Procès des inculpé-es du 8.12 - Semaine 3

Suivi de la troisième semaine du procès a Paris. Il a lieu du 3 au 27 octobre 2023 pendant 4 semaines du mardi au vendredi.

  • Ajout du CR détaillé du vendredi

     

  • Ajouts des CRs détaillés de mercredi et jeudi du blog du 8.12

     

  • Ajout du CR du vendredi de PLI

     

  • Ajouts des comptes rendus du mercredi et du jeudi de paris-luttes.info

     

Cet article relais les comptes rendus du procès publiés sur le blog de soutien aux inculpé-es du 8.12.

Pour en savoir plus sur l’affaire du 8.12.

Lire l’appel a solidarité international.

Vendredi 20 octobre : Témoins de la défense et début des auditions sur les moyens de communications

Témoin de CAMILLE

Comme pour les autres témoins, elle donne son identité, son âge, sa profession. Elle dit ne pas avoir de lien de parenté ou de subordination avec la prévenue. Et prête le serment des témoins, « Jurez vous de dire la vérité, rien que la vérité, toute la vérité ? », « Je le jure » (à l’ancienne).

Elle demande à avoir ses notes car elle est impressionnée.

C’est en tant que militante et camarade qu’elle vient témoigner.

Elles se rencontrent en 2018 et ont beaucoup travaillé ensemble sur plusieurs mobilisations, en 2019 et 2020 notamment gilets jaunes, féminisme, Collectif justice et vérité pour Babacar, avec des personnes exilées et sans-papiers.

La personne tient à affirmer que la qualification « association de malfaiteurs terroriste » ne ressemble en rien à C.

C. était inscrite en formation d’ambulancière avant son arrestation, puis à sa sortie de prison elle a trouvé un travail dans l’aide aux personnes à domicile.

C. est tournée vers les gens, solidaire et généreuse. Tout ceci va bien au-delà des mots, ce sont des valeurs fortes qui sont mises en pratique au quotidien. Elle veut construire une société sans violence ni oppression.

La personne tient à exprimer un grand choc d’être là dans cette salle, et une inquiétude par rapport à la tendance politique actuelle qui criminalise les mouvements sociaux.

Juge : « A quelle fréquence vous voyiez-vous ? »

Témoin : « Régulièrement, plutôt entre 2018 et 2020 ».

J : « Entreteniez-vous une correspondance pendant l’emprisonnement ? »

T : « Quelques cartes, oui ».

J : « Avez-vous fait une demande de permis pour la visiter ? »

T : « Non ».

Avocate de C :

A : »Pourquoi utiliser le mot « travail » pour des activités militantes ? »

T : « Car c’est un vrai travail, des heures de collaboration avec des gens, de recherche de solutions. ça prend de nombreuses heures par semaine, voir un temps plein pour certaines personnes ».

A : « Avez-vous jamais eu le moindre doute par rapport à l’accusation faite à C., qu’elle puisse être associée à une forme d’action violente ou terroriste ? »

T : « Jamais ».

Témoin SIMON

Témoin personnalité pour S. et en qualité d’artificier

Ils ont travaillé ensemble depuis 2012, pendant 8 ans, il était chef de tir et S. artificier. Il décrit S. comme quelqu’un de très sérieux et appliqué, avait une grande confiance en lui et un plaisir à travailler ensemble.

Juge : « Aviez-vous connaissance du reste de ses activités, plus personnelles ? »

T : « Bien sûr, on a beaucoup discuté, notamment de ce qu’il faisait dans ces autres chantiers et de sa passion pour les effets spéciaux. »

J : « Vous communiquez-vous des trucs et astuces entre artificiers ? »

T : « Oui, il y a peu de place pour la fantaisie dans un cadre normé, mais dans d’autres cadres c’est vous qui devez inventer. On part de produits normés qu’on modifie ou augmente selon la demande des clients, mais toujours de manière sécurisée. Quand un client demande quelque chose qui n’existe pas en artifice habituel, on fait des tests ou des augmentations d’effets ».

J : « Discutiez-vous de certaines commandes ? »

T : « Jusqu’à l’arrestation oui, il m’a montré des vidéos de ce qu’il avait fait. Puis l’arrestation l’a empêché. »

J : « Partagiez-vous vos interrogations sur la sécurité ? »

T : « On va souvent à la limite de ce qui est permis, pour répondre à la demande d’un client en effets spéciaux. On augmente la sécurité proportionnellement à l’augmentation des effets des produits, et comme le terrain est sécurisé, ça compense que l’effet soit limite ».

J : « Est-ce que la différence hiérarchique entraîne une différence d’autorisation administrative ? De savoirs ? »

T : « Non, on avait la même formation, les mêmes accréditations, les mêmes compétences. Juste la responsabilité en plus d’être chef de tir lié au CDI pour moi. »

J : « Vous êtes vous déjà rendu à l’un de ses domiciles ? Aviez-vous visité le terrain de camping de S ? »

T : « Une fois vers 2014-15 ».

J : « Aviez-vous fait des essais d’explosifs ? »

T : « Non. »

J : « Saviez-vous qu’il pouvait expérimenter là-bas ? »

T : « Non. »

J : « Chez Disney on ne pouvait pas faire d’essai ? »

T : (rires) « Non ».

J : « Aviez-vous accès à un ordinateur au travail ? »

T : « Non ».

ProcHORREUR :

P : « Avez-vous travaillé dans des films ? »

T : « Une fois, j’ai utilisé des produits tout fait pour le coup. »

P : « Par rapport à l’animation avec les militaires et la modification d’artifices normés, y a-t-il plusieurs catégories ?

T : « Dans le cadre de mon CDI, on simulait des explosions sur un terrain militaire. C1-2-3 pour tout le monde, C4 est réservé pour ceux qui ont les accréditations ».

P : « Connaissez-vous le nitrate d’ammonium fondu/sucre ? »

T : « Non, le nitrate d’amonium ça m’évoque AZF et le Liban, c’est tout ».

P : « Connaissez-vous le TATP, l’ANFO ? »

T : « Aucun. »

P : « En tant qu’artificier, vous n’avez pas à les connaître ? »

T : « Il ne faut pas tout mélanger, c’est du divertissement ».

P : « Est-ce que ça rentre dans le cadre légal ? »

T : « Ca peut, selon la demande du client, la mission, pour un effet spécial demandé, ça pourrait ».

Avocate de S.(Me Souleil Balducci) :

A : « Vous avez travaillé 7 ans avec S., comment était-il au travail ? »

T : « Très sérieux, très bonne maîtrise, j’avais une grande confiance en lui. Il n’est pas passé chef car l’équipe de CDI était fixe et ce n’était pas envisageable pour la boite que les extérieurs prennent ce poste ».

A : « Qui sont vos collègues ? »

T : « Un peu de tout, d’anciens postiers, policiers, militaires… en tout cas tous passionnés, il faut être passionné pour être artificier ».

A : « Les anciens policiers et militaires ont il côtoie S. ? Y a-t-il eu des remarques ou discussions par rapport à son tatouage ACAB sur les phallanges ? »

T : « Il y a eu des discussions, mais toujours calmes et posées, rien de véhément, dans la bonne entente ».

A : « Quel type de formation avez vous suivie ? »

T : « Très courte, 3 jours de théorie et 2 jours de pratique ».

A : « Alors que vous manipulez des objets dangereux, il n’y a aucune formation particulière ? »

T : « Non, c’est au chef de tir de veiller à faire respecter les règles de sécurités, la seule école c’est le terrain, comme dans beaucoup de métiers du spectacle ».

A : « S. parle de bidouilles, vous confirmez ce terme ? »

T : « Oui il y a beaucoup d’auto-formation, de partage d’expériences. On essaye soi-même ou on fait des demandes aux autres. On doit pouvoir réagir si quelque chose ne marche pas ».

A : « S. n’est pas qu’artificier, il faisait aussi des effets spéciaux ».

T : « Oui, il y a des règles différentes entre le spectacle de pyrotechnie et les autres contextes ».

A : « Par rapport à l’animation militaire qu’il vous a été demandé de faire, quelle limite posiez-vous au détournement des produits d’artifices ? »

T : « La sécurité. J’ai pris un produit normé de spectacle et j’y ait ajouté des sachets d’essence. C’était pour le CPAT, une simulation de guerre. Pour faire comprendre aux bidasses où ne pas passer (rires). ».

A : « S. a-t-il répondu à cette règle ? »

T : « Oui. J’ai discuté avec beaucoup d’artificiers, il n’existe pas d’école d’effets spéciaux. Il faut être Mc Gyver ou l’Agence tous risques, on apprend sur le terrain et il faut pouvoir réagir ».

A : « Par rapport au matériel, vous en avez sur vous ? »

T : « Toujours, c’est la base pour un artificier d’avoir dans son sac les éléments de base, également dans sa voiture, un sac avec du matériel, des piles, des fil pour allonger une mèche, etc. ».

A : « Avez-vous observé une frustration chez S. au sein de son évolution dans la boite, qu’il était à un carrefour de sa carrière ? »

T : « Il se savait bloqué dans l’évolution de carrière dans cette entreprise, il voulait plus d’activité que le ShowDreams (Disney), il a commencé à developper ses activités à côté ».

A : « Utilisait-il l’accès internet de son employeur pour faire des recherches dérangeantes ? »

T : « Non, il n’y avait pas d’ordinateur ».

A : « Le procHORREUR a dit : « un artifice est une chose, un explosif en est une autre » ».

T : « Un artifice de divertissement est un explosif à la base avec une matière active dedans. Il n’est pas prévu pour la destruction mais c’est un explosif quand même ».

A : « Chez S. nous avons trouvé des bocaux avec de la poudre noire, que pouvez-vous nous dire de la poudre noire ? »

T : « C’est le composant principal des artifices, ça prend feu et fait réagir autre chose ».

A : « Comment on s’en procure ? »

T : « On ne peut pas s’en procurer, mais il suffit de la prendre là où elle est, dans les pétards vendus n’importe ou par exemple ».

A : « Que pensez-vous du fait que 2kg de poudre noire aient été retrouvés chez S ? »

T : « Mon F4 est un peu loin mais ça ne me fait pas sauter au plafond.

A : « Et concernant le transport et le stockage ? »

T : « Le transport c’est jusqu’à 10kg, le stockage normalement c’est spécifique mais pour des petites quantités c’est ok ».

A : « C’était possible de sortir des produits de l’entreprise ? »

T : « Absolument impossible tant que j’étais là, donc sur toute la période de S., j’y veillais personnellement ».

CAMILLE. moyens de communication

La juge cite les éléments électroniques qui ont été saisis, un téléphone et une clé USB. Sur cette clé se trouvait les documents sur lesquels elle a été interrogé. Elle rappelle qu’en GAV elle a refusé de donné les conventions de cryptage, notamment de Signal. « Vous dites tenir beaucoup à votre vie privée, et que pour utiliser cette application vous avez changé de numéro à plusieurs reprises ». Comme dit précédemment dans les débats, elle rappelle que l’utilisation de cette application n’est pas interdite, mais qu’ « on peut poser la question sur le pourquoi une volonté de dissimulation ». Elle rappelle ce qu’a dit C. : « C’est ma vie privée, je n’ai pas à donner accès à des documents personnels ».

J : Estimez-vous toujours que ça vous est personnel, même dans le cadre d’une enquête pénale ?

C : Oui je l’ai manifesté à de nombreuses reprises, mon attachement à la vie privée et à l’intimité. J’ai expliqué mon refus de donner les clés de chiffrement dans une procédure… dont je me demandais pourquoi j’étais là.

Elle précise qu’il y a une confusion importante dans ce qu’a dit la juge au début, elle n’a toujours eu qu’un seul numéro signal, associé à sa carte sim.

J : Dans une conversation avec votre amie J., vous évoquez le fait de tenter de changer de numéro.

C : Oui J. et moi regardions son nouveau téléphone, elle n’a jamais eu de smartphone, donc on a regardé ensemble comment regarder Signal avec un numéro éphémère sur internet et l’avons testé toutes les deux. Sa sim était dans son ancien téléphone. J’en ai profité d’avoir un nouveau téléphone commandé pour ma mère pour tester l’application avec J.

J : Vous lui demandiez « As-tu testé ton numéro ? », et elle répond « J’ai pas réussi », puis vous dites « mais c’est pas le même numéro tu sais, c’est un autre que tu n’as pas encore ».

C : Oui ça a bugué, j’ai pas réussi j’ai dû en faire un nouveau.

J : Vous parlez ensuite du code nip « qu’il faut re-rentrer régulièrement pour que le numéro fonctionne ».

C : Oui sinon le numéro est donné à quelqu’un d’autre.

J : Votre téléphone a donc été décrypté par les services techniques. Vous avez différents groupes Signal, notamment PIMPAMPUM, groupe avec les personnes qui sont au squat PUM.

C : Oui pour rentrer, sortir, avec la clé, quand j’ai été amenée à y aller.

J : Dans votre téléphone, on peut voir vos photos, des messages, les groupes Signal, les groupes coloc, etc. Nous avons extrait une liste de numéros de téléphone, mais il y a aucune trace de message avec F.

C : Je ne comprends pas, nous communiquions sur Signal, y’en a plein d’exemples dans la procédure, je ne comprends pas.

J : Vous parlez de cet usage pour avoir une certaine intimité et ne pas être surveillée.

C : Non je n’ai pas de craintes particulières d’être surveillée, mais pour des raisons éthiques et politiques à des entreprises qui font du profilage commercial, ça fait des années que j’oriente mes choix d’outils de communication dans ce sens.

J : Vous avez pu poser des questions à F. sur ses propres craintes à lui d’être surveillé. Il vous en a fait part ?

C : C’est évident que F. faisait attention à sa manière de communiquer, c’est un choix qui s’entend et que plein de personnes partagent.

J : Partagé par craintes de la surveillance ?

C : Non.

J : Vous a-t-il demandé de prendre des précautions ?

C : Non.

J : Vous lui prêtiez votre téléphone comme à n’importe qui ?

C : Oui.

J : Il y a cette fameuse clé USB dans vos affaires. On y trouve différents documents engagés, un sur une militante du PKK, un sur le Pumbat, un sur Action directe et l’usage de violence pour la révolution, un document sur « s ‘armer » pour la révolution, un document qui se nomme « Brûle ton école ».

Vous avez dit au sujet de ces documents que de les détenir n’en fait pas forcément votre centre d’intérêt, ne veut pas dire que vous y adhérez.

C : En effet je trouve important de dire qu’il y a quantité de choses différentes et ça n’est pas pour ça qu’on adhère à tous les mots. Je précise que Zera Dogan n’est pas une militante du PKK, mais qu’elle a été enfermée 600 jours en Turquie pour avoir publié une image d’un enfant victime des crimes de guerre d’Erdogan. Ce texte a été publié sur Ballast et le fanzine est un extrait de livre. Il parle surtout d’un vécu de femme en prison. Encore une fois ce sont 5 brochures au milieu de plusieurs dizaines d’autres, nous avons demandé de les avoir toutes pour avoir un point de vue plus large, car un regard féministe aurait retenu autre chose dont des brochures sur la gynécologie, un regard historique aurait retenu celles sur les luttes des peuples indigènes, un regard d’éducation populaire aurait retenu celles sur l’agisme ou sur la communication avec les enfants. Mais ça n’a pas été possible. Je veux bien répondre aux questions sur chacune de ces brochures.

J : Vous êtes attachée au travail avec les enfants, c’est étonnant cette brochure sur « brûler son école ».

C : Ce sont des contes satiriques, qui parlent du mal-être qui peut intervenir dans le milieu scolaire. J’espère qu’on peut encore avoir de l’humour noir.

J : Et la brochure sur Action Directe, dans les documents « à imprimer », qui parle de l’utilisation de la violence ?

C : C’est biaisé, tronqué comme approche, et je m’intéresse théoriquement à beaucoup de mouvements, je trouve ça important de se questionner, ça ne veut pas dire que je veux prôner la révolution armée ! Je vous affirme que ce n’est pas le cas. C’est important de se construire son avis sur la question, ça n’est pas pour ça que je veux l’utiliser.

J : Vous servez-vous de l’environnement Tails ?

C : Pas avant l’instruction non, mais maintenant je stocke tout mon dossier d’instruction sur une clé tails.

J : Mais vous aviez une clé ?

C : Non j’en ai fait une depuis, car ce sont des données sensibles. J’ai appris à l’utiliser avec F. sur un aprem, il faisait un atelier sur ça.

J : A l’époque, ça vous a paru intéressant ?

C : C’était pas une découverte, c’est un outil que je connaissais, des présentations de Tails se font régulièrement dans les milieux militants.

J : Vous avez aussi un VPN riseup, pourquoi celui là ? Il est plus sécurisé ?

C : Il est gratuit, facilement accessible, c’est un outil d’éducation populaire. Les autres sont chers.

J : P. a décrit l’après-midi atelier sur l’utilisation de tails avec une sensation d’illégalité. Et vous ?

C : Absolument pas. C’est peut être que l’informatique lui fait peur.

J : Par rapport au refus de donner les codes, vous aviez conscience que c’était une infraction

C : Oui, ça me tenait beaucoup à cœur dans un moment de vulnérabilité où tout vous échappe. C’est le strict minimum d’intimité qui vous reste. Ca a d’ailleurs été noté dans le PV de GAV où je dis que j’ai déjà accepté, sous la menace d’une agression sexuelle, la prise ADN, donc que ce qui me restait d’intimité je le gardais.

Juge assesseure de droite

JA : Saviez-vous que si vous refusiez de donner vos codes les opérations de « craquage » pouvaient risquer d’endommager vos données ?

C : Non on ne me l’avait pas dit.

JA : Clé tail, proton mail, linux… tout un arsenal de défense (si si elle a vraiment dit ça !!) qui montre une volonté de dissimulation ?

C : Ce sont des outils banals, des millions de personnes les utilisent dans le monde, ils répondent à une problématique d’absence de vie privée face à l’extension du numérique.

15h37. (Proc-roi entre en scène et il va se faire fermer son caquet).

Procureur

P : Vous avez refusé en GAV puis devant le juge d’instruction de donner vos codes.

C : Oui c’est pourquoi je me trouve devant vous aujourd’hui.

P : Donc à deux reprises vous avez persisté ?

C : A partir du moment ou vous avez la totalité de mes infos sous les yeux, pourquoi est-ce encore un sujet ? Oui j’ai voulu continuer à défendre mon attachement à ma vie privée et à mon intimité. Je l’ai aussi exprimé dans d’autres endroits, notamment dans les fouilles à nu, ou dans le fait de ne pas dévoiler les détails de la relation avec F.

P : Vous critiquez le fait que les enquêteurs n’ont retenu que certains documents mais c’est parce que les autres documents n’ont pas de lien avec le terrorisme ?

C : Quand on vous présente comme quelqu’un de dangereux et que vous êtes accusé de terrorisme il me semble que l’on se doit d’étudier votre personnalité dans son entièreté, il n’y a aucun fait qui viendrait appuyer cette idée.

P : Que pensez vous de la légitimité de la violence révolutionnaire en politique ?

C : Vous employez des termes généraux qui sont déjà biaisés dès le début. Je ne suis pas historienne des mouvements révolutionnaires. Si la question est claire et que vous me demandez « faites-vous usage de la violence dans vos actions militantes ? », je peux vous répondre que non, mais c’est tout.

bruit d’approbation dans la salle

P : Lors d’une audition hier on a pu entendre que les milieux militants apprenaient de leurs erreurs passées et que la violence était inutile aujourd’hui car la société ne l’accepterait pas, qu’en pensez vous ?

C : Vous jouez avec la sémantique, vous reformulez la même question avec d’autres mots. Vous me demandez encore de me positionner sur l’envergure d’un mouvement. Je n’ai pas envie de vous parlez de ça. Ca n’est pas le lieu. Mais si vous me demandez mon positionnement politique, il est fait de multiples choses. Mon chemin politique ne va pas vers l’utilisation de la violence. Dans l’ORTC je suis décrite comme imprégnée et « adhérente à la cause anarchiste » comme a dit Herbault, je n’ai jamais dit ça de moi-même. Je n’aime pas me désigner par des étiquettes, mais je suis intéressée par les luttes féministes, antiracistes (elle fait une longue liste de toutes les luttes qui l’intéressent, puis elle récite la témoin du début d’audience pour dire qu’elle en a donné un aperçu). Mais toujours pareil, non je ne l’utilise pas , c’est mon propre positionnement politique, j’ai toujours parlé des causes qui m’animent, je ne fuis pas une question, mais cette audience n’est pas un lieu de débat politique. Je veux bien répondre sur une question précise et personnelle, et j’y ai déjà largement répondu, mais pas sur un positionnement général.

P : Et donc que pensez-vous de Nathalie Ménigon et Jean marc Rouillan (exclamation dans la salle) ?

C : Ce n’est pas ma manière de faire.

P : Est-ce que ce sont des terroristes ?

C : Je ne suis pas en faveur des assassinats commis par Action Directe mais l’utilisation du mot terroriste est instrumentalisée, je ne répondrai pas là-dessus.

Avocate de C (Me Challot)

A : Le thème de cet interrogatoire c’était le chiffrement non ?

A : On vous a rendu votre téléphone avec toutes ces informations dangereuses dedans ?

C : Oui (rires dans la salle).

A : Qui est P. ?

C : Ma maman.

A : FX ?

C : Mon oncle.

A : C. coloc ?

C : (rires) Ma coloc.

A : Votre oncle a une ressourcerie et nombre de vos disques durs viennent de là ?

C : Oui

A : Il y a une clé USB avec des chants néonazis. Vous vivez avec des néonazis ?

C : (rires) Non.

A : Lors de l’exploitation du téléphone, il est fait un ratio de son utilisation sms/appel en clair/ data (différentes connexions internet, video, musique, mail, whatsapp, signal, etc.)

Sms en clair : 53 %

Appels en clair : 14 %

Data : 10 %

Il est toujours question de ratio.

A (Arnoult) : Le PNAT est complètement perdu dès lors qu’on sort d’un éventuel passage à l’acte

(à la fin il parle du Spikelee sur Malcom X, une histoire de sous-titre qui a le même nom qu’une des brochures…)

LOIC. moyens de communication

L. a la barre est interrogé sur les communications « cryptées ». Il semble plus en forme.

J : Lors de votre première déposition on vous interroge sur l’utilisation de Signal et vous ne souhaitez pas communiquer vos identifiants. Vous précisez les mêmes éléments que vient de nous exposer C. Je vous redemande pourquoi ce refus ?

L : Pour protéger ma vie privée sur la toile, un comportement éthique.

J : Vous vouliez protéger votre vie privée et également les autres ? Vous vouliez protéger autre chose ?

L : Tout en même temps, je ne voulais incriminer personne en garde a vue, en particulier F. parce qu’il utilisait Signal.

J : Il n y avait pas que lui ?

L : Non mais là, à ce moment-là, il était question de lui.

(Emploi du mot milieu radical par la Juge elle lit le PV de GAV)

Je profite d’avoir de meilleures capacités d’expression aujourd’hui pour m’exprimer sur le mot « radical », ce vocabulaire n’est pas le mien, je ne vois pas ce qu’il fait dans le PV d’audition ; oui j’ai toujours été en marge, depuis tout petit, dans ma culture… Mais je n’emploie pas le mot radical.

J : Vous utilisiez Signal, Tor, clefs tails… Elle fait la relecture du PV d’audition et de la question suivante « Cherchiez-vous à dissimuler vos activités ? Est ce que vous aviez certaines peurs concernant les modes de communication ? » A cette question vous aviez répondu « oui et non » ; on ne comprend pas de quoi vous vouliez parler. C’est curieux cette réponse…

L. parle du droit à sa vie privée, que depuis le début de l’affaire sa vie est entièrement dévoilée et ici aussi pendant le procès. Il dit « c’est un viol ».

J : Vous vous rappelez de votre réponse lors de la 4eme audition concernant le fait que Florian était parano ?

L : J’avais laissé mon téléphone dans le véhicule ou ailleurs quand on s’est vu. J’ai pas toute ma tête lorsque je suis soumis au stress ; cette 4ème audition était très difficile pour moi.

J : Vous aviez mis en avant F. dans vos réponses, précisant que F vous avait demandé d’installer Signal afin d’être plus « sécure ». Vous aviez installé Signal avant de rencontrer F. ?

L : Evidemment.

J : Qu’est ce qui fait que vous aviez installé Signal ?

L : Depuis tout le temps j’utilise Signal dans ce milieu de gauche, marginal, comme vous voulez. C’est quelque chose de tellement évidemment, c’est comme riseup ou proton, c’est « bateau », quoi. Il y a une notion de préserver nos données personnelles face au GAFAM .C’est comme conduite à droite. Rires dans la salle.

J : A la sixième déposition vous êtes requis de donner vos codes de chiffrements afin d’accéder à des supports sous scellés et on vous informe qu’en cas de refus, vous êtes passible de poursuites ; vous avez refusé de les donner, pourquoi ?

L : A ce moment-là je suis seul au monde, je suis parano, je suis méfiant, il y a tout mon monde qui s’écroule. On me pose des questions sur plein de choses qui ratissent hyper large, ca me fait flipper à mort. Il me reste mon cœur, mon intimité, rien de plus, j’ai plus que ça à protéger.

J : Est-ce que ce n’est pas plutôt par crainte qu’il y ait la découverte d’éléments à charge contre vous ?

L : Etant à la DGSI, je me suis dit dans tous les cas ils vont tout craquer. J’ai rien à cacher sur mes supports de toute manière ils vont tout craquer. Mon avocat ma dit « ils savent tout. Vous dites tout ». Je sais plus comment il s’appelle cet avocat mais je le recommande pas d’ailleurs. Rires dans la salle.

La juge cherche vaguement le nom de l’avocat.

La juge fait référence à un interrogatoire avec le juge d’instruction.

Juge : Vous êtes interrogé par le juge d’instruction sur l’usage de cette application (Signal). Dans la retranscription des écoutes téléphoniques avec Cy., il est noté que lorsque Cy. vous interroge sur le pourquoi d’avoir deux lignes téléphoniques, vous répondez sur un ton mystérieux. La juge précise : bon c’est ce que la DGSI a noté (la salle rigole) ; que vous ne pouvez vous plus utiliser une ligne à la suite d’un bug.

L : Je ne vois pas en quoi un bug c’est mystérieux.

J : Pouvez-vous me dire pourquoi vous utilisiez Signal, avec qui, quand ?

L : J’utilisais et j’utilise Signal parce que c’est la base quoi. (RIRES dans la salle).

J : L’aspect mystérieux va revenir un peu plus loin dans votre interrogatoire, quand vous êtes interrogé sur Tor. Vous dites les avoir découvert à Sivens. Donc vous connaissez ces applications depuis Sivens ? Donc vous connaissiez ces applications 6 ans avant votre arrestation ?

L : Oui j’ai fait un atelier à Sivens là-dessus, c’est assez banal dans ce milieu….

J’avoue qu’il y avait un côté mystérieux dans le fait d’utiliser Signal. Ca me donnait un genre quoi. Dans ce milieu les gens sont plutôt low teck, ils n’ont pas de Smartphone, pas de télé… Quand vous trainez avec des gens qui font pousser des carottes avec des outils datant de Mathusalem, forcément quand on arrive avec un truc comme Signal ou Tails et que vous en parlez avec un ton mystérieux, ça impressionne, ça donne un genre. S’agissant de Cy. bah j’avoue c’était de la drague.

La question est encore répétée plusieurs fois, Loïc apporte les mêmes réponses.

L : Quand je suis dans une procédure qui me broie, ne pas donner mes codes de chiffrement, c’est pour garder une certaine forme de liberté. C’est ma modeste contestation de dire : « je ne suis pas d’accord, c’est ma liberté. ». Si je dois être enfermé au moins il y aura une raison.

J : Vous ne vous êtes pas dit que les éléments de votre téléphone, que l’exploitation de votre Signal pourrait être à décharge ?

J : En juin 2021 on vous réinterroge sur les applis en lien notamment avec les notes de M. Est-ce que vous vous souvenez d’une réunion sur ces sujets avec M. ?

J : Si vous avez utilisé Signal pour vous rencontrer tous les trois, c’est…. (la juge semble hésitante) par volonté de dissimulation ?

L : C’est normal, c’est bateau d’utiliser Signal, c’est comme un SMS.

J : lors de l’exploitation de votre ordinateur, de vos données, certains de vos fichiers ont été endommagés. On a pu savoir que vous faisiez beaucoup de recherche sur des sites en lien avec l’Airsoft. Il y avait des fichiers qui n’étaient pas consultables sans la clef Tails et des documents en lien avec l’association « La Passion des Amis ».

Suite à cet état des lieux, la parole est donnée à Mme la procureure.

16H50 : le procureur est sur son téléphone portable, il ne semble pas écouter.

La proc : J’ai une seule question. Vous utilisez votre numéro habituel pour Signal ou une autre ligne téléphonique ?

L : Oui celui d’A. On était ensemble à l’époque.

Proc : D’accord. Donc pourquoi C. parle, lors d’un échange téléphonique avec vous, de vos deux lignes ? C’est habituel d’avoir deux lignes ?

L. répond vaguement mais il parle de drague.

L : Je ne comprends pas.

Proc : Oui mais ce qui m’interroge, c’est que la discussion vient d’elle et elle vous répond « Quelle vie tu mènes » ?

L : Je vous répète c’est pour la drague et vous voyez ça marche.

L : Ca y est je me souviens, j’avais deux lignes. Une ligne à 2€ et donc pas de datas. Et une autre.

Maître Tort (avocate de L.) :

A : Au vue des circonstances en garde à vue, lors de votre première audition, on vous demande votre identité, votre domicile, vos études, vos comptes bancaires, vos patrimoines puis on vous parle de vos moyens de communication afin de savoir avec qui vous utilisez ces applications. A la première question « Qui ? », vous répondez : « Avec les copains ». On vous redemande : « Qui ? ». Vous répondez : « J’ai revu Flo à la campagne. » Pourquoi à cette deuxième question « Qui ? », vous répondez « J’ai revu Flo à la campagne. » ?

L : Je ne sais pas. On parle de lui (F.D) en garde à vue. Ce serait bien d’avoir les vidéos des interrogatoires.

A : Est-ce qu’on vous suggère des choses qui sont hors du PV d’audition ?

L : Possible. Fort possible. Je ne peux pas attester qu’on me parle de F. Je suis en état de stress, je perds mes moyens, je suis plus bon à rien. Quand on me parle de terrorisme, je pense à F. parce qu’il est allé au Rojava. Je sais que les vétérans du Rojava sont surveillés par la DGSI. Je pense à la DGSI et là je suis justement à la DGSI accusé de terrorisme.

Avocate : La réponse que vous avez confirmé « j’ai laissé mon portable dans son camion ». C’est un comportement général de longue date dans vos utilisations ? Il y a bien une différence dans ce moment-là que vous faites entre venir avec son téléphone et l’utilisation de ces applications ?

L. ne comprend pas.

A : Il se savait surveillé après la parution de l’article de Mediapart sur la surveillance des ex-volontaires partis au Rojava. Il vous en avait parle ?

L : Oui, il m’avait parlé de sa peur d’être surveillé par la DGSI, peur pour lui et pour ses proches.

A : Mais finalement, vous utilisez Signal avec d’autres personnes, donc pourquoi au deuxième « Qui ? » vous répondez « J’ai revu F. à la campagne. » ? Qu’est-ce qu’on constate dans cette phrase ?

L : Je dois être vif d’esprit à ce moment-là (de son interrogatoire). Rires dans la salle.

Il précise que c’est de l’ironie.

Avocate : Est-ce que ce ne sont pas des éléments faits pour que vous donniez les codes ?

L : Bien sûr. Je suis dans la méfiance absolue. Je suis complètent démuni. Je dis seulement ce que la DGSI me souffle, ce qu’elle attend de moi. C’est l’inverse d’un processus de vérité. En PNL, on prend des éléments et on arrive ensuite à une conclusion et pas l’inverse.

L : j’étais sûr que la DGSI allait craquer mon téléphone et découvrir les éléments à décharge.

L’avocate n’est plus très claire dans ses questions. Elle tente de lui poser encore une question.

L : Je n’ai pas compris la question.

A : C’était pourtant une question simple. (A la juge) Je suis complètement débile et lui n’en est pas loin.

L. rigole.

Présidente : Soyez sérieux M. M., ici c’est une affaire sérieuse.

L : Je fais de mon mieux Mme la présidente. Il s’excuse.

L’avocate retourne à sa place, après des excuses à la présidente, tout en précisant à la juge qu’elle n’est pas en état aujourd’hui et qu’elle ne souhaite plus poser de questions à son client.

Maitre Bonaglia :

Je voudrais revenir sur la fameuse phrase « J’ai vu F. à la campagne ». Vous répondez cette phase lors de votre première audition, soit 12h après votre interpellation. Pourquoi les enquêteurs ne vous demandent pas qui est F. à ce moment ?

A 22H24, il n’y a eu aucune question sur F., donc avant votre réponse sur F., à aucun moment sur le PV d’audition, on ne vous a parlé de F.

L : Oui, donc ça ne vient pas de moi.

Maitre B. : A votre avis, combien de temps vous êtes resté en garde à vue sans qu’on vous mentionne le prénom de F. ?

L. : Je ne sais pas, 1h…

Maitre B : C’est le 9 décembre à 15h10 qu’on vous demande pour la première fois si vous connaissez F.d’après les PV.

Témoin CAMILLE chiffrement et numérique

Il intervient en tant que spécialiste en technologies de chiffrement et développeur de l’application SILENCE, application citée dans le dossier d’instruction.

Il est aussi juriste à la Quadrature du Net, mais n’intervient pas sous cette casquette, il a pris un jour de congé.

Serment, blablabla

Il précise qu’il n’est pas un témoin direct étant donné qu’il ne connaît pas les prévenu.es.

La présidente lui demande la durée approximative de son intervention.

Il répond qu’il en a pour une demi-heure environ, suivie de réponses aux questions s’il y en a.

La présidente fait remarquer que c’est un peu trop long et lui précise qu’il faudra condenser tout ça. Des personnes de la salle rappellent le long entretien de l’expert en explosif, qui avait duré plus de trois heures, questions comprises. La présidente bafouille une justification comme quoi le statut d’expert lui permettait ce privilège…

Mise en place de l’écran qui se déroule, connexion, petite lumière tamisée.

Le témoin reprend : « Je suis surtout là car je suis développeur d’une des applications citées dans le dossier : Silence. À côté je suis aussi juriste sur les questions des droits de l’Homme, et des libertés fondamentales ».

Une slide s’affiche à l’écran avec une citation du dossier venant de la DGSI sur le comportement présumé clandestin de l’utilisation de ces outils numériques et applications cryptées.

S’en suit un échange qui se tend très rapidement sur la légalité d’avoir eu accès au dossier d’instruction, de la part de la présidente et du procureur, qui le menacent d’illégalité d’avoir eu accès à ce dossier, en lien avec le secret de l’instruction.

Le témoin et l’avocat de C. les reprennent en se défendant qu’il n’a eu accès au dossier qu’au printemps 2023, époque à laquelle le secret d’instruction avait était levé.

Le témoin reprend donc sur la slide et la citation de la DGSI en pointant l’interprétation et l’accusation de comportement clandestin de leur part quant à l’usage de tels outils de chiffrement.

Très vite la présidente lui demande de garder sa casquette d’expertise numérique, et de ne pas faire part de ses « opinions » en mettant de côté sa casquette de juriste.

Il répond que c’est sous cette casquette qu’il est venu.

La tension est déjà, après quelques minutes d’entretien, bien palpable, mais le témoin reste sérieux et calme.

Il continue en disant qu’il est venu pour mieux définir les usages de mots et de contexte, utilisés par la DGSI dans leur rapport, et explique clairement que l’usage répété du mot « crypté » et de ses déclinaisons n’est pas approprié et ne correspond pas à ce qui y est abordé.

Il devrait plutôt être question de « chiffrement », et non de « cryptage ».

« Le chiffrement est un protocole, un standard technique, qui se retrouve aujourd’hui partout. On l’utilise au quotidien sans même le savoir, sur nos ordinateurs, nos smartphones, nos applications, ne serait qu’avec le protocole d’accès aux site web https:/ par exemple.

Le chiffrement est partout car nos vies sont numériques ».

Il explique que cette pratique du chiffrement est arrivée via des mesures de sécurité de la part des banques, du monde de l’industrie, du commerce, qui avaient, et ont toujours besoin de se protéger des menaces de cyberattaques, des vols de données.

« Cela revient, sans chiffrement, à ne pas avoir de serrure sur sa porte, ou de code sur sa carte bancaire ».

Beaucoup d’institutions recommandent vivement l’usage du chiffrement numérique, et en font la promotion, comme l’ANSSI, la CCNum, la CNIL, etc.

« Pourtant, dans cette affaire, les bonnes pratiques numériques sont assimilées à une pratique clandestine ».

Il parle des problèmes de forme, et de fond dans ce dossier.

Pour la forme, il s’agit de l’usage d’un vocabulaire autour du danger, de la clandestinité des pratiques.

Pour le fond, des erreurs et des approximations techniques de la part de la DGSI, et de la décontextualisation des pratiques d’hygiène numérique.

S’en suivent plusieurs slides visant à démystifier et balayer les contre-vérités attribuées aux applications, et autre logiciels, chiffrés, cités dans le dossier.

SIGNAL

Le PNAT souligne quant à Signal « le culte du secret, et l’obsession de la discrétion ».

Il compare pourtant cette application à WhatsApp, qui a exactement la même protection, et utilise le même protocole de chiffrement que Signal, et qui est utilisé par des milliards d’utilisateurs (2 milliards en 2020).

La seule différence réside dans le fait que WhatsApp retire une exploitation commerciale des données de ses utilisateurs, pour l’entreprise META (Facebook).

TOR et TOR Browser

TOR et TOR Browser sont apparus dans un contexte de données personnelles largement exploitées commercialement par les maisons mères des autres logiciels et applications existants, notamment les fameux GAFAM (Google Amazon Facebook Apple Microsoft).

Ces pratiques sont sanctionnées par la CNIL.

TOR Browser est un navigateur internet basé sur le protocole TOR, pour protéger les adresses I.P.

Il est conçu pour empêcher au maximum le partage de données, contrairement par exemple à Chrome, développé par Google, qui récupère ainsi des milliards de données personnelles de navigation.

LINUX

C’est un système d’exploitation, comme le sont Windows et MacOS, mais contrairement à ces derniers, il a été développé en sources libres (accès ouvert et transparent aux codes de développement du logiciel). Il est conçu pour ne pas espionner ses utilisateurs, et récupérer de données personnelles.

Il permet aussi par son accès libre, de donner par exemple une deuxième vie aux ordinateurs de seconde main.

Dans le dossier, il est perpétué le mythe que de savoir installer Linux serait un savoir-faire avancé, destiné à un usage clandestin.

Le témoin balaye cette contre-vérité à charge, en expliquant que l’installation est très facile et qu’on peut même en trouver le mode d’emploi à la FNAC.

TAILS

C’est un système d’exploitation basé sur une distribution Linux grand public, que l’on installe sur une clé USB.

Il permet d’avoir accès à un système d’exploitation sécurisé simple, emportable partout avec soi, et non dépendant d’un ordinateur en particulier.

Il peut être destiné aux personnes n’ayant aucune connaissance en informatique, mais aussi par exemple aux journalistes pour transporter et protéger leurs données.

L’idée diffusée par la DGSI est que le fait d’apprendre à d’autres personnes l’usage de cet outil, serait encore gage de formation à la clandestinité…

Il prend pour exemple des « chiffro-fêtes » organisées à la Villette par exemple et dans des dizaines de fab-lab à travers le pays, dans lesquelles l’idée est de se socialiser autour de cet outil, d’installer Tails sur des clés USB, et ainsi partager ses connaissances autour de ces questions de chiffrement, et faire communauté dans un esprit bon enfant. Avec pour objectif de se protéger soi et les autres dans leurs intimités, à travers ces pratiques.

e/os

C’est un système d’exploitation Android pour smartphones, sans les mouchards et pisteurs de Google.

Ce n’est que ça, contrairement à la présentation fantasmée qu’en fait le dossier d’instruction.

L’idée de sa présentation comme une protection contre la surveillance policière en est fausse. Cet outil n’a aucune incidence là-dessus.

Le témoin aborde ensuite les erreurs techniques et les raccourcis présents dans le dossier.

Il parle d’un sentiment anti-GAFAM instrumentalisé à mauvais escient, d’une confusion sur l’utilisation des outils, comme expliqué précédemment.

Il évoque des raccourcis faits par la DGSI sur les conclusions quant aux manuels d’installation attribués aux prévenu.es, les décrivant ainsi comme des experts sur ces questions, alors qu’en se penchant concrètement sur ces manuels, on se rend facilement compte qu’il manque des connaissances et des étapes pour être experts là-dedans.

Il appuie sur l’approximation de ce genre de modes d’emploi, qui auraient facilement pu être analysés comme un manque de connaissance des prévenu.es dans ces domaines, et les discréditer, si la DGSI avait bien fait son travail d’expertise, contrairement à en faire une charge.

Il rappelle qu’aucun de ces outils n’a été créé avec pour but une utilisation criminelle.

Aussi, sur l’utilisation régulière et appuyée des déclinaisons du terme de « cryptage » tout au long du dossier, il insiste sur le fait que ce mot n’est pas le bon, et qu’il ne s’agit que de « chiffrement ».

« La DGSI elle-même, sur son site internet, inscrit que l’usage de la terminologie autour du « cryptage » n’est pas le bon et doit être mise de côté, et qu’il faut utiliser les termes de « chiffrement ».

Il souhaite reprendre sa casquette de juriste un moment, et aborde la question du droit fondamental à l’intimité.

« Un espace à soi ne peut être suspect, ni criminalisé ».

« Cette question du chiffrement ne devrait pas faire parti de l’équation à résoudre. Le chiffrement est même mis en avant dans la loi pour une République numérique ».

Fin de la présentation, la présidente invite le témoin à une certaine prudence par rapport à son accès aux pièces du dossier. Ça ressemble à une sorte de menace sur un ton de semi-bienveillance…

La juge assesseuse de gauche prend la parole.

La question est confuse, elle demande s’il est venu seulement dans le cadre de ce dossier, ou si il serait ouvert à devenir un expert juridique plus régulier. Le témoin ne comprend pas trop le sens de la question. Elle fait une sorte de blague en disant qu’elle ne tente pas de l’embaucher et répète de manière tout aussi floue sa question.

J. ass : « Venez vous pour ce dossier là en particulier, ou seriez-vous en mesure d’intervenir dans d’autres procès ? »

Le témoin demande un peu plus de contexte. Il dit ne pas avoir l’intention de devenir un « expert juridique ».

La juge semble satisfaite de la réponse, comme si elle écartait ainsi ce témoignage d’un revers de main.

Le témoin ajoute qu’il est en tout cas ouvert à intervenir, sans ce statut d’expert juridique, pour d’autres procès tenant à ces thématiques.

L’assesseuse de droite prend le relai.

J. ass : « Ces outils peuvent-ils être détournés en vu de commettre des actions criminelles ? »

Le témoin refait le point sur tout ce qu’il vient de dire, sur la raison d’être de l’intimité, du besoin d’être écarté de tout tiers (en parlant des tiers pouvant exploiter des données numériques).

Et du coup, dans ce contexte de se préserver de tout tiers, ces outils peuvent aussi être utilisés dans ce but. Mais il insiste sur le fait que ce n’est qu’un outil, et que comme tout outil, son usage peut être détourné de plusieurs manières. Il prend l’exemple du couteau de cuisine qui peut servir à préparer un bon plat, comme à commettre les atrocités que l’on peut observer lors d’attentats comme récemment.

L’assesseuse insiste sur la notion de « tout tiers, et pas que GAFAM ? »

Le témoin répond que oui du coup, par défaut.

Le procureur

Il attaque sur la question de l’accès du témoin aux pièces du dossier, et reste dubitatif quand à la date avancée du printemps 2023.

Il met en lien un article de la Quadrature du Net datant de juin 2023.

Le témoin répond qu’il n’en est pas l’auteur, qu’il en a seulement fait la relecture en tant que juriste.

Le proc insinue que c’est forcément lui qui a donné les pièces du dossier à la Quadrature. Il est très agressif et menaçant.

Le proc demande des précisions quant aux pièces du dossier. Le témoin répond qu’il n’a eu accès qu’aux pièces concernant les questions d’usages numériques.

Avocat de Camille (Me Arnoult)

Il remet une couche sur la protection du témoin quant à l’accès au dossier.

Il met aussi en avant que dans tous les cas, Camille avait le droit de lire le dossier à tue-tête si elle en avait l’envie.

A : Peut-on acter certaines incompétences des agents de la DGSI en matière de chiffrement, et plus largement sur les logiciels libres ?

Le témoin évacue d’emblée la question des logiciels libres. Il explique qu’il y a beaucoup de confusion de la part de la DGSI, qui confond les outils, les usages, les utilités. « ils confondent Tails et Tor, Linux avec mesure de chiffrement… Ce sont des erreurs techniques ».

A : « Il est toujours plus facile de faire peur quand on ne connaît pas. »

A : « Quel est le niveau de protection de la part de Protonmail, utilisé par de plus en plus de mes confrères ? » Il ironise sur son propre usage dépassé de Gmail.

T : Protonmail a le même fonctionnement que d’autres boites mail. Mais contrairement à d’autres hébergeurs de mails, ceux de ProtonM sont stockés et chiffrés sur leurs propres serveurs, et donc pas accessibles, ni à eux-même, ni donc à des attaques extérieures.

A : Vous connaissez Netco ? Est-ce que vous savez si on pourrait avoir accès aux mails sur réquisition judiciaire ?

T : A ma connaissance Protonmail est la seule entreprise qui chiffre le contenu des mails. Netco, je ne sais pas. Mais Protonmail ne protège pas les adresse IP, qui sont données en cas de réquisition.

A : On aurait donc pu faire une réquisition à Netco. Si il y avait eu une réquisition, on aurait su qu’elle se connectait à son mail.

A : Et connaissez vous Linéage ?

T : C’est comme e/os, c’est un code source android sans mouchards. On n’utilise pas Linéage pour anonymiser son téléphone, ce n’est pas possible et totalement erroné. On ne disparaît pas, c’est faux de dire que si on installe ça on disparaît.

A : Approximativement faux donc ?

T : Techniquement faux.

A : Approximativement techniquement faux !

À une nouvelle question de l’avocat sur la situation ailleurs qu’ici, il répond que le chiffrement est plus promu en Allemagne, avec des applications comme Signal notamment.

L’avocat parle du fait que l’ONU et d’autres institutions promeuvent le chiffrement et le témoin répond que effectivement, c’est le cas et que c’est la première et principale des réponses à avoir aujourd’hui.

A : Mme B. a installé le système d’exploitation Linux avec une partie chiffrée. Est ce une preuve de clandestinité ?

T : Linux pas du tout, et la partie chiffrée non plus. Par défaut sur Windows le contenu est chiffré, c’est standard dans l’industrie aujourd’hui.

A : Installer Linux, c’est rester maître de son ordinateur en quelque sorte ?

T : C’est une manière de maîtriser son ordinateur, on connaît son fonctionnement. Et par exemple même Ëmmaus, sur ses ordinateurs en vente, installe le système d’exploitation EmmausBuntu qui est une distribution Linux.

L’avocat questionne l’usage de tels systèmes par des institutions françaises. Le témoin répond que les premiers à les avoir utilisés sont la gendarmerie nationale avec une version de Unbuntu. Les écoles et lycées l’utilisent aussi beaucoup, ainsi que des administrations et institutions publiques.

A : Peut-on connaître le nombre d’utilisateurs de Signal dans le monde ?

T : Non on ne peut pas, Signal ne publie pas ses chiffres. Mais quand WhatsApp a modifié sa politique il y a quelques années, il y a par exemple eu un très large afflux sur Signal.

Avocate de Simon (Me Becker)

Elle fait remarquer que le témoin a été rudoyé dès son arrivée, qu’il y a reçu une adresse de menaces sur le fait qu’il puisse être poursuivi par le parquet.

Elle lui dit qu’il n’a pas d’inquiétude à se faire même si la menace se mettait à exécution, car un précédent à déjà eu lieu.

Monsieur Zemmouri, journaliste (au Point), avait tout dévoilé de ce même dossier du 8/12 au tout début de l’affaire, le 18/12/20 avec publications de photos, notamment de 3 inculpés, leurs noms de famille, etc. Une plainte avait été déposée contre lui pour secret de l’enquête, mais la plainte avait été classée sans suite. (comme par hasard !)

Les procs restent les yeux fixés sur leurs ordis, enfoncés dans leurs fauteuils à bourrelets.

A : « Silence » (l’application développée par le témoin), c’est quoi ?

T : C’est comme Signal sur le principe de chiffrement des communications, mais pour les SMS et MMS, sans passer par une messagerie passant par internet.

A : En savez vous plus sur les chiffres de cette migration de WhatsApp vers Signal dont vous parliez tout à l’heure ?

T : en 2020 de mémoire, ou 2021, ces migrations se sont passées sur plusieurs mois, et la presse faisait écho du fait qu’il y avait trop d’utilisateurs pour Signal qui rencontrait des problèmes d’adaptation.

Avocat de Bastien (Me Bonaglia)

Il revient sur la comparaison avec le couteau, et avec le fait que ces outils numériques puissent être mal utilisés. Il parle d’EncroChat et de Sky ECC et demande au témoin si ces applications ont été faites avec pour objectif un usage exclusivement criminel.

Il répond que déjà ces applis ne rendent pas anonymes. Il ne connaît pas EncroChat, mais il sait que Sky ECC est défini par les USA comme une application criminelle. Pourtant, cette entreprise a pignon sur rue et elle est en contrat avec de nombreux États pour établir leur sécurisation numérique.

Il rappelle qu’on ne peut jamais déduire l’utilisation faite par un utilisateur.

L’avocat revient sur les difficultés pour l’instruction, le renseignement, de faire remonter les informations face au chiffrement, et il demande s’ils ont des outils pour percer ça et tout de même y arriver.

Le témoin répond qu’il est tout de même possible d’attaquer cela par « force brute » c’est-à-dire en essayant de craquer le support. Il précise aussi que la police et la justice disposent d’énormément de moyens pour violer la vie privée des gens (sonorisation, vidéos, filatures…), donc que ce n’est pas impossible non plus.

Témoin FLO isolement

Il a travaillé pendant 18 ans dans une association qui luttait contre la torture, les effets de l’enfermement et de l’isolement carcéral, l’ACAT.

Il va parler de l’isolement carcéral, ce qu’a subi F. pendant 16 mois.

Il commence par deux citations :

« Des jours où le temps ne voulait plus rien dire, on ne sait plus si on est mort ou vivant ». (détenu aux USA)

« Seul avec son esprit qui peut vous jouer des tours ». (Nelson Mandela)

Il rappelle que l’isolement prive la personne de tout contact humain significatif. La personne est mise à l’écart de tous les autres, confinée pendant la quasi-totalité de la journée dans une cellule de quelques mètres carrés avec un mobilier réduit au strict minimum, vissé au sol. Les repas sont pris en cellule, donnés par une trappe dans la porte. La promenade se fait dans une pièce à peine plus grande que la cellule, avec un plafond obstrué de barbelés ou de plexiglas. La lumière du jour est quasi-inexistante. La surveillance qui s’y exerce est très supérieure à ailleurs, chaque sortie ou parloir donne lieu à des palpations et des fouilles au corps ou à nu. Tout ceci renforce le sentiment d’être traité comme une bête sauvage, la sensation d’humiliation.

Ne pas pouvoir parler à quelqu’un pendant des jours, si ce n’est aux surveillants et de manière très superficielle, crée un sentiment profond d’abandon. L’ennui de ces jours sans fin, parfois un livre, parfois une radio, sinon on tourne en rond physiquement et dans sa tête. Puis arrivent le désespoir, la colère, la haine et la violence, souvent dirigée contre soi-même, c’est à se taper la tête contre les murs. D’ailleurs il y a un taux de suicide plus élevé. C’est une prison dans la prison.

La solitude vous écrase l’esprit quand elle est imposée, ce sont des oubliettes, un châtiment d’un autre âge.

Les rapports des médecins sont homogènes, cela inflige de graves souffrances, les symptômes physiques et psychiques sont nombreux : troubles du sommeil, léthargie, hallucinations, anxiété, perte de concentration, tentatives de suicide, perte de perspective et de hauteur. Et avoir contact avec un médecin en prison est très difficile.

Dès 15 jours les premiers symptômes se manifestent, puis s’aggravent. Et ces symptômes sont durables et ne cessent pas forcément avec la fin de l’isolement. Ça peut créer un handicap profond ultérieurement, à la reprise de contacts sociaux, alors que c’est justement ce dont la personne a besoin.

Il lira également une partie de lettre écrite par F. en détention.

L’isolement est un traitement inhumain et dégradant. Il cause, par son principe même, un préjudice grave et immédiat. D’après Juan Mendes, cette pratique peut s’apparenter à de la torture. Par la CNCDH, il est considéré comme de la torture blanche, car ne laissant pas de marque physique visible.

Un rapport de 2022 de la contrôleuse générale des lieux de privation de liberté, effectué sur la prison de Bois d’Arcy où F. était incarcéré, dénonce des « conditions de détention indignes » et souligne que « l’utilisation de l’isolement en préventive, pour une personne pas encore déclarée coupable, est particulièrement indigne ».

La juge se permet de lui couper la parole pour préciser que le rapport a été fait alors que F. n’était plus emprisonné là-bas, rapport de septembre 2022 alors que F. est sorti en avril, comme si ça enlevait quoi que ce soit au propos.

Juge assesseure de droite :
Est ce que tous types d’isolement produisent les mêmes effets ? Existe-t-il des moyens de minimiser ces effets ? Pensez vous qu’il puisse y avoir un isolement plus acceptable ?

Stupéfaction face à la violence de la question ????????

Il confirme que tous les types d’isolement produisent ce type d’effets, qu’évidemment cela dépend des personnes et du type de prison. Et que c’est un peu différent pour les personnes qui demandent à être mise en isolement car ils se sentent en danger, car le fait d’être volontaire, d’être à l’origine de cette demande n’est pas la même chose.

Ensuite a lieu un échange de questions/réponses entre Me Bouillon, l’avocate de F. et le témoin :

L’avocate explique qu’ils ont accompagné F. pendant ces 16 mois et qu’ils ont pu constater de leurs yeux l’horreur de cette condition et la dégradation de l’état de F. au cours du temps.

L’être humain est bâti par ce qu’il est et par les interactions avec les autres, si on supprime ça on supprime une partie de la personne. Fatalement, une partie de l’humanité s’envole.

L’avocate rappelle que c’était un isolement administratif, renouvelé tous les 3 mois par un autre échelon administratif, que tous les recours pendant l’isolement ont été refusés alors que les conditions légales de l’isolement n’étaient pas remplies. En effet F. avait un comportement exemplaire selon l’administration pénitentiaire et ne représentait aucun danger ni pour lui ni pour les matons ni pour les autres détenus. Elle rappelle qu’il a été dit à F. que cet isolement était décidé « d’en haut » et que personne n’y pouvait rien. Elle se demande dans quel degré de désespoir doit se trouver une personne à qui on dit ça.

Le témoin répond qu’il n’ose même pas imaginer, que c’est redoutable. Il met l’accent sur l’absence de perspective, le fait qu’il n’y ait aucune date de fin crée une incertitude qui est une torture encore plus grande.

Me Bouillon rappelle que l’isolement de F. a été déclarée illégal… a posteriori. Elle demande si l’isolement a déjà été employé à des fins politiques, de pression. L’avocate parle d’un travail de la CIA qui a fait des recherches pour trouver le meilleur moyen de briser un prisonnier et obtenir des renseignements, et que le résultat des recherches a montré que l’isolement était la meilleure des techniques. Le témoin dit que l’isolement revient fréquemment et partout dans le monde comme un moyen pour mettre la pression en vue d’aveux.

Puis c’est au tour de Me Kempf, il lui demande, comme la France est censée être le pays des droits de l’homme, comment il est encore possible qu’on continue à utiliser cette méthode. Il répond qu’hélas nous ne sommes pas meilleurs que les autres et qu’il existe une pression de l’opinion publique, « si on en chie un peu, c’est bien fait pour sa gueule » (la juge le reprend sur son vocabulaire et indique que comme elle l’a fait pour les autres, il n’y a pas de raison qu’elle ne le fasse pas pour lui. Mais clairement elle ne s’adresse pas de la même manière à un homme septuagénaire qu’aux autres). Il indique aussi un clair manque de moyens.

Me Kempf lit un extrait d’une lettre de F., écrit à Herbault, où il parle des conséquences sur ses capacités cognitives et sur l’impact que ça a sur la qualité de ses entretiens/interrogatoires avec ce dernier. Ces lettres sont restées sans réponse. L’avocat lui demande : « Qu’en pensez vous ? Qu’aurait dû être la réaction d’un magistrat qui reçoit une telle lettre ? ». Il répond, « Au minimum, d’enquêter sur les conditions de cette détention. »

Impossible de ne pas faire un aparté sur le comportement des procHORREUR, elle était sur son ordi tout du long, et lui la tête baissée sur son portable. Ils n’ont pratiquement pas levé la tête vers le témoin. C’était d’une violence insupportable.

Points sur la suite

– Mardi on continue sur la communication chiffrée pour les personnes non entendues. On parle des « projets ». Et on fait un point sur la situation actuelle des uns et des autres et sur l’actualisation des CJ.

– Mercredi : surement réquisition du proc

– Jeudi et vendredi : plaidoieries. « Si elles ne sont pas finies on reviendra samedi matin pour finir », dixit la juge.

Elle ne parle pas du rendu.

Jeudi 19 octobre : Audition de Flo sur les armes et l’airsoft et de deux témoins sur le Rojava

FLO

Deux témoins sont présents aujourd’hui, la juge veut prioriser le passage des prévenu.es donc il n’est pas garanti qu’ils puissent passer, pour l’instant ils attendent.

La journée commence par le passage de F. sur les questions des armes et des parties d’airsoft.

L’audience débute par une déclaration spontanée de F., qui dit qu’il appréciait la séparation prévue initialement entre les questions sur les armes et celles sur les répliques d’airsoft. Il est déçu que la juge ait changé d’avis et que les deux sujets soit finalement discutés en même temps et donc constamment mis en parallèle. Il rappelle que la confusion des termes est dangereuse. Le tribunal a donc choisi le même prisme que la DGSI.

La juge répond que » effectivement la sémantique est importante » et qu’elle va essayer d’utiliser les bons termes. Mais que si le thème des armes et des répliques airsoft ont été rassemblés, c’est justement pour essayer de voir comment ils sont liés.

La juge est malade et sous-entend qu’elle a attrapé la maladie au tribunal, elle porte un masque.

Un point est fait sur ce qui a été trouvé dans son camion au moment de la perquisition : une arme à canon et crosse sciées détenue illégalement, cachée dans un compartiment du camion, des cartouches, ainsi que plusieurs répliques d’armes d’airsoft dans des mallettes. La juge utilise le terme « dissimulé », F. la reprend pour dire « rangé ». Les répliques d’airsoft ont été acquises en 2018 et 2019. Trois autres pistolets airsoft étaient également présents mais n’ont pas été saisis.

La juge demande à F. quand a démarré son intérêt pour la pratique de l’airsoft.

F. explique avoir fait du paintball en étant plus jeune jusqu’à ce que son arme de paintball se casse, il n’avait pas les moyens de la réparer donc il a arrêté, il s’est ensuite intéressé aux jeux de rôle, puis il a eu l’occasion en 2018 de faire de l’airsoft. La juge se demande ensuite si il y a besoin de faire de l’airsoft en club et F. lui répond qu’il n’y a pas besoin mais qu’il faut trouver un endroit non visible du public pour y jouer, c’est même ce qui est recommandé par la fédération d’airsoft (maison abandonnée…).

L’arme réelle retrouvée dans son camion, classée catégorie B par l’expert, a été achetée en 2016 sur une brocante. F. tient à signaler qu’il détenait une meuleuse et qu’il aurait pu effacer les numéros sur le fusil facilement s’il avait voulu. A ce moment F. voulait déjà partir au Rojava mais il n’avait jamais tiré et appréhendait un peu sa réaction face à ça,. Quand l’occasion s’est présentée il a acheté cette arme avec 5 ou 6 cartouches pour essayer, pour découvrir avant de se retrouver en zone de guerre.

La juge demande pourquoi l’arme était cachée à ce point, F répond qu’il savait détenir cette arme de manière illégale, donc il voulait être discret et s’assurer que personne d’autre n’en connaisse l’existence et ne l’utilise, c’était plus sécurisé comme ça.

Les cartouches qui ont été retrouvées ne correspondent pas à cette arme, il les a achetées pour un fusil de chasse qu’il voulait s’acheter après l’obtention de son permis de chasse, qu’il avait prévu d’obtenir légalement. Les cartouches ont donc été achetées légalement.

La juge parle d’un coup de téléphone qu’il a passé avec le téléphone de C. en juillet pour différer son stage d’obtention du permis de chasse. Il a déplacé la date proposée à septembre, ça lui permettait de coupler avec les vendanges car les deux se déroulaient en Loir-et-Cher.

Elle le questionne sur sa motivation à passer son permis de chasse et pourquoi ne pas l’avoir passé avant.

F. raconte que cette envie lui est venue après beaucoup de temps et de discussions avec W. et B., ça l’a motivé, ils ont pu avoir des échanges sur le sujet et une réflexion sur la manière de se nourrir, de nourrir leurs animaux, discussions qui ont fait évoluer l’avis de F. sur la chasse et il a fini par développer cette envie d’avoir lui-même son permis de chasse.

La juge dit que la mère de F. était très surprise de ce permis, il répond que c’est normal, il réfléchit avant de parler de tout à sa famille, le projet n’était pas complètement abouti donc il n’avait pas prévenu sa mère, elle le sait végétarien et à ce moment le pense contre la chasse, donc forcément elle est surprise d’apprendre qu’il a obtenu un permis de chasse.

La juge demande alors ce qui l’a conduit à donner rendez-vous à M. et L. dans une maison abandonnée et veut savoir qui a trouvé cette maison.

F. explique qu’il souhaitait jouer avec M. depuis longtemps, qu’ils avaient essayé de jouer en forêt mais que les répliques n’étaient pas adaptées au jeu en extérieur, donc ils avaient envie de trouver un lieu fermé.

Il explique qu’avec L., ils parlaient beaucoup ensemble et qu’il a montré de l’intéret à en faire.

La juge insiste pour savoir qui a trouvé la maison. F. dit que M. a presque dit derrière la barre que c’était lui mais qu’il n’en sait rien, que c’est une habitude de regarder quelles maisons sont vides et que celle-ci se trouve sur un chemin régulièrement emprunté. Il ajoute que lui et M. sont allés la visiter avant la session d’airsoft.

La juge revient sur l’arme à canon sciée. Si elle veut bien entendre que F. l’ait achetée pour apprendre à tirer, elle se demande pourquoi après son passage au Rojava, il la détient toujours.

Elle repasse alors de l’arme à l’airsoft sans transition et lui demande s’il souhaite s’amuser à ce moment-là.

F. lui explique que s’il était attiré par le jeu, il s’agissait pour lui de revivre ce qu’il a vécu avec un coté plus fun. En en faisant une pratique sportive. Il indique qu’à terme, il souhaitait monter une équipe d’airsoft.

La juge l’interroge sur l’association de L. : » Vous saviez qu’il avait une association ? »

(désaccord entre F. et la juge qui doit spécifier qu’il s’agit d’une coquille vide).

F. indique que L. lui avait bien indiqué qu’il avait créé une association pour faire des choses ludiques, l’idée d’intégrer l’airsoft parmi les activités de l’association est mentionnée, mais finalement rien ne se mettra réellement en place pour le faire.

A la question de la juge sur la présence des documents administratifs de l’association de L. dans son ordinateur, F. répond qu’il les a récupérés ultérieurement, lorsque L. lui a demandé d’en reprendre l’administration.

Il indique que lui et L. ont bien parlé d’acheter un terrain mais que finalement l’association ne servait à rien.

La juge se demande pourquoi F. est venu à Pins Justaret avec L. alors qu’il n’était à priori pas intéressé, F. lui répond que L. a montré de l’intérêt pour ce qu’il faisait lors de leurs conversations et qu’il aime partager ce que les autres aiment. La juge insiste, F. lui redit qu’il a simplement été intéressé et qu’ils n’ont fait que deux sessions ensemble.

Aux questions sur le planning, F. répond qu’il se souvient de moments séparés contrairement à ce qu’il a entendu jusqu’ici.

La juge rappelle qu’il a été repéré par le bornage de son téléphone une deuxième fois à cette endroit-là. F. explique s’y être rendu pendant le confinement, mais que son passage n’avait rien à voir avec l’airsoft à ce moment-là.

La juge demande à F. s’il a bien confié ses répliques à M. Fraga pendant un moment, il confirme. Néanmoins il ne l ‘a pas fait pour le vrai fusil, dont l’existence à l’époque n’était connue que de lui car il n’en avait parlé à personne.

F. explique que seul B. a vu l’arme et qu’il fait attention à la sécurité. Il rappelle que lors du transport des répliques, il n’y avait pas l’arme au canon scié. Il explique ensuite qu’il voulait tirer avec ses répliques sur le stand de tir DIY de W. et B., et qu’elles ne tirent pas loin. F. raconte l’anecdote ou B. réagit en disant « C’est de la merde » à propos des répliques. Plus tard, il montre l’arme à B. pour avoir son avis, en prévision d’un potentiel passage de son permis de chasse. Il explique que B. lui a montré des trucs comme démonter le fusil, et que B. lui a expliqué que c’était dangereux (moins stable car crosse sciée).

La juge reprend sur les raisons pour lesquelles il ne s’en est pas débarrassée, F. doit expliquer que c’est illégal, qu’il a vu ça comme un piège (le fait de ramener l’arme en gendarmerie ou autre) et qu’il craignait des poursuites.

« Mais vous ne vous êtes pas posé la question quand vous l’avez achetée ? » lui lance la juge.

F. explique qu’avant, il souhaitait tirer sans se poser la question de « l’après ». Ne sachant pas s’il reviendrait du Rojava ou non, il se projetait peu dans le futur.

La juge reprend l’ordre chronologique des parties d’airsoft. Elle souhaite revenir au moulin.

Elle lit ses notes et raconte qu’au moulin, F. a commencé par une démonstration des répliques d’armes et que personne n’était très motivé par ce jeu. Elle demande : « Pourquoi vous les montrez quand même !? »

F. explique qu’il s’agit exactement de la même chose quand B. montre sa forge ou lorsque que d’autres proposent d’autres activités comme la cueillette par exemple. Lui ça ne l’intéresse pas non plus, mais tout le monde proposait des activités même si ça n’intéressait pas les autres. Ils ont eu pendant tout ce séjour énormément d’occupations différentes, découvrant à tour de rôle les centres d’intérêts de chacun.e sans que tout le monde soit forcément passionné par ça. C’est le cas de l’airsoft, sans l’imposer F. a apporté cette activité.

Il explique que lors du jeu, il a voulu expliquer les choses correctement mais que très vite ça a été n’importe quoi.

« C’est à dire ? » La juge lui renvoie les descriptions de la file indienne qui contredisent son propos.

F. explique que c’était une initiation, qu’iels ont discuté du fonctionnement en équipe, qu’iels ont changé de binômes et de position, qu’il s’agissait d’une partie d’airsoft normale.

« C’était un gros foutoir ».

La juge relit la retranscription de la conversation avec C. le soir. Elle commente la sonorisation en disant que F. décrit ce qui s’est passé dans la journée et qu’il explique ce qui lui a plu et déplu.

« On a le sentiment que vous prenez les choses avec sérieux ».

F. lui rétorque qu’elle n’a pas la sonorisation des autres joueurs et ne peut comparer, et qu’il avait l’habitude avec C. de débriefer des autres et de leur comportement, mais comme le reste n’est pas à charge, la DGSI n’a gardé que cet exemple.

F. défend que c’est normal car c’était lui le plus intéressé et qu’il proposait le jeu.

La juge insiste : « Vous revenez sur plusieurs points avec sérieux,vous êtes dans l’analyse et on dirait que vous aimeriez bien recommencer ».

F. explique qu’il a l’habitude de regarder comment on se comporte les un.es avec les autres, et qu’on a l’habitude de faire ça. C’est lui qui a proposé le jeu, ça l’intéresse de savoir ce qui est ressorti de cette après-midi sans forcément prévoir d’en refaire.

J : » Vous êtes la personne qui lead. »

F : « C’est moi qui présente l’activité, c’est normal, je suis responsable ». Il revient sur l’exemple de B. qui est responsable de sa forge, dont il était en charge.

A la lecture d’une sonorisation, la juge relève un passage où elle estime que F. fait le parallèle entre le jeu et son expérience sans préparation sur un terrain de guerre. Elle se dit étonnée que ce souvenir surgisse à ce moment là : « On peut se demander à quel degré de jeu et à quel degré de passation de pouvoir vous êtes. »

F. se défend en parlant de sa propension à parler du Rojava quand il picole et lui rappelle que cette pratique lui fait du bien. Il reprend sur le fait que ça lui y fait penser, mais que ça lui fait du bien.

La juge le questionne sur le rôle de sniper qu’il aurait occupé.

Il n’a pas été sniper. F. raconte qu’à Raqqa, il y a deux options : y aller la nuit mais risquer de sauter sur une mine, ou le jour où on est vu des snipers. Que lui a dû monter la garde avec une lunette thermique, puis qu’il a eu une Kalashnikov sans rien voir dans la nuit et que « c’était flippant ».

La juge revient sur les parties d’airsoft :

J : « On dirait que vous cherchez à vous perfectionner ! »

F : « Oui je voulais progresser car je voulais monter une équipe ».

La juge reprend la sonorisation et fait remarquer qu’on y comprend qu’il a joué avec des gens différents.

F. reconnait qu’à l’écoute de la retranscription, il se rend compte qu’il parle tout seul (C. ne répond que « ouais » tout le temps) et répond à la juge qu’il s’agit de M. et L.

J : « C’est quoi les « brones » «  ?

F répond qu’il ne sait pas mais que ce sont peut-être des répliques de pistolets.

La juge revient ensuite sur l’histoire de la personne qui n’a pas vu la démonstration des armes la veille du jeu et demande à F. si il n’était pas déçu.

F. insiste et réexplique que c’est une habitude et iels aiment bien discuter de leur journée et des comportements. Il redit que cela aurait pu être intéressant d’avoir d’autres discussions pour comparer et demande pourquoi elles ne sont pas jointes.

La juge répond qu’elle n’a pas d’explication.

« Parce que c’est pas à charge ! » lui lance F.

J : « Et à Pins Justaret, c’était plus organisé ? »

F : « Fun, mais oui plus sérieux ».

En évoquant le moment du lac, elle revient sur le fait que L. ne s’en souvenait pas et demande s’il s’agissait de l’organisation d’une partie d’airsoft.

F. explique que dans une vie de nomade c’est une habitude de se partager ses positions géographiques et de se rejoindre à mi-chemin.

A ce moment-là, F. bricolait avec M. sur son camion, ils voulaient faire de l’airsoft et ils ont proposé à L. de les rejoindre à mi-chemin : ce lac semblait idéal mais quand ils y sont arrivés, il y avait trop de monde pour faire de l’airsoft donc ils ont changé d’idée.

La juge revient sur les notes de M.

M. ne veut pas dire qui sont sur ces notes

J : « Saviez vous qu’il prenait ces notes ? »

F. dit être habitué à voir M. prendre des notes, il atteste qu’il n’y a pas eu de réunion mais seulement des discussions informelles. Il ajoute qu’il ne savait pas pour les surnoms et que lui appelle tout le monde par son prénom.

La juge lui demande si ça correspond à des choses discutées.

F. lui indique qu’il ne sait pas

F. indique à la juge que des discussions sur les terrains, il en a entendu plein, qu’ils ont parlé ensemble de terrain, de terrain d’airsoft, de terrain perso pour M., que la question a été retournée dans tout les sens, à de multiples reprises, et qu’il s’agit d’une chose banale.

Elle revient sur l’existence d’une réunion.

F : « Non »

La juge s’étonne de voir écrit sur le bloc de M, « réunion » et « ordre du jour » à la date du jour qu’ils ont passé ensemble.

F. insiste et témoigne que non, il n’y a a pas eu de « réunion », qu’ils ont simplement discuté de comment ils allaient jouer.

La juge demande si il y a eu des discussions sur des pseudos avec M.

F : « Je ne sais pas de quoi on a parlé, il n’y a pas eu de réunion, je ne sais pas ce qu’il a noté, j’en sais rien. »

Elle le questionne sur des papiers et F. lui répond qu’il s’agit de documents pour se déplacer pendant le confinement.

Elle s’étonne : M. « est très précautionneux » et elle se demande pourquoi autant de précautions si c’est juste pour acheter un terrain.

F : « Posez la question à M., il y avait de tout dans ses notes, des trucs du squat, des notes personnelles et on a même pas fait d’airsoft ! »

J : « C’est écrit 25 mai ! »

La juge insiste, la salle réagit, le ton monte un peu.

J : C’est quoi une session Tekmil ?

F : Les explications de M. sont bonnes. C’est une autocritique pour s’améliorer, ça se fait à la fin de chaque activité. Il y a beaucoup de gens qui cherchent à se le réapproprier.

Il blague sur le fait que vouloir changer le nom de cette pratique en français serait de la réappropriation culturelle.

La juge parle de M. et de son objectif de retourner au Rojava.

F. explique que avec M. ils n’avaient que des discussions brèves sur le Rojava car il lui faisait des mises en garde trop persistantes. Que ça énervait M. et que la conversation tournait court.

J : « Et il n’y a pas de lien entre la brochure « monter une milice » et les notes ? »

La juge rappelle que F. avait affirmé qu’il ne connaissait pas le document.

F. répète n’avoir jamais vu cette brochure avant de la trouver dans le dossier, et tient pour preuve la présence dans la brochure d’un explosif qu’il n’a pas testé et dont il n’a jamais parlé (c’est ironique bien sûr). « Comme j’ai tendance à raconter tout ce que je connais, j’en aurait forcément parlé ».

J : « M. a fait un CR sans en parler, c’est bizarre non ? »

F. lui répond en s’agaçant qu’il pensait que les pseudos désignaient les gens du squat.

La juge revient sur l’argent prêté à B. pour acheter son arme et lui demande : « Quel est le projet ? »

F. lui fait remarquer que le terme « projet » est un bien grand mot.

W. et B. lui en ont donné envie, ils passent beaucoup de temps sur le sites d’armurerie. Une arme qui plaisait à B. et F. était en vente avec une réduction. B. n’avait pas l’argent et lui pas de permis de chasse, mais elle lui plaisait. Le deal était que soit elle lui revient, soit B. le remboursera.

La juge lui demande s’il redoute un échec quant à l’achat de cette arme (lecture sonorisation).

F. explique qu’il parle de l’expérience d’une personne qui même avec un permis n’avait pas eu le droit d’acheter une arme car il était fiché.

F. explique avoir vérifié pour lui auprès d’un gars qui avait l’accès aux fichiers, puis il explique que certaines sonorisations sont des conversations pleines de plaisanteries (discussion avec B. et W. dans le camion).

La juge demande pourquoi il n’a pas récupéré l’arme auprès de B. après avoir obtenu le permis de chasse, F. lui indique qu’ils cherchaient à s’organiser pour que B. lui donne, mais qu’ils n’étaient pas dans les même zones géographiques et qu’ils attendaient un moment plus propice pour l’échange.

La juge revient sur ce qu’a dit B., c’est-à-dire qu’il avait peur de donner l’arme à F. car il avait peur de ce qu’il allait en faire.

F. répond à la juge que ces propos sont faux et qu’ils avaient bien prévu de se rencarder.

La juge lui lit les retranscriptions des sonorisations où il fait la description des répliques d’airsoft. F. lui rappelle qu’il s’agit d’explications des règles de jeu de rôle.

Elle s’arrête sur des explications plus techniques et lui redemande :

J : « Il s’agit toujours de la présentation d’un jeu de rôle ? »

F : « Oui !! « 

La juge revient sur la sonorisation où F. parle de « voler » des armes à B. en indiquant qu’elle trouve cela bizarre.

F. explique qu’il s’agit d’une façon de parler que c’est comme l’utilisation du mot « travailler », et que cela veut dire « emprunter ».

Elle insiste sur cette retranscription et revient sur les projets d’achats et les intentions de « voler » à son ami. F. voit dans cette retranscription des incohérences et indique qu’elle est pour lui très mystérieuse.

Il s’agace un peu et lui lance qu’il entend « coin,coin,coin » quand il écoute ces mots en reprenant l’expression utilisée par M. la veille (personnes qui parlent sans rien dire) et qu’il ne souhaite pas se fier à ses propres paroles.

La juge insiste en pointant qu’il y a des éléments vrais dans cette même phrase.

F. est obligé de redire que des éléments se contredisent et que la phrase n’a aucun sens.

La juge bloque sur le sujet, elle insinue qu’il souhaitait acheter une arme après le confinement, ce que F. nie en indiquant qu’il s’agissait seulement de « lèche-vitrine ».

La juge s’étonne qu’il n’ait pas acheté d’arme une fois son permis de chasse obtenu, F. lui redit qu’il attendait celle de B. et qu’il avait créé une alerte pour une autre sur une armurerie en ligne.

La juge lui demande si ça ne l’a pas rendu inquiet de ne pas récupérer l’arme de B.

F. perd patience et hausse le ton :

« J’en ai rien à foutre ! J’ai une épée de Damoclès au dessus de la tête, je risque des années de prison, on me traite de terroriste, je m’en fous de cette arme ! »

Assesseuse de Gauche

Elle commence en le questionant sur le choix qu’il a fait de manier les armes alors qu’il aurait pu choisir une autre facon d’aider au Rojava.

F. répond qu’il ne sait pas trop. Elle insiste, il lui dit qu’il a déjà répondu mais que c’est ce qui lui a été le plus visible et qu’il s’est fait happé par ça.

L’assesseuse le questionne sur son rapport aux armes avant de partir au Rojava.

F. répond qu’il n’avait pas d’attirance pour les armes à feu ni de connaissance sur le sujet et qu’il avait simplement fait du paintball. Qu’il n’avait ni attirance, ni rejet à priori.

L’assesseuse parle du rôle de sniper et du désir de Flo de prendre ce rôle. Elle ajoute que ce n’est pas rien de tirer sur quelqu’un en le visant et le tuant.

F. répond que c’est aussi une façon d’être à distance et que ça le plaçait en sécurité. Qu’il aurait donc bien aimé mais qu’ils ne recrutaient plus d’internationaux à ce poste.

F. indique que la seule fois qu’il s’est retrouvé à ce poste, il n’a pas été amené à tirer.

L’assesseuse revient sur les propos de F., qui dit avoir été intéressé par le maniement des armes par stimulation par la passion de ses amis. Et demande :

A : « Vous dites que le maniement des armes, c’est ludique ? »

F. lui indique qu’il a fait plein d’autres choses dans la vie, que la plupart des choses lui sont arrivées dans la vie comme ça sans qu’il soit allé les chercher, comme par exemple, dans ce dossier, les essais d’explosifs, les jeux d’airsoft, l’idée du permis de chasse.

A : « Je dois savoir si il y avait un but ! »

Elle lui demande de développer quelles étaient ses autres activités.

F. revient sur le fait que la DGSI n’a retenu que moins de 1 % de ses conversations comme étant à charge.

Il explique qu’avec S., ils ont beaucoup parlé et qu’ils se sont bourrés la gueule. Qu’ils ont aussi fait beaucoup de randonnée. Que avec M. ils picolent et… Que c’est déjà pas mal ! (rires)

L’assesseuse lui demande pourquoi quand il est bourré il parle d’armes et de tir : « Quand on est bourré, on parle de ça !? » lance-t-elle.

F. rappelle les 1% de conversation à charge.

L’assesseuse s’énerve et revient sur la normalité de parler de cela bourré : « Ce n’est pas drôle ! »

F. répond que c’est du cynisme, qu’ils ont l’habitude.

Elle insiste, il dit que ce n’est absolument pas systématique, dans des moments de grande gueule mixé à de l’humour noir et de la déconnade, oui il lui arrive de parler d’armes quand il est bourré, mais qu’il parle aussi de plein d’autres choses. Que parfois c’est n’importe quoi et parfois simplement de la grande gueule.

Assesseuse de droite

L’autre assesseuse revient sur les notes de M., demande quel surnom il pense avoir dans ces notes, celui qui parle des réunions internationales ou celui qui parle de panneaux solaires ? F. répond qu’il s’agit d’une question piège ! Elle insiste, il répond : « Moi, c’est Flo ! »

Il explique qu’en effet, la réunion internationale était en rapport avec les Kurdes mais qu’ils avaient décidé de ne pas s’y rendre et qu’il ne se souvient pas de tous les sujets discutés.

L’assesseuse revient sur les armes moitiés réelles et moitié airsoft dont F. parle dans une sonorisation et veut savoir de quoi il s’agit. Puis elle revient sur les passages aux frontières lors du voyage en Grèce… Elle lit des sonorisations.

F. lui répond qu’encore une fois il parle de choses qu’il ne connait pas, que c’est toujours pareil, c’est à celui qui en dit le plus.

L’assesseuse le questionne sur sa volonté de discrétion en lui disant qu’il se fait acheter des armes par d’autres, qu’un terrain est acheté pour lui mais pas pour lui…

F. lui renvoit que dès qu’il a obtenu le permis de chasse, il a cherché à acheter une arme, qu’il l’a réservée en laissant son nom sur le site en ligne : « Question discrétion, on peut faire mieux ! ».

Procureur

Il démarre en parlant de l’association de L., F. connait-il Au. et R. ?

F : Au., oui.

Elle a déclaré que cette association était créée pour l’airsoft.

F. remet en doute ce PV. La manière dont elle dit « Non vraiment c’est l’airsoft » fait penser que la réponse était orientée par les questions et qu’elle a fini par juste dire ce qu’ils voulaient lui faire dire.

P : Au. dit qu’au moment de la création de l’association « Nous étions tous les 3 ».

P : « Vous étiez là ! »

F. lui renvoit qu’il y a un souci mathématique et que Au+R+L+lui, ça fait 4.

Non il n’était pas présent, au moment de la passation, oui.

Moment de rires dans la salle quand le proc lui dit qu’il a déclaré ne pas connaitre Au. en laissant un long silence s’installer derrière cette phrase… F. lui envoie : « Quelle est la question ? »

Le proc l’interroge sur les documents retrouvés sur son disque dur (cerfa de l’asso, pv de réunion etc).

L. avait demandé à F. de l’aide administrative, donc il a en sa possession les documents administratifs de l’association.

Le proc raconte qu’il y a plus de documents sur l’ordi de F. que sur celui de L.

F. lui demande de regarder sur l’ordi de Au.

Le proc lui demande pourquoi ne pas avoir avoir créé l’association à son nom.

F. répète agacé que ce n’est pas son association !!!

Le proc dit que lors de sa première audition en GAV, L. dit ne pas avoir d’asso, à sa deuxième audition il parle de « La passion des ami.e.s ».

Le proc lui demande pourquoi, ce à quoi F. lui répond qu’il faut demander à L.

Le proc part dans une digression en disant qu’il a l’impression que tout le monde est gêné à propos de cette association.

« Pas de question pas de réponse » lui répond F.

P : « L’association n’a servi que pour l’airsoft ? »

F : « Ils ont mentionné l’idée mais finalement l’asso n’a jamais servi, les parties faites par F. et L. n’ont pas été liées à l’association ».

P : « Vous connaissez le témoin internationaliste ? »

F : « On c’est croisés 1 fois à Raqqa puis une autre fois à mon retour. »

M. a dit des parties d’airsoft « J’y allais pour jouer mais quand même avec l’idée de me préparer pour le Rojava », le procureur demande à F. s’il comptait le « préparer » au combat. F. déclare que c’était peut-être le cas dans l’esprit de M., mais pas dans le sien. Pour lui c’était un après-midi à jouer entre potes.

Il revient sur le fait qu’il a discuté avec des militants qui souhaitaient se rendre au Rojava mais pour leur expliquer la réalité, qui est toute autre que les idées issues du romantisme révolutionnaire dans lequel beaucoup de militants baigent avant de s’y déplacer, sans vouloir les en dissuader complètement pour autant.

Le proc revient sur le fait que M. ait pu voir dans les parties d’airsoft un moyen de se préparer au Rojava : « C’est une formation alors, plus qu’un simple jeu !? »

F. répète que c’est dans l’esprit de M. simplement, et que lui pense que la préparation se fait ailleurs.

Le proc cherche à réutiliser des propos de L. tenus en GAV.

F. rappelle que L. est depuis revenu sur ses propos.

Le proc mentionne ensuite la présence de matériel médical dans leurs parties d’airsoft. C’est complètement normal dans l’airsoft, pour le jeu de rôle, pas pour s’entraîner à soigner de vraies blessures par balles.

F. : « Je vous invite à lire les notes qui vous ont été transmises » et F. invite le proc à regarder le site d’airsoft.

Le procureur reprend la lecture d’une déposition de L. et souligne le fait que celui-ci aurait raconté que F. apportait son expérience.

F. lui répond qu’ils ont toujours réfléchi à trois.

Il rappelle qu’il n’a pas eu de formation militaire extensive au Rojava, il ne considère pas avoir de compétences particulières, encore moins d’expertise dans le domaine militaire.

Le procureur parle d’une discussion entre F. et L. pendant qu’ils nettoient les répliques. F. aurait parlé des produits utilisés dans ce nettoyage avant de parler d’explosifs et de proposer à L. d’en fabriquer avec lui. F ne pense pas lui avoir proposé, il n’a pas de souvenir d’avoir parlé d’explosifs ce jour-là, ni même avoir un jour mentionné ce sujet à L., ça ne l’intéressait pas. Le proc insiste fortement sur la proposition que F. aurait fait à L., F. lui rétorque que « ça ne colle pas ! « 

Il lit la déclaration de So. à propos des parties d’airsoft au moulin, de la manipulation et de la « force psychologique » de F. (je pense qu’on la connaît par cœur à ce stade).

F. pense qu’elle a grossi le trait, elle était poussée par les keufs, sous pression, dans le contexte de la GAV. Il revient sur les vidéos des GAV dont la diffusion été refusée à la défense et revient sur les propos qui ont été apportés autour du langage performatif. Il explique avoir eu de la chance avec son avocat commis d’office qui, lorsqu’il lui a parlé du Rojava, lui a répondu : Oh ! Et bien garde le silence ! » (rires). « J’ai utilisé le droit à garder le silence comme un crucifix », explique-t-il.

Il ajoute qu’il sait très bien pourquoi la défense demande les vidéos des GAV, et qu’il sait pourquoi on refuse de leur donner.

La salle réagit, la juge demande le silence.

Le proc mentionne la surprise de la famille de F. en apprenant qu’il a obtenu son permis de chasse. F trouve ça normal, il est végétarien, à la base pas pour la chasse. Il avait une image de la chasse performative et irrespectueuse, avant d’évoluer sur ce point à la suite de ses discussions avec W. et B.

Le proc en revenant sur l’épisode à l’armurerie avec B. et W. lance « ce n’est pas la chasse mais c’est l’arme qui vous intéresse ! »

F. lui redit qu’il s’agissait de lèche-vitrine.

Le proc lit un passage de retranscription de sonorisation, « la révolution ne se passera pas sans les armes », F. dit qu’il manque des morceaux, du contexte, ils parlaient du permis, de tirer ensemble.

F. indique qu’il dit à son ami de passer le permis de chasse et il ne l’invite pas à venir tirer.

Lors de cette même discussion F. parle de l’arme qu’il doit récupérer à B. mais le proc insinue que F. avait peur qu’il ait changé d’avis.

F. ne comprend pas ces propos, pour lui à ce moment l’échange allait avoir lieu. Et qu’ils s’étaient donné rendez-vous fin décembre, début janvier. Le proc insiste, demande pourquoi B. aurait été réticent à lui laisser. F dit que B. et W ont déjà répondu, ils sont revenus plusieurs fois sur leurs déclarations faites en GAV.

Le proc insiste fort, il estime que W. et B. ne sont pas revenus sur leurs propos mais les ont juste expliqués par le fait que F. avait bu. Il relit sans cesse les déclarations qu’ont faites W. et B. en GAV.

F. demande au procureur : « Est ce qu’on écoute ce que disent les gens ici ? »

La juge demande le silence.

Kempf intervient et demande à ce qu’on réponde à la question de son client.

Le proc répond : « Je ne répondrai pas à la question de votre client ! »

Il s’en fout et enchaîne une nouvelle fois avec une question déjà posée.

P : Pourquoi ne pas s’être débarrassé de l’arme ? F. réexplique que c’est parce qu’elle était illégale et que c’était dangereux.

P : Vous connaissez beaucoup d’ex-combattants au Rojava qui sont mis en examen ?

F : J’en connais beaucoup qui savaient qu’on était tous sur la sellette et qu’il fallait bien que quelqu’un prenne.

P : Les cartouches saisies dans votre camion, c’était pour une future arme ou l’ancienne ?

F : Future, je voulais acquérir un nouveau fusil, je n’avais pas pour projet d’utiliser l’autre.

P : S. dit que vous tiriez avec vos propres armes !

F s’énerve et lance « Ce sont des répliques ! »

(retour sur la discussion de présentation d’airsoft avec l’autre Flo)

P : C’est qui Flo ? Vous ne voulez pas nous dire ?

F : Toujours pas.

F. explique que quand il parle de plusieurs vraies armes, il s’agit de fanfaronnade et qu’il n’en détient pas plusieurs.

P : Vous lui montrez quelles armes ?

F : Les répliques de pistolets. On est à fond dans le rôle, c’est un jeu.

Le proc questionne la manière de parler, le vocabulaire utilisé dans cette échange, qui semble très pro et réaliste. Notamment quand il parle de la préférence à utiliser un pistolet pour un assassinat. F. répète que c’est le jeu. C’est le principe de base du jeu de rôle de compléter ce qui est faux à l’aide de son imagination.

Il demande si ses infos lui viennent du Rojava ou de l’airsoft, F. répond qu’ils n’avaient pas de pistolets au Rojava.

P : L’ennemi c’est qui ?

F : L’équipe d’en face

P : On peut mourir ? (rires)

F : Oui c’est le jeu, quand on meurt, on est hors jeu.

Le procureur revient sur une écoute ou F. parle de la ZAD de Sivens, F. lui dit qu’en effet il parle des erreurs et de comment s’améliorer.

Le proc lit des sonorisations ou F. parle de vouloir prendre un rôle de conseil technique extérieur, F. explique que comme il se sent surveillé depuis son retour du Rojava, il ne veut pas être sur le terrain des luttes mais qu’il peut apporter son aide en apportant des conseils juridiques, qu’il peut apporter son expérience avec les talkies-walkies, par exemple.

« J’ai peur de me retrouver ici en fait ! »

Le proc revient sur un certain nombre d’écoutes en lui demandant ce que ça veut dire, les questions fusent et le rythme s’accélère.

P : « Il faut que les gens s’arment ».

F : « Je ne sais pas ».

P : « Moi, j’ai des armes ».

F : « Je parle de mes armes ».

Le proc revient encore sur l’expression « chiens de garde », et commente qu’il ne s’agit ici ni de philosophes, ni de journalistes (suite à la remarque de Kempf).

F : Je ne sais plus comment je le comprends.

P : « Nous, on sera prêts », « la force doit être mondiale ».

F. répond qu’il parle ici de la société capitaliste et de son hégémonie mondiale.

P : Qui est l’ennemi ?

F : C’est vague.

Le proc le provoque et lance que « Tout le monde n’a pas d’ennemi … » (rires dans la salle)

F : La Modernité capitaliste comme dirait Öcalan !

P : Votre référence c’est Öcalan !

F : C’est une bonne vision politique !

P : C’est un groupe terroriste

F : Je défend le confédéralisme démocratique.

P : Et les attentats suicide du PKK..!

La salle réagit.

F. : Le PKK demande sans cesse des cessez-le-feu et cherche la fin de la guerre civile !

Je sais ce que ça fait et je suis contre, cette vision de révolution par la lutte armée c’est du romantisme révolutionnaire, un fantasme.

Je sais que la lutte armée est une connerie !

Le proc continue sur le PKK, la tension monte dans la salle.

Me Bouillon intervient : » Nous ne sommes pas dans ce procès contre l’État turc ! »

Le proc dit a F. que ses idées se sont matérialisées et F. lui répond que c’est du montage et que cette histoire est pré-écrite.

Proc : Donc si j’ai bien compris on ne peut pas parler des gardes à vue parce qu’elle sont manipulées et ne représentent pas la vérite, des passages devant le juge d’instruction pour les mêmes raisons, ni de vos paroles pendant les sonorisation car elles ne sont pas fiables…

F. enchaîne en réponse : « Ou on n’a pas les retranscriptions, ou on n’a pas les vidéos et on ne peut pas les étudier, ou il manque des morceaux de discussion… ».

Le ton monte de plus en plus des deux côtés.

« Quand on prend 1% des écoutes, qu’on enlève 95% d’une personne, qu’on associe des morceaux d’éléments décousus et décontextualisés, on peut créer ce qu’on veut. Ça s’appelle du montage. »

Le procureur parle de la brochure sur la formation d’une milice retrouvée dans les affaires de M. Il lui demande son point de vue dessus et F. réplique qu’il ne l’a pas étudiée. D’après lui on peut trouver des échos entre cette brochure et les agissements de F. Et que l’on retrouve les 9 chapitres de cette brochure dans son comportement.

F. ne voit aucun lien, il ne recrute personne.

Le proc commence à énumérer chapitre par chapitre.

Il lui parle du chapitre sur le partage des connaissances

F. lance : « Vous venez de m’apprendre que tout le milieu militant a lu cette brochure ! »

Quand le proc lui lit le chapitre « Éviter la vantardise » , F. réplique en lui disant qu’il s’agissait bien de la preuve qu’il n’avait pas lu le document.

Le proc l’interroge sur sa méfiance et son désir de « discrétion ». F. ne nie pas ce point, il avoue se méfier des services de renseignement.

P : Vous confirmez avoir une boite à téléphones dans votre camion ?

F : Oui, un Tupperware.

P : Dans la brochure, on parle de « se faire passer pour une équipe de paintball ».

F : « J’ai lu de travers, j’ai fait de l’airsoft. »

P : On parle également de serment dans cette brochure, vous n’avez pas fait de serment durant votre réunion ? (en parlant du séjour avec L. et M.).

F : Ce n’était pas une réunion, il n’y a eu aucun serment, on tourne en rond, vous n’écoutez pas. M. s’est trompé, il n’y a pas de serment au Rojava.

Le proc lui parle de préceptes de Mao présents dans la brochure « Prendre les armes ou elles sont ».

F. dit que ces préceptes sont connus mais qu’il n’entend que « stratégie/guérilla/stratégie/ guérilla » à la lecture du livre de Mao.

Le proc lui dit que W. aurait dit que F. parlait de Mao.

F. rétorque : « Les gardes à vue sont bien faites ».

P : Toujours aucun lien avec le professionnalisme de l’échafaudage du plan de vol d’engrais ?

F : Aucun lien, quand on ouvre un squat ou autre, on essaie de ne pas se faire choper, donc on apprend à être discret.

Le procureur lit ensuite une liste de mots trouvée dans les affaires de F., écrits en français mais avec des lettres grecques : « repérage distance », « caméra », « dommages collatéraux », « voisinage », « extirpations »…

Il lui demande la signification, l’usage de cette liste.

C’est une procédure d’ouverture de squat. F. explique la signification de chaque point. Aucun lien avec une pseudo milice.

P : Pourquoi l’écrire en alphabet grec ?

F : Je trouvais le protocole très bien fait et je voulais le noter, la personne qui m’en a parlé ne voulait pas, par sécurité je lui ai proposé cette alternative.

Il ajoute qu’il n’y a plus aucun lien ni avec les armes ni avec les airsofts.

Le proc lui demande d’expliciter chaque point de cette liste.

Le proc le questionne sur ses différents voyages.

F. explique qu’il s’est rendu en République Tchèque pour échanger avec des personnes qui souhaitaient partir au Rojava.

Me Bouillon

Elle revient sur l’association, « La passion des ami.es », et demande à quoi elle a servi.

A rien, iels l’ont envisagée à un moment pour des histoires d’assurance, un projet d’acquisition de terrain, mais finalement rien n’a été fait.

A : Vous avez pensé à passer par cette association pour faire des parties d’airsoft ?

F : Oui, sans aller plus loin que de l’évoquer.

A : En 2018, 2019, 2020 vous avez fait de l’airsoft ?

F : Oui

A : Sans passer par l’association ?

F : Non, jamais.

A : Est-ce que vous pensez qu’on peut faire une guérilla avec une association loi de 1901 ?

F : Non je ne pense pas.

A : Est-ce qu’avec deux potentielles armes, que vous n’avez pas encore et comptez acquérir légalement, vous vous sentez armé pour une révolution, préparé pour une guérilla armée ?

F : Non, et pour moi la meilleure arme pour une révolution, c’est la connaissance.

A : Vous pouvez revenir sur les différentes activités pour avez pu effectuer aux côtés de M. ?

F : Parler, boire, faire des randonnées, aller en concert, sortir et discuter sur nos façons de faire.

A : Avec C. ?

F : On se voyait peu, le moment le plus long c’est à Parcoul.

A : Avec L. ?

F : La passation de la vie nomade à la vie sédentaire, la PNL.

A : Et avec W. et B. ?

F : Avec W. et B. la base de notre relation c’est l’humour, sinon on a fait plein de choses, du pain, de la veganaise, de la forge, nourrir des chatons, réparer un ponton, etc.

A : Étiez-vous ivre pendant les sonorisations ?

F : Plein de fois, sonorisation ou pas.

A : Donc vous avez vu toutes ces personnes à d’autres moments où vous étiez écouté sans que les sonorisations ne soient versées à la procédure ?

F : Oui bien sûr. Parce que ce n’était pas à charge.

A : Vous avez été ivre autour de ces personnes sans parler d’armes ?

F : Encore heureux. Oui, tout le temps on parle de plein de choses différentes avec tout le monde.

Me Bouillon lit des retranscriptions incomplètes, elle spécifie « comme la plupart des sonorisations lues par l’accusation ». Elle prend l’exemple de « Je m’en fous d’aller chasser »/ »je veux tuer un sanglier ».

F. confirme que ce n’est pas cohérent.

Elle reprend les déclarations de W. qui se contredisent. F. dit qu’ils ont dit ce qu’on attendait d’eux.

Me Bouillon liste le « protocole » et le questionne sur ce qu’il veut dire.

Me Kempf

Me Kempf souhaite revenir sur les GAV, il revient sur le fait qu’on ait tutoyé W. en GAV.

Il indique que le procureur est en charge de contrôler les GAV.

A : « Pensez-vous que le procureur ait rempli son obligation légale ? »

F : Si son rôle est le respect des personnes alors il ne l’a pas fait ! La manifestation de la vérité n’est pas le but ici, simplement de condamner une personne revenant du Rojava.

Me Kempf lui demande s’il connaît l’article de loi qui stipule que toutes les questions doivent apparaître dans la retranscription des interrogatoires.

Puis il lit certaines déclarations de F. : « Dès que j’ai des amis, vous les mettez en prison », « Vous découpez ma vie et la mettez en petits morceaux ». Il demande à F. pourquoi on n’arrive pas à savoir qui il est et indique que c’est sûrement parce qu’il manque 99,3% des sonorisations.

F répond : « On est 7 débilos », en s’excusant pour celleux qui le seraient moins.

Me Kempf : Vous connaissez la FILDH ? Ils ont écrit sur l’attitude des juges d’instruction et sur leur habitude de poser des questions très longues, la FILDH estime que cela n’est pas de nature à faire apparaitre la vérité.

F. ajoute qu’il faut ajouter à cela l’isolement.

Me Kempf, qui admet que les questions du tribunal sont moins longues, demande à F. si elles sont plus à même de faire apparaitre la vérité , ce à quoi F. répond que non, car elles suivent le même procédé que celui de la DGSI.

Me Kempf réinsiste sur le fait que les agents de la DGSI ne sont pas venus témoigner, en mettant en parralèle le fait que le juge d’instruction ait considéré comme délictuel la non-présentation d’un témoin cité.

Me Kempf : Peut-on faire confiance à la justice turque pour qualifier des groupes comme terrroristes

F : La Turquie est une dictature.

Kempf renchérit en affirmant que la justice belge considère que le PKK n’est pas coupable d’agissements terroristes.

Kempf demande à F. de parler des problèmes qu’il a rencontré aux frontières, F. lui répond qu’on leur posait des questions à chaque frontière.

L’avocat lui reparle de son disque dur et de ce qu’il y avait dedans, à part les documents relatifs à l’association de L. F. répond qu’il souhaitait savoir ce qu’il y avait dedans car on lui reproche dans le réquisitoire de tenir un discours pour faire du recrutement alors qu’il sait qu’il s’agit de tout autre chose.

K : Que savez-vous des critères utilisés pour choisir les éléments ?

F : Ce qu’ils peuvent mettre au service de leur récit.

Kempf le corrige et lui dit ironiquement que c’est ce qui sert à la manifestation de la vérité. Puis demande pourquoi la brochure « Le squat de A à Z » est donc choisie.

F : Car notre orientation politique semble être à charge.

Me Kempf demande à F. s’il est au courant que Darmanin a communiqué : « Nous avons déjoué un attentat de l’ultra-gauche fin 2020 ».

F. dit voir ici de la manipulation car il ne voit pas de quel attentat il parle.

Kempf lui demande s’il conteste l’AMT.

F : Oui

L’avocat lui demande s’il reconnaît le vol d’engrais et les tests d’explosifs.

F : Oui

Kempf : Vous avez dit que vous étiez opposé à la lutte armée, pensez-vous qu’il puisse y avoir une utilisation légitime de la violence ?

F lui répond que ça ne mène à rien, Me Kempf lui renvoit qu’il a bien fait usage de la violence légitime au Rojava. F lui répond qu’effectivement, contre Daesh.

Kempf : Et en France ?

F : « On est à 15000 lieux de là, et il y a d’autres choses à faire. »

Reprise de l’audience 18h44, tous les médias sont partis.

Témoin F.

C’est un témoin de circonstance qui s’exprime en tant que Docteur en sociologie politique et Maître de conférences en science politique à l’Université Paris 1.

Il décrit son parcours, ses publications, ses terrains (Irak, Syrie, Grèce, anciennement Turquie…) et explique qu’il étudie les mouvances transnationales. Il a lui-même été débriefé par la DST à l’époque (parcours classique), ces derniers effectuent la même démarche avec les activistes, les chercheurs et les étudiants se rendant dans certains de ces pays.

« Cela fait 24 ans que je travaille sur ces questions, pendant 20 ans je n’ai pas pris de position politique publique par peur de différentes instrumentalisations. Pourtant en mars 2022 j’ai rompu ce pacte en prenant partie pour F., que je ne connais pas du tout, pour trois raisons :

– En 2016 j’ai encadré des étudiants qui travaillaient sur 6 ex-combattants du Rojava, que j’ai suivis de près. Le profil décrit par l’accusation de F. me paraissait en décalage total avec d’autres profils qu’on a pu rencontrer, alors qu’il paraît banal.

– La violence contre soi, en l’occurrence la grève de la faim. A ce moment F. était à un mois de grève, à un moment où des séquelles irréversibles peuvent apparaitre.

– La troisième raison est liée à des expériences de Kurdes torturés en Turquie que j’ai rencontrés. Ici c’est de la torture dite « blanche », je me devais de prendre position.

J’aimerais développer 3 points :

– La sociologie de ces trajectoires militantes.

– Ce qu’il s’est passé au NES (Nord -Est Syrien), nom donné à cette zone qui est aujourd’hui plus grande que le territoire du Rojava, regroupant aussi des villes à majorité arabe.

Nous pourrons revenir sur les combats depuis 2014, je n’en ai pas vus directement mais je sais que les forces Kurdes travaillent avec les services français et la coalition internationale.

– Enfin je voulais parler de la Grèce qui est importante dans l’activité transnationale pro-Kurde et de Lavrio (ancien camps de réfugiés proche d’Athènes où transitaient Kurdes, Turcs, Afghans, Iraniens, etc.). Il y a un activisme en faveur des migrants, ainsi que des squats athéniens, dans une mouvance libertaire européenne.

1 – La sociologie de ces trajectoires militantes

C’est impossible de chiffrer, il y a peut être 2000 personnes qui sont parties combattre au Rojava, mais seulement 25 à 30 Français.es, dont 3 femmes au moins et 3 personnes tuées, sans inclure les Kurdes de Turquie vivant en France (qui peuvent avoir des motivations différentes). Ces personnes ont autour de 29 ans en général. Un des points communs de ces personnes est la disponibilité biographique : pas d’enfant, pas de stabilité, ce qui favorise la prise de décision, en plus du choc moral (Daech, bataille de Kobane, attentats en France etc.).

J’en ai rencontré personnellement une dizaine, de plusieurs nationalités, et une quinzaine par le biais de mes étudiants.

En 2014 c’était plutôt des anciens militaires, ou des dits « sans histoire ». En 2015, il y avait 20 % de militant.es, le ratio augmentera vers l’activisme de gauche et libertaire. KRG pour les anciens militaires (en soutien aux chrétiens d’Orient, plus conservateurs et libéraux) plutôt que les FDS (Forces Démocratiques Syriennes). Ces militaires n’ont jamais été envoyés au front en Irak.

Au fur et à mesure cela devient plus une pratique libertaire, en 2016 les FDS vont mieux sélectionner et mieux former : 1 mois au lieu de 15 jours par le passé, 3 mois pour un YPG, c’est différent pour les cadres, qui ont une formation beaucoup plus longue. Tous les volontaires ne vont pas au front, pour des problèmes de langue entre autre, ce qui peut créer une frustration de ne pas avoir participé à cette révolution armée (bataille de Raqqa, Deir el Zor, etc.). En 2019 le flux se tarit, Daesh est vaincu à ce moment-là, ce qui n’est plus le cas aujourd’hui.

En 2016 on demande aux volontaires de rester au minimum 6 mois, les FDS veulent ainsi éviter le « tourisme guerrier ». Les frais étant payés par les FDS, il y a souvent des aller-retours, puis un retour dans le pays d’origine.

Sur leur vécu et travail : il arrive que ces personnes souffrent du « syndrome du survivant », de stress post-traumatique, mais ce n’est pas systématique. D’autres n’ont pas de souci à retrouver une vie normale. Il y a un décalage avec leur milieu pour certain.es militant.es, surtout celleux qui étaient déjà engagé.es politiquement. Iels ne romantisent pas la lutte armée, iels ont un regard plus lucide que celleux qui n’y sont pas parti.es. Iels portent une critique de l’adoration d’Abdullah Öcalan dans le PKK et PYD.

Iels ont également un regard critique sur les rôles de genretrès normés ; beaucoup de femmes combattent dans les FDS, ça ne se fait pas d’approcher une femme ou d’entretenir des relations affectives entre combatant.es. C’est une manière de gérer la libido (désexualisation) dans un groupe armé à forte promiscuité. C’est aussi par rapport à la Révolution au Rojava et aux conditions de la lutte. Iels savent que les conditions en France ou en Europe ne correspondent pas du tout à ce qui est fait en Syrie.

2 – Déroulement des combats entre 2014 et 2020

Il n’y aurait pas eu de guerre possible sans les troupes au sol. Il y a 70 000 individus dans les FDS, cela dépasse largement le cadre Kurde : étaient également présents des Assiriens, des Arabes, des Turcs, etc.

Plusieurs années pour récupérer la dernière ville : Deir el Zor.

Tous ont participé à la défaite de Daesh, avec l’aide de la coalition internationale (France et États-Unis principalement). Des rencontres avec des cadres du PKK sur place ont eu lieu, entre autres. C’était organisé et hiérarchisé sous peine de sanction.

3 – Liens entres gauches radicales : en Grèce

La Grèce attire beaucoup d’activistes de partout, on y observe de grandes connexions avec le mouvement kurde, notamment sur la lutte en soutien aux réfugié.es, contre les « pushbacks ».

Il y a des rencontres au sein d’universités, dans les squats, etc. autour de la mise en place d’une gouvernementalité de populations sur un territoire non souverain, inspiré du Confédéralisme Démocratique, pratiqué dans tout le NES et théorisé par Abdullah Öcalan (proche du communalisme libertaire de Murey Boukchin, théoricien américain).

Y sont pratiquées des assemblées hebdomadaires, une répartition égalitaire des tâches, toute une expérimentation organisationnelle qui vise à faire la Révolution chez soi sous le mode de l’auto-gouvernance.

Juge : Qu’entendez vous par « engagement politique » par rapport à F.?

O : Exprimer un avis public et apeller des signataires pour la libération de F.

Proc : Vous et vos étudiants, vous avez fait des entretiens d’une quinzaine de militant.es ?

O : Oui, globalement, iels portent un discours critique et de lutte contre Daesh.

Proc : F. ne critique pourtant pas le Rojava et semble avoir une adoration pour Abdullah Öcalan, il ne parait pas correspondre à ce genre de cas ?

O : La lucidité ne veux pas dire qu’il ne peut pas y avoir une admiration pour Öcalan et l’aspect organisationnel du Rojava.

Proc : Importer le Confédéralisme Démocratique implique la confection d’explosifs et l’utilisation d’armes ?

O : La question est tendancieuse, non, ça n’implique pas de jouer avec des explosifs.

Avocat (Me Kempf ) :
Merci pour votre témoignage. Connaissez-vous l’article de Médiapart paru en 2019 « Ces revenants du Rojava qui inquiètent les services de renseignement » ?

O : Plusieurs centaines de personnes sont parties combattre, inquiétées par la justice de leur pays, mais aucune n’a été inquiétée par une affaire pour terrorisme. Les Kurdes demandent de témoigner, que les ex-combattant.es témoignent, qu’iels soient leurs ambassadeur.ices à travers des écrits, des films etc.

Avocat : Ce n’est pourtant pas l’idée matérialisée dans cet article ?

O : Je ne peux ni infirmer ni confirmer. Par exemple il est dit « revenant » dans l’article alors que c’est un terme qu’on utilise pour les anciens combattants de Daesh. Ici, il serait plus juste d’utiliser le terme « ex-volontaire » lorsqu’on parle d’ancien.nes volontaires parti.es au Rojava.

Je n’ai jamais rencontré d’ex-volontaire avec un dessein de cet ordre. Déromantisation d’une zone de guerre, les ex volontaires sont plus lucides que les personnes touchées par cette cause sans s’y être rendus. A l’échelle européenne ce n’est jamais arrivé que ces personnes montent une guerrilla dans leur pays d’origine. On remarque plutôt un désengagement, pas de projet d’action violente. D’ailleurs j’ai sorti le mot terroriste de mon vocabulaire.

Proc : Alors selon vous les djihadistes ne sont pas des terroristes.

O : Je n’utilise plus ce mot, vidé de son sens, pour des raisons que je ne vais pas exposer ici.

Avocat : On a compris les liens entre FDS et coalition, est-ce qu’il y a des milices autonomes au Rojava ou est-ce plutôt une organisation très centralisée ?

O : Le PYD, la branche syrienne du PKK, a une armée qui sont les YPG, à la base uniquement kurde. Les américains ont poussé à ouvrir des groupes armés avec plus de gens. Il existe plusieurs organisations armées comme celle composée uniquement de femmes, etc. On est loin du jihad afghan, tout est cadré et décidé.

Les YPG ne sont pas le PKK, ce dernier n’est pas officiellement là mais il y a néanmoins des cadres militaires et politiques.

Avocat (Me Simon) : M. a essayé de partir en juillet 2019, ce fût un échec. Ce n’était pas forcément pour prendre les armes.

O : Souleymanieh est bien un point de transition pour aller au Rojava, où il est possible de patienter plusieurs semaines. J’y était en novembre, en octobre les Turcs sont intervenus, la situation était déjà très tendue, pour ma part, je n’ai pas eu besoin d’utiliser cette voie de transit vers le Rojava.

Avocat : Les américains ont essayé de retirer leurs troupes en 2020, la situation est-elle stable désormais ?

O : Non, l’Etat Islamique est partout, il est impossible d’entrer à Maxmûr (Irak) par exemple, il y a 500 à 700 combattants de l’EI autour du camps.

Avocat : L’entrainement d’airsoft est-il cohérent pour un entrainement avant le départ ?

O : Je ne sais pas mais plus on a de compétences, plus on a de chances d’être sélectionné et intégré par les FDS. Il est aussi possible de partir sans prendre les armes.

L’attaque de la prison d’Hassaké en janvier 2022 aurait pu être catastrophique, heureusement les américains ont réussi à contenir l’évasion de la prison des membres de l’EI. L’EI se reforme de manière préoccupante aujourd’hui.

2nd Témoin F.

Le second témoin est un ex-combattant des YPG, professeur de Français et d’Histoire Géo.

Juge : Quelles sont vos liens avec ce procès ?

D : Je suis un ancien des YPG. Lors de mon retour en France, le Ministère des Affaires Etrangères m’a confisqué mes papiers, soi-disant à cause d’un risque de potentielles attaques de ma part. Je suis finalement parti de nouveau au Rojava, où j’ai croisé F. pendant 5 minutes à Raqqa, puis quelques heures à Paris.

Juge : Quelles ont été vos motivations à ce moment, qu’avez-vous fait sur place, veuillez développer les ennuis que vous avez rencontrés en revenant sur le sol Français ?

D : Je suis partie en juin 2015 rejoindre cette Révolution, qui a des valeurs communes aux miennes. Pour des raisons politiques donc, et afin de lutter contre Daesh (des vidéos d’exécutions tournaient déjà sur les réseaux). En arrivant j’ai eu une formation de 3 semaines, linguistique et théorique, plus que militaire qui fut minimaliste. J’ai été envoyé sur un front où il ne se passait pas grand chose, j’ai principalement fait des tours de garde.

J’ai participé à une offensive au Sinjar, entre l’Irak et la Syrie, pour ouvrir une route. Puis une autre offensive dans une ville tenue par Daesh. J’y ai d’ailleurs croisé des membres des Forces spéciales françaises qui formaient les Kurdes aux lance-missiles autoguidés. Et enfin beaucoup d’attente, de surveillance.

A mon retour en Avril 2016, j’ai été convoqué par la DGSI pendant 1h environ, ils voulaient des informations sur les autres volontaires, etc… ils n’avaient rien à me reprocher.

Quand j’ai voulu repartir en novembre de la même année, des policiers son venus saisir mon passeport et ma carte d’identité en m’accusant d’avoir des liens avec l’ultra-gauche révolutionnaire. Finalement (quelques mois plus tard) le tribunal administratif a statué en ma faveur et ils m’ont rendus mes papiers et j’ai pu repartir pour la libération de Raqqa. Il y a eu beaucoup de combats urbains à courtes distances, je suis resté jusqu’à la libération de la ville. A ce moment, les Forces françaises nous demandaient des documents que l’on pouvait récupérer sur place, en échange de rations bien meilleurs que les nôtres. Deir el Zor fût le dernier front, je suis revenu en France en Décembre 2017. J’ai donc croisé F. lors de ce second séjour à Raqqa. En aucun cas on ne m’a forcé à combattre, j’ai fait ce choix, j’avais envie d’être utile.

Je n’ai eu aucune convocation ou question lors de ce second retour.

Juge : Que retirez-vous de ces expériences ?

D : C’est la plus importante, intéressante et dure expérience de ma vie. Ça a renforcé mon engagement auprès de cette cause.

Je n’ai pas eu l’occasion de voir l’organisation civile mais les principes de démocratie directe sont aussi appliqués dans l’armée. Le rôle des femmes est très important dans nos offensives, il y a peu de décalages, à part culturels, et des règles de comportement vis-à-vis des femmes. Mais sur l’aspect politique et l’humanité, ce sont bien des Unités de protection du Peuple, la protection des civil.es passe avant toute chose.

Juge : Qu’en tirez-vous actuellement dans votre quotidien ?

D : J’en tire de la satisfaction d’être allé au bout de mes idées, une participation réelle à aider et une connaissance profonde de moi-même. J’ai une meilleure compréhension des autres et moins d’a priori sur l’aspect physique et humain des gens.

Assesseuse : Que faisiez-vous avant de partir ? Vous étiez militaire, c’est bien ça ?

D : Non pas du tout, je terminais mes études.

A : Ha, je n’ai pas de question alors (???????)

Juge : Pouvez-vous nous expliquer le mot Tekmîl ?

D : C’est une assemblée militaire où on discute des aspects améliorables dans nos vies collectives.

Proc : Vous avez seulement fait l’objet d’une procédure administrative, c’est tout. Avez-vous des armes à feu ?

D : Non je n’ai pas d’arme à feu, je n’aurais pas été contre faire du tir sportif à mon retour, mais il m’est interdit de détenir une arme.

Av (Me Bouillon) : Avez-vous fabriqué des explosifs au Rojava ?

D : Non, nous n’en avions pas la nécessité, nous avions des vieilles grenades soviétiques, sans savoir la composition. Nous avions aussi de quoi déclencher des mines grâce à des explosifs artisanaux préfabriqués, je ne connais pas la composition.

Av : Vous auriez pu faire du tir sportif avant de partir pour vous entrainer ?

D : Oui cela ne m’aurait pas déplus mais je n’avais pas d’intéret pour ça avant de partir.

Av : Vous avez croisé F. là-bas si j’ai bien compris ?

D : Oui F. était à Raqqa, je l’ai croisé 5 minutes là-bas en été 2017.

Av : Merci cela confirme la version de F., pour lequel nous n’avions pas de témoin jusque-là. Pourriez-vous nous décrire ces 5 minutes ?

D : Oui, il avait un uniforme comme nous toustes, il y avait une réunion de combattant.es étranger.es. On était entré.es dans la ville, vers le stade, à mi-chemin à ce moment là. On travaillait avec la coalition qui faisait des frappes aériennes, demandées ou dictées par eux.

Av : Vous aviez donc le soutien de l’armée française, entre autre ?

D : Oui, l’aviation française était présente, nous étions des alliés de circonstance.

Av : Avez-vous depuis rencontré d’autres ex-combattant.es ?

D : Oui (il décrit les différents profils)

Av : Vous aviez des discussions politiques autour de poursuivre le combat dans vos pays d’origine ?

D : Non aucune.

Av : Vous vous définiriez comme quoi politiquement ?

D : Je suis anticapitaliste, c’est une question de bon sens et de survie, ce système nous tue. Dans le contexte actuel la violence n’est pas envisagée par les personnes que l’on veut convaincre, cela nous décridibiliserait.

Av : Je vous lis la note blanche « son discours et envie de retourner là-bas pourrait l’amener à des actions violentes en France ». Pourquoi la DGSI à cette idée-là, à votre avis ?

D : La DGSI a décidé que nous étions dangereux, j’étais le premier Français politisé, à ma connaissance, à revenir du Rojava. Ils ont essayé de voir si la justice les suivrait. Et ça n’a pas été le cas.

Nous sommes quelques centaines d’internationalistes. Lors du second séjour j’étais plus expérimenté, avec un rôle en communication beaucoup plus important. En partant, on reçoit la directive de parler de leur combat pour les aider à combattre Daesh car ça regarde l’humanité toute entière. Ça a renforcé ma détermination, je m’attendais à ce que plus de Français viennent combattre après les attentats…

Juge : Le Tekmîl est utilisé dans le milieu civil aussi ?

D : Oui.

20h17 : La séance est levée.

Mercredi 18 octobre : Airsoft, bis repetita

Question juridique de Me Kempf

13h30. Me Kempf ouvre la séance par une demande de la défense, la déclassification du Secret Défense sur l’expert en explosifs présent la semaine passée, Sylvain B. Il demande de prendre le temps de se poser les bonnes questions, de s’émanciper du dossier pour apprendre des choses, et se demander quelles sont les conséquences juridiques de cet évènement, à savoir le fait que le dit expert ait révélé des élément inédits, potentiellement Secret Défense.

Il précise avoir sollicité les notes d’audience pour pouvoir travailler et revenir sur ce qui a été dit exactement par MrB. sans qu’il y ait contestation. Mais cette demande a été précédemment refusée.

Il rappelle que sur le plan pénal, le SD permet d’éviter qu’une information révélée (mais aussi un objet, etc.) puisse nuire à la défense nationale. Il rappelle également que porter à la connaissance un SD peut entrainer une enquête de flagrance de la part du parquet (Jusqu’à 7 ans de prison, 3 ans si c’est par “imprudence”).

Bref, sa question porte sur ce qui est classé SD et ce qui ne l’est pas, le dit expert retransmet des informations de manière parcellaire et il est difficile de faire le tri. MrB. donnera par exemple des informations tirées de conversation entre collègues (que la recette d’explosif puisse se balader entre différents groupes armés), mais parlera également de l’origine selon lui de cette recette amonitrate fondu/sucre. Est ce que cette information est SD ? Ça a son importance, puisque ces informations sont utilisées pour nourrir le fantasme de la DGSI sur les “revenants”, ces personnes qui partent en zone de guerre et qui rentreraient pour tout faire péter. Il notera aussi que MrB. reproduit les discours et références de la DGSI, dans des phrases comme “le TATP comme au 13 novembre”, ou qu’il fait des parallèles tordus pour faire émerger une pseudo dangerosité.

Au vu du nombre de questions, les explosifs semblent être un élément important du dossier, il demande donc à voir ce qu’il y a comme éléments classifiés. La déclassification permettrait de se donner les moyens de voir la vérité, de pouvoir observer ce qui pourrait être critiquable dans les dires de l’expert, et de ce fait d’écarter des pièces si elles sont problématiques.

“Est-ce que nous disposons de la possibilité véritable de discuter d’un rapport d’expertise ?”

Cela entraine selon la défense un problème de loyauté. Il demande donc la déclassification des informations en SD, et que si on ne déclassifie pas, alors que personne ne puisse utiliser ces renseignements (“à armes égales” en gros).

Réaction du procureur : Il commence par dire encore une fois qu’il est admiratif de l’énergie mise en place par la défense pour retarder l’issue des débats et de la décision (il ne dira pas “dilatoire” mais c’est tout comme) et il re-cite les demandes qui ont déjà été faites concernant la déloyauté, et dit que si on remet en cause les procédures des forces de l’ordre en GAV, les “sonorisations”, les interrogatoires, les pratiques du juge d’instruction, les expertises, alors on n’a plus rien, plus de procédure – #youpi -).

Il résume ce qu’a dit l’expert en 3 points :

–> en 20 ans de carrière il n’a jamais vu ce type d’explosif

–> idem pour ses collègues français et européens

–> recette vue au Caucase, chez les djihadistes Tchétchènes et diffusée entre différents groupes armés irako-syriens.

Il fait 3 observations :

–> on n’a jamais demandé à un expert de justifier de l’ensemble de ses connaissances et support, il s’agit de la technique même de l’expertise, de sa compréhension, et il serait difficile de justifier des éléments constitutifs de son analyse, de sa compréhension et de ses connaissances. Cela nie donc la sériosité de l’expertise et son existence même.

–> Quand MrB. dit qu’il n’a jamais vu cette recette en France et en Europe, cette information ne peut pas venir d’une expertise judiciaire, mais forcément de ce qu’il a pu consulter et lire de par ailleurs. L’information il l’a, mais le contenu est classifié. Il a prêté serment.

–> Puis il cite différents extraits d’écoutes ou de GAV : S. qui dirait qu’un artificier et un « revenant » du Rojava ensemble ça parle d’explosif, B. qui dirait à propos de la recette qu’il leur a été demandé de ne pas la réutiliser pour pas que ce soit connu en France, etc. Selon lui MrB a juste redit ce qui ressort des « sonorisations ».

Réaction de Kempf : Il souligne qu’ils sont en désaccord sur ce qu’a dit MrB, et re-souligne l’importance d’accéder aux notes de la greffière. Selon lui, l’esprit de la jurisprudence de la Cour Européenne des Droits de l’Homme est en contradiction avec ça et l’on doit pouvoir remettre en question la parole des experts, contester les modalités pratiques et scientifiques de l’expertise.

Il dit qu’il faut faire preuve de curiosité, avoir envie de creuser, de savoir, et il imaginait que le PNAT aussi aurait envie de connaitre la vérité. Il conclut en demandant si cette audience est juste là pour mettre un coup de tampon sur une décision qui aurait déjà été prise.

Les procureurs sourient avec leurs sourires narquois de procureurs.

14h20. Pause pour délibérer.

15h10. Sans grande surprise, la demande est renvoyée à plus tard, lors des débats sur le fond à la suite des auditions.

S.

Appelé à la barre pour les questions sur les armes retrouvées chez lui.

La présidente fait l’inventaire de ces armes, il y en a 3, non déclarées.

– une catégorie B , à canon scié avec un silencieux

– une carabine catégorie C

– une carabine prêtée par son beau-père, catégorie B

La présidente demande de précisions sur la première carabine, les conditions dans lesquelles elle a été obtenue.

S. répond qu’elle a été trouvée dans un cabanon abandonné dans le camping dans lequel il faisait du gardiennage, un caravaning. Ça remonte à 2017, 2018, il ne sait plus exactement, « tous les hivers se ressemblent là-bas ».

La juge lui demande « Vous avez décidé de garder cette arme malgré son calibre ? »

Il répond avoir attendu et demandé autour de lui si c’était à quelqu’un, et qu’il n’a aucune notion de la legislation concernant les armes.

Elle enchaine : « Avez-vous pensé à en faire autre chose que de la conserver ? »

Il répond qu’il l’a gardé pour effectuer des essais pour un clip, il voulait tirer dans un coussin pour voir si les plumes volaient (les plumes ne volent pas). Elle est tombé ensuite dans l’oubli, il l’a zappé.

La juge lui fait remarquer qu’il n’est pas passionné par les armes, pourtant il en a 3 en sa possession, dans un court délai de temps. (??2017 wesh)

S. explique les raisons de ces possessions d’armes, l’une à l’allure « post-apocalyptique » lui semblait intéressante pour son esthétique notamment, comme potentiel accessoire sur les tournages de cinéma. La 3ème est un prêt par le père de sa compagne, il l’a conservée pour les mêmes raisons, pour son esthétique.

A la question »Savez-vous tirer ? », il répond à la négative. Elle lui demande alors si il a déjà voulu passer le permis de chasse, ou s’inscire dans un club de tir, S précise : « Non, mais plutôt par manque de temps ».

La présidente ironise sur le fait que cela puisse être une passion comme les autres, elle fait la morale sur les dangers.

Elle passe alors à la 2ème carabine et évoque l’audition de M. T., qui lui a vendu cette carabine ainsi que des munitions. Il dit que ça remonte à environ 7 ans, Simon dit hiver 2016 ou 2017.

J : « Vous n’êtes jamais allé au ball-trap ? »

S : « Non »

J : « Quel est votre intérêt pour la possession de cette arme ? »

S : « Pour chasser les nuisibles sur le terrain de ma mère dans le sud, protéger le poulailler.. mais finalement je l’ai vite rangée, je l’ai cachée dans la cheminée à Vitry parce qu’on faisait des travaux et que je ne voulais pas que les entrepreneurs tombent dessus. Si je ne la vois pas j’y pense pas. J’ai oublié de la descendre sur le terrain dans le sud. Les munitions, il y en avait une quarantaine. Je les avais utilisées peu de temps après, au camping, pour m’entrainer. J’en ai jamais rachetées. »

J : « Utilisée pour le gardiennage du camping ? »

S : « Non »

La présidente revient sur l’audition de M. T., et dit que sa version n’est pas la même en disant que M. T. disait que S. possédait cette arme pour tuer des ragondins près de la rivière.

S. répond que c’est sensiblement la même chose, bien que ce soit pour d’autres nuisibles que les ragondins dans le sud.

J : « Vous n’êtes jamais allé avec lui au stand de tir ? »

S : « Non »

La 3ème carabine quant à elle ne lui appartient pas, son beau-père l’ayant prêtée à sa fille (donc sa compagne) pour un clip qu’elle réalisait. Il avait proposé pour ce même clip la carabine à canon scié mais elle a préféré l’esthétique de l’arme de sa famille.

J : « Dans le milieu dans lequel vous travaillez, n’y a t-il pas de moyens de vous procurer des costumes et des accessoires ? Des répliques d’armes ? « 

S. répond que si, qu’il y a de la solidarité dans le milieu pour se prêter des choses, mais que cela demande un peu de temps et d’énergie, qu’il existe des armureries du spectacle et que c’est plutôt le cas pour des projets plus importants, alors que là il avait de quoi faire sans passer par là (clip petit budget et non officiel).

J : « vous n’avez ni les compétences ni les autorisations pour vous en servir, ce n’est pas comme n’importe quel autre accessoire ».

S. rappelle qu’il n’a pas d’autres accessoires, à savoir pas de cartouches qui vont avec, et que l’une d’entre elles est rangée avec les accessoires de théatre.

J : « Vous n’avez pas vous même de passion pour l’airsoft ? »

S : « Non »

J : « on ne vous a jamais proposé d’en faire ? »

S : « Je ne sais plus mais je n’en avais pas le temps. »

Son avocate vient remettre des photos du clip en question. La juge regarde et s’interroge sur la carabine contre des zombies.

S : « C’est pas moi qui ai fait le scénario ! » Rires

Le procureur

Pr : « Donc, comme vous semblez le dire, c’est votre métier qui vous permet de détenir des armes ? » il fait notamment référence au tournage du film « Rust », où Alec Baldwin a tué quelqu’un avec une arme à feu utilisée pour une des scènes.

S : « Non, c’est pas malin c’est sûr », mais pour lui, il la considère comme un « objet brut », un accessoire en tant que tel, d’autant plus sans munitions.

Pr : « Vous aviez des munitions lorsque que vous avez obtenu l’arme. »

S : « Oui, en effet, j’en ai eu avec l’arme, mais une boite d’une quarantaine seulement, rapidement utilisées au début pour essayer des effets spéciaux, par exemple tirer dans un oreiller et voir si les plumes volent, et comme je n’avais pas de permis de chasse, je n’en ai pas racheté. »

Le procureur fait référence à des écoutes où S. parle de Georges Besse, patron de Renault qui avait été assassiné en 1986 par Action Directe, « quand tu fais de la merde tu t’en manges une », et il fait le lien avec la détention de plusieurs armes illégales de sa part, en disant que cette référence interroge.

S : « Pour moi il n’y a aucun rapport, vous m’avez déjà sorti cette écoute pour les explosifs et maintenant sur les armes. Je vous ai déjà expliqué que c’est une conversation de deux mecs bourrés, à celui qui pisse plus haut et je fais référence à un bouquin que j’ai même pas lu… »

Le procureur questionne sur la possession d’un silencieux et sur le fait qu’il aurait pu lui même l’installer. S. répond ne pas avoir les compétences pour ça, que c’est juste pour son esthétique comme accessoire.

Pr : « Pourquoi ne pas avoir régularisé votre situation sur la détention d’armes illégales (permis de chasse…) ? »

S répond qu’il n’a pas eu le temps de s’en occuper entre son travail, sa vie, ce n’était pas une priorité.

Le procureur fait une remarque sur priorités de Simon qui aurait pu prendre 4 jours pour régulariser cette situation, plutôt que de passer 4 jours à fabriquer des explosifs.

Simon répond ces 4 jours pris pour les explosifs étaient pour lui liés à son travail.

Avocate S.

Questions sur le 22 long rifle, notamment en lien à son usage non approprié pour la chasse, précise que son utilisation sur les sangliers n’a aucun intérêt (petites blessures), et que sur un renard ou un ratgondin par exemple, cela ne le tue pas mais le blesse et le fait agoniser ensuite.

Elle souligne l’aberration entre « tuer un patron du CAC40 » et la possession de cette arme.

Av : « A t’on retrouvé des munitions lors des perquisitions ? » (énumération de plusieurs lieux fouillés lors des perquisitions)

S : « Non »

L’avocate précise qu’une boite de 100 cartouches ne coute que 3.99€ et est achetable en ligne facilement. Pour montrer l’accessibilité financière, et pratique, pour s’en procurer, et que S. ne devait donc vraiment pas en avoir besoin pour ne pas faire cette démarche.

Elle re-questionne S. sur l’origine des armes retrouvées chez lui, origines que S. peut facilement énumérer. Elle insiste sur le fait que la 3ème arme ne lui appartient pas mais est à sa compagne et se trouve dans leur lieu de vie commun.

Elle précise enfin qu’en France, il y a entre 5 et 6 millions d’armes non déclarées chez ses concitoyens et que jusqu’en 2012 il n’y avait pas besoin d’autorisation pour les carabines 22.

M.

La juge commence par lui poser des questions sur l’airsoft, sur son envie de monter un club.

M. la coupe assez vite en lui disant qu’il souhaite faire une déclaration, ce qu’il fera à plusieurs reprises tout au long de son lonnnnggg interrogatoire.

Il veut notamment redire que, sous la pression, il peut avoir dit des choses contradictoires lors de ses déclarations à la DGSI et au juge d’instruction. Il rappelle le contexte, 10 mois de détention, avec peu d’accès au dossier, sans recul, terrorisé.

Il dit qu’aujourd’hui il se sent prêt à répondre, même sur les contractions, même si il a peur aussi aujourd’hui d’être en face d’elle.

J : “C’est le propre d’une audience de re-baliser, de confirmer ou infirmer, de comprendre pourquoi vous avez dit certaines choses.”

Elle enchaine sur le fait que d’après les notes, il aurait donné l’impression de sourire en GAV lors des interrogatoires. Il répond que si il riait, il devait certainement rire jaune.

La juge reprend sur les questions d’airsoft, de l’envie de monter une association ou un club.

M. répond que c’était une idée parmi d’autres, comme l’envie d’un terrain. Il dit qu’il ne faut pas trier, par exemple “on fait des ateliers de Kravmaga, de boxe, ok, mais on fait plein d’autres choses, comme des cantines, de la solidarité…” Bref, ça fait partie de ses envies, mettre en place des activités différentes sur un terrain. Il n’a pas de terrain de toute façon, donc ça n’a pas été mis en place.

La juge demande si il a déjà manipulé des armes. Il répond que oui, en Guyane, il a essayé un fusil de chasse dans la forêt (en formation de guide). Il précise qu’il ne fait pas de parallèle avec l’airsoft ludique, que c’est très différent.

La juge passe du coq à l’âne.

Elle dit qu’en interrogatoire il a dit qu’il ne connaissait pas L. M. répond qu’on lui a montré des photos pas très ressemblantes, qu’il le connaissait très peu, et qu’encore une fois quand on a une “association de malfaiteurs” qui pend au nez… ça lui a fait peur

La juge lui demande s’il a son permis de chasse. M. répond que ça a peu d’intérêt pour lui, qu’il n’est pas consommateur de viande pour l’instant, mais que peut-être plus tard, dans un cadre d’autonomie, il pourrait l’envisager.

La juge cite une écoute ou R. lui demande de venir avec des drones et des kalachnikovs. M. répond qu’ils n’ont pas le même humour que la juge, qu’ils surenchérissent. Que si R. avait envie de dégommer des drones avec des kalach, alors il serait avec eux sur ce banc.

Interruption de l’avocat qui précise que dans les retranscritpions d’écoutes il est précisé “rire”, “plaisanterie”, à de nombreuses reprises lors de ce passage.

M. revient sur la sélection des informations, et aussi notamment sur le fait que lors des perquisitions, dans le matériel d’airsoft, le matériel de protection n’apparait pas, notamment les protections pour les dents, les lunettes, etc.

La juge reprend sur l’airsoft et lui demande s’il pratique régulièrement.

M. répond qu’il n’a pas trop pratiqué même si il aime ça, qu’il a dû faire 3 parties en tout, notamment le 11 et le 12 à Pins Justaret, qu’il a peu utilisé le matériel car il n’a pas trop eu l’occasion, et que jouer seul est bof et qu’il n’a pas trop trouvé de compagnon pour cette pratique, « dans les clubs d’airsoft c’est beaucoup de beaufs ». Il y a joué un peu avec F. et avec D.

Juge : “Vous dites à un moment que D. dit des choses fausses.”

M : “J’en avais rien à faire, ça n’a aucune importance de me rappeler qu’on a posé un sac de réplique d’airsoft à tel endroit…”

Juge : “J’essaye de comprendre pourquoi vous vous êtes arc-bouté à ce moment là en GAV”.

M : “C’est simple, association de malfaiteurs terroriste, 30 ans.”

Juge : “On revient sur une autre catégorie d’armes retrouvé dans votre camion, notamment un lance-pierre et des billes en acier”

M : “je ne savais pas que c’était illégal, j’ai travaillé à Décathlon… depuis petit j’en ai, j’adorais Denis la Malice. Je trouve ça fou d’être devant vous aujourd’hui, en antiterro, et de parler de lance-pierre !”

La juge aborde sa consommation excessive d’alcool, lui demande s’il confirme et s’il était soigné pour cela.

J : »d’après les enquêteurs, des sourires accompagnent vos réponses…” en GAV

M : “On me dit à ce moment-là que je suis le lieutenant du leader charismatique ! Alors que je fonctionne sur un système horizontal, je suis le lieutenant de personne ! Et j’avais un masque, comment c’est possible de voir ça ? »

Juge : “Une réaction nerveuse peut etre ?

M : « C’est une interprétation. »

La juge aborde le fait qu’il soit allé en Irak, « pas pour faire du tourisme ». Pourquoi ne pas l’avoir dit en GAV ?”

M. explique avoir fait une escale en Irak pour aller au Rojava, “on sait que c’est criminalisé”. Elle lui coupe à de nombreuses reprises la parole, parle à sa place. Il explique que le long du trajet avec F. en camion, ils se sont faits contrôler à plusieurs frontières, qu’il a trouvé ça louche, et qu’à l’aéroport on lui a posé des questions sur qui l’accompagnait, des questions ciblées sur F. Ça ne l’a pas découragé, mais étonné. Selon les récits, il y a plutôt des problèmes et contrôle au retour, pour les personnes de gauche, mais pas à l’aller. Pendant la GAV, je n’ai pas voulu le dire au début, et puis à un moment j’ai dit avoir voulu soutenir les kurdes.”

Puis il explique avoir renoncé au passage à ce moment-là car c’était trop dangereux. Il explique que tous ces proches étaient au courant qu’il partait au Rojava, “par respect pour ma mère et mon frère, par honnêteté”. “Dans les premiers interrogatoires je n’en ai pas parlé par peur”.

Juge : “est ce que vous vous êtes entrainé avec F. ou autre avant votre départ ? Avec des répliques d’armes, c’est aussi pour s’entrainer.”

M : “Mais on parle d’entrainement avec 3 parties ludiques ? Pour se familiariser à la rigueur, mais le mot entrainement, non.”

Juge : « Je voudrais écarter la Colombie du débat »

M : “Ça a eu un impact sur moi, aujourd’hui tant mieux ça a été effacé, mais imaginez si j’y avais été seul !”

Juge : “ca ne me gène pas d’en parler mais je n’y vois pas un intéret majeur. La Colombie ne sera pas remise au centre. Mais dans votre séjour, y a-t-il eu un apprentissage au maniement des armes ?”

M : Il n’y en a pas eu”

La juge reprend sur l’airsoft et sur leur rencontre à Pins Justaret.

Juge : “Pour y faire quoi ?”

M : “une partie d’airsoft ludique avec 2 amis dans une maison.”

Juge : “Qui a trouvé cette maison ? C’est un beau terrain de jeu.”

M : “peut-être moi, peut-être F. Sur un trajet en Ariège, la maison est au bord d’une route, avec des habitations à coté, elle n’est pas paumé, elle est visible. On a découvert les lieux, une personne se cachait dans une pièce, les autres devait la trouver.

Juge : “Est-ce que pour L. c’était sa premiere fois ?”

M : “On n’était pas doués donc j’imagine que oui ».

Juge : “Encore une fois, cétait vraiment ludique ? Il y a tout de même une certaine proximité avec le maniement des armes.

M : « Je me familiarisais avant mon retour au Rojava, avec des répliques, pour me mettre en confiance ».

Juge : mais en 2019 les frontières ont bougé… Daesh… (elle sous-entend que la lutte contre Daesh est finie en 2019, preuve qu’elle ne connait pas le contexte sur place).

M : je ne suis pas Rambo, ce qui m’intéresse aussi c’est le confédéralisme démocratique, en dehors de combatttre au Rojava. Ce qui peut être défensif aussi, pas comme une attaque. Et sur place il peut se passer n’importe quoi.

Juge : “Pins Justaret c’est juste le 11-12 ?

M : « Oui ».

Juge : « le 25 mai, vous y étiez ? »

M : « Oui, on est parti dans l’idée de faire de l’airsoft, et on a fait une beuverie autour d’un feu avec d’autres camions. Il me semble que L. et F. ont fait du sport aussi. »

Elle le questionne également sur la fréquence à laquelle ils se voient, sur les lieux, les raisons. Il répond parfois pour faire de la mécanique sur leur Mercedes, pour faire de l’airsoft, pour des beuveries, des discussions, “rien de transcendant”.

16h15. On passe sur le sujet des « notes ».

M. refait une déclaration, à propos de ses notes. “Il y a maintes raisons pour lesquelles j’en ai pas parlé, personne n’est au courant de ces notes, c’est mes notes, personne ne sera nommé”. M. dit d’emblée qu’il est sujet aux pertes de mémoire.

Juge : Est-ce qu’une personne est désignée pour prendre des notes ?

M : pas forcément prise par une personne mais par qui a envie.

J : Réinsiste sur le séjour au lac, sur le fait qu’il ne se souvienne pas (en Gav) de la présence de L.

M. parle de ses pertes de mémoire et du fait que cette journée était complètement insignifiante.

La juge aborde les notes sur le Tekmil mais, n’ayant plus de voix, elle propose une suspension courte pour s’en remettre, vers 17h05.

Reprise à 17h20.

La présidente ré-aborde donc le sujet des notes prises par Manu, les décrivant comme un bloc de bureau de 25 pages, avec plusieurs feuilles volantes. Elle décrit les différents feuillets.

Le feuillet 29 porte la mention de la date du 25 mai, avec une mention d’ODJ.

S’en suit un flottement d’une bonne minute où elle cherche des trucs sur sont ordi.

Manu coupe ce blanc qui traine : « J’peux dire une p’tite chose ? »

Rires de la salle, et de la juge.

Elle finit sa recherche et lui donne la parole.

Il explique qu’en prison il n’a pu avoir accès aux notes de son carnet que sous retranscription écrite de la DGSI, plutôt que des photocopies des pages du carnet.

Et que c’était ainsi difficile pour lui de comprendre de quoi ils parlaient sous cette forme, sans la mise en page, les liens entre les mots, les lignes, etc..

« Je captais pas ce qui était noté. »

La présidente décrit les feuillets volants, retranscrits dans un ordre aléatoire.

J : « On va essayer de comprendre la logique générale de ces notes, par ordre chronologique ».

Il est écrit « Réunion 11/02/2020 » (à Pins Justaret)

Il y a cafouillage dans les numéros de pages entre les deux versions pour s’y retrouver.

Manu demande à avoir les feuilles de ce carnet, et les retranscriptions, pour réussir à suivre et répondre à la juge. Son avocate les lui donne.

La présidente énumère les différentes lignes/tirets sur cette page, et questionne Manu sur les termes présents.

Puis elle l’interroge sur le terme « Tekmil », il lui explique que ça vient du Rojava, ce sont des réunions où les membres font une critique et autocritique de soi et des autres, qui permet de faire redescendre la pression et que les gens ne s’engueulent pas.

Elle lui demande qui est la personne dont le pseudo est « Soli » et lui demande si c’est lui, il lui répond que comme dit auparavant il ne donnera aucun nom. Puis elle l’interroge sur les termes « reprise en main et montage/démontage », « jouet », « armes », il lui répond que ça fait référence à l’airsoft. « TW » signifie talkie-walkie.

La juge lui demande pourquoi utiliser des termes d’anglais et si ces mises en situation pourraient resservir. M. répond que ce sont des notes à lui-même, pour un éventuel retour au Rojava.

La juge lui rappelle que devant le JI il aurait affirmé que ces notes n’auraient pas été prises à Pins Justaret, ou alors peut-être dans la nuit du 11 février, et ce qu’il en est aujourd’hui. M. lui répond qu’en fait oui, après recontextualisation.

La présidente en revient aux termes. « Travail groupe jouer », « pouvoir faire ennemi », M. répond qu’il s’agit toujours d’airsoft.

« Discussion sous », M. lui répond que c’est vague, que c’est sûrement par rapport au terrain.

Sur le feuillet 2, il est noté « ODJ 11 février » suivi d’une énumération de mots. M. répond que c’est un ordre du jour, avec des estimations de temps, (mais complètement aléatoire) les sujets dont il voulait discuter.

Sur le terme « recrutement », la juge lui demande si cela a un rapport avec l’airsoft. M. ne se rappelle plus exactement, ça peut être « recruter » des personnes pour jouer à l’airsoft, mais aussi question de répondre à un questionnaire pour « recrutement » au Rojava.

J : « Boxe ? »

M : « Oui ».

J : « Réunion internationale »

M. n’y était pas, il y a cafouillage dans les dates de la part de la juge entre les mois de mai et de mars. C’était du 9 au 16 mars, au moment du confinement. Il s’agit sûrement d’un rassemblement anarchiste en suisse.

La juge lui demande pourquoi il est écrit « Avocat ». M répond que c’est pour l’expulsion éventuelle du squat, et pour le retour du Rojava.

Sur le terme « Rechercher arme ».

M. explique que c’est une erreur de retranscription, et qu’il est écrit « ReCHECKER armes ».

La juge fait remarquer qu’il utilise toujours le même vocabulaire « armes », « jouets ».

M lui répond que c’est toujours pareil, la même chose, qu’il s’agit d’airsoft.

J : « Débat de fond sécurité/technologie »

M. explique qu’il s’agit de s’anonymiser par rapport au Rojava, de se protéger. Mais que c’est aussi l’hygiène de base dans les milieux militants, une habitude.

J : « cleaning »

M : « Je pense que c’est toujours pour l’airsoft, le nettoyage des répliques. »

J : « Vous avez vraiment besoin de tout écrire ? »

M : « Oui, par exemple, depuis le début du procès je note tout, j’écris pour me rappeler. »

J : « Thunes »

M : « Argent. Plein de raisons possibles… »

La juge passe au feuillet 6 à la suite de ce qui semble être un retour d’infos. Elle lui demande qui est « Raph ». M. refuse de répondre à la question. Sur qui est « Domi », il répond que c’est lui. Elle lui demande si les autres surnoms désignent F. et L., M. refuse à nouveau de répondre à la question.

La juge l’interroge sur le terme « Permis de chasse ». M. répond que c’est pour avoir la possibilité d’un mode de vie plus autonome.

Sur le terme « achat au black », M. répond qu’il s’agit d’un fusil d’airsoft au black, qui ne se vendait pas en magasin, et que c’est évidemment moins cher qu’en magasin.

Elle lui demande l’interêt de demander à d’autres personnes de faire de l’airsoft, M répond que oui, comme il lui a dit ça lui plait, et qu’à 2 ou 3 ce n’est pas très ludique.

J : « Krav maga » ?

M : éventuellement, même si ça me botte pas forcément.

La juge continue de citer ses notes : « Réunion Internationale en Suisse », avec plein de mots accolés. Quel était le contenu de la réunion ?

M répond qu’il n’as pu retrouver les infos sur internet malgré ses recherches et que son intérêt était moyen pour cet événement.

A la question de pourquoi les avoir alors notés, M répond que ce sont des prises de notes pour en discuter plus tard.

J : « Il y a quand même des personnes notées pour aller là bas, pour représenter un groupe ? Emmanuel, Raph ?

M : « C’était une prise de contact avec des personnes qui allaient au rassemblement, et qui étaient intéressés pour aller au Rojava, pour discuter des procédures qu’il a lui même rencontrées pour aller là bas.

Il précise qu’il n’est pas recruteur, il dit qu’il a eu accès à des questionnaires sur le Rojava. Dans la logique du fonctionnement politique au Rojava il est demandé de faire un retour sur le questionnaire.

La présidente revient sur les termes « Tekmil », « ma position face à vous 2 », « voir protocole de groupe »… Elle lui fait remarquer que ces réunions sont assez formalisées, lui demande si c’est une forme d’organisation, si c’est pour progresser.

M explique que le Tekmil c’est surtout une position, un fonctionnement, une façon de faire. Respectueuse. C’est valable pour tout, pour un atelier. Genre la veganaise (revient sur exemple de Bastien la veille. Rires de la salle) ne se passe pas bien, on se prend la tête, on fait un tekmil pour apaiser les choses.

Au terme « recrutement purge », M répond qu’il est peut-être question de faire un jeun à se moment là ? Il ne se rappelle pas trop.

La juge cite : « préparer serment ».

M : « Vous allez me parler de la brochure « la milice machin », j’ai énormément de brochures, celle-là je ne l’ai pas lue. Mais en la feuilletant, j’avais vu ce mot et je me suis rappelé avoir entendu dire qu’au Rojava il y avait un serment de fait, je voulais en savoir plus, prêter un serment ne me parle pas dans ma façon de faire. C’était plutôt pour en faire un sujet de conversation.

J : « C’est couplé avec l’outil PNL ». Le lien avec Loic semble évident à la présidente vu qu’il s’y forme à ce moment.

M lui répond que le lien n’est pas « évident », que Loic n’est pas l’unique spécialiste de la PNL, qu’ils en ont parlé les brèves fois où il se sont vus..

La présidente fait remarquer que le terme « recrutement » revient plusieurs fois.

M explique que c’est toujours par rapport au Rojava, qu’il ne pouvait pas mettre « contrat d’embauche » (rires de la salle).

La juge mentionne que le tout premier point de ce document sur une unité milicienne est « comment recruter les membres ». M. lui répond qu’il ne l’a pas lu. En y ayant accès plus tard dans le dossier, il s’est dit qu’en effet ça pouvait prêter à confusion, mais il n’y a aucun lien pour lui. Ce à quoi la juge rétorque que pourtant la brochure était dans le même sac que ses notes. M. l’avait prise puis laissée dans son sac sans la lire. D’ailleurs il y en avait plusieurs autres dont il n’est pas fait mention dans le dossier.

J : « Pourtant les 9 points de ce fascicule sont en lien avec les notes ! » La juge énumère ces points, dont une allusion à une citation sur Mao, mélangé à la pratique de l’airsoft, c’est un gros mélange de tout et n’importe quoi ! Elle pointe des coïncidences très étranges avec la thématique militaire.

M. répond qu’il n’est pas maoïste.

La présidente pointe une coïncidence très étrange entre ce qu’il met dans ses notes et la brochure. Elle insinue qu’il aurait pu avoir l’intention de mettre tout ça en pratique sur le territoire national et lui demande si tout cela est seulement pour le Rojava.

M : « Jamais je n’aurais pensé faire quoi que ce soit sur le territoire français. Je ne suis pas un assassin, un psychopathe et encore moins un terroriste !! » (Il s’agace et réfute fortement ces accusations sous-entendues).

Juge assesseuse de droite :

J ass : « Pourquoi vous dites parfois « jouets » et parfois « armes » ? C’est un synonyme ? Vous savez que les mots ont un sens ? Vous comprenez que l’on puisse se questionner ? » (petite leçon au passage…)

M : « Oui je comprends qu’on puisse le prendre dans ce sens. Mais j’écris mal et vite, il n’a jamais été question d’armes réelles, on parle toujours d’airsoft. »

J. ass : « Ces notes ne parlent donc que d’airsoft, mais mélangé au Rojava. Il y est aussi écrit « création d’une milice », on pourrait avoir l’impression que ça passe à autre chose ».

M : « J’ai noté que je voulais lire la brochure, pour y penser ».

J. ass : « Alice ? Alix ? » (elle tente son coup au cas où).

M : « Non. »

J. ass : « A quel moment vous avez pratiqué l’airsoft ? À quel rythme ? »

M : « J’ai fait peu de parties, seulement celles du dossier, car il n’y avait pas assez de monde pour jouer, et les clubs sont relativement remplis de beaufs. Et ça pouvait être pratique aussi pour le Rojava, en mode opportuniste ».

Il revient sur le 25 mai et précise qu’à cette date dans le carnet, il ne s’agit pas d’une réunion, que c’était seulement des choses qu’il voulait aborder sans moment spécifique. Il ajoute « on devait faire une partie d’airsoft et au final y’avait des camions, donc on a juste bu des coups avec les autres nomades ».

J. ass : « La question du serment semble vous tenir à coeur ? »

M : « Oui, c’est une question qui m’intéresse, qui fait parti des sujets de conversation qui viennent et sont abordés ensemble ».

J. ass : « Et l’utilisation de pseudos ? »

M : « C’est en lien avec l’anonymisation et le Rojava. C’est quelque chose de courant aussi dans nos milieux, on s’appelle par nos pseudos ».

La Procureure

Pr : « Pour parlez de votre relation avec F., vous vous dites « comme les doigts de la main », qu’en est-il ? Fait-il partie de votre cercle très proche ou pas du tout ? » (le sens de la mesure…)

M : « Oui, on se connaît depuis le lycée, j’ai confiance en lui. »

Pr : « A quel moment vous retrouvez-vous après son retour du Rojava ? »

M : « En 2018, on fréquentait les mêmes milieux, notamment les concerts punk. Un jour j’ai reçu un SMS de lui. On s’était perdus de vue pendants quelques années, je suis parti vivre à Lille, on s’est vus de manière sporadique. »

La procureure lui demande si leurs liens se sont intensifiés après son retour et si leur proximité s’est accentuée.

M : « Oui et non, je faisais ma vie en même temps, pas plus à ce moment là, on est proche, j’allais en Ariège, on se voyait au PUM, en concerts punk. »

Pr : « Dans les écoutes, on semble comprendre que vous émettez l’hypothèse que lors d’une entrée de la BAC au PUM, ce serait en lien avec F. Pourquoi ? » (râles dans la salle)

Le rapport c’est juste qu’il était avec Flo à ce moment là c’est tout.

La procureure lui demande ensuite pourquoi il a contacté Air France pour le retour de F en Grèce. M. répond que c’est sûrement parce que F avait besoin des horaires et qu’il n’avait pas accès à internet.

La proc à un débit de parole plus rapide que Busta Rhymes.

La proc demande pourquoi son ami V n’est pas au courant qu’il fait de l’airsoft, M. ne voit pas pourquoi il lui en aurait parlé, que c’est juste une activité ludique.

La proc l’interroge sur la présence de la fameuse brochure dans son sac. M. répond qu’il l’a feuilletée avant de la mettre dans son sac après l’avoir récupérée dans un Infokiosque.

Elle lui demande si c’est lui qui a transmis ce document à W. car il a été également découvert sur son ordinateur.

M. répond qu’il n’y a aucun lien, qu’il ne lui a pas transmis.

Pr : « Dans cette brochure on trouve que « la règle principale d’une unité milicienne est de travailler avec des personnes de confiance », vous avez quelque chose à en dire ? »

M : « Non. »

La procureure enchaîne sur les notes et lui demande ce que signifie « premiers secours ».

M. lui répond que c’est un sujet normal, abordé quand on part au Rojava, qui est un lieu de conflit. Concernant le lien avec la brochure, ça ne le concerne pas donc il ne peut pas répondre.

Puis la procureure fait un lien entre le livre de Mao (cité dans la brochure) et le fait de « prendre les armes là ou elles sont » ( ce qui a été dit par L. en GAV).

Elle revient sur les notes et lui demande ce qu’est le principe de « serment ».

M. lui répond qu’on peut prêter serment avant de partir au combat et que cela lui posait question.

La procureur fait le lien à fond entre la brochure et les notes, elle donne tout et se penche de plus en plus en avant pour manger le micro.

M. précise qu’il y avait d’autres documents dans son sac, notamment « Comment parler kurde » et un autre, mais que rien d’autre n’est cité !

La procureure lui fait remarquer qu’il y a 3 pseudos dans ses notes, et qu’ils étaient 3, pour elle le lien est évident. M. refuse de se prononcer.

Puis elle enchaîne en lui demandant pourquoi F veut il les réunir tous les deux avec L. et si le moment passé à Pins Justaret est une préparation à un éventuel départ pour le Rojava.

Il répond ce qu’il a déjà dit, que pour lui c’était une occasion de se familiariser à certaines choses pour son idée de départ.

Elle lui demande pourquoi ils font usage de talkies-walkies.

Il répond que c’est aussi lié au Rojava. C’est un objet technique à connaître, il faut aprendre à s’en servir, ce n’est pas juste appuyer sur un bouton et hop.

La procureur fait le lien entre l’utilisation de talkies-walkies à ce moment-là, et le vol d’engrais préparé par F. et M. H.

M lui répond qu’il n’y a absolument aucun rapport entre les deux.

La procureur lui demande pourquoi sont mentionnés les termes « nettoyage ADN » et « objet incendiaire » et s’il y a un lien entre les deux. M. répond que ce sont des sujets qui étaient au programme de la réunion internationale, d’après son contact, et qu’il n’y est pas allé.

Sur la mention « est-ce qu’on est prêt à ce qu’un camarade soit blessé ou tué ? »

M. répond que c’est toujours pareil, qu’il s’agit du Rojava, bien sûr et que c’est une réflexion à avoir avant d’y aller.

Elle lui demande confirmation que lorsqu’il dit que cela lui semble évident, il dit cela parce qu’il s’agit d’un territoire de guerre.

M. confirme que oui, mais que rien n’était prévu ici.

La proc lui dit qu’à Saint Lieu la Fenestre sont mentionnés 3 alias, 3 personnes, et lui demande si ce sont les mêmes.

M. refuse de répondre à la question.

La Procureure mentionne qu’il a également écrit le numéro de l’avocat Me Dosé, que M. affirme avoir noté pour son retour du Rojava. Il est noté à côté « pour Raf, premier contact par signal », avec un trait qui semble relier les deux.

M : « Je ne sais pas quoi dire sur ces notes, pour moi c’est évident que le numéro de l’avocat me concerne ».

La procureur l’attaque sur ses discussions « militaires », sur l’expérience de Flo. Il répond que beaucoup d’autres choses l’intéressent chez Flo et ne sont pas citées.

La proc l’interroge sur le fait qu’il ait reçu une « lettre d’ami.es depuis Toulouse » en détention, dans cette lettre il est écrit « rappelons qu’il n’y a ni innocents ni coupables » Ça parle aussi de solidarité et de défense collective.

M. répond qu’il a reçu plus d’une centaine de lettres en prison et qu’il n’est pas responsable de ce qui y est écrit.

Pr : « Est-ce que ce « MOT D’ORDRE » vous a inspiré quelque chose ? »

( la salle rit ! )

Avocat-e-s :

Avocate de L (Me TORT) :

A : « Vous regardez vos notes, nous avons eu accès au dossier, est-ce que vous avez retrouvé dans le dossier l’intégralité de votre carnet ? »

M : « Non. »

A : « Ce bloc petits carreaux et ces 5 feuillets volants grands carreaux, dans le procès verbal, c’est à la suite, on dirait une suite logique, mais est-ce qu’on a la certitude qu’on les exploite dans le bon ordre ? On ne peut pas savoir si c’est exhaustif, si il y en a d’autres, si c’est dans le bon ordre. Certains feuillets ont été nommés « sans intérêt », on ne peut donc pas les consulter dans le dossier ». Elle s’étonne et montre une certaine incompréhension dans le choix des retranscriptions.

Elle fait également remarquer qu’il y a pleins d’autres infos, des trucs sur les impôts, des trucs à faire chez sa mère. A votre avis, quelle est la logique de la sélection de la DGSI ?

Aussi j’imagine qu’il y a d’autres personnes dans votre entourage proche qui parlent de psycho, de PNL, etc. Peut-on être sûr.es qu’à chaque fois vous parlez de L. ?

M : ça n’est pas impossible, car on en entendait parler beaucoup à l’époque, cela parle aussi d’autres personnes, oui.

A : « Concernant les surnoms, « Alix », « Alex », retranscrits à la va-vite, s’agit-il du même ?

M : « Non. »

A : « Y a-t-il un intérêt à changer de pseudo pour une même personne ? »

M : « Non, il n’y a aucun d’intérêt, ça serait plus perturbant qu’autre chose ».

Avocate de F (Me Bouillon) :

A : « Vous faites mention dans ces notes de « camion et élec », d’« arroser les plantes », de « fermer les volets », qu’en est-il ?

M : « Dans ces notes, il est question de tout et n’importe quoi ».

A : et « procès » ? « Facture » ?

M : il est question du squat du Pum.

Avocat de F (Me Kempf) :

A : « Vous avez évoqué avoir été interrogé à Athènes sur F., c’est un élément nouveau, ça m’intéresse. Voulez-vous bien nous donner le contexte ? »

M : « Oui, le 13 juin 2019. En présentant mon billet d’avion, à l’aéroport, j’ai été emmené dans une salle à part et une policière m’a interrogé, sur pourquoi je partais la bas, comment, quel véhicule m’avait amené, quelle était sa plaque d’immatriculation. C’était en anglais, j’ai galéré. Ils voulaient savoir avec qui j’étais.

A : « La police avait déjà ciblé F. ? »

M : « Oui. Aussi j’ai vu dans les multiples contrôles de douane sur la route qu’il y avait quelque chose de bizarre, ça m’a fait tilt, je me suis dit que j’étais déjà surveillé avant de partir. »

A : « F songeait-il à retourner au Rojava ? »

M : « Oui, mais plus tard, sinon il serait reparti avec moi ».

Avocate de W. (Me Meyniard)

A : la brochure a été trouvé dans un infokiosque, vous ne vous rappelez plus où, ce pourrait-il qu’elle ait été trouvée à Sivens ?

M : « C’est possible ».

Avocate de M. (Me VANNIER)

A : »Combien de fois vous vous êtes vu avec F. en 2020 ? »

M : « Très peu ».

L’avocat de M. affirme que cela a été confirmé par l’instruction et lui demande ce qu’il a fait pendant le confinement. Elle lui demande s’il lui a été proposé de venir à Parcoul. M. répond que non, qu’il se trouvait en Ardèche avec sa compagne de l’époque, dans la forêt, « au top ». A la question de savoir s’il en aurait eu envie il répond que non, qu’il était très bien dans les bois.

A : « Le 27 mai 2021, avez-vous eu l’autorisation d’accéder au dossier en détention ? »

M : « J’ai demandé aux matons » (il se fait reprendre par la juge qui souligne qu’on dit « surveillants » et qu’elle se rend compte qu’il a un 2ème type de vocabulaire qu’elle n’avait pas encore remarqué). M. explique qu’ils n’ont pas accès au dossier en détention, que le dossier se trouve sur un CD consultable par ordinateur 1h de temps en temps unniquement.

Elle pose différentes questions sur des discussions, notamment une discussion avec son ex compagne, sur une intervention de police au squat PUM, mais aussi sur une conversation avec F. au sujet de l’emplacement d’un falafel à Souleymanie.

Elle parle aussi de différentes notes, « possibilité d’être solvable », qui se réfèrent au squat, et fait remarquer que la question du terrain est omniprésente dans les feuillets. Il répond que c’est son projet de vie, que les questions d’autosuffisances lui importent.

Au sujet de l’utilisation de pseudos, M. répond qu’on s’anonymise tout le temps dans nos milieux militants.

L’avocate de M. pose une question sur D., qui a prétendu en GAV qu’il pensait avoir transporté un sac avec des armes, et qu’il était en colère car il croyait qu’on l’avait « pris pour un pigeon ».

M : « Ce sont des jouets d’airsoft ! »

Elle lui demande ce qu’il y avait d’autre dans son sac autre que la brochure.

M. répond que s’y trouvaient aussi un livre sur l’hygiène alimentaire et un livre sur comment parler kurde.

Avocate de M. (Me SIMON)

L’avocate lui pose une question sur la brochure et ce qu’elle contient. Elle lui demande si il a un détecteur de mine. Elle se demande si lorsqu’on envisage une action terroriste en France, on a besoin d’un linguiste ? D’un nageur ?

Elle dira que comme lui, ses notes sont « éclatées » (rires de la salle).

A : « Vous parlez d’autocritique sur votre travail, de tekmil, est-ce que vous utilisez ces discussions un peu comme une communication non violente et du développement personnel ? »

M : « Oui. »

L’avocate fait remarquer qu’il y parle parfois de débat de fond, mais qu’il y a aussi des feuillets qui ne parlent que du squat, et que le terrain y est aussi omniprésent.

M. lui répond que c’est son projet depuis longtemps. Il souhaite vivre en auto-suffisance, dans la légalité. Il va avoir 40 ans, il trouve que c’est épuisant de se voir expulsé tout le temps. Son projet de vie, sa pratique de l’airsoft, son souhait de monter des projets collectifs, le Rojava, ses notes touchent à toutes ce différentes choses.

Les écoutes

J : « Dans une conversation d’octobre 2020, on parle de l’acquisition d’une arme, vous parlez de différents prix, vous comprenez qu’on parle d’une vraie arme ou d’une réplique ? »

M : « Tout ce dont je me souviens c’est « coin coin coin coin coin » ! Désolé Mme la greffière, deux canards qui parlent (rires dans la salle), F. raconte beaucoup de choses, on dit « kalach légale », ça ne veut rien dire ! »

Proc : « Vous poursuivez la conversation autour de l’idée de « se préparer et de préparer d’autres personnes à lutter » (d’après une synthèse de la DGSI, les retranscriptions sont absentes, et les audios n’ont pas été transmis par la DGSI malgré la demande de la Défense)

M : « J’insiste sur le fait qu’il est 23h, nous sommes alcoolisés… C’est une conclusion hâtive et à charge faite par les inspecteurs en GAV. Ce sont des « branques qui fanfaronnent ».

La procureure cite un autre extrait de conversation où sont mentionnés des termes tels que « chiens de garde », « à partir du moment ou la 1ère balle va être tirée par les chiens de garde », « on pourrait jamais faire face à tout ça » et lui demande « Qui est ce « on » ? Vous incluez-vous dedans ? Est-ce que c’est banal de parler de « chiens de garde » lorsqu’on parle de la police ? ».

M. répond que c’est une discussion qui pourrait être entendue dans chaque famille, et que c’est très répandu dans la population, notamment depuis les gilets jaunes.

La procureur s’énerve et dit que non ce n’est pas banal, elle peut nous l’assurer (râle dans la salle).

La procureure enchaîne et essaie de le piéger en lui demandant si cela lui paraît également banal de parler d’arme légales et de kalachnikov ?

M : « kalach légale », ça me paraît un antipode (rires). « Un oxymore » reprend la juge.

Avocate de M. (Me SIMON)

A : « Qui a retranscrit ce procès-verbal ? Figurez-vous qu’il s’agit également du fameux matricule 856Si. On peut souligner au passage qu’on ne pourra pas lui poser la question. Donc, 20h, début de conversation, 23h, ça devient intéressant. On a une phrase de F, mais on n’a pas vos réponses, bon dommage, on doit se contenter de cette synthèse. On va donc partir de là. »

L’avocate de M. enchaîne et parle de cours de grammaire, « la personne disait que », elle cite qu’il s’agit bien de discourt rapporté, indirect, selon la retranscription. « On m’a dit que » et non une opinion personnelle.

Avocat de F (Me Kempf) :

Il cite les livres « Les chiens de garde » de Paul Nizan et le documentaire « Les nouveaux chiens de garde » de Serge Halimi, où l’on fait référence respectivement aux philosophes puis aux médias de masse. C’est une expression polysémique.

Il parle aussi de la retranscription avec neuf […/…] en pleine discution. Il a mis 38 secondes en se chronométrant à relire un passage qui retranscrit 8 minutes de conversation . « Pas de question mais vous voyez ou je veux en venir ».

Mardi 17 octobre : La suite sur les armes et les parties d’airsoft

Me Kempf demande l’accès aux notes d’audience. La Juge et lui sont en désaccord, elle lui dit que ces notes ne seront pas disponibles avant la fin des débats. Becker se joint à Kempf.

CAMILLE

La présidente demande s’il y avait-il assez d’armes airsoft pour tout le monde, C. répond que probablement mais que n’étant pas spécialiste elle ne saurait dire ce qu’elle avait précisément en main. S’agissant de savoir s’il y avait eu des tirs, C. répond que les répliques ne fonctionnaient pas toutes (système de billes) et qu’il n’y a pas eu de tirs. Elle répond sur le déroulement de l’après-midi, les participant.es ont fait des binômes, pas toujours les mêmes et ont fait deux ou trois parties.

La juge l’interroge sur l’arme à canon scié et ses munitions trouvées dans le camion de F., C. répond qu’elle n’a jamais vu cette arme dans le camion de F.

La juge reprend sur l’airsoft et énumère les répliques trouvées dans le camion, demande comment cela s’est passé.

C. explique le déroulement des parties, qui ouvre les pièces, passe devant, derrière, et quand le tour de la maison est fait la partie est terminée. C. explique que c’était l’occasion de faire des choses toustes ensemble et de casser les codes entre mecs et femmes. A la question de savoir si cela lui a plu, elle répond qu’elle a trouvé ça marrant, qu’il y a eu des anecdotes, mais qu’elle n’en n’a jamais refait.

La juge cite So. et dit que cela avait l’air de beaucoup tenir à cœur de F. de faire ces parties. C. répond que tout le monde était motivé ce jour-là, que la veille les répliques avaient été présentées et qu’iels avaient pris le temps d’apprendre à les manipuler, les autres femmes n’étant pas présentes ce jour-là.

La juge revient sur la sonorisation du 02 mai 2020 où C. et F. reparlent de l’activité de l’après-midi. C. explique que c’est normal qu’iels en reparlent puisque ça les a occupé.es une partie de la journée, que F. cherche comment il pourrait améliorer les prochaines parties, mais qu’elle est moins intéressée par les détails techniques.

C. est éprouvée et rencontre des difficultés pour commenter des dialogues qu’elle n’a pas sous les yeux, elle a besoin d’une pause pour se ressaisir. Elle explique que tout cela pèse énormément sur sa vie depuis trois ans.

La juge enchaîne et poursuit la lecture des retranscriptions. Elle oriente ses questions sur la volonté de F. de transmettre et le présente comme quelqu’un qui souhaiterait « enseigner » ce qu’il connaît. Ce à quoi C. répond qu’il est normal que lorsqu’on présente une activité, on souhaite qu’elle plaise à toustes.

Puis la juge l’interroge sur le rapport avec le Rojava, sur la base des sonorisations. C. répond que cela n’a aucun rapport, que F. ressent parfois le besoin de parler du Rojava lorsque que certaines choses y font écho. Cet après-midi là, tout le monde s’est approprié les choses à sa manière, c’était de la rigolade.

La juge cite une retranscription dans laquelle le terme « brown » est employé et lui demande ce que cela signifie, C. dit n’en avoir aucune idée.

C. et F. reparlent des maniements effectués lors de la présentation de la veille, alors que tout le monde n’était pas présent, mais c’est totalement secondaire, le principal étant que tout le monde se soit senti à l’aise.

La juge demande s’il y a eu de nouvelles propositions pour cette activité, C. répond que c’était rigolo mais qu’iels avaient envie de faire d’autres choses, et qu’i n’y a donc pas eu de nouvelle proposition de refaire des parties d’airsoft.

Procureur :

Il relance C. sur le fait qu’il n’y aurait pas eu qu’une partie d’airsoft à l’écoute des retranscriptions (So et B. parlent de plusieurs parties). C. lui répond qu’elle a l’impression de tourner en rond sur cette question, qu’elle a déjà expliqué qu’il s’agissait de discussions sur le temps de présentation, la veille du jour où ont eu lieu les parties.

Le proc évoque un extrait où F. parle de leadership et insinue que F. se définirait en tant que « leader ». C. lui répond qu’à l’inverse parle des autres qui mènent la danse, et qu’il souhaite faire attention à ne pas prendre trop de place et que chacun.e puisse prendre le leadership à tour de rôle.

Le procureur fait remarquer que le terme « travail » revient à plusieurs reprises dans les conversations. C. lui rétorque qu’il extrait le terme de son contexte, et que dans ce passage, F. fait référence à son travail corporel. C’est un terme que F. utilise régulièrement et dans beaucoup d’autres contextes : communication, lecture, activités, ce qui souligne la mauvaise foi du procureur.

Le proc cite alors la GAV de So qui affirme que F. souhaitait partager son expérience.

C. rappelle le côté performatif des GAV, chacun.e a son regard, son vécu, son ressenti. Dans les dynamiques de groupe, beaucoup sont dans la rigolade et certain ;es parfois ne font pas toujours attention aux personnes autour d’elleux et peuvent être blessant.es sans s’en rendre compte, notamment les mecs.

Le procureur lui demande si elle a pris plaisir à ces parties d’airsoft et cite sa GAV, ce à quoi C. répond qu’à ce moment de sa GAV elle est agacée de l’insistance autour de cet après-midi. Elle a à la fois pris du plaisir à jouer dans une dynamique de groupe, mais elle a aussi pleuré suite à un moment qui l’avait blessée.

« Tout n’est pas rires ou larmes et je ne suis pas sûre que vous êtes capable, M. le procureur, de comprendre la complexité des échanges humains ».

Avocats :

Me Arnoult rappelle que la conversation dure seulement 6 minutes bien qu’elle ait été définie par l’accusation comme étant très longue. Il revient sur les déclarations de So en GAV qui relate bien la rotation de binômes.

Me Chalot demande à C. si cela était une activité secrète, C. répond que pas du tout, elle en a même parlé à sa mère, qui l’a évoqué par la suite lors des enquêtes de personnalité.

Me Kempf souligne le fait que la juge ait posé une question sur l’arme au canon scié au millieu de l’interrogatoire sur les parties d’airsoft. La juge reconnaît que cela concernait les armes et que ce n’était pas bien placé. Il s’interroge sur les critères qui déterminent la retrasncription ou non d’une sonorisation. Est-ce pour être utile à la manifestation de la vérité ?

C. avoue ne pas bien comprendre, cela ne représente qu’une infime partie de leurs vies.

Me Kempf cite alors des extraits où le vocabulaire utilisé par C. et F. est celui du jeu : « ludique », « jeu », puis demande à C. la définition de performatif. Il fait remarquer que ce sont les enquêteurs eux-mêmes qui ont utilisés le terme « d’entraînements » s’agissant des parties d’airsoft lors de la GAV de So, alors que cela ne fait pas partie de son vocabulaire. Sur le PV de sa GAV, sa réponse commence « A votre question » sans que la question soit inscrite sur le PV, ce qui est illégal, les questions doivent paraître sur les PV.

Me Bouillon

Elle dénonce le fait que dans le dossier, des recherches ont été faites sur un rappeur (musique de fond sonore), sur les avocates elleux-mêmes (légal team), mais aucune recherche n’a été effectuée sur la pratique de l’airsoft.

Elle s’est donc elle-même renseignée et lit des citations d’un site d’airsoft officiel : « leader », « chef », « progression », « debrief », « entraînement », sont des termes courant dans la pratique de l’airsoft.

LOIC

La juge rappelle que Loic apparaît dans l’enquête à partir de février 2020 avec M. et F., avec qui ils se sont retrouvés dans une maison abandonnée.

Elle demande à L. depuis quand l’association « La passion des amis » existe, L. répond que cette association a été très peu utilisée, peut-être un an ou deux. La juge précise que l’asso existe depuis 2018 et que le siège a été transféré à son adresse en 2019. L. explique que l’association est désormais clôturée et qu’elle a très peu été vivante, qu’il l’a créée par envie de passer du temps avec des gens en faisant des activités.

La juge lui demande pourquoi il ne l’a pas lui-même présidé mais a demandé à une amie de le faire, L. répond qu’il a un problème avec tout ce qui est administratif, et qu’à cette époque il était concentré sur ses études.

A la question de savoir si l’airsoft était pratiqué dans le cadre de cette association, L. répond ne pas se souvenir du moindre lien entre l’airsoft et l’association. Il n’y a pas de cotisations, ils ne sont que trois membres.

La présidente cite une personne interrogée affirmant le contraire et lui demande s’il aime pratiquer l’airsoft.

L. s’étonne de la réponse de cette personne, alors qu’elle n’a jamais elle-même pratiqué l’airsoft. Il répond également que lui-même ne l’avait jamais pratiqué à ce moment-là, et que l’association avait pour but de faire aussi du théatre et d’autres activités.

C’est plus tard, sur proposition de F., qu’il a participé à l’achat d’une réplique d’airsoft (200 euros) pour le pratiquer.

La juge cite ses déclarations en GAV : « Nous nous sommes revus avec F., il voulait pratiquer l’airsoft ». L ; récuse cette déclaration. Il explique que F. lui avait confié sa chienne et avait laissé son camion chez sa mère et qu’il était donc logique qu’ils se revoient à son retour du Rojava. L’idée de pratiquer l’airsoft est venue bien plus tard, au fil de conversations. Lors de sa GAV il n’a pas donné tous ces détails car face à la violence de la GAV il s’est renfermé sur lui-même.

La juge continue de citer ses auditions sur le fait « de copier, d’apprendre à manier des armes ». L. répond que pratiquer l’airsoft était une façon de passer du temps avec son ami. Et que c’était aussi lié avec sa tendance à être très anxieux, un peu « parano » s’agissant de l’état du monde et de la possibilité d’un cataclysme.

A la question de pourquoi cette activité plutôt qu’une autre, L. répond être très ouvert à toutes sortes d’activités, même s’il n’est pas particulièrement attiré par les armes à la base.

La juge demande qui a trouvé la maison abandonnée, L. ne se rappelle pas mais ce n’est pas lui. Sur comment elle avait été repérée, L ; explique que dans les milieux squats les gens ont l’oeil pour repérer les bâtiments abandonnés.

Sur le fait qu’ils auraient été habillés en tenue « militaire », L. explique qu’il est très fréquent dans les milieux punks d’utiliser des vêtements militaires car ils sont peu chers et résistants.

La juge demande ce qui se passe dans la maison, L. lui répond qu’ils la nettoient car il y a des bris de verre et qu’ils ont des chiens.

La juge lui rappelle qu’il a fait part de son anxiété à pratiquer l’airsoft et lui demande ce qu’il en était s’agisssant de F. et de M. L. répond qu’ils souriaient, que tout le monde rigolait, que lui-même l’airsoft n’est pas trop son truc et qu’il « tirait un peu la tronche » lorsqu’on lui a présenté des répliques d’armes, mais qu’il souhaitait passer du temps avec ses amis. Il dit n’en avoir rien retiré de particulier. Il ne se souvient pas si les parties se sont pratiquées sur une seule journée ou deux jours consécutifs.

L. ne se rappelle pas avoir évoqué de « peur grandissante » ce jour-là lors de sa GAV, même s’il se souvient ne pas avoir tiré de fierté d’avoir « joué à la guerre » car cela peut être mal perçu dans les milieux « de gauche ». On a droit à un petit laïus de la présidente : « Vous faites ce que vous voulez, vous n’êtes pas obligé de raconter ce que vous faites à tout le monde ». Ah bon, on fait quoi depuis trois ans, là ?

La juge l’interroge sur une « réunion » qui aurait eu lieu ce jour-là concernant l’airsoft et dont il a déclaré au JI ne pas se souvenir. L. doute fortement qu’ils aient abordé ce sujet, mais pense qu’ils ont peut-être évoqué le sujet en buvant des coups le soir. L. évoque le fait qu’à cette période avec F. ils partageaient des activités sportives comme la course à pied, les étirements, qui permettaient de créer une dynamique dans le corps.

S’agissant des notes de M. mentionnant les termes « trouver un terrain en Arriège », « pseudos », « Tekmil ».

L. répond qu’il ne sait pas ce qui se trouve dans ces notes mais qu’il se souvient que dans les conversations du soir, lorsqu’ils buvaient des coups ensemble, l’acquisition d’un terrain en Arriège a pu être évoquée, car de nombreux.ses habitant.es de Toulouse cherchent un terrain en Arriège. Pour le reste, cela ne lui évoque rien.

Assesseuse de droite :

Elle lui demande si le document « création milice » lui rappelle quelque chose. L. dit se rappeler d’une brochure sur ce thème ayant circulé, comme des dizaines d’autres brochures.

Procureure :

La proc lui demande pourquoi il a utilisé Mme F. comme prête-nom. L. lui répond qu’il n’aime pas s’occuper d’administratif et que cela lui permettait aussi de passer du temps avec elle.

Elle enchaîne en lui demandant pourquoi les documents concernant l’asso se trouvent sur l’ordinateur de F. et pas sur le sien, ce à quoi L. répond qu’il lui a demandé un coup de main administratif, pour ne pas avoir à le faire.

Elle tente de le piéger sur la contradiction entre son affirmation de ne pas aimer pratiquer l’airsoft et le fait de créer une association à cet effet. L. répond que l’association avait pour but de faire des activités et que pour cela il a fait appel à deux ami.es cher.es à son coeur pour l’épauler.

Elle revient sur ses déclarations en GAV. Il explique que dans le contexte de la GAV, tout son monde s’écroule, qu’il ne comprend pas être arrêté pour une après-midi d’airsoft et les activités anodines de ses ami.es. Qu’il y voit des actes anodins et qu’il se retrouve en GAV avec une arrestation terroriste, du coup, oui, ce qu’il dit est décousu, il n’y comprend plus rien.

Elle lui rappelle qu’il a refusé de répondre aux questions autour d’un éventuel « projet » pour ne pas trahir ses amitiés.

L. lui répond que F. a divers projets et qu’il est une personne pleine d’en-train, qui déborde d’énergie, parfois trop, qu’il est un bout-en-train, qu’il aime faire la fête.

Elle cite « prendre les armes là où elles sont », « s’en prendre aux keufs ». L. lui rétorque que des propos comme ça il en a entendu souvent, l’idée du « grand soir », de « prendre les armes », ce ne sont que des mots. Dans notre milieu il est courant de dire que les forces de l’ordre représentent le système et qu’il faut abolir le système.

La proc insiste sur la proposition de F. de fabriquer des explosifs, L. lui rétorque que F. ne lui parle jamais du Rojava et qu’il ne voit pas comment il aurait pu lui parler d’explosifs du Rojava.

La proc poursuit en lui parlant de la « clandestinité » de leurs moyens de communication, L. répond qu’ils utilisent Signal et éteignent leurs téléphones, comme dans d’autres endroits.

Elle s’interroge sur les raisons de cette « clandestinité », l’airsoft étant légal. L. répond qu’ils jouent à se faire peur et donc créent une ambiance autour de ça.

Puis elle aborde les notes de M., « protocole de recrutement », « PNL », et lui demande si cette mention « PNL » se réfère à lui. L. lui explique que depuis fin 2019 il parle de PNL à tout bout de champs et que c’est sûrement pour cela. Elle cite les termes « blessé ou tué », cela ne lui dit rien.

S’agissant du document « Création milice » retrouvé chez F. et M., la proc demande s’il y a des échos avec les notes de M. « serment », « recruter », L. répond qu’il n’en sait rien.

La proc l’interroge sur le fait qu’il est question d’entrainement aux premiers secours et au fait de poser un garrot. L. répond que dans leur pratique de l’airsoft, ils ont évoqué l’exemple d’une personne à terre et de comment faire pour la tirer et lui faire un garrot, mais que c’était très sommaire.

Sur le paintball, L. dit ne pas faire de différence avec l’airsoft.

Avocat.es :

Me Simon

Me Simon demande à L. combien de temps il est resté dans l’escalier(partie d’airsoft), il répond qu’il a dû s’ennuyer.

Puis elle lui demande s’il connaît M., il répond que oui, c’est un ami de F., ils se sont vus 2-3 fois.

A la question de savoir si pour M. les parties d’airsoft étaient liées à son intention de se rendre au Rojava, il répond que c’est possible que cela ait été central pour lui.

Me Tort

L’avocate va mener un interrogatoire vigoureux, en bousculant L., sur ses conditions de GAV. Elle commence par le questionner sur son arrestation et son arrivée à Levallois Perret, dans les locaux de la DGSI.

Il raconte : alors qu’il était dehors et marchait vers son camion, il apperçoit plusieurs véhicules. Deux individus en sortent cagoulés, le mettent en joue, lui demandent son identité, lui passent les menottes, et l’emmenent à l’intérieur de la maison de sa mère, qui accueillent aussi des locataires, puis lui donnent les raisons de son arrestation. Il ne comprend pas. Il se dit que c’est absurde. Il est emmené en train avec une camisole et un sac sur la tête, puis sort du train, la camisole est ôtée, on lui remet les menottes, ses douleurs aux cervicales reprennent, puis il est mis en cellule, totalement déboussolé. Il aperçoit des chaussures devant les autres cellules.

On lui parle du Rojava, il fait le lien avec F.

L’avocate lui demande d’être plus précis, elle le cite sur un PV de sa première audition : « il ne faut pas faire miroiter des choses aux gens ». Il explique qu’au long du trajet les policiers lui ont fait miroiter que s’il balançait il pourrait sortir sans charge.

Lors de cette première audition, on lui pose des questions politiques, sur ses convictions, il avait peur que cela puisse arriver un jour, il le vit comme un cauchemar. Dans les PV il apparaît qu’il parle lui-même de ses fréquentations, l’avocate lui demande si c’est à cause de propos tenus en « off » par les agents.

L. explique qu’il est angoissé depuis 32 ans, qu’il se sait jugé sur ses opinions, qu’il vit son cauchemar. M° Tort lui demande combien il y avait d’agents pour l’interroger et si c’était toujours les mêmes ; oui, toujours la même agente principale. Est-ce que lui avait toujours le même avocat ? ; non, il a eu 4 avocat-e-s différents lors de sa garde à vue. Ca met pas vraiment en confiance…

Il parle de son impossibilité à dormir, dans ces conditions, et qu’il demande à voir un médecin. Il en voit un effectivement, qui lui préscrit du Tramadol 100 mg, en deux prises. M° Tort va éclairer cette prescription : le Tramadol est un antalgique puissant, de la famille des opioïdes. Absolument pas nécessaire pour des troubles du sommeil, et surtout à ne jamais prescrire en première intention. Le Tramadol doit être prescrit uniquement si des antalgiques ont déjà été administrés sans succès. Elle fait la longue liste des effets secondaires : vertiges, difficultés à parler, propos incohérents, et lui demande s’il était en état de répondre correctement aux questions de la DGSI, ce à quoi L. répond que non. On l’a assomé avec ce médoc ! ; entre deux interrogatoires. M° Tort dit que les flics ont « attendri la viande » avant de la cuisiner.

L’avocate lui demande à quoi il répond et s’il est influencé par ce qui lui est dit en « off ». L. répond qu’en aucun cas ses amis, dont F., ne peuvent vouloir s’en prendre par la violence à des êtres humains ni même à des institutions au nom de la démocratie. Avec beaucoup d’émotion et de fatigue, il dit que c’est inconcevable quand on est « anarchiste » de vouloir s’en prendre aux personnes. Qu’on est « tous frères ». On voit beaucoup de regards émus dans la salle à ce moment là.

Sur la question de son droit au silence l’avocate lui rappelle que c’est son droit le plus strict, et lui demande pourquoi il a parlé par la suite. L. répond qu’il y a énormément de pression et d’insistance, qu’on lui « retourne le cerveau ». Me Tort note que ses droits ont été bafoués en GAV, L. répond qu’à ce moment-là pour lui c’est très confus, que tout se mélange, et qu’il en vient même à douter de ce qu’il croit, de son passé, d’informations qui ne viennent pas de lui.

Me Tort rappelle que lors de l’audition suivante on demande à L. de charger F. au maximum. L. en vient à douter à force qu’on lui parle de guerre, d’explosifs, et en vient à croire ce qu’on lui dit. Il est paumé.

Lors de la dernière audition, alors qu’il va être déféré devant le juge, il reparle d’airsoft comme d’un jeu et se dit perdu. L. répond qu’il est impossible d’émettre des réponses sincères dans ces conditions, que plus on le met sous pression et pire c’est, et qu’il considère que les valeurs humaines sont alors bafouées.

Me Tort souligne le fait que bien qu’étant un grand angoissé, il est friand de films « catastrophe » et de jeux de rôle. Ce à quoi L. répond qu’en effet, il aime se faire peur et « sortir la peur de lui ».

L’avocate rappelle que l’airsoft n’est pas une pratique confidentielle, 45000 personnes le pratiquent. Ont-ils pour autant l’intention de créer des milices ? L. répond que non, il pense que c’est un exutoire, et que dans son cas c’est une façon de se confronter à la peur pour s’en libérer.

S’agissant des notes de M., dans lesquelles il ne se reconnaît pas, cela ne signifie pas pour autant qu’il n’était pas présent.

Sur la date du 25 mai, l’avocate rapelle qu’il n’y a pas de moyen de savoir s’il y avait plus de trois personnes, car il n’y a pas eu de surveillance de la DGSI ce jour-là. Uniquement bornage téléphones et notes de M. L. répond qu’il n’en a aucune idée.

La juge revient brièvement sur les scellés effectués dans son camion et en profite pour glisser une remarque sur le fait que son camion était particulièrement bien rangé. ?? (quel rapport wsh)

BASTIEN

La présidente demande à B. quel était le but de vouloir obtenir son permis de chasse. B. répond qu’il avait pour projet d’acheter un terrain avec W., d’y faire un potager et d’y vivre en auto-suffisance. Qu’en rencontrant des personnes qui vivent à la campagne, éleveurs, agriculteurs, il lui a paru utile d’avoir le permis de chasse s’il vivait en montagne ou autre, pour effectuer des tirs d’effarouchement par exemple. Au moment de passer son permis il y a pris goût, lors des différentes épreuves pratiques (sangliers en bois, ball trap…).

A Parcoul, B. se rend au stand de tir, l’envie vient de lui et pas uniquement de W. Il s’y rend une à deux fois par semaine, il fait des rencontres au sein du club, cela lui plaît. Des personnes leur font essayer des armes historiques, cela lui plaît et c’est notamment pour ça qu’il a acquis un revolver à poudre noire.

La juge l’interroge sur l’achat d’un fusil à pompe en mai 2020 et lui demande si c’est pour lui-même.

B. répond qu’au départ ce n’est pas du tout l’arme qu’il avait prévu d’acheter, qu’il avait vu une autre arme qui lui plaisait mais qu’en tombant sur celle-ci il l’a achetée. N’ayant pas le budget, F. lui a prêté l’argent nécessaire à l’achat, dans l’idée ou de lui revendre ultérieurement, une fois son permis de chasse passé, ou de la conserver.

La juge fait remarquer que c’est une grosse somme d’argent pour un emprunt (400 euros) pour acheter un tel objet. B. lui rétorque que F. lui a prêté l’argent et que c’est son choix d’avoir acheté un fusil avec.

La juge rappelle que les personnes que B. et W. croisaient au stand de tir ont toutes témoigné qu’ils étaient des personnes sérieuses et passionnées par le tir sportif, et qu’ils étaient très attachés aux règles de sécurité. Puis elle demande ce qu’il en était du stand de tir à Parcoul. B. répond qu’à Parcoul il n’a pas souvenir d’avoir prêté son arme, qu’ils avaient fabriqué un stand de tir artisanal et qu’ils appliquaient toutes les règles de sécurité.

Puis la juge lui demande à quel moment les répliques d’airsoft ont été montrées, B. répond qu’il ne se souvient pas de maniements de répliques d’armes avant la partie d’airsoft. Il y a eu plusieurs parties, lors de la même après-midi.

Puis la juge lui demande de décrire comment ces parties se sont déroulées.

B. dit que c’est allé assez vite, iels ont décidé de faire un jeu, se sont mis.es à marcher en colonne, prenant le « lead » à tour de rôle, et ont traversé la maison. Il explique que « prendre le lead » c’est donner les instructions : « ouvre la porte », « nettoie cette pièce », etc. Iels ont beaucoup ri quand H. a pris le lead car elle donnait des ordres sur un ton très militaire mais que ce n’était pas du tout sérieux, c’était un jeu.

La juge lui demande ensuite s’il a eu l’occasion d’échanger avec F. sur certaines choses de son passé, B. répond que non. Puis il explique qu’il est un fervent adepte des jeux de rôle, qu’au bout de deux heures ça s’est essoufflé et qu’iels sont passé.es à autre chose. Il n’y a pas eu d’autres propositions de nouvelles parties par la suite.

A la question de savoir ce qu’il en avait tiré, B. répond qu’iels ont bien rigolé, et rien d’autre.

La juge demande s’iels avaient toustes les six une réplique d’arme, B. répond que oui, 4 appartenant à F. et 2 étant des jouets de fête foraine appartenant à W, qu’il avait dans sa chambre.

La juge revient sur les déclarations de So en GAV, B. répond qu’il a désormais tendance à se méfier de ce qu’ont dit les un.es et les autres en GAV.

Elle lui demande si L. lui a déjà parlé de parties d’airsoft, B. lui répond qu’il serait très étonné de la part de L. qui est très anti-armes et antimilitariste, mais que pour un rôliste (adepte des jeux de rôle), cela l’étonne moins.

Sur la place qu’a pris cette partie d’airsoft lors de leur séjour, B. lui cite une anecdote : « j’ai passé plus de temps à faire de la veganaise (mayonnaise vegan) que des parties d’airsoft. Elle n’a jamais voulu monter » (rires).

La présidente revient sur la présence d’une arme à canon scié que B. avait aperçu à Parcoul et lui demande s’il était étonné, il lui rétorque que ce n’est pas quelque chose de rare, beaucoup de gens à la campagne en possèdent. Elle cite ses PV de GAV lors desquels il semble connaitre toutes les répliques d’airsoft. B. répond qu’on a dû lui montrer des photos à ce moment-là car il ne pouvait pas se rappeler d’autant de détails.

La juge lui dit qu’en GAV il semblait émettre un doute sur le fait que F. ait été sniper. B. lui répond qu’il avait le sentiment que F. était une « grande gueule et qu’il avait des doutes sur la véracité de ses propos. Cela s’est passé il y a plus de trois ans, il ne se rappelle pas tous les détails. Par ailleurs, tout le monde buvait beaucoup d’alcool.

La juge revient sur le fusil acheté avec l’argent de F. Lorsqu’il a dit « je le laisse galérer », c’est parce qu’il n’avait pas encore pris sa décision sur le fait qu’il le garderait ou pas.

Elle lit des citations de GAV, B. lui répète plusieurs fois qu’il n’a aucun souvenir de si F. a tiré avec sa carabine et ne se rappelle pas non plus de ce qu’il en a dit en GAV. La juge revient sur une phrase prononcée en GAV faisant le lien entre airsoft et ZAD, B. dit n’avoir aucune idée de pourquoi il a tenu ces propos à l’époque.

La juge revient sur une expression qu’il aurait prononcé, « boxe ta face », B. répond qu’il faisait référence à un atelier « boxe » qui a duré 20 minutes, et à l’issue duquel F. s’est retourné le doigt et a terminé à l’hôpital.

Assesseuse de droite

Elle revient sur une phrase prononcée en GAV où B. parle de mauvaises intentions. B. avoue avoir cherché à se décharger et s’être désolidariser de F. A la lecture de la question de la DGSI, B. lui fait remarquer que la question ne devait pas être celle-ci ou alors qu’il manque le contexte et le « off ».

S’agissant de la conversation entre F. et C., B. réaffirme qu’il s’agissait bien d’un jeu, et non d’un exercice ou d’un « entraînement ».

Elle lui dit qu’il aurait évoqué deux après-midi au cours des trois semaines, ce à quoi B. répond que c’est faux, F. est resté un mois et les parties d’airsoft n’ont eu lieu que sur un après-midi.

Procureur

Lorsqu’il prend la parole le procureur décrit les répliques d’airsoft comme des répliques « d’armes lourdes », ce à quoi B. répond que c’est le principe même de l’airsoft de reproduire la réalité.

Le proc demande à quelle fréquence iels ont utilisé le stand de tir artisanal à Parcoul. B. répond qu’iels ont dû le faire une fois, avec trois balles tirées. Le proc lui dit qu’en GAV il a parlé de 3 ou 4 fois.

Puis le proc lui demande s’il voit des ressemblances avec les descriptions de L. s’agissant de la pratique de l’airsoft. B. répond que oui, le fait d’ouvrir les portes, avancer…

Puis le proc cite des propos « ce monde part en vrille totale » prononcés suite au visionnage d’une vidéo d’extrême-droite et insinue que c’est cela qui l’aurait incité à s’armer. B. répond que c’est totalement faux, qu’il a dans un premier temps passé son permis de chasse, puis acquis une carabine, et que c’est plus tard qu’ils ont vu cette vidéo d’extrême-droite mais que ce n’est pas du tout l’élément déclencheur.

Le proc lui demande pourquoi le fusil à pompe semi-automatique à plusieurs coups l’a intéressé à ce moment-là, et est-ce que c’était au sortir du confinement. B. répond que oui, le proc lui rétorque alors qu’il avait déjà passé commande à ce moment-là, ce à quoi B. répond qu’il doit avoir un problème avec la chronologie.

Le proc fait remarquer que devant le JI il avait émis les mêmes doutes quant aux intentions de F. B. répond qu’il se sentait piégé par les propos qu’il avait prononcés à la DGSI.

Le proc lui demande alors pourquoi on devrait le croire aujourd’hui. B. répond que désormais il n’est plus dans les mêmes conditions, que depuis il a réfléchi, et qu’il est sincère et réfléchi.

Avocat.es

Me Bouillon

Elle lui rappelle qu’en mai 2020 il emprunte 400 euros à F. S’il avait vraiment des doutes sur ses intentions, ne se serait-il pas empressé de le rembourser ? B. répond que si, car dans les mois qui ont suivi il a travaillé et aurait pu le rembourser s’il avait eu un doute.

Me Bonaglia

Pour l’anecdote, il explique que le stand de tir à Parcoul a été achevé par une mauvaise manipulation de drone. 🙂

Il revient sur la vidéo d’extrême-droite vue sur Youtube et évoquée en amont par B., et sur l’issue de la plainte pour avoir tiré sur un mannequin d’un membre de la France insoumise, classée sans suite par le procureur de la République.

Il lui demande s’il connaissait F. au moment de passer son permis de chasse, lorsqu’il a acquis sa carabine et commencé à se rendre au stand de tir, ce à quoi B. répond que non, il ne le connaissait absolument pas.

Me Bonaglia revient sur la fin de la discussion dans le camion (largement citée par la juge et le procureur), lors de laquelle les trois comparses proposent de se prostituer pour gagner l’argent nécessaire à l’acquisition de B.

Puis il pose la question de savoir pourquoi lors de la partie d’airsoft iels n’avaient pas fait deux équipes pour faire une équipe contre l’autre. B. répond qu’iels n’avaient pas d’équipement de sécurité et que c’est probablement pour cette raison qu’iels n’avaient pas fait deux équipes.

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