elle dit ce qu’elle a entendu des GAV là-dessus : prise en main d’armes, volonté de se procurer des armes, utilisation de talkies-walkies, nettoyage ADN, objets incendiaires, blesser ou tuer des camarades, Tekmil, recours à un avocat, recrutement, sécurité numérique… Alors ok, des fois ça parle de psychologie. Mais c’est pas ce qui intéresse pour l’AMT.
Puis Paulnay (14-15 février) : Reprise de contact entre S. et F. Après des années sans se revoir, ils vont faire des explosifs de guerre. Sonorisation de Paulnay : d’après elle, ils l’ont déjà fait avant. Ils traversent la moitié de la France pour ça (250 km pour S.). Alors que S. est en pleine crise, au bord du burnout. S. a un sentiment de regrets vis-à-vis du chaos pendant la période des GJ, où il n’a pas su profiter de l’occasion, donc il y voit une opportunité en se recontactant avec F. (??WTF) La procureure rappelle la fameuse phrase qui sort de nulle part (dossier de judiciarisation) selon laquelle S. aurait dit à sa compagne « Je peux mourir ou aller en prison » (dans l’ORTC il le dit soi-disant à un proche…).
Sur Paulnay, il y a différentes sources. Si on n’a pas tout (en référence à la vidéo effacée par la DGSI), c’est l’épisode le plus documenté.
S. avant d’arriver à Paulnay, s’arrête pour acheter des spatules, preuve qu’il savait très bien ce qu’ils allaient faire (avec sa carte bancaire d’ailleurs… méga clandestin !). Elle cite les écoutes : 17h20 : arrivée, 17h40 : laisse penser que ce n’est pas le premier essai. Elle évoque les essais imminents et le matos. Elle reparle de l’expert qui dit en gros que S. et F. sont des génies des explosifs. Celui-là est importé du Rojava, évidemment ! Elle dit qu’ils cherchent à tirer partie de l’alcoolisme « réel ou supposé ». Elle ose mettre en doute leur alcoolémie en disant qu’on ne sent pas l’ébriété dans les écoutes. Les conversations se poursuivent et dévoilent leurs véritables intentions : il est déjà question d’ennemi, de propagande, d’apologie d’AD, de dissoudre la police, de diatribes contre les institutions républicaines.
15 février : explosifs. Conscience aiguë de ce qu’ils font. Elle évoque une voiture chargée d’explosifs de Daesh : c’est particulièrement éloquent quand on sait qu’ils fabriquent des explosifs qui peuvent faire « péter tout un quartier ». La préparation est intense. La DGSI a même cru qu’ils s’entrainaient au tir (le fameux marteau-spatule) : c’est dire si la DGSI n’avait pas de scénario pré-établi (euh…. les mecs tapent avec un marteau, la DGSI imagine illico que c’est des kalach, mais ils ont pas de scénario préconçus ??? elle prend quoi la proc ???) (elle parle vite, elle mélange tout, et enchaine…)
Ils disent : « Désolée la nature, mais si on ne fait rien, la nature est condamnée ». C’est très explicite ! La fabrication d’explosifs est destinée à servir la cause, notamment écolo : « La révolution sera écologique ! » (ah là je pense à Darmanin et ses écoterroristes…).
S’agissant du vol d’engrais : ils ont prévenu C., anticipent leur mode de défense, en se cachant derrière le métier d’artificier de S, et usent de grandes précautions : S. use de tout un stratagème autour de son déplacement à Paulnay, demande à sa compagne de faire des publications Facebook en son absence, et on perçoit une inquiétude à propos d’une possible dénonciation de K. (la défense rappellera que c’est bizarre, à ce moment si dangereux, que les filatures de la DGSI cessent !).
Elle cite l’écoute sur les keufs en manif. Donc elle en conclut qu’évidemment ils font des explosifs pour s’en prendre à des keufs. Pour elle il est explicite aussi que c’est F. qui partage ses connaissances : il met en pratique ce qu’il pense.
Elle cite : « trouver des fonds », « armes à acquérir », « poursuivre les essais chacun de leur côté », S. reconnait avoir récupéré du matos de Paulnay, en avoir laissé à F. S. a cherché à renouveler cette expérience, mais n’a pas trouvé la recette, normal elle vient du Rojava, et s’est rabattu sur ANFO. Elle parle de facture de nitrate d’amonium retrouvé chez S. alors que c’est impossible, ça ne se vend qu’à la tonne (elle confond avec le nitrate de potassium).
Elle énumère les journées du 16 février, avec la reprise des travaux (c’est faux, ils parlent juste du produit de la veille qui ne veut pas sécher) et du 17 février où ils parlent à nouveau des explosifs et semblent mécontents.
Conclusion : s’agissant de Paulnay, les éléments matériels sont établis : fabrication d’explosifs + vol d’engrais.
Elle cite une écoute de S. : « ennemi », « guérilla », « Action Directe », « transmettre »… Ils sont parfaitement conscients de ce qu’ils font : tous ces éléments sont-ils le fruit d’un récit policier ?
Elle rappelle qu’il s’agit de la fabrication d’explosifs jamais réalisés sur le territoire et hautement dangereux. Pour elle, les rapports de l’expert M. B., les dires de Marc C. (un artificier terrorisé par la DGSI) et Alex R. (témoin cité par la défense) confirment tout ceci (LOL). La défense parle du « récit d’un week-end amical », alors que pour elle c’est un week-end conspiratif inédit !
Elle interprète le silence de S. face au JI (lors de son premier interrogatoire et alors que son avocate a dû quitter les lieux en urgence), par le terme « acculé face à l’évidence ». On peine à se défendre, alors on s’appuie sur un adultère, ou sur des concerts pour lever des fonds pour le Rojava. On fait des explosifs mais ce qui nous intéresse c’est les concerts ? F. a peur d’aller en manif, mais il fabrique des explosifs ?
Avril 2020 : Parcoul : F.+C rejoignent W+B qui leur proposent un hébergement pour la période du confinement.
F. initie ses camarades au tir, à la communication chiffrée, aux entrainements paramilitaires, aux explosifs (encore du total mensonge). Nous avons très peu d’écoutes car le groupe étaient évidemment plus souvent dehors que dans le camion de F. Je ne vais pas faire comme la défense et dire que les écoutes à décharge sont dans les 99% que nous n’avons pas. Nous avons suffisamment d’écoutes pour prouver leurs agissements.
La défense dit que les essais n’ont commencé que 6 jours après l’arrivée de F. et C., (faux, la défense ne dit pas ça) mais les écoutes prouvent que les essais ont débuté avant.
L’expert a montré que concernant l’amorce, les prévenu·es tâtonnent et qu’il est clair qu’iels découvrent cette matière, ce qui est clairement à décharge et démontre bien là son impartialité. (LOOOOL) Il n’est pas sérieux que les prévenu·es disent ne pas connaître le TATP, iels ont évidemment fait des recherches, mais ces recherches ont été cachées. L’expert a rappelé que la substance de l’ANSU est très délicate à fabriquer et qu’il ne l’a jamais vue en 20 ans de carrière. Il est clair que cela nuit au récit de la défense qui veut nous présenter une bande de joyeux lurons apprentis chimistes. Tous les moyens sont bons pour tenter de discréditer l’expert.
Elle revient sur les déclarations post-explosions où tout le monde est très choqué sauf F. qui semble content. Elle rappelle la comparaison faite par l’expert avec une explosion dans la salle qui toucherait les gens jusqu’au 2ème rang. La défense parle d’une recette apprise auprès d’un agriculteur, il y a plusieurs années, sur une vidéo ? Impossible nous a répondu l’expert puisque cet explosif est inconnu en fRance, de plus il est impossible d’arriver à le reproduire avec une seule vidéo. Et les prévenu·es ont témoigné à plusieurs reprises que les recettes venaient de l’expérience au Rojava de F (encore faux).
La défense nous dit : si Rojava, alors hors période de prévention ? Mais peu importe, ce qui nous intéresse ici, c’est la réutilisation qui pourrait en être faite en fRance. Quelles sont les fins ? Ludiques, évidemment. Qu’il y a-t-il de ludique par rapport à une activité dangereuse, déjà pour eux-mêmes physiquement, et aussi pénalement répréhensible ? D’autant plus que tout le monde avait conscience de la dangerosité de ces essais (complètement faux). Tout le monde a une responsabilité dans l’essai mais également dans l’utilisation postérieure qui aurait pu en être faite par les un·es ou les autres (donc lien avec AMT).
GAV – 8 au 11 décembre : Les GAV sont des moments longs, pénibles, stressants, oui. Mais de là à récuser les propos qui en sont issus ? Certainement pas. Par rapport aux projets d’actions violentes et à la volonté de s’en prendre aux forces de l’ordre, iels ont d’abord avoué pendant les GAV, puis iels ont maintenu leurs déclarations devant le juge d’instruction mais en les recontextualisant comme étant des moments alcoolisés où les propos ne seraient pas sérieux, et enfin maintenant à votre barre ils les réfutent, tout simplement. « Rien ni personne ne le prouve sauf les prévenu·es qui ont le droit de mentir devant votre tribunal ». (tsssss réactions dans la salle)
Elle reparle de la lettre des « Amie·s de Toulouse » : « Rappelons qu’il n’y a pas de gentil.le.s ni de méchant.es dans une affaire de répression politique, la défense collective et la solidarité sont les seules réponses que nous envisageons ici », ce qui pour elle prouverait une volonté collective de dissimulation des faits.
Armes : Fausse déclaration de B. par rapport à l’arme achetée à la sortie du confinement alors qu’il y a une trace internet pendant le confinement. « On ne peut qu’écarter ces revirements d’audience ». « Dans cette procédure, même quand les éléments sont à décharge pour certains des prévenu.es, iels préfèrent faire bloc plutôt que de se sauver. L’intention est claire : il faut sauver le vétéran F. »
Chiffrement : Cet élément corrobore le faisceau d’indices mais ne constitue absolument pas le cœur du dossier, la place que votre tribunal a accordé à cet élément le montre bien. Est-il toujours crédible que F. se protégeait des GAFAM comme on nous le rappelle depuis le début ? (il a aussi dit qu’il se protégeait des services turcs et des Loups Gris mais elle a oublié de le mentionner) Au-delà même des propos, les moyens déployés montrent bien les fins recherchées.
« Ces éléments convergent tous à la même conclusion, celle de commettre des actes violents contre les policiers. Par delà ses désirs, F. travaille, il ne se contente pas de parler, il s’arme !
Ce n’est peu- être pas un danger imminent mais le projet est ,sous nos yeux. Toutes les preuves concordent. Elles ne peuvent se lire et être comprises que comme un tout. Les moyens déployés illustrent le projet qu’ils mettent en œuvre.
Il y a une note écrit en Grec, retrouvée dans son camion. C’est la préparation d’une entreprise terroriste étape par étape, dont son but est de porter atteinte à l’Etat.
F. exhibe des armes « on est pas là pour faire style », « police municipale », « tu crames tout ».
Il y a des preuves … du nitrate, des produits explosifs, et des détonateurs. Il transportait une certaine quantité de produits, cela prouve le maintien de ces intentions !
Sa recherche d’arme : il a une arme de catégorie B en sa possession “Un chasseur a la possibilité de chasser” donc il passe son permis de chasseur. Il a un rapport à la chasse confus. Il se rend à l’armurerie. Il parle de « kalash » et de plan pour en obtenir. (elle s’enflamme là, TSSSSSSSSSS)
Que fait-on avec des armes ? Du confédéralisme démocratique ? »
« S. a activement participé à la fabrication d’explosifs, au vol d’engrais, il poursuit les essais chez lui. Il y a des preuves d’achat de nitrate de potassium et de sodium. Il détenait 2 documents qui sont des explications de création de poudre noire et d’explosif (ANFO). (venant de Wikipédia wesh !)
Il possède 3 éléments précurseurs du TATP dans son véhicule, 258g d’ANFO dans son camion. Une entreprise terroriste conjointe, du fait qu’il possède 3 armes à feu, dont 2 de catégorie C et une de catégorie B, détenues illégalement.
L’expert a distingué la fabrication artisanale comme illégale. Lui et S. ont pourtant la même formation C4T2.
Ces éléments s’inscrivent dans une entreprise terroriste dont il avait connaissance. « F. et S. restent en contact puisqu’ils se revoient en juillet. »
Pour B., le paradoxe du permis de chasse : une atmosphère survivaliste qui participe à propension terroriste, au motif qu’il « ne voulait pas devenir l’esclave des fachos ».
B. n’est pas une collectionneur d’armes pourtant il en possède 5. Il possède aussi des documents sur des affaires anti-terroristes.
C. a eu une participation active, donc elle n’est pas ici jugée par rapport à sa relation à F.
Elle ne semble pas s’émouvoir des propos de F. contre les forces de l’ordre.
L. participe à 2 séances paramilitaires, et est sciemment associé aux entrainements et aux AG.
Sa participation active est liée à ses angoisses survivalistes.
A propos du refus de remise des clés de chiffrement : tous les téléphones étaient chiffrés, ce qui correspond à la personnalité des prévenu.es. Un mode de vie incompris, un mode de vie nomade, la vie en ZAD, détaché.es de tout un endroit stable, ou d’un emploi.
Ce ne sont pas des éléments à charge d ‘être anarchiste, punk… en revanche, ce qu’on juge ici, c’est leur rapport à la violence contre la police, et à la violence politique. Ainsi qu’une absence totale de remise en question à la barre. Ils doivent répondre d’un chemin de désengagement violent.
La défense collective en bloc pourtant porte sur des individu.es aux parcours spécifiques.
Quelle doit être la peine ? Elle doit représenter des faits assurément de matière terroriste. Il est rare qu’autant d’éléments matériels soient mis en exergue.
Peines demandées à l’issue des réquisitoires :
– Loïc : 2 ans d’emprisonnement avec sursis simple, 1500€ d’amende, 10 ans d’interdiction arme
– Manu : 3 ans d’emprisonnement dont 2 ans sursis et probatoire, 10 ans d’interdiction de détention d’armes
– Camille : 3 ans d’emprisonnement avec sursis et probatoire, 1500€ d’amende, 10 ans d’interdiction de détention d’armes
– Bastien : 3 ans d’emprisonnement avec sursis et probatoire, 10 ans d’interdiction de détention d’armes
– William : 4 ans d’emprisonnement dont 3 ans avec sursis et probatoire, 10 ans d’interdiction de détention d’armes
– Simon : 5 ans d’emprisonnement dont 4 ans avec sursis et probatoire, 10 ans d’interdiction de détention d’armes
– Florian : 6 ans d’emprisonnement avec mandat de dépôt différé, plus 3 ans de sursis, 10 ans d’interdiction de détention d’arme.
Précision au sujet du « sursis probatoire » : cela signifie une injonction de soins, un suivi SPIP et une obligation de travailler ;(
Mardi 24 octobre : Suite des questions sur moyens de communications et certaines écoutes
Début 13h45.
Maître Bonvarlet (Avocate W.) demande une date de délibéré : la juge répond qu’on ne saura que vendredi.
BASTIEN
La juge indique que B. a donné ses codes de chiffrement.
Juge : Dans votre ordinateur, on a trouvé un document : « L’informatique : se défendre et attaquer ».
B : Je n’ai pas de souvenir de ce document. J’ai envie d’avoir une meilleure hygiène informatique, j’utilise Gmail, Facebook, Windows…
Juge : Vous utilisez très peu signal.
B : Oui
La juge revient sur l’atelier Tails à Parcoul, où il s’est fait une clé. Vous en avez fait quelque chose ?
B : Non. J’ai oublié le mot de passe.
J : Et Tor, vous l’utilisez ?
B : J’ai essayé quelques fois par curiosité. J’utilise l’informatique surtout pour les jeux vidéos et la bureautique.
Juge : Vous avez une brochure « Refuser le fichage ADN » qui se trouve dans un dossier sur quoi faire en cas de GAV. Pourtant, ce n’est pas ce que vous avez choisi de faire pendant votre propre GAV.
B : Comme quoi, c’est pas parce qu’on a un document sur son ordinateur qu’on suit ce qui est écrit dedans. J’ai aussi une bibliothèque d’une soixantaine de bouquins qui n’ont pas été saisis.
Elle cite deux brochures de « Mauvaises intentions ». Vous sentiez-vous proche de ce qui est écrit dedans ? Avez-vous oui ou non un intérêt particulier pour les actions violentes ?
B : J’ai été sur écoute pendant 8 mois. Il n’y a aucune retranscription qui parle d’action violente.
Elle insiste lourdement sur ses brochures sur l’antiterrorisme, « L’histoire de l’anarchie », « Rojava et Chiapas, 2…. » « Manuel de sabotage ».
B : Je n’avais pas que ça dans mes dossiers !
J : Oui, on choisit de quoi on parle.
La juge insiste sur une brochure « Étude d’un dossier d’instruction antiterroriste » : « Vous êtes sûr que vous ne voyez pas de quoi il s’agit, cette affaire antiterroriste qui date de 2008, des gens dont vous pourriez vous sentir proche ? »
B : Non je ne vois pas.
J : Vous vous rendez bien compte du lien que j’essaye de faire. C’est quand même ciblé, tout le monde n’a pas des documents sur l’antiterrorisme sur son disque dur.
B : J’avais 1 tera de données sur mon disque dur…
Juge : Vous avez une brochure sur « Les secrets du crochetage » : n’est-elle pas en lien avec la conversation sur la réquisition de maisons, dans le cas où ce serait « le chaos » ?
B. répond que c’était sur le ton de la plaisanterie. Pourquoi vous ne parlez pas des 99% de mes conversations, où je parle de l’envie d’acheter un terrain. ça c’est mon projet réel !!! (Rires dans la salle, enfin un projet !)
Pour savoir qui on est vraiment, il faut parler de ces conversations là !!
Juge : Vous savez, selon le Code de Procédure Pénale, on ne peut pas tout retranscrire car il y a le respect de la vie privée (lol, on hallucine). Mais oui ce projet d’achat de maison a été mentionné dans la synthèse.
B : Ma vie privée, on s’est pas mal assis dessus dans ce dossier, donc autant tout mettre, comme ça on sait vraiment qui je suis.
La juge ressort ce qu’il a dit en GAV (où il a dit que Flo aurait parlé de tuer des policiers, qu’ils étaient en désaccord sur la stratégie, qu’il avait peur de lui redonner l’arme que vous aviez achetée).
B. recontextualise 2 conversations :
– avec Flo, ils ont eu une conversation sur quoi faire après le confinement / en cas d’effondrement et ils avaient des envies différentes : s’installer à la campagne tranquillement VS aider les autres par d’autres moyens.
– un peu plus tard et bourrés ils ont eu une autre conversation où ils ont dit tout et n’importe quoi.
Il rappelle s’être déjà expliqué sur ce qu’il a pu dire en GAV sous la pression et les mensonges.
La juge reparle ensuite des plans du dispositif du 14 juillet retrouvés dans son téléphone.
B. dit s’être souvenu de ces images : c’était un meme, un détournement du plan pour lui donner une forme de pénis.
B : Par contre, les images qui sont dans le dossier ne sont pas celles que j’ai reçues par message.
J : Mais l’enquêteur dit que ces images étaient téléchargeables sur le site du ministère de l’intérieur ?
B : Je doute qu’on y trouve l’image du détournement que j’ai reçu. Ce n’est pas possible que j’ai eu les vraies images sur mon téléphone. Quel sens ça aurait ? Je n’étais pas à Paris, je m’en fous royalement du défilé du 14 juillet !
La procureure prend la parole. Des petits bruits dans la salle : elle demande d’arrêter les sifflements de serpent.
La Présidente vide la salle « jusqu’à que je décide que vous puissiez re-rentrer », uniquement les familles restent au premier rang.
Maître Bonvarlet intervient et rappelle que beaucoup d’audiences sont beaucoup plus bruyantes que celle-ci.
Maître Bonaglia prend la parole pour demander à avoir accès au téléphone et aux MMS afin de lever le doute. Il précise que la DGSI a fait un résumé du NIS et ne l’a pas retranscrit.
Assesseure de droite
AD : Les brochures, vous vous rappelez les avoir téléchargées ?
B : Elles sont sur mon ordinateur.
AD : Sur la base de quelles recherches ?
B : Je ne vois pas quoi vous dire.
Procureure
Pr : C’était pourtant dans le dossier : Projet → Brochure.
B : Et qu’y avait-il d’autre dans ce dossier ?
Pr : c ‘est écrit dans l’arborescence.
Maître Bonaglia : encore une fois non, l’arborescence est tronquée, nous n’y avons pas accès.
La procureure revient sur la conversation qu’il aurait eu avec F. au sujet de « tuer les policiers ». Qu’a dit F. ce soir-là ?
B : Ce sont les mots de la DGSI que j’ai sorti ce jour là. Je ne me rappelle pas ce qu’a dit F.
Pr : Pourtant vous avez dit des choses très précises. A-t-il dit oui ou non qu’il voulait tuer des flics ou des militaires ?
B : Je ne l’ai jamais entendu parler d’un projet réel.
Pr : Pourquoi ne vouliez-vous plus vendre le fusil d’assaut à F. ?
B : Juste parce qu’il me plaisait et que je voulais en fait le garder, le reste est faux (référence à ses propos tenus en GAV).
La proc relit un extrait de la GAV de W.
Pr : Est-ce un hasard qu’il dise la même chose que vous ?
B : Je ne commenterai pas des propos tenus par d’autres en GAV.
La proc lit soi-disant un extrait de So., alors que ce n’est pas du tout elle qui a dit ça. Elle finit par le reconnaître (« ah oui autant pour moi, pardon, autant pour moi….).
Pr : Pourquoi ce serait incompatible d’aider les migrants et d’avoir un terrain avec un potager ?
B : Je ne comprends pas votre question.
Avocate de F. (Maître Bouillon )
A : Cette audience n’a pour but que de parler de F.
Est-ce que vous emprunteriez de l’argent à quelqu’un qui vous fait peur ?
B : non
A : Si vous aviez emprunté de l’argent à quelqu’un qui vous fait peur, est-ce que votre priorité ne serait pas de le rembourser ?
B : Oui
Vous aviez l’argent pour le rembourser ? Vous avez même acheté une autre arme.
B : Oui.
Avocat de B. (Me Bonaglia)
Maître Bonaglia revient sur les plans du défilé du 14 juillet et sur le soi-disant projet d’attaque, qu’il trouve particulièrement risible. Il précise ce que la DGSI sous-entend, à savoir que posséder les plans du défilé, acheter des drones et effectuer des essais d’explosifs seraient une preuve de projet de tentative d’attentat contre le défilé. Il dit que si la DGSI avait eu le moindre doute sur la véracité de cette accusation elle serait intervenue bien avant, d’autant plus qu’ils avaient les identités des deux protagonistes de la conversation. Le fait qu’il ne se soit rien passé prouve en soi-même le ridicule de cette accusation.
Maître Bonaglia : En quoi les propos de F. vous ont fait ressentir que vous étiez perçu comme un lâche ?
B : C’était plutôt un ressenti, peut-être dû au fait qu’on peut avoir l’impression d’être moins actif qu’en vivant en squat en ville dans le milieu militant.
Maître Bonaglia rappelle que le téléphone et l’ordinateur n’ont pas de code d’accès, qu’il y a 67000 fichiers sur son ordi.
Av : Pensez-vous que dans une démocratie, on a le droit de lire, de se documenter, d’avoir un esprit critique ?
B : Oui.
Av : Au sujet du crochetage de serrure, avez-vous déjà ouvert un squat ?
B : Non
Av : Saviez-vous qu’il n’est illégal de rentrer dans une maison principale que depuis 2023 ? (projet de loi porté par LREM)
Av : Pensez-vous qu’il y a d’autres moyens d’ouvrir une porte que le crochetage ?
B : Oui.
Av : Au sujet de la 5ème audition lors de sa GAV, à la dernière question, « Avez vous autre chose à ajouter ? » vous répondez « Non, j’étais à 1000 lieux de cette histoire, ça me rappelle des vieux bouquins de groupes armés ». Pourquoi parlez vous de ça alors que ce n’est apparu nulle part dans les questions précédentes ?
B : Encore une fois, ce sont les mots de la DGSI dans ma bouche.
Levée de séance.
Les personnes évacuées vont pouvoir revenir. La présidente précise que la personne qui a chanté « On est là ! » au moment de l’exclusion ne pourra pas revenir.
Reprise de l’audience à 15h10.
CAMILLE
La juge revient sur une écoute qui date de juillet 2020.
Elle est au téléphone avec une amie : « J’ai envie de cramer toutes les banques, tous les keufs et cracher à la gueule du premier connard qui me dit de mettre mon masque ».
C : J’étais en colère, j’exprime un énervement et rien de concret. J’avais un sentiment d’injustice à ce moment-là.
La juge s’étonne que C puisse s’énerver « au vu de son comportement ces dernières semaines ».
C explique qu’il y avait une ambiance assez anxiogène et oppressante à Rennes à ce moment-là.
La juge sous-entend qu’on n’était pas au plus fort des restrictions.
C : Nos sentiments de saturation ne s’expriment pas tous au même moment.
Avocat de C. (Me Arnaud)
Av : depuis combien de temps étiez-vous à cette banque ?
C : plus de 20 ans.
Av : Avez-vous changé de banque depuis cet événement ?
C : Non, tout va bien.
Av : Pas d’envie de meurtre ?
C : Non
Av : Avez-vous fait de l’athlétisme ? Du lancer de poids ?
C : J’étais très nulle.
Av : Je doute très fort de la capacité de C. à dégommer des drones avec des cailloux.
FLO
Juge : Cet entretien sera peut être plus long que celui de C.
F : Je m’en doutais, je suis la cible.
La juge revient sur la conversation à Paulnay au sujet des manifestations des Gilets jaunes avec S. : « Les Français sont un peu mous, sans culture historique. La Révolution je la conchie. Les valeurs républicaines je les conchie… ».
J : C’est un extrait qui pose question.
F : Je ne me rappelle pas tout ce qu’on s’est dit il y a 4 ans. S. parle des Gilets jaunes, mouvement dans lequel je n’étais pas. Je le redis, c’est une conversation où « on se renifle le cul ».
J : Je ne comprends pas cette expression vulgaire.
F : On essaie de se valoriser, on est 2 mecs cis dans un camion qui se sont pas vus depuis longtemps, c’est un pamphlet qui ne tient pas la route.
D’ailleurs, moi ce que j’ai lu sur la Révolution, c’est Kropotkine et il parle de la « Grande Révolution ».
Elle bascule sur l’article de Médiapart sorti en septembre 2019. Elle lui redemande s’il se sent surveillé avant de prendre connaissance de cet article. F. lui répond que oui, du fait des contrôles routiers suspects, notamment lors de son voyage en Grèce.
Elle revient sur « Je conchie les valeurs républicaines » : F. redit qu’ils sont dans l’escalade de la discussion, qu’ils parlent dans le vent.
Elle parle de la conversation où ils parlent de « si un membre des forces de l’ordre était par terre, moi franchement je l’achève ».
F. répète la même chose.
J : C’est toujours votre réponse.
F : Oui, ce sont les mêmes questions ! Dans les FAITS, quand je me suis retrouvé face à des policiers je n’ai jamais eu d’action violente envers eux, j’ai joué au chat et à la souris, couru autour des machines, suis monté tout nu sur une caravane, mais je n’ai jamais attaqué un CRS.
La juge reparle de la conversation avec B., sur leur désaccord et la lâcheté dont il accuserait son ami.
F répond : « Je ne pense pas avoir dit le mot « lâche », ce n’est pas dans mon vocabulaire. Je pense qu’on a parlé de privilège. Quand on a le privilège d’avoir un terrain pour produire des légumes, on peut essayer d’en faire profiter les autres ».
La juge parle de la conversation qu’il a eu avec C. et Y., un jour où ils passaient devant une gendarmerie : « Tu vois toutes ces voitures, on pourrait les brûler de nuit ».
F : Je n’ai pas cramé ces voitures.
J : Mais quel genre de réflexe ça peut être d’imaginer de brûler des voitures de police ?
F : J’ai eu un réflexe de séduction à deux balles, faire le mariole, le rebelle, dans le milieu militant c’est courant. C’est pas parce qu’on est engagé qu’on a confiance en soi. La question, c’est « Est-ce que j’ai vraiment voulu les brûler ou est-ce que c’est des conneries que je dis ? »
J : Je ne sais pas si ça passe dans la tête de tant de monde que ça, de brûler des voitures qui sont là.
Sans commentaire.
La juge revient sur la discussion sur la ZAD de Sivens, lors de laquelle F. évoque le fait qu’il désapprouve l’inégal rapport de force au niveau des armes.
F. répond qu’il passe du coq-à-l’âne dans cette conversation, qu’il switche sur le Rojava, qu’il revient, qu’il n’avait pas parlé de prendre les armes illégalement. Que la guérilla, ce n’est pas son projet, qu’il est irréaliste de croire qu’on peut avoir les mêmes armes que l’armée, qu’il dit tout et son contraire.
F : Ca ne me fait pas plaisir d’avoir dit ça.
J : Ca ne fait plaisir à personne de voir qu’on a dit des choses d’une grande violence.
F : Et d’une prétention à 2 balles, surtout.
Juge : Revenons sur vos supports numériques. Vous avez une brochure de « La conspiration des cellules de feu » sur votre disque dur.
F : Dans un dossier Infokiosque avec plusieurs centaines de brochures. Je ne l’ai pas lue. Je mûris ma réflexion par des lectures. Je m’intéresse aux différents mouvements de l’anarchisme.
Ce que je défends, c’est le confédéralisme démocratique, le fait d’avoir une idée de ce qu’on veut construire comme société. J’ai lu la brochure dont vous parlez suite à l’instruction, et je ne suis pas d’accord avec ce qui est exprimé dedans. Je suis contre la déstabilisation politique sans accord majoritaire pour un projet politique fort derrière. Car sinon c’est la loi du plus fort, je l’ai vécu avec DAESH que j’ai dû combattre. En GAV on m’a demandé ce que je pensais du chaos, je suis contre le chaos car c’est les plus pauvres et les plus faibles qui trinquent.
J : Mais quand même il y a un point commun, vous ne voulez pas de décisions qui seraient prises par une seule personne.
F : Tous les milieux anti-autoritaires pensent ça ! Je viens de dire que je suis en désaccord avec le texte et vous me parlez de point commun… C’est un piège.
Ils se mettent quand même d’accord sur le fait que F. peut être décrit comme un rat de bibliothèque.
La juge évoque ses voyages dans plusieurs pays pour aller rencontrer des personnes qui souhaitaient se rendre au Rojava. Elle essaie de lui faire dire qu’il a fait de la prévention mais aussi qu’il leur a dit que c’était super.
F. répond qu’il veut partager son expérience sans encourager ni dissuader. Que lui a beaucoup réfléchi avant de s’y rendre, et que ça lui faisait peur de se dire que les personnes y allaient sans vraiment avoir d’idée sur ce qui se passait là bas. Il a vu des gens y aller pour un « romantisme révolutionnaire » et craquer très rapidement, en se mettant en danger et en mettant les autres en danger. Il y a des choses magnifiques et il émet aussi des critiques.
La juge revient sur ses pratiques d’hygiène numérique.
F. rappelle qu’il aime préserver sa vie privée et qu’il se préoccupait d’être surveillé, inquiété, lui ou ses proches, par Daesh ou les services secrets turcs.
Il rappelle aussi qu’il a un mail très classique, auquel la DGSI a eu accès, et qu’ils n’en n’ont rien sorti, car ça ne devait pas être intéressant pour le dossier.
La juge revient sur l’atelier Tails qui a été fait à Parcoul pendant le confinement.
F : Les activités qu’on a faites n’étaient pas prévues. On a pris les clés que les gens avaient.
Les 10 clés identiques trouvées dans son camion ne sont pas les clés qui ont été utilisées à Parcoul.
Ces 10 clés viennent d’un événement de partage de savoirs qui a eu lieu au squat, auquel F. a participé (mais qu’il n’a pas organisé) et comme la personne qui faisait l’atelier a oublié les clés, F. les a gardées car c’était le seul habitant présent à l’atelier.
J : Etiez-vous à l’origine de l’atelier de Parcoul ?
F : Je ne sais plus, je n’étais pas le seul à avoir ces compétences.
J : Vous refusez de donner vos codes de chiffrement, notamment pour protéger des personnes qui sont en photos sur votre clé Tails (c’est ce que vous dites au juge d’instruction).
F : Je refuse par principe de donner mes codes. Après en plus, effectivement, j’avais des photos du Rojava et je ne voulais pas mettre en danger des personnes des forces démocratiques syriennes.
La juge revient sur le fait que son abonnement téléphonique est pris au nom d’une autre personne, que F. l’a remboursée mais qu’il ne voulait pas que son nom apparaisse. « Je me pose la question de cette anxiété, vous n’étiez pas dans une semi-clandestinité, mais dans une angoisse… ».
F : Je refuse le terme de semi-clandestinité. Je protégeais mon téléphone. Pour le reste, je payais avec ma carte bancaire, je prenais mes billets d’avion à mon nom…
J : Et le routeur ?
F : Vous ne savez sûrement pas ce que c’est, mais en camion, surtout l’hiver, l’électricité c’est galère. Avoir un routeur qui permet de moins consommer, c’est… la Révolution ! (rires).
J : Mais comment vous imaginiez la suite de votre vie ?
F : Je ne sais pas, j’étais flippé.
Procureur
Pr : En GAV vous avez refusé de donner vos codes ?
F : Non, j’ai usé de mon droit à garder le silence.
Pr : Et devant le juge d’instruction ?
F : J’ai refusé.
Pr : Vous parlez de droit à la vie privée, mais c’est un délit.
F : J’ai des principes.
Pr : Etiez-vous à l’initiative de l’atelier Tails à Parcoul ?
F : Je ne sais plus.
Pr : Êtes-vous de façon habituelle, à l’initiative de temps d’ateliers de formation à l’hygiène numérique ?
F : Pas de souvenir particulier, mais pas impossible que je l’ai fait.
Pr : Lorsque vous revenez de Grèce, le 1er message que vous envoyez sur le compte collectif du squat, c’est « Si des personnes veulent faire un atelier sur l’hygiène numérique, je suis toujours là ».
F : On en avait parlé, j’étais le seul à avoir participé à l’atelier, et je ne suis pas sûr que c’était le premier message que j’ai envoyé, c’est surtout le message que vous avez choisi…
Pr : Connaissiez-vous la « conspiration des cellules de feu » ? Leurs passages à l’acte, leurs attentats… Dans le document, on retrouve des points de similitudes avec vos actions, avec ce que vous prônez… la DESTRUCTION… des dominations (!!), les actions violentes, la guérilla urbaine..
Vous êtes à l’initiative d’ateliers de fabrication d’explosifs, d’ateliers de formation sur le numérique, de parties d’airsoft… ça ressemble beaucoup quand même.
F : quand on prend que ce qu’on veut voir, on ne voit pas autre chose. Je ne prône pas la guérilla, je prône le confédéralisme démocratique. Ca n’a rien à voir avec l’airsoft ou la confection d’explosifs, ce n’est pas lié à ma vision politique, c’est dans un cadre ludique !
Pr : Parlons de votre obsession pour les actions violentes, qui reviennent toujours dans vos conversations.
F : C’est sûr, quand on met bout-à-bout tout ce qui en parle et rien d’autre… Je ne vois que votre obsession à vous ! Je l’ai déjà dit, ce n’est pas parce qu’on répète les mêmes mensonges que ça les rend plus vrais.
Pr : Si vous deviez faire comme un Tekmil… Avez-vous des auto-critiques à vous faire ?
F : Normalement, leTekmil ça se fait entre personnes égales, ce qui n’est pas le cas ici. Je reconnais les délits que j’ai fait et je ne vous ai pas attendu pour arrêter de faire des explosifs. Oui j’ai fait des erreurs et j’ai eu des comportements débiles.
Pr : Pensiez-vous que vous étiez important à ce point que vous deviez craindre les services secrets turcs ?
F : Je ne sais pas, je n’ai pas envie de ne pas me protéger au cas où.
Avocate de S. (Me Becker)
Elle rappelle que S. a donné tous ses codes et que sur les 8 To, aucun élement n’a été retenu à décharge…
Avocate de C. (Me Challot)
Av : Vous pensez que vous avez séduit C. avec votre fanfaronnade sur les voitures de police ?
F : Non.
Av : Et vous êtes passé à autre chose ?
F : Oui.
Avocate de M. (Me Simon)
Av : Avez vous mis en lien M. avec certains de vos contacts ? Avec des membres des conspirations des cellules de feu ?
F : Non
Avocate de M. (Me Vannier)
Av : Vous dites avoir lu Kropotkine, avez-vous lu L’Entraide ?
F : Oui, ça parle du fait que l’entraide est ce qui nous permet d’évoluer.
Av : Que pensez-vous du terrorisme ?
F : On ne va pas faire la même chose que ceux à qui on le reproche.
Avocate de F. (Me Bouillon)
– Savez-vous combien de fois il y a le mot inaudible dans les deux pages de retranscriptions de la conversation avec S. ? 25 fois.
Elle revient sur l’interprétation des phrases de F. sur le bolchévisme, et démontre que cela joue en sa faveur, car F. dénonce la vision autoritaire.
Me Bouillon revient également sur le fait que combattre Daesh n’est pas anodin, contrairement à ce qu’a insinué le procureur.
Avocat de F. (Me Kempf)
Me Kempf revient également sur le fait que ce n’est pas ridicule de penser qu’on est sous surveillance.
Il demande d’expliquer le terme de « mec cis » et F. explique ce qu’est l’éducation genrée et le fait que les personnes socialisés comme hommes se doivent d’être virils, bagarreurs, beaux parleurs…
Me Kempf revient sur les envolées de F. sur la Révolution française, rappelle qu’il parle de l’après-révolution, donc la Terreur, l’Empire, la Monarchie…
Me Kempf précise que le fait de préférer prendre des décisions à plus d’une personne n’est pas l’apanage des anarchistes. Il revient sur les brochures autour de l’anarchie, dit qu’on n’en connaît pas le nombre exact. Il cite des brochures qu’il a trouvé en cherchant sur Infokiosques à la rubrique « anarchie » « il y avait Emma Goldman, Élisée Reclus, Michel Foucault… »
Il demande si c’est illégal de posséder des brochures ?
F : Non.
Av : Et même celle sur les « conspirations de feux » ?
F : Je pense que oui, vu que même Mein Kampf est légal.
L’avocat demande si c’est illégal d’avoir les conversations que F. a pu avoir dans le cadre privé ?
F : Non.
Av : Doit-on s’interdire certaines paroles dans des échanges privés ?
WILLIAM
J : Vous avez fourni le code de la carte SIM. Les DATA depuis 2020 ont été exploitées.
Aucune application cryptée n’apparait.
J : Sur Tails, vous vous êtes expliqué (« Tor : je l’ai déja utilisé mais ça m’a paru trop lent à mon goût »), sur l’ordinateur, vous avez commencé par refuser.
W : J’étais dans un moment de ma GAV où je gardais le silence. Mais il n’y avait pas de mot de passe sur mon ordi.
J : Devant le juge d’instruction vous avez confirmé que votre disque dur n’était pas crypté.
W : Mon utilisation d’internet se résume à regarder des séries.
J : A Parcoul vous avez expliqué qu’il y avait eu une présentation Tails faites par F., vous n’y voyiez rien d’illégal ni d’inquiétant. Vous dites avoir perdu la clef contenant tails depuis.
W : Ce que je vous dis, c’est que l’utilisation de mon ordi c’est séries et jeux vidéos. Sur la sécu j’ai complètement capitulé, les GAFAM prennent ce qu’ils veulent, même si ça m’inquiète.
Sur l’ordinateur :
La juge aborde les photos sur la cause animale trouvées dans son ordinateur : « Ce sont des causes qui vous tiennent à coeur ».
Elle mentionne un autre dossier contenant plusieurs brochures, sur les techniques de survie et les méthodes de guérillas (sur les munitions, les techniques de l’armée) qui a plus particulièrement retenu l’attention, ainsi qu’un répertoire téléphonique.
J : « Avez-vous souvenir de ce dossier ? »
W : Ce dossier-là venait sûrement de Sivens, vu la temporalité. Il y a des choses sur le disque que je ne savais pas que j’avais et d’autres que je n’ai jamais ouvertes.
J : Il y a des mentions d’entrainement militaire et de guérillas urbaines.
W : Il y a tout un foutra de trucs.
J : Il y a aussi une conférence sur l’empire du béton.
W : Je ne sais pas, je n’ai jamais ouvert ce dossier
J : Ce disque dur n’est pas sorti du néant, il était dans votre chambre. Il contient un dossier sur les techniques de fabrication de munitions. Vous ne saviez pas non plus ?
W : Non sinon je ne serai pas allé sur internet pour savoir comment finir de couler ce bateau.
J : (cite un dossier) « Le James Bond du pauvre, recette d’explosifs & autre »
W : Ca non plus ça ne me dit rien
J : Il y avait aussi les mêmes documents que chez M., le « Manuel pour créer et entraîner une milice ».
W : Pareil, je ne savais pas ce qu’il y avait dans le dossier. Je pense que ça vient de Sivens.
J : Mais tout ceci ça ne vous intéresse pas ? Vous ne vous êtes pas dit, ça ne m’intéresse pas donc je m’en débarrasse ?
W : J’ai 1 Tera sur mon disque dur, donc tant que c’est pas plein, je ne vire rien.
J : Donc vous n’avez pas d’intérêt pour la fabrication d’objets incendiaires, et vous ne voulez pas monter de guérillas ? Ces sujets ne vous intéressent pas ?
W : Non, à la rigueur la brochure « Trouver son chemin » (techniques de survie en forêt). Je ne pensais plus jamais me retrouver en GAV.
J : Concernant le répertoire trouvé dans le disque dur. Sa seule exploitation c’est 2 numéros avec marqué « Flo crête » et 1 autre avec écrit « Flo (+une mention) », mais peut être est-ce la même personne ?
Elle cite la côte D460 en GAV,
J : Vous avez déjà parlé de vos conditions de GAV mais vous avez dit « je ne peux pas vous dire si c’était un projet ? Et si c’en était un je me désolidarise complètement de ce projet… ».
W : Quand j’ai dis ça je mangeais la merde de la DGSI (la juge le reprend sur son vocabulaire).
W : Maintenant je sais qu’il n’y avait pas de projet.
J : Et sur la conversation incriminante (discussion de fin de soirée) ?
W : Je répète que c’était le concours de celui qui pisserait le plus loin.
Porcureur
La procureure cite une écoute et l’interroge sur les désaccords relevés entre F. et W. et B.
W : C’était un débat sur « Si le monde s’effondre, qu’est-ce qu’il se passe ? ». On disait que les fachos allaient reprendre le pouvoir. Dans cette projection là, B. et moi on disait qu’il fallait juste se barrer dans les montagnes et planter des choux, et F. disait qu’il fallait rester pour aider les genstes… tout ça n’avait pas vraiment de sens
P : Pourquoi ne pas avoir expliqué ça en GAV ou devant le JI ?
W :Je voulais juste sortir de là.
P : Et devant la juge ?
W : Devant la juge ça n’était pas le fête du slip non plus !
P : Lors de votre GAV, il y a plusieurs citations sur le fait que F. voulait s’en prendre à des policiers. Votre raisonnement c’est que vous êtes en GAV, et au lieu de dire que c’était une discussion alcoolisée, vous dites à la DGSI que F. avait des projets violents.
W : J’ai donné comme un lâche ce que la DGSI voulait.
P : Mais néanmoins vous ne vous désolidarisez pas complètement, car vous dites qu’il est sympathique, agréable à vivre. Je ne comprends pas vos propos.
W : Non car c’est mon ami, je n’arrive pas à y croire. En GAV j’étais perdu, j’ai donné ce que la DGSI voulait pour revoir mon chien.
P : Sur la conversation « tuer des flics ». lorsque vous comparaissez, vous mettez cette discussion sur le même plan que « des syndicalistes qui parlent de pendre des patrons avec une réunion de la CGT ». Est-ce que vous pensez que c’est la même chose ?
W : Ce soir-là on a dit plein de bêtises, c’est des âneries de mecs bourrés comme on en entend dans tout les PMU de province.
P : J’en conclut que vous ne voulez pas répondre à cette question.
Avocate de W. (Me Bonvarlet)
Av : A votre 2ème interrogatoire vous dites que la DGSI vous avait informé que F. était sur le point de commettre des attentats. La DGSI ne vous a pas laissé le choix que de valider ces thèses. Elle n’a pas posé de questions ouvertes sur la nature de ce projet, mais a orienté ses questions sur l’attaque de policiers ou de militaires. La question qui vous est posée est : est-ce que F a déjà parlé de tuer des flics ?
W : Oui et c’est la panique, je cherche dans ma mémoire ce qui peut se rapprocher de « tuer un flic », c’est-à-dire ce qu’ils voulent entendre.
Elle parle du contexte de leur discussion (fin du confinement), que c’est dans le cadre d’une projection de « guerre civile », donc quelque chose sur leurs comportements hypothétiques dans une situation qu’ils n’ont jamais vécue.
Av : Connaissez-vous le mécanisme de la réinterprétation ? Je vais vous expliquer, on va faire un jeu. Imaginons que je vienne chez vous au milieu de la nuit en vous disant « J’en ai trop marre de mon compagnon, je vais le buter ». Qu’est-ce que vous me répondez ?
W : Je vous propose un Picon-bière.
Av : 6 mois plus tard, vous apprenez que j’ai tué mon compagnon. Comment réagissez-vous ?
W : Je m’en veux de ne pas avoir réagi auparavant.
Av : Je précise qu’on ne s’est pas vu pendant ces 6 mois. Et vous vous mettez à douter de moi ?
W : Oui
Av : Le projet était-il crédible 6 mois auparavant quand je suis venu chez vous la première fois ?
W : Non, pas du tout, c’était des paroles en l’air sans préméditation.
Av : Tout comme l’étaient ces paroles parlant de « tuer des flics », il n’y avait pas de préméditation.
Av : Est-ce que vous savez comment fonctionne la justice anti-terroriste, pour qualifier une affaire comme telle ? Qu’il faut justifier d’actes préparatoires, d’une planification, d’un projet…
W : Non
Av : Et bien vous n’êtes pas le seul apparemment.
Av : Le dossier de votre disque dur contenant lesdits dossiers cités par Madame la Présidente n’est pas passé par la recherche de métadonnées. Il y a la possibilité de savoir quand un dossier a été créé, modifié et ouvert pour la dernière fois. Il suffit de faire clic droit. Or, il n’est pas indiqué cette information dans le rapport de la DGSI, alors que c’est une opération toute simple. Actuellement, le disque dur est toujours sous scellé, et même si nous y avons accès maintenant, à votre avis quelle serait la date de la dernière ouverture du dossier ?
W : La date où la DGSI l’a consulté.
A : Vous avez 47 recettes différentes sur votre disque dur d’explosifs et compagnie, dont certaines extrêmement simples (plus simples que celle que vous avez essayée). Pourtant, vous ne les avez pas utilisées, on est d’accord ?
W : Oui
Av : Si vous aviez à enregistrer votre propre numéro de téléphone, vous le mettriez à quel nom dans votre répertoire ?
W : A « moi »
Av : Pourtant dans ce répertoire, le numéro « moi » ne correspond pas à votre numéro, le vôtre est noté à « Will zad Testet » (Testet= ZAD de Sivens). Et il y a 43 autres contacts avec la mention « Testet ». Est-ce qu’on peut raisonnablement penser que ce répertoire n’est pas le vôtre ?
W : Oui effectivement.
Demande de Me Bonaglia de casser le scellé du téléphone. Il revient sur le rapport de la DGSI sur B. qui dit retrouver dans son téléphone des images de plans du défilé du 14 juillet (alors que B. se souvient plutôt d’un meme qu’on lui aurait envoyé d’une satyre de la photo, où un pénis est dessiné dans le ciel). Il fait état d’éventuelles « captures d’écran » des messages sur Signal (avant leur suppression automatique), puis dans le rapport suivant, plus rien. Il insiste sur l’importance de vérifier ces informations, pour que tout le monde puisse constater de la transparence de la justice…
Refus du Parquet.
SIMON
J : à propos de la retranscription de l’écoute où on vous entend vous et F. parler du mouvement des GJ. On entend F. s’énerver à propos des différents symboles de la république repris dans ces manifestations (le drapeau français notamment), qui seraient utilisés sans réel savoir historique sur leur provenance. Il finit par dire qu’il hait la république. Vous n’avez rien à dire là-dessus ?
S : C’est juste une surenchère, à celui qui se dit le plus fort. C’est a l’image des 4 jours passés ensemble, où chacun sort sa pseudo-science…
J : Vous évoquez le Pink Block en Allemagne, vous parlez des manifestations en France et F. dérive le sujet vers son expérience au Rojava. Pourquoi ?
S : On parle de sujets qu’on ne maitrise ni l’un ni l’autre. (les GJ).
De mon côté je n’ai pas participé au mouvement des GJ au début. J’étais plutôt sceptique. Notre comportement se rapproche de celui de 2 primates, à celui qui est le plus fort, c’était de la virilité mal placée.
J : Vous semblez vous rejoindre sur un point, si un policier est à terre , vous dites vouloir le piétiner, et F. « le buter » ?
S : C’ est déconnecté de la personne que je suis. Je suis quelqu’un de flippé en manif, je vais pas du tout à l’affrontement. C’est toujours le même problème, les conversations entières ne sont pas là.
J : Vous utilisez Signal et Telegram. Pourquoi ?
S : C’est pratique, ma messagerie est automatiquement gérée par Signal.
J : Sur une conversation avec D., on vous entend préconiser l’utilisation de l’application Signal (plutôt que Silence), et vous envoyez par la suite le lien de téléchargement.
S : Oui c’est plus simple pour communiquer. Il y a plus de gens sur Signal et pas grand monde sur Silence.
J : Vous avez trois adresses mail, une gmail, une laposte et une protonmail. Pourquoi ?
S : J’avais envie de repartir à zéro avec protonmail, qui est plus sécurisé en terme de protection des données privées, mais je n’ai pas transféré tous mes contacts alors j’ai gardé les deux autres.
La juge lui demande quelles étaient les causes que F. mettaient le plus en avant. S répond le Rojava. Elle le questionne ensuite sur son intention de lui-même s’y rendre.
S : Oui ça m’a traversé l’esprit mais je savais que je n’étais pas un combattant (et je ne savais pas comment d’y m’investir autrement). Les discussions avec lui on fini d’achever mes doutes, malgré lui, il a fait de la prévention.
J : A aucun moment vous n’avez douté de l’utilisation de F. de vos expérimentations pyrotechniques ? Vous ne pensiez pas qu’il avait un plan caché ?
S : « Non, pas du tout ».
Stupeur : pas de questions du PNAT !
Avocate de S. (Me Becker)
Av : Savez-vous depuis quand vous êtes surveillé par la DGSI ?
S : Officiellement, 2 jours avant Paulnay. Officieusement, depuis décembre quand j’ai revu F.
L’avocate précise qu’il est resté sous surveillance « jusqu’à vos parloirs »
Av : Combien de conversations incriminantes ont été retenues contre vous ?
S : Beaucoup, car il y a des conversations retenues qui sont des conversations dans le cadre de mon travail (il énumère).
Av : Dans les messages retenus : une conversation échangée avec quelqu’un de Libertalia : Rojasor, Make Rojava Green Again.
S : Oui c’était ça le projet, mais je n’ai pas eu le temps car je donne la priorité à mon taf et à mon couple. Puis il y a eu l’arrestation.
L’avocate l’interroge sur l’accusation de détourner du matériel pyrotechnique. S. dit ne pas détourner du matériel pour des gens qu’il ne connaît pas. L’avocate parle de la déposition d’un collègue à lui à la DGSI. Elle cite une partie de sa déposition où il change de comportement à partir du moment où les policiers lui parlent de 2kg de charge active supposément retrouvé dans l’appartement de S. (Il n’y avait que 258g).
Elle récite plus tard cette personne sur une écoute téléphonique « on va faire des essais dans un champ à l’arrache », alors qu’il dit l’inverse à la DGSI.
Cette déposition est à charge alors qu’elle est basée sur de l’intimidation et des bases fausses. L’avocate l’interroge sur la manière dont S. peut récupérer du matériel.
S : « Sur les chantiers d’artifice c’est festival, on pouvait récupérer du matériel défectueux. Lors des tournages, il explique que les productions de film payent pour acheter plus de matériel que nécessaire car parfois il faut refaire la prise, une, deux ou trois fois si il y a un défaut dans l’effet pyrotechnique. Il prend en exemple le film « La proie » et le clip des cascades dont il a réalisé les effets.
L’avocate l’interroge sur un achat qu’il aurait fait avec les papiers d’un de ses collègues. S. explique qu’il n’avait pas encore reçu l’agrément pour acheter un produit pour un effet. Il pense qu’il a tardé à recevoir cet agrément car il pense être fiché S. Finalement il n’a pas pu acheter ledit produit car les papiers de son collègue n’étaient pas valides non plus, et il a acheté autre chose.
Av : Pourquoi pensez-vous être fiché S à ce moment là ?
S : Pour être un « artificier gaucho qui va en manif et est allé déjà 4 fois au Maroc ». A l’époque c’était la blague, maintenant ça me fait moins rire.
Av : le 6 décembre 2019, suite à une manifestation, 300 personnes sont arrêtées, dont vous. On contrôle vos antécédents, vous êtes alors déjà fiché S.
Me Souleil Balducci rappelle que Simon est sous surveillance de février à décembre 2020. Un appel du 26/05 est ajouté au dossier, Simon se renseigne pour l’agrément d’artificier qu’il attend, c’est une procédure de la préfécture qui vérifie que tout est ok et fait une enquête sur les personnes (vis à vis du terrorisme toussa…). Il l’obtiendra finalement en juillet 2020
L’avocate montre une page qui retranscrit le passage devant le juge d’instruction. Sa question – sur le « projet » – prend toute la page et la réponse tient en une ligne.
Av : Quel était le ton du juge ?
S : Je ne saurai pas dire, mais j’étais terrorisé.
Une page de détails sur Paulnay.
S : Je sais que nous avions prévu de nous revoir, j’étais curieux de revoir mon pote qui était allé au Rojava »
Réponse du juge d’instruction à l’époque : « Vous avez évidemment le droit de mentir ou de garder le silence mais vous feriez mieux de dire la vérité ». Qu’est ce que vous pensez maintenant de la réponse du juge ?
S : c’était un coup de pression
A : Et pourtant vos réponses n’ont jamais variées.
L’avocate revient sur la conversation autour des GJ et lui demande s’il a honte de ses propos.
S : « Non, enfin certains propos sont mal exprimés, à cause de l’alcool ».
Elle cite Jakobson sur la fonction emphatique du langage, qui serait parfois de juste établir un lien avec l’autre, la discussion comme fin en soi. « Parler pour parler » résume elle-même la présidente.
L’avocate revient sur le contexte de cette discussion. Ils se sont retrouvés à 17h, il est 23h lorsque l’évocation de « tuer des flics » arrive.
Elle lit la fin de la conversation :
S : « Je vais me coucher… »
F : Attends j’ai pas fini… » (rires à la barre et dans la salle)
S : Ah oui oui, on a atteint le point de non retour de la connerie.
Elle revient sur le dossier de judiciarisation et la phrase que S aurait dit : « je pourrais aller en prison ou mourrir » « On a entendu par 2 fois cette phrase à l’audience de la bouche de F. qui l’a dit aussi à sa mère. On peut dire qu’il est possible que cette phrase ne vous appartienne pas, non ? »
Sur la clandestinité qu’on lui reproche, notamment lors de leurs retrouvailles à Paulnay, elle rétorque que S. paye toujours par carte bleue et qu’il va voir les voisins plusieurs fois pendant les essais avec les explosifs.
L’avocate évoque la réception de 1100 euros, que S. a placés sur son Livret A (après s’être enquis auprès de Pôle Emploi qu’il n’y avait pas d’erreur), ce qui prouve qu’il n’a pas utilisé cet argent pour un quelconque « projet ».
Av : A combien de manifestations êtes-vous allé ?
S : Impossible à dire, mais beaucoup…
Av : Vous n’êtes jamais allé à l’affrontement ?
S : Non je suis cassé de partout, je ne vais pas jouer à un jeu auquel je ne peux pas jouer.
MANU
Sur l’ordinateur est retrouvée une image, représentant un photomontage de M. qui jette un cocktail molotov en direction de CRSS (détourné d’une image où il jette un bâton à ses chiens).
J : Avez-vous une attirance pour les black bloc ? jpp
M : Je n’ai rien à dire là-dessus, c’est juste un photomontage un peu bébette (il explique la photo d’origine).
La juge mentionne une autre image, qui évoque le black bloc.
M : Je ne sais pas ce que c’est cette image, c’est sans doute en téléchargeant de la musique que je l’ai récupérée.
J : Vous avez aussi été à Athènes et vous avez un dessin d’Exarchia avec un A d’anarchie et un engin incendiaire. Elle fait le lien avec Exarchia en tant que quartier anarchiste révolutionnaire et violent.
M : Je ne connaissais pas forcément ce quartier.
J : Avez-vous rencontré des individu.es violent.es à Exarchia, ou en Grèce ?
M : Pas du tout.
J : Le fait de prendre des notes tout le temps, pour vous ça n’a pas de lien avec une forme de projet ?
M : absolument, il n’y a rien dans mon carnet qui parle d’un projet terroriste, j’ai l’habitude de prendre des notes, c’est tout.
La juge insinue qu’il note quand même beaucoup de choses.
M. se défend en disant qu’il n’y a rien dans ses notes, tout comme il n’y a rien dans les écoutes, qui parle d’un quelconque projet ou de s’en prendre à qui que ce soit (il cite une retranscription où il parle des « chiens de garde ») : « Pour moi il y a une différence entre lutter et vouloir tuer ».
Assesseure de droite : rappelle la conversation à propos des drônes
Avocates de M. (Me Simon puis Me Vannier)
Avocate : Pouvez-vous me donner une définition de « l’ultra-gauche » ?
M : Je ne sais pas, peut-être il faut-il demander au parquet la définition.
Av : Par rapport au dessin d’Exarchia : la date de téléchargement est le 12 septembre 2019. C’était avant ou après votre voyage en Grèce ?
M : Je ne sais pas… C’est après.
Av : Est-ce que F. vous a incité à acheter une arme ?
M : Non.
Av : F. vous a-t-il incité à donner de l’argent pour une arme ?
M : Non.
Av : Étiez-vous à Parcoul ?
M : Non.
Av : Avez-vous fabriqué des explosifs ?
M : Non.
Av : Vous avez donné vos codes de téléphone. Il n’y avait rien à part des photos. Sur les 1400 il n’y en avait que 2,3 à charge (le montage photo, une photo avec un chien (??) et une photo d’un véhicule de gendarmerie, qui provient d’un autre téléphone, sûrement envoyée). Sur un autre téléphone, les seuls éléments gardés à charge sont des messages concernant des colis alimentaires du Samu. Elle revient sur le photomontage qui est daté d’il y a longtemps.
Av : Avez-vous une aversion envers les forces de l’ordre ?
M : Je critique les abus de pouvoir mais je suis dans la bienveillance et le dialogue… Je dis même bonjour aux policiers dans la salle…
Av : Pouvez-vous nous parler de l’inscription « BB » (que la DGSI a interprétée comme Black Bloc) avec des cœurs, sur fond d’une toile d’araignée ?
M : c’est juste une sérigraphie récupérée lors d’un atelier sérigraphi