Le 15 mars prochain, une manifestation est organisée à Toulouse pour dénoncer « le racisme d’Etat et la montée du fascisme » à l’initiative de différent·es militant·es et collectifs de la ville. Publié le 8 mars sur IAATA, un« Appel pour un front uni antifasciste qui prenne en compte la nécessaire lutte contre l’antisémitisme » nous invite à participer à cette manifestation dans un « Bloc antifasciste contre l’antisémitisme ».
À la première lecture, ce texte parait salutaire tant il est nécessaire de lutter contre l’antisémitisme comme contre tous les autres racismes. À raison, il rappelle les spécificités historiques et politiques de l’antisémitisme en France. Mais on est rapidement frappé à la fois par ses manques et surtout par ce qu’il défend et/ou sous-entend en creux, et il faut bien le dire avec une certaine lâcheté tant leurs positions politiques ne sont pas explicitées clairement.
Par exemple, il affirme « qu’un mouvement de gauche doit défendre la paix et la justice, partout dans le Monde ». Derrière un verbiage bien-pensant, la réalité d’un tel positionnement est à mille lieues de ce que la gauche révolutionnaire devrait défendre, c’est-à-dire un anti-impérialisme et un anticolonialisme conséquent. Alors que des peuples entiers sont soumis à des colonisations de peuplement (comme en Palestine, Kanaky, Ile de la Tortue ou au Sahara occidental) et que l’impérialisme déploie sa domination politique, économique et militaire sur les cinq continents, appeler à « la paix et la justice » sans en donner un caractère anticolonialiste et anti-impérialiste, et sans soutenir la résistance des peuples, c’est au mieux de la morale, au pire une défense à peine masquée du statuquo.
De la même manière, le texte poursuit en parlant « des aspirations politiques et sociales de tous les peuples pour aboutir à l’égalité et la sécurité pour toustes ». Mais de quoi parle-t-on ? Par exemple, parler de « l’égalité et la sécurité pour toustes » en Palestine occupée c’est ignorer la réalité : la « sécurité » sioniste dépend du colonialisme de peuplement et de ses mécanismes de domination (comme l’apartheid, le nettoyage ethnique, l’occupation militaire, etc.). L’enjeu n’est pas la sécurité de part et d’autre, mais le démantèlement des structures qui sont à l’origine de l’oppression. En d’autres termes, la destruction d’Israël en tant qu’entité coloniale.
En réalité, ce paragraphe met l’accent autour de concepts comme « la paix », « la justice », « la sécurité » pour ne pas parler de l’enjeu central : l’émancipation passe par la libération du colonialisme et de l’impérialisme. En définitive, le texte défend un positionnement moral qui nous rappelle la position du PCF dans les années 50 durant la guerre d’indépendance en Algérie avec son fameux (et funeste) mot d’ordre « Paix en Algérie ».
L’appel poursuit en invitant « à porter la lutte contre l’antisémitisme au sein de ce mouvement unitaire antifasciste, parce que l’antisémitisme est un racisme systémique qui certes est une des fondations idéologiques de l’extrême-droite, mais qui trouve aussi des relais dans nos rangs à gauche, empêchant ainsi la constitution d’un mouvement réellement émancipateur pour tous·tes. » Si l’antisémitisme est un racisme systémique, il imprègne toute la société et donc évidemment les personnes qui se revendiquent de gauche. Mais dire que des « relais dans nos rangs à gauche » empêchent de porter « la lutte contre l’antisémitisme au sein de ce mouvement unitaire antifasciste » c’est profondément malhonnête.
Ces derniers mois, de nombreuses initiatives ont eu lieu sur la ville pour combattre l’antisémitisme, mais aussi ses vecteurs (comme le philosémitisme d’Etat ou le sionisme – deux propositions qui visent à la séparation et qui sont donc antisémites). En réalité, c’est un désaccord politique qui amène les auteur·es du texte à une telle prise de position mais qu’iels n’explicitent que très peu. Cependant, iels l’illustrent quand iels affirment qu’iels n’en peuvent plus « de ceux et celles qui parlent sans cesse d’ « instrumentalisation » de « l’antisémitisme » sans reconnaître la permanence et la résurgence réelle de l’antisémitisme ». Mais pourquoi opposer les deux et mettre les mots entre guillemets ? Ces procédés n’existent pas ? Ou alors les auteur·s du texte les soutiendraient-ils ? Pour nous, il est évident que combattre l’antisémitisme c’est aussi combattre ses instrumentalisations car ce sont des procédés qui visent à entretenir ce racisme et à semer la confusion sur les moyens pour le combattre. Par exemple, la stratégie portée par les partisans de l’occupation israélienne qui assimile l’antisionisme et l’antisémitisme est un procédé politicien abject qui dévoie la lutte contre l’antisémitisme. En témoigne les exemples associés à la définition de l’antisémitisme de l’IHRA, 7 des 11 exemples parlent d’Israël. Ainsi, les enjeux autour de l’adoption de cette définition visent d’abord à légitimer le projet sioniste en Palestine et criminaliser les voix antisionistes, et non pas de combattre l’antisémitisme. Cet exemple souligne qu’une lutte conséquente contre l’antisémitisme ne peut se faire sans lutter contre ses instrumentalisations, et vice versa.
Enfin, le texte se termine en affirmant des choses qui peuvent paraitre évidentes comme « nous n’acceptons pas que l’on nous impose des conditions pour avoir le droit d’être inclus·es » ou encore « nous rappelons que les personnes juives, tout comme les autres minorités, n’ont aucun gage à donner à qui que ce soit ». Mais encore une fois de quoi parle-t-on ? Les récentes mobilisations féministes du 8 mars et le combat contre la présence d’organisations telles que Némésis ou Nous Vivrons soulignent qu’il ne suffit pas d’être une femme pour être la bienvenue dans une manifestation féministe. De la même manière, il ne suffit pas d’être LGBTI pour être le/la bienvenu·e dans une Pride Radicale. En réalité, les mobilisations se font d’abord autour d’un contenu politique. Et la mobilisation du 15 mars devrait se construire autour d’un rejet clair de l’antisémitisme, comme de tous les racismes, mais aussi du sionisme, du colonialisme et de l’impérialisme.
Des militant·es antisionistes et anti-impérialistes
11 mars 2025
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